par Nocker (Guillaume) » 15 Mai 2011, 18:08
Je vais d'abord expliciter ma procédure dans la construction de ce plateau.
Le niveau 1 semblait devoir être un indice de présence de la menace sans qu'elle intervienne directement. J'ai donc lancé aussi cette piste dans mon plateau, des rumeurs et des signes qui pourraient n'être que des désagréments habituels ou des pics d'activité de la Haie (le Royaume-tampon entre Arcadia et notre monde).
Le niveau 2 parlait de menace peut efficace, et même un Changeling tout seul devait pouvoir s'en tirer. J'ai donc introduit quelques hobgobelins (les créatures ni Vraies Fées ni Changeling, faites entièrement de rêves, mais sans avoir la puissance conceptuelle d'une Vraie Fée, elles sont souvent utilisées par les Vraies Fées pour les bases besognes, dont récupérer des Changelings). Les Loyalistes (les Changelings opportunistes qui ont décidé de servir les Vraies Fées pour ne pas avoir à les craindre, des salauds) étaient de même, des pistes pour montrer la menace sans qu'elle soit vraiment effrayante. Juste inquiétante.
Le niveau 3 semblait empêcher les personnages de sortir tranquillement se balader, et les forcent à se cloitrer ou à rester en groupes. J'ai donc de même augmenté le nombre de hobgobelins et fait penser que la Vraie Fée s'occupait de tout Changeling seul et déséquilibré (la folie offre une faille dans la barrière vers Arcadia que les Vraies Fées s'empressent d'utiliser).
Le niveau 4 était un signe que seule une barrière sérieuse et des troupes entrainées pouvaient protéger de la menace. J'ai de même parlé de "grands rituels" pour évoquer le fait qu'un groupe de Changelings, s'ils n'avaient pas des érudits mystiques avec eux (l'équivalent de soldats pour ce qui est de la défense contre les Vraies Fées), était condamné. C'était renforcé par le fait que les Changelings seuls sont vulnérables. Enfin, la mention de la dangerosité des rêves vient du fait que les Vraies Fées peuvent envahir les rêves pour préparer le terrain psychologique vers un Changeling. Et ça mettait une bonne source de tension s'ils tentaient tous de ne pas dormir ou par tranche de 20 minutes.
Le niveau 5 parlaient de nouvelles choses, qui pouvaient servir de twist ou juste d'outil pour différencier la menace des zombies classiques. J'ai calqué ceci en disant que des hobgobelins différents apparaissaient.
Le niveau 6 parle de fuite obligatoire, et implique que même des soldats ou des barricades sont maintenant inutiles. De même, j'ai fait comprendre qu'à ce niveau, aucun rituel ne pouvait protéger de la Vraie Fée ou de ses agents.
Le niveau 7 évoque des conflits internes chez les humains, un développement plus psychologique en rapport direct avec la menace. Ce que j'ai fait comme équivalent faire référence aux Loyalistes. J'explique qu'il y a un grand nombre de Changeling qui se rangent du côté de la Vraie Fée, donc qui deviennent Loyalistes.
Le niveau 8 parle de toute une classe de la population qui ne peut y échapper, et - second twist - de nouvelles façons pour la menace de s'étendre. De même, je parle d'un classe peu nombreuse de Changelings qui résistent, et j'introduis un nouveau vecteur d'enlèvement par la Vraie Fée.
Enfin, le niveau 9 évoque un effondrement total de la société et une poignée d'humains survivants. Moi j'ai montré la société Changeling, le Domaine, qui était complètement dispersé, et une poignée de Changelings qui en réchappent.
Je vais à présent répondre à Christoph.
J'ai utilisé les cartes personnages telles quelles. En partie par manque de temps de les adapter. Je dirais dans mon rapport comment cela a fonctionné.
La menace (ici la Vraie Fée qui passe la barrière) doit effectivement détruire le monde des Changelings, au final. J'ai voulu que la partie reste locale à un Domaine (l'unité géographique où se base une communauté de Changelings, qu'on appelle aussi le Domaine. Souvent une ville ou un quartier d'une plus grande ville), donc la dernière case fait référence au Domaine, qui n'est plus habitable. L'option de Fuite correspond alors au fait de se trouver un autre Domaine qui accueillerait le personnage. Ca n'est donc pas le monde entier des Changelings qui est menacé, mais la vie entière d'une communauté d'entre eux. (D'autant plus qu'un voyage est dangereux, puisque le Domaine fournit - en temps normal - la protection magique contre les Vraies Fées). Pensez-vous que c'est une faiblesse ?
