Bonjour a tous.
J'ai enfin pu tester Monostatos le weekend dernier et bien que j'ai trouvé l'exercice périlleux il m'a laissé avec beaucoup à penser.
Les conditions :
D'un coté moi-même, Jonathan, à qui il tardait d'avoir une occasion de tester le jeu ; de l'autre mon cousin Stéphane que j'ai réussi à convaincre de tester un style de jeu différent de celui que nous faisons d'habitude. Je précise que nous sommes tous les deux habitués des jeux de rôle traditionnels et que je n'ai, hélas, qu'une partie de jeu à narration partagée à mon actif.
Après une bonne heure et demi de présentation du jeu et de son système nous passons bien une heure à créer le personnage puis je choisi le lieu. Je décrirai d'abord le personnage puis la partie en respectant de mon mieux le découpage des tableaux avant d'énoncer mes remarques et questions point par point.
Le Personnage :
Kainios, jeune maitre d'armes héritier d'une famille d'opposants politiques au culte de Monostatos.
Souffrance : Le culte à détruit ma famille pour des divergences politiques.
Vertu : Je défend le libre arbitre, car le destin de chacun ne doit pas être gravé dans le marbre à sa naissance.
Singularité Surhumaine : Je peux voir les faiblesses de toutes choses, êtres, structures, convictions, et frappe toujours à l'endroit le plus vulnérable.
Singularité : Je maitrise parfaitement toutes sortes de techniques de combat.
Singularité : Mon comportement exemplaire et mes actions contre l'injustice poussent les gens à la réflexion et éveille en eux le désir de liberté.
Le lieu :
Je décide que nous jouerons sur le chantier de la tour sans fin car je pense que la condition des ouvriers dévoués à ce chantier insensé sera propice à éveiller la révolte du personnage de Stéphane.
Objectif :
Faire se terminer le chantier de la tour, avec caché derrière l'envie que les ouvriers puissent décider par eux-mêmes de quoi faire de leur vie ensuite.
La partie :
- [Moi] : Je décris d'abord à Stéphane comment son personnage voyage vers la tour en compagnie d'une caravane de ravitaillement. Je lui décris la caravane, les hommes peinant sous leur charge… Ils traversent le désert, la silhouette de la tour se découpe à l'horizon sur le ciel plombé. Alors qu'ils progressent, ils sont entourés de brumes de chaleur qui rendent le paysage bordant la route mouvant et peuplé de silhouettes inquiétantes. Une étrange musique emplit l'air. Les caravaniers lèvent des visages inquiets vers les étendues désertiques mais un prêtre étend les bras d'un geste protecteur et les encourage à continuer. Au fur et à mesure qu'ils approchent de la tour les mirages se dissipent. Laissant place au chantier et à la ville de tentes qui s'étend autour.
Je m'accorde 4 points de puissance pour la description de la menace du désert.
- [Stéphane] me décrit comment il visite le chantier et s'attarde pour parler aux ouvriers, il les interroge sur leurs conditions de travail et leur vie, leur apporte de l'eau. Il parle en particulier à un jeune homme et lui demande s'il n'aimerai pas pouvoir changer de vie, choisir son destin, peut être partir avec une caravane. L'homme lui répond surtout par l'apathie collective qui règne sur les ouvriers du chantier mais reste interloqué par les questions de notre héros.
Je dit à Stéphane qu'a mon avis il a bien mis en avant la vertu de son personnage et qu'il gagne 2 points de puissance, plus 1 pour l'insistance qu'il a mis sur les souffrances des ouvriers.
- [S] continue d'arpenter le chantier et va discuter avec un prêtre de la secte du verre occupé à mesurer et à noter l'avancement des travaux. Il l'interroge sur le but de la construction de la tour, quand les travaux seront-ils finis. Il lui parle des conditions de vie des ouvriers qui naissent et meurent sur un chantier apparemment sans fin et tente de le convaincre qu'il est peut être temps de déclarer la tour achevée et de passer à autre chose.
Nous jouons le conflit qu'il remporte, il utilise immédiatement ses deux points de désir pour faire du prêtre un allié et avancer vers son objectif, le prêtre va parler à ses confrères des conditions de vie des ouvriers et faire de son mieux pour améliorer les choses.
- [M] Je décris à présent comment, le soir venu, des caravaniers invite Kainios à le rejoindre avec les ouvriers chez les prêtres de la secte de l'éther. Il les suit jusqu'à un groupement de tentes bariolées d’où filtre une musique entrainante. Sous la tente, les ouvriers mangent et boivent une bière très forte qui les enivre rapidement, d'autres fument de l'herbe dans un coin ou se prélassent dans les bras de jeunes femmes légèrement vêtues au milieu de parfums délicats. Un prêtre vêtu de façon exubérante donne le ton et enchaine les libations à la gloire de Monostatos tandis que ses collègues veillent à ce qu'aucune coupe ne soit vide. Je décris comment le prêtre vante la gloire du dieu de l'humanité, qui chérit si bien ses fidèles après une dure journée de labeur, et est rejoint par de nombreux ouvriers qui se joignent à ses louanges.
Les habitants du lieu louent Monostatos et se réjouissent de sa domination, 4 points de puissance pour moi.
