[S/Lay w/Me] Story Game ou JdR ?

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[S/Lay w/Me] Story Game ou JdR ?

Message par Nocker (Guillaume) » 25 Mai 2011, 13:36

Le titre, provocateur, ne se veut pas témoin d'un de mes questionnements intérieurs (oh que non !), mais une référence aux débats sans fin que la présentation d'un jeu indie déclenche sur la plupart des forums, et surtout c'est un clin d’œil à l'interrogation principale que moi et mon partenaire avons eu en parlant après coup de notre partie.

J'ai lancé une petite partie de S/Lay w/Me sur le pouce, dans un café de l'Epitanime (super convention parisienne, mais pas du tout de JdR), avec un ami pas vu depuis longtemps, Aurélien, qui n'est pas un grand pratiquant de JdR, mais qui en a fait quelques parties dans ses années fac. J'ai fait Moi (le "MJ") et il a fait Toi (le "Joueur").

Il a choisi "Je suis sage et respecté des hommes, mais j'ai offensé les dieux en bravant mon destin" (il m'a avoué plus tard qu'il avait simplement pris le concept d'Ulysse, ici), auquel il a ajouté "Vieux, marqué, réfléchi, cheveux blancs, barbe, encore vif"

Il a choisi "Le désert d'Igai, qui n'a pas de centre" et comme but "Sortir du désert malgré la malédiction des dieux"

Introduction
Je présente donc une oasis, et une petite ferme avec son fermier local, que viennent visiter deux bédouins fortement armés.
Il ajoute que les deux hommes sont en train d'interroger le fermier à propos d'un certain nouveau venu, et après les dénégations de celui-ci, s'énervent en pointant du doigt un objet brillant qui dépasse du sable, qui semble contredire ce que le fermier niait.
Il s'introduit alors en disant que le vieil homme (son PJ) arrive chancelant, rongé par le soleil et la soif, à l'oasis. Les bédouins le cueillent, et le confient au fermier, en précisant qu'ils l'interrogeront lorsqu'il sera remis et hydraté.

Première scène
Je décris la fille du fermier, qui se présente comme Myena, une ravissante femme qui s'occupe de l'éponger et de le faire boire. Il ajoute qu'elle a un tatouage formant un dessin particulier, dont je ne me souviens plus l'image, appelons-le le Motif (puisqu'il y sera fait référence plus tard). Il la questionne sur ce tatouage, et elle lui explique que le fermier l'a trouvé bébé en plein milieu de cette oasis, et qu'elle avait déjà cette marque (c'était ma façon de faire que l'Amante était intrinsèquement liée au lieu).

Les bédouins l'interrogent, mais la barrière du langage semble rendre difficile la discussion, et il introduit l'idée que son personnage s'est écrasé dans le désert en avion. Je hausse un sourcil, mais sans plus, l'idée me parait étrange sans être aberrante, puisque rien ne pousse à faire du strict sword & sorcery avec ce jeu. Il joue les deux gardes, parlant entre eux leur langue et discutant du fait que c'est probablement l'élu, et que si c'est le cas, il ne faut pas lui venir en aide, puisque la prophétie explique que ses compagnons seront maudits. Les bédouins quittent donc l'oasis. A mon tour, et je fais intervenir Myena qui, cachée derrière un arbre, a tout entendu de l'interrogatoire et surtout de la discussion ultérieure entre les deux hommes, qu'elle lui rapporte. Elle lui dit alors qu'elle a un dromadaire, et qu'elle peut l'accompagner voir quelqu'un qui saura le faire sortir de ce désert.

