Narrativisme et ludisme aux frontières du JdR

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Narrativisme et ludisme aux frontières du JdR

Message par Antoine » 19 Jan 2009, 15:36

Christoph a écrit :Hello Antoine

Sur demande de Frédéric, c'est moi qui vais te répondre.

La définition de JdR que j'aime le mieux pour des raisons de simplicité et de généralité est celle qui désigne comme jeu de rôle toute activité de groupe où tout le monde participe à la création d'une histoire, en effectuant des choix selon la situation de la fiction.

Avec quelques commentaires pour préciser le sens des mots: histoire désigne juste un enchaînement de situations plus ou moins logique et quand je dis que tout le monde participe à la création, je ne dis pas que tout le monde doit y participer de la même manière ni en quantité égale.

Je suis à peu près sûr que cette définition est trop large et qu'on arrivera à y mettre des jeux de narration collaborative que je ne qualifierais pas de jeux de rôle à proprement parler, mais c'est un début et nous permet de faire la distinction entre jeux de stratégie et jeu de rôle ludiste, jeu de société à narration et jeux de rôle narrativistes.

Pour faire les distinctions que tu recherches, tout se base sur le fait qu'en JdR, on prend nos décisions en fonction de la situation fictive.
Ainsi, dans Warhammer Battle, je prends mes décisions en fonction de la position des troupes sur le champ de bataille ainsi que des leurs caractéristiques. Je me fiche des agréments fictifs que mon adversaire pourrait bien donner, par exemple sur l'expression sur le visage de ses troupes d'élites. Dans D&D, beaucoup de décisions attendent la description du MJ et quand un PNJ est décrit de manière à paraître mystérieux, on va se baser sur son histoire (si on l'a déjà croisé avant), sur un dialogue plus poussé, sur les ordres reçus d'un supérieur, etc. avant de l'attaquer. Il n'est pas toujours clair s'il faut agresser un mec ou non, parce qu'il pourrait devenir un allié précieux ou parce que le MJ propose des avantages plus intéressants (en objets ou xp) si on agresse pas le PNJ louche.

Dans Il était une fois, il est possible, si on est malin, de vider toute sa main en un instant sans laisser le temps aux autres de réagir (ça je le tiens d'un ami, je n'ai jamais vu ça). En effet, il n'est pas vraiment important d'avoir des informations des autres joueurs, tant que l'insertion de nouvelles cartes fait suffisamment de sens. Et justement, on prend les décisions pour faire avancer la fiction en fonction de ce qu'il y a sur nos cartes et peut-être même du nombre de cartes restantes dans les mains des autres joueurs.
La création collective n'est pas clairement nécessaire, là où dans un JdR on voudra au moins quelques descriptions par chaque joueur des actes de son PJ. Et ce sont les cartes qui déterminent essentiellement comment l'histoire se déroule, même si on a une liberté d'adaptation.


Mais ça c'est de la réflexion formelle. Est-ce qu'il t'es vraiment arrivé de jouer à Il était une fois et de penser que c'était un jeu de rôle? Si oui, je serais très intéressé à lire des rapports et de cette partie, et d'une partie de jeu de rôle plus classique.
Idem pour la distinction Warhammer Battle et D&D. J'ai déjà souvent lu des gens émettre des doutes sur la distinction entre ces jeux, mais jamais je n'ai lu de rapport de partie qui étayait clairement ces doutes.


Si tout cela reste flou, je demanderai d'ouvrir de nouveaux fils, parce qu'on ne parle plus du sujet original de Frédéric et que c'est toujours plus efficace de discuter à partir d'une expérience vécue par celui qui pose la question.
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Re: Narrativisme et ludisme aux frontières du JdR

Message par Antoine » 19 Jan 2009, 16:58

La définition de JdR que j'aime le mieux pour des raisons de simplicité et de généralité est celle qui désigne comme jeu de rôle toute activité de groupe où tout le monde participe à la création d'une histoire, en effectuant des choix selon la situation de la fiction.


Ok, je te suis là-dessus avec une précision : disons que les JdR prennent potentiellement en compte tous les éléments de la fiction, alors que les jeux de stratégie ou les jeux de narration vont en exclure a priori (ça serait intéressant de voir lesquels).