L'aspect codé en dur est inévitable à toute partie dans un univers aussi riche et autant décrit qu'un univers White Wolf. Mais j'ai tout fait pour laisser des espaces de créativités chers à l'indie et qui fait toujours plaisir aux joueurs.
D'abord voyons ça case par case. La case 2 ne précise pas quel type de hobgobelins, et ces créatures peuvent revêtir autant de formes que les rêves dont ils sont issus (animaux monstrueux, plantes suceuses de sang, bête mythique, lutin apitoyant, nuée, humanoïde fantastique, ange, démon, feu-follet, etc.). Ensuite, la case 4 parle de rituels sans préciser leur nature, coût ou effets. La case 5, comme dans le plateau original, ouvre à de nouvelles choses pour les hobgobelins. Enfin, la case 8 propose de créer une nouvelle façon d'enlever les Changeling.
Ensuite, j'ai bien été clair sur le fait qu'au delà des mes explications préliminaires sur le monde, ils n'avaient pas à se référer à leur connaissance de l'univers ou à moi comme maitre du canon, c'était libre de toute invention. Les univers White Wolf s'appuient sur des légendes communes (ici la féérie tirant vers le cauchemar), donc les utiliser comme graines de départ pour la créativité marche assez bien.
Maintenant, le rapport lui-même.
Jouaient Bertrand, Charlie, Bob1 et Bob2, ainsi que moi. (Pardon aux deux pauvres joueurs dont j'ai oublié le nom). C'était tous des rolistes, et seul Charlie avait goûté, par moi, aux saveurs de l'indie.
J'ai présenté l'univers et les règles (avec une aide de jeu en schéma que j'ai faite. Dites-moi si vous voulez que je la mette à disposition).
On a utilisé les cartes de base pour la génération de perso. J'ai conseillé de tirer une carte de chaque paquet au hasard, tout en insistant sur le fait que s'ils tombaient sur une carte ou une combinaison qui le leur plaisait pas, il avait tout loisir de retirer.
Ca a donc donné :
Moi : (Macho, Faible Volonté, Inutile?) Triple-Fer, un Changeling à l'aspect d'une boie en fer blanc, costaud et peu vif d'esprit. Il a joint la Cour de l'Été (celle des soldats) de par son corps, mais n'a pas la motivation pour faire un héros.
Charlie : (Officier, Caractère, C'est votre faute) Flurry, le sheriff du Domaine. Une sorte de sauterelle humanoïde.
Bertrand : (Dépendant, Compassion, Que se passe-t-il?) Jimmy, un Changeling chétif au plus haut point, à l'esprit aiguisé et qui a joint la Cour de l'Automne, maitresse des arts magiques et dont le Roi était le Roi actuel du Domaine.
Bob1 : (Famille, Problème mentaux, Blessé) David, un Changeling qui a été horriblement torturé et utilisé comme cobaye par sa Vraie Fée, et qui porte de nombreuses cicatrices ou marques. Il avait une glande à adrénaline disproportionné et pouvait ainsi réaliser des exploits physiques. Déprimé de ce qu'il lui était arrivé, il avait rejoint sa famille et s'en occupait du mieux qu'il peut.
Bob2 : Minorité ethnique, Idéologie, Une telle opportunité!) La Bête, un noir américain qui avait été mis en esclavage par sa Vraie Fée, ce qui l'avait transformé en bête sauvage pleine de colère. Des griffes énormes étaient apparues à sa main droite. Il a rejoint la Cour de l'Été et en était un élément des plus efficaces.
Je vais essayer de classer ça par thèmes de réflexions, parce que je me rends compte que je n'ai pas la mémoire pour retranscrire toute la fiction linéairement.
1) les difficultés face à toute cette liberté créative.
Bertrand a été très perturbé par le système. Il a fait plusieurs remarques au cour de la partie sur son incertitude quant à ce qu'il avait le droit de statuer, ou sur le fait que la fiction que l'on créait était bien une histoire et pas un patchwork d'événements. Les autres ont bien été un peu décontenancé au début, mais c'est très vite passé (à la 2e scène, tous sauf Bertrand annonçaient des faits extérieurs à leur personnage, et à la 3-4e scène, tous faisaient parler aussi des PNJs). Quasiment à la fin, Bertrand annonce que pour lui ce n'est pas une histoire, parce que ça change tout le temps. J'interprète ça comme en rapport avec l'habituel suite linéaires de scène dominée par un seul MJ qui donne cette impression de cohérence très forte. Là ça peut être moins évident. Enfin, ni moi ni les autres n'ont ressenti ça (ils m'ont appuyé quand j'ai rétorqué à Bertrand).