Deuxième scène
Pendant le voyage, je sors ma carte spéciale : le Monstre. Je décris donc une attaque par un scorpion géant à tête de vieille femme, accompagné d'une myriade de scorpion de taille canine. Le monstre tue le dromadaire, et enferme les deux créatures sous ses pinces, les mettant clairement en menace de mort.
Il ajoute alors, lors de son tour, que le monstre lui parle dans sa tête en des termes proches de ceux-ci :
« Aries, tes dieux ne t'ont pas pardonné la traitrise que tu as faite, et la souffrance que tu leur a infligé, alors pour que toi aussi tu connaisse la douleur, tu as trois jours avant que cette femme ne meurt. » ce sur quoi il injecte avec son dard un poison à Myena. « Et soyez heureux d'être les seuls à avoir rencontrer Shamlani et à vous en sortir vivants »
Un peu déboussolé mais pas insatisfait par cette dynamique qu'il suit d'introduire sa propre adversité, je continue.
Le Monstre s'éloigne et les deux protagonistes s'en vont ensemble, Aries portant Myena qui souffre d'une forte fièvre. Lors d'un arrêt pour la nuit, la femme tente de se tuer pour permettre à Aries de poursuivre son chemin sans fardeau. Il l'en empêche, et lui jure qu'il l’emmènera avec lui quand il partira.
Puis, marchant, il trébuchent sur une arrête, et se retrouve sur le parvis d'un temple bien ancien, et oublié. Un homme a tête de hibou apparait, et Aries reconnait le dieu de la connaissance. Celui-ci lui autorise une question. Aries, plutôt que de choisir le moyen d'accomplir son but, demande comment soigner Myena. J'ai été fortement touché par cette décision, d'autant plus que je n'y attendais pas alors qu'elle s'est parfaitement bien imbriqué dans la fiction. C'est une caractéristique que je rencontre souvent dans les moments que j'apprécie en JdR : on est surpris par à quel point c'est approprié.
Le dieu répond qu'il faudra utiliser la glande anti-poison du scorpion. Mais alors, Aries pose une deuxième question : "Comment sortir de ce désert ?" Ce à quoi le dieu répond qu'il n'avait droit qu'à une question, mais que s'il lui rend un petit service, il pourra consentir à répondre. Il dit avoir besoin de sa rose des sables, qui est au fond de son temple.
Aries laisse alors Myena sur le seuil et s'engouffre dans les ruines souterraines.

Troisième scène
Il parcourt de longe couloirs, descends d'innombrables escaliers, et s'enfonce dans les entrailles du temple. Soudain, en plein milieu d'une immense salle, il se fait encercler par la myriade de mini-scorpions (mini, façon de parler). Revoilà ma carte spéciale, héhé.
Je sais plus exactement comment il s'en sort, mais il continue sa route. C'est alors qu'il tombe sur une silhouette encapuchonnée au détour d'un couloir (c'est lui qui l'introduit). J'enchaine en disant que c'est un enfant-scorpion et qu'il se transforme prestement en arachnide venimeux pour lui sauter dessus. Pareil, je sais plus comment il s'en sort, mais je sais que ça termine en discussion entre la gamine (remis en forme humaine) et lui. Aurélien précise qu'un tatouage, celui du Motif, se trouve sur son épaule. Au cours de la conversation, il lui apprend qu'il veut sauver Myena et je narre alors qu'elle révèle être la soeur de Myena, qu'on les a séparé à la naissance et qu'elle se nomme Myesha (un mix de Myena et Shamlani). Non seulement cette idée était géniale, mais en plus elle n'est pas de moi, puisqu'en en parlant après la partie, il m'a dit que c'était exactement son idée quand il a introduit le tatouage identique. C'est donc lui qui m'a influencé sans que je le vois pour que je narre son idée. Brillant !
Sa nouvelle amie emmène Aries dans sa cache personnelle, une chambre pleine de bric et de broc, avec en son centre, une cage de verre qui renferme trois fleurs. Je fais dire à Myesha "La rose des sables que tu cherches est cachée dans cette pièce, si tu la trouves, elle est à toi". Je comptais, par cette narration, lancer l'idée que la solution évidente n'était pas la bonne et que les trois fleurs étaient là pour tromper les imbéciles (un peu comme les coupes dans Indiana Jones à la quête du Graal). Mais il n'a pas mordu à l'hameçon et a choisis de faire que la rose sous verre était la bonne.
Le dieu le remercie, et lui explique que pour sortir du désert, il faudra trouver son centre (rappelez-vous, c'est le désert d'Igai qui n'a pas de centre) et que Shamlani sera sur son chemin.

Quatrième scène
Repartis sur les dunes, les deux héros marchent péniblement vers une montagne que Aries sait indiquer le centre. En plein midi, une tempête de sable de déclare et ils sont obligés de s'arrêter, puis Myesha apparait, et creuse sous eux pour leur permettre d'être à l'abri. Puis des myriades de mini-scorpions creusent ensemble en ligne droite vers le centre du désert. Il suit alors le chemin offert, et arrive à ce qui semble être le centre.