Mais ça c'est de la réflexion formelle. Est-ce qu'il t'es vraiment arrivé de jouer à Il était une fois et de penser que c'était un jeu de rôle? Si oui, je serais très intéressé à lire des rapports et de cette partie, et d'une partie de jeu de rôle plus classique.
Idem pour la distinction Warhammer Battle et D&D. J'ai déjà souvent lu des gens émettre des doutes sur la distinction entre ces jeux, mais jamais je n'ai lu de rapport de partie qui étayait clairement ces doutes.


C'est plutôt l'inverse que j'ai pu expérimenter: un "jeu de rôle" (c'était écrit sur la boite) qui se transforme en pratique en jeu de stratégie ou en jeu de narration.

Exemple concret à ADD : nous, vaillants aventuriers, allons courageusement exterminer une bande de maraudeurs gobelins terrorisant la région. Explorant discrètement leur "complexe souterrain", et pas si courageux que ça en fait, nous nous rendons compte que les force en présence sont assez importantes. Nous revenons alors au village pour quémander quelques renforts, et, revenant deux jours plus tard avec trois bouseux armés de fourches, nous trouvons les forces ennemis strictement dans la même position qu'à l'initial. Certes, le gobelin est non-chaland, mais de là à ne pas bouger d'un poil pendant deux jours...
Il s'ensuit, par dépit, une suite de combats dans le plus pur style PMT du même acabit, car le gobelin est non seulement non-chaland mais en plus il attaque à vue quoiqu'on fasse : nulle autre solution pour les courageux aventuriers que de se battre, et pour les joueurs de réussir à tuer les gobelins. Toute autre interaction que celle d'un objet lourd à fort impact était sans effet. Les descriptions sont réduites au minimum syndical: nombre de "créatures", leur équipement, leur trésor. Une sorte de Diablo autour d'une table, sans les monstres qui bougent à l'écran.

Pour ce qui est d'un narrativisme forcené, disons que ça relève plutôt de l'llusionisme : un MJ de Maléfices qui écrit son scénario comme un roman, en ayant prévu toutes les réactions des personnages à l'avance: en mettant une place une situation où ,en fait de choix, il n'y a qu'une solution "raisonnable". Et si un joueur ne l'est pas (raisonnable), il est gentiment remis en place en disant que "son personnage ne ferait pas cela). Cela pouvait donner d'excellents moment de climax, dans la mesure où le meneur savait jouer du suspens, du timing et des informations distillées qu'il contrôlait totalement. Par exmple, en masquant complètement le comportement d'un PNJ qui aurait pu paraître suspect aux yeux des PJ, pour le dévoiler comme étant le méchant traître à la fin.
(Ou cela relève-t-il d'un simulationnisme extrême, du style "tout est écrit et nos comportements suivent une chaîne déterministe des causes et de conséquences" ? )
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Message par Christoph » 21 Jan 2009, 00:09

Salut Antoine

Bon point de départ pour la discussion! Désolé pour le temps que ça m'a mis de répondre.

Je crois qu'on est d'accord sur une chose au moins: les deux parties que tu décris n'avaient de rôliste que la désignation "JdR".


Pour la petite histoire théorique, l'illusionisme est en général plutôt une tentative maladroite d'obtenir du simulationnisme, probablement axé sur l'univers, la couleur ou la situation (ce qu'on appelle volontiers "l'ambiance" étant je pense souvent un mix de ces trois éléments) plutôt que les personnages. Avec le risque que si l'apport créatif des joueurs devient nul, on est dans le domaine du conte immersif (qui peut aussi être très intéressant, évidemment) et non du jeu de rôle. Ça pourrait recouvrir la pratique du MJ de Maléfices que tu décris.

J'aimerais aussi revenir à ta précision sur la définition que je propose. Je n'ai pas dit qu'on devait se baser sur tous les éléments de la fiction pour prendre une décision, ceci étant pour ainsi dire impossible vu la quantité d'informations, mais aussi les petites absurdités qui s'y glissent et qu'on "édite" en les oubliant convenablement. En revanche, si la situation de la fiction n'est pas ce qui motive les décisions des joueurs, alors on sort à coup sûr du jeu de rôle. Je n'exclus pas par là les réflexions du type "ah, maintenant qu'on sait que untel est le méchant, mais mon personnage ne le sait pas, je vais quand même exprès tenter de l'aborder, pour le quiproquo". Là on pourrait dire que c'est le joueur qui prend la décision pour des raisons en-dehors de la fiction (il joue), mais à mon sens, ceci est une application très intéressante de la fiction pour le côté "spectateur" que chaque rôliste endosse en jouant.