1bis) la difficulté à narrer tout ce qu'il se passe quand on prend les droits de narrateurs.
Faire parler des autres PJs semblait vraiment anathème pour eux. Ceux qui avaient les droits de narration l'évitaient autant que possible, et les joueurs qui ne l'avaient pas continuaient comme si de rien n'était à faire réagir leur PJ (parfois pour influencer le PJ vainqueur afin qu'il assouplisse sa victoire). Je pense que c'est un immense monolithe issu de la pratique traditionnelle qu'il est dur de déloger. La partie que j'avais faite avec Daniel et Fabien était à l'opposé, car nous n'hésitions pas, même en dehors des résolution ou cadrage, à faire parler les autres PJs quand on avait une idée stylée.
2) le problème de l'univers des Changelings invisible aux humains
Tout aspect féérique n'est visible que des êtres touchés par la féérie. Donc les particularités surnaturelles des Changelings, les hobgobelins, les portes vers la Haie, etc. ne sont pas visibles (ou au moins pas pour ce qu'elles sont) des humains normaux.
Ca a donné une chose qui m'a un peu géné : des hordes de Hobgobelins envahissent les rues. La cinquantaine de Changelings de Manhattan se terrent dans un hotel qu'ils ont blindé de rituels pour repousser les créatures. Et tout ça, sous les yeux des humains qui ne bronchent pas.
Bon, c'est un peu le principe du Monde des Ténèbres que les humains soient aveugles à tous les trucs fantastiques qui se passent sous leurs yeux. Mais là, le système de Zombie Cinéma pousse à une ambiance virant à l'apocalypse, ou la catastrophe est épique, alors le fait que rien ne fait tiquer les humains était un peu étrange.
Et puis, je dois dire que je voyais la menace des Vraies Fées comme plus subtile qu'une invasion de Loups Monstrueux ou de Crapauds Gigantesques. Plus effrayante, donc. Peut-être que mon plateau ne pousse pas à créer une menace féérique qui sied à ma vision de Changeling the Lost.
3) de la difficulté de trouver une justification au Sacrifice
Par deux fois, un joueur a décidé de sacrifié son personnage et il n'y avait pas de circonstance qui donnait lieu à un sacrifice évident. Une fois pour sauver un personnage dont le pion était rattrapé par le menace, une autre pour que son personnage n'atteigne pas la case Fuite.
Pour l'une de ces deux fois, le joueur a été sérieusement embêté de ne pas trouver une façon de faire que son personnage se sacrifie pour le personnage dont il a remonté le pion dans la situation. Le conflit était clairement sans présence de menace, de danger ou de surnaturel. Il fallait donc introduire tout un pan narratif pour justifier un sacrifice, ce qui sonnait très artificiel. Il a fallu donc qu'un essaim d'oiseaux hobgobelins débarquent par le fenêtre en fonçant vers le personnage et que l'autre saute pour le sauver, se faisant au passage blesser. Mais ces oiseaux n'était pas dans la scène avant ça.
4) la sempiternelle gestion de conflits entre joueurs à un niveau fictionnel
J'aimerais vraiment faire comprendre aux joueurs qu'ils peuvent discuter en revêtant leur casquette de joueur, d'humain, même au milieu d'une partie de JdR. Le coup du MJ qui envoie un éclair mortel sur un PJ dont le joueur est insupportable est un exemple canonique. De même, il est arrivé plusieurs fois à cette partie que des réflexions clairement adressées aux joueurs soient "blanchies" pour être introduites dans la fiction. Par exemple, le cas où un joueur n'avait pas compris la situation et fait dire à son personnage une déclaration que celui-ci n'aurait pas pu faire (vu qu'il ne pouvait se tromper sur ce qu'il avait devant les yeux). Un autre joueur, à travers son personnage, s'est allègrement moqué du PJ, et en lui disant qu'il ne comprenait rien. J'étais un peu vert ! Une simple remarque en tant que joueur aurait suffi à remettre l'autre dans la fiction.
Le meilleur
conseil aux rolistes, par John Wick.