Cinquième et dernière scène
Il comprend alors que le centre du désert est vers le bas, pas à la surface. Il descend alors des escaliers et tombe, avec Myena, dans une salle triangulaire avec des feux de joie aux trois coins et une arche bouchée par le sable sur un des murs. L'arche est gardée par Shamlani, en personne. Elle fonce sur eux, et accule Aries contre un des feux (c'est lui qui l'a narré). Aries s'empare alors d'un brandon enflammé et s'élance vers elle, lui brûlant un oeil. Il profite alors du répit pour récupérer Myena et fonce sous les pattes du Monstre, seul endroit que ses pinces et sa queue ne peuvent atteindre. Le monstre furieux, frappe le sol avec ses appendices gargantuesques, faisant tomber du plafond des blocs de sable et rendant ainsi la sortie des deux humains fatale.
(C'est là que j'ai lancé mon quatrième dé, et le Monstre avait une valeur de 4, donc l'Apogée a débuté :
Il a choisit de sauver Myena, que le monstre survive, qu'Aries est blessé gravement et qu'il réussit à sortir du désert)
Aries dégaine son couteau, tranche le ventre du Monstre, et extrait la glande qui guérira Myena. Il s'avance vers l'arche, profitant de la douleur du monstre qui ne frappe plus le sol et que l'arche est maintenant dégagé, avec les tremblements précédents. Sur ce chemin, il se fait lacérer l'abdomen par une des pinces, mais arrive à l'arche, la sortie du désert.
Aurélien narre alors que Myena refuse de le suivre, expliquant qu'elle ne peut partir et que ce désert est sa maison.
Je rétorque alors que s'il narre ça, il est difficile de respecter sa décision de sauver Myena, car le Monstre est toujours à l'entrée à attendre. Il revient alors sur sa décision et narre une happy end où Myena part avec Aries, vers chez lui.
Il m'a dit plus tard qu'il comptait faire de Shamlani la troisième soeur de la fratrie Myena-Myesha, et que cela aurait justifié le fait qu'elle repart dans son monde. Je ne sais pas pourquoi il ne l'a pas tout simplement narré, j'aurais trouvé la fin très bien aussi.



La narration hyper-souple
Sa première réaction à la fin de la partie a été "Ah, c'est un bon petit storytelling game", ce par quoi j'ai compris qu'il tentait de faire une opposition avec Jeu de Rôle. Je lui ai donc expliquer en détail les commentaires dans les règles qui opposent Narration Serrée et Narration Souple, en affirmant que nous avions donc plutôt fait une Narration Hyper Souple, mais que rien ne nous y obligeait. S'il s'en était tenu aux actions et réactions d'Aries, c'eut été une Narration Serrée et il n'aurait sûrement pas appelé ça un storytelling game, mais un JdR. Rien dans les règles ne l'incitait à raconter autant de choses sur le contexte, à introduire et à faire parler les PNJs, à fournir l'adversité à Aries. C'est juste qu'il en avait le droit. Et ça a suffit pour qu'il le fasse. Après réflexion, je ne sais pas si ça a été une mauvaise chose, parce qu'on s'est quand même retrouvé parfois à ce que je narre les actions d'Aries pour se sortir du merdier dans lequel Aurélien l'avait mis. Mais j'ai apprécié cette partie, mis à part une petite voix lancinante dans ma tête qui me susurrait qu'on ne respectait pas les règles. Qu'en pensez-vous ?

Les relations personnelles plutôt que circonstancielles
C'est Aurélien qui m'a dit qu'il avait cherché à tout instant à introduire des relations personnelles plutôt que des relations circonstancielles. Il m'expliqua que c'était la différence entre un film d'action ou une série B, et un roman d'aventure romantique, ou un conte. Et je dois dire que j'étais très satisfait de toutes les relations qu'il a introduit (car c'est lui l'auteur de chacune d'entre elles) :
Aries <-> le désert et son peuple (il est l'élu)
Myena <-> Myesha (soeurs séparées à la naissance)
Aries <-> Shamlani (vient se venger d'un mal fait aux dieux)

A l'opposé, moi je n'ai introduit que la relation avec le dieu de la connaissance, qui était purement circonstancielle : il a trébuché sur une arrête du temple. Et clairement, ça n'a pas ajouté au drame de l'histoire (contrairement à son temple, du fait qu'il renfermait Myesha).
Le meilleur conseil aux rolistes, par John Wick.
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Re: [S/Lay w/Me] Story Game ou JdR ?

Message par Frédéric » 25 Mai 2011, 14:34

Salut Guillaume !
Excellent rapport de partie !