Voilà, est-ce que cela répond à ta question?
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Message par Antoine » 21 Jan 2009, 02:00

Christoph a écrit :J'aimerais aussi revenir à ta précision sur la définition que je propose. Je n'ai pas dit qu'on devait se baser sur tous les éléments de la fiction pour prendre une décision, ceci étant pour ainsi dire impossible vu la quantité d'informations, mais aussi les petites absurdités qui s'y glissent et qu'on "édite" en les oubliant convenablement. En revanche, si la situation de la fiction n'est pas ce qui motive les décisions des joueurs, alors on sort à coup sûr du jeu de rôle. Je n'exclus pas par là les réflexions du type "ah, maintenant qu'on sait que untel est le méchant, mais mon personnage ne le sait pas, je vais quand même exprès tenter de l'aborder, pour le quiproquo". Là on pourrait dire que c'est le joueur qui prend la décision pour des raisons en-dehors de la fiction (il joue), mais à mon sens, ceci est une application très intéressante de la fiction pour le côté "spectateur" que chaque rôliste endosse en jouant.


Nous sommes bien d'accord. Toutes les actions des joueurs n'ont pas nécessairement comme source la fiction, mais elles doivent rester cohérente avec elle, quitte à expliquer a posteriori les choses si le besoin s'en fait sentir.

Merci!

Antoine.

Voilà, est-ce que cela répond à ta question?
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Message par Frédéric » 21 Jan 2009, 03:14

Antoine a écrit :Pour ce qui est d'un narrativisme forcené, disons que ça relève plutôt de l'llusionisme : un MJ de Maléfices qui écrit son scénario comme un roman, en ayant prévu toutes les réactions des personnages à l'avance: en mettant une place une situation où ,en fait de choix, il n'y a qu'une solution "raisonnable". Et si un joueur ne l'est pas (raisonnable), il est gentiment remis en place en disant que "son personnage ne ferait pas cela). Cela pouvait donner d'excellents moment de climax, dans la mesure où le meneur savait jouer du suspens, du timing et des informations distillées qu'il contrôlait totalement. Par exmple, en masquant complètement le comportement d'un PNJ qui aurait pu paraître suspect aux yeux des PJ, pour le dévoiler comme étant le méchant traître à la fin.
(Ou cela relève-t-il d'un simulationnisme extrême, du style "tout est écrit et nos comportements suivent une chaîne déterministe des causes et de conséquences" ? )


Il est important, je pense, de bien garder à l'esprit qu'il ne peut y avoir de démarche créative s'il n'y a pas création dans la fiction et pendant la partie (sous entendu ce qui est créé avant peut être intéressant, mais ne produit pas de démarche créative, au mieux il la stimule, au pire il la bride) de la part de tous les participants (même si ce n'est pas de la même façon, par exemple différence entre MJ et joueur).

Cette création peut revêtir des formes extrêmement variées.

Donc tes deux exemples n'ont pas de démarche créative.
Dans le premier, j'ai eu l'expérience de ce genre de combats où l'on se contente de dire : "j'attaque"... "je pare" en lançant les dés. J'ai en effet beaucoup de mal à appeler ceci JDR, car tant que personne ne crée dans la fiction et se contente de déclarer l'action par des mécaniques rigides, sans descriptions fictionnelles, ça n'a pas de grande différence avec un jeu de plateau ou de wargame. Ce que tu décris n'est donc pas du ludisme.

Pour le deuxième exemple, ce n'est donc pas du narrativisme, puisque le narrativisme, comme les autres démarches nécessitent que les joueurs créent.
Frédéric
 
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Message par Christoph » 21 Jan 2009, 12:27

Oui Antoine, c'est ainsi que j'entendais le "selon" et ta précision est utile.
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