Je trouve votre histoire excellente, c'est du très bon S/lay w/me de ce que je peux en connaître.
Je ne connais pas très bien le jeu, je n'y ai joué qu'une fois et j'ai lu les règles, mais je n'en ai pas encore bien saisi la cohérence interne, donc j'aurais du mal à répondre à tes interrogations, je laisse d'autres le faire.

Néanmoins, je voulais dire que je suis très enthousiasmé par cela :
La narration hyper-souple
Sa première réaction à la fin de la partie a été "Ah, c'est un bon petit storytelling game", ce par quoi j'ai compris qu'il tentait de faire une opposition avec Jeu de Rôle. Je lui ai donc expliquer en détail les commentaires dans les règles qui opposent Narration Serrée et Narration Souple, en affirmant que nous avions donc plutôt fait une Narration Hyper Souple, mais que rien ne nous y obligeait. S'il s'en était tenu aux actions et réactions d'Aries, c'eut été une Narration Serrée et il n'aurait sûrement pas appelé ça un storytelling game, mais un JdR. Rien dans les règles ne l'incitait à raconter autant de choses sur le contexte, à introduire et à faire parler les PNJs, à fournir l'adversité à Aries. C'est juste qu'il en avait le droit.

Et ça répond d'ailleurs très bien à la question soulevée lors de ton sujet sur Zombie CInema et j'adhère vraiment à ta présente analyse et aux conséquences que tu en tire !
Cela fait un moment que je peste à ce sujet et de suis donc content que tu le mettes sur le tapis et j'en profite pour manifester mon approbation. :)

***

Je suis également tout à fait d'accord avec Aurélien sur la distinction entre les deux types de relations, sans forcément tenir compte des termes employés, mais sur le fait que le type de relation (voire même le type de révélations) induit une importance de celles-ci dans la fiction. C'est d'ailleurs exactement pour cela que j'ai fait en sorte que dans Démiurges, les joueurs peuvent créer des PNJ à leur guise s'ils en font une relation avec leur PJ (sinon ils n'ont pas le droit de les créer). C'est pour leur permettre d'avancer à leur guise dans l'histoire grâce à ces relations, tout en leur donnant une vraie importance pour les joueurs et pour l'histoire.
Polaris (Indé) fait cela très bien d'ailleurs. Même s'il n'interdit pas de faire survenir des personnages de manière circonstancielle, il met en avant dès le départ les relations comme étant très importantes pour le jeu.
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Re: [S/Lay w/Me] Story Game ou JdR ?

Message par Footbridge » 01 Juin 2011, 03:49

Je suis d'accord avec vous deux sur l'analyse effectivvement. Avec des regles laissant moins de liberte descriptive au joueur il aurait tout simplement dit : "c'est un bon jdr".

Donc a partir de la effectivement, la distinction parait a priori superflue. C'est bien pour ca, au passage que je revendique NEw Heaven comme un jeu de role et tous les joueurs qui s'y sont essaye m'ont dit "c'est un jeu de role".

Sinon bon comte rendu de partie. Ca me donne envie d'essayer ce jeu dis donc...
Footbridge

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Re: [S/Lay w/Me] Story Game ou JdR ?

Message par Nocker (Guillaume) » 02 Juin 2011, 00:54

Footbridge a écrit :Avec des regles laissant moins de liberte descriptive au joueur il aurait tout simplement dit : "c'est un bon jdr".

En fait, ce que je disais surtout, c'est que s'il avait choisit (sans contraintes) de jouer plus proche de son personnage, il aurait appelé ça un JdR. C'est important parce que ce jeu prend le parti de laisser ce paramètre libre et modulable, donc les différents styles de répartition s'y retrouvent, mais créent des parties différentes. Ici, c'est le choix même d'Aurélien d'embrasser cette liberté (peut-être parce que, étant rare dans les jeux classiques, il a voulu tester ce qu'elle permettait) qui a produit son impression de storytelling game. C'est drôle, quand même, tous ces joueurs traditionnels qui s'emparent de la liberté créatrice comme si ils la désiraient et qu'ils étaient en manque ;-)
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Re: [S/Lay w/Me] Story Game ou JdR ?

Message par Florian » 04 Juin 2011, 15:35

Sympathique rapport de partie, c'est agréable à lire et ça donne envie d'essayer ce jeu. Je trouve intéressant ce concept de Moi et Toi.
L'ombre du passé: JdR épique
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