- [S] souhaite réagir directement à ces effusions et il porte un toast "aux esclavagistes, aux oppresseurs et à tous ceux qui condamnent l'humanité à une courte vie de servitude", défiant la salle du regard. Le silence se fait dans la tente, mais le prêtre de la secte de l'éther réplique par une pirouette ironique et la fête reprend comme si de rien n'était. Stéphane précise que quelques ouvriers quittent tout de même les lieux discrètement, l'air songeur.
Je ne me souviens plus si Stéphane à récupéré des points pour sa vertu à ce moment, ou simplement pour (à nouveau) avoir décrit les souffrances des habitants.
- [S] Dans la même soirée, Kainios va parler à nouveau avec le jeune ouvrier de la journée précédente. Il essaie de le remuer, de le faire réfléchir à sa condition, il lui parle de son père qui est mort sur ce chantier, et de son fils qui y mourra probablement aussi sans avoir rien connu d'autre de sa vie.
Je trouve à ce moment les arguments et l'interprétation de Stéphane touchante et concède immédiatement l'affrontement.
Le jeune ouvrier (que nous appelons Knoum), décide que cette situation à trop durée et jette sa bière à terre avant de sortir de la tente. Stéphane dépense à nouveau ses deux points de désir immédiatement pour faire du jeune homme un allié et considérer qu'il avance dans on objectif en enjoignant Knoum de convaincre un maximum d'ouvriers de ne pas se rendre au chantier le lendemain, de simplement se reposer et passer du temps avec leurs familles.
- [M] Je décide que ces événements ne peuvent pas passer longtemps inaperçus et alors que la matinée du lendemain avance les prêtres semblent inquiets et agités, se demandant ce qui a bien pu arriver à leurs ouvriers. Des prêtres de la secte du fer font une descente sur les quartiers d'habitation et malmènent les ouvriers, menaçant les familles.
Pas très subtil je l'avoue, mais je m'accorde tout de même des points de puissance, considérant ces exactions assez proche de la souffrance du personnage.
- [S] réagit immédiatement et je préfère lui passer la main. Il exhorte le prêtre de la secte du marbre de revenir à la raison. Il en appelle aux bons sentiments des prêtres et à leur morale, arguant qu'un dieu qui prétend vouloir le bien de l'humanité ne peut pas traiter ses fidèles aussi cruellement.
Je manque d'imagination et de motivation pour une nouvelle joute verbale, mon prêtre du marbre perd patience et ordonne qu'on se saisisse de ce fauteur de troubles. Nouvel affrontement
Des prêtres de la secte du fer le saisissent fermement mais sans le blesser. Curieusement, alors que je m'attendais à une résistance physique, Kainios continue d'essayer de raisonner ses opposants. Le prêtre de la secte du marbre lève alors une main ridée et en appelle au dieu de l'humanité de faire taire celui qui met en péril l'harmonie de ses plans et Kainios se retrouve bâillonné par un sceau de marbre. Il décide de concéder et se retrouve mis au pilori, à l'écart du chantier.
- [S] Moment de flottement concernant la suite des opérations, Stéphane se sent frustré de l'échec du conflit et peine à trouver comment se sortir de cette situation. Je lui suggère de faire intervenir un allié, il persiste dans sa voie de tenter de convaincre le prêtre qui le garde qu'il se trompe d'ennemi. Je lui fait remarquer qu'il manque de points de puissance pour entamer un nouveau conflit et lui suggère (comme j'ai du lui rappeler souvent au cours de la partie) d'utiliser sa scène pour en gagner. Il répugne à évoquer la souffrance de son personnage et tente de manière hésitante d'exposer sa vertu au prêtre.
Je ne suis pas convaincu mais estime que je ne peux pas lui refuser ses points de puissance, il entame sur sa lancée un conflit pour convaincre le prêtre de le libérer et de se battre pour défendre les ouvriers. Il me souligne son désir de trouver une issue non violente à l'histoire. Il met en avant la façon dont il s'est comporté avec tous, invoquant sa singularité et je concède assez rapidement.
A nouveau il utilise ses points de désir pour faire du prêtre son allié et avancer dans son objectif.
Avec ses trois alliés dans trois branches importantes du chantier et ses trois points dépensés dans l'objectif, Stéphane raconte comment le chantier est sapé de l'intérieur par les ouvriers qui refusent de continuer à travailler. Certains prêtres de la secte du verre et de la secte du fer les soutiennent et refusent de perpétuer une œuvre qui cause plus de souffrance que de bien. Devant cette pression les prêtres de la secte du marbre n'ont plus qu'a se draper dans leur dignité et concéder la fin de ce chantier, mais il n'oublieront pas facilement le jeune agitateur public. Stéphane décrit comment chacun part essayer de trouver une vie qui lui est sienne, participant à nettoyer les oasis polluées par exemple, libres mêmes de servir Monostatos tant que c'est par choix. Je conclue sur l'image de la tour sans fin et inachevée qui se dresse toujours aussi insensée au milieu du désert mais désormais seule et silencieuse, vide, dans la poussière.
Précisions :
L'ambiance autour de la table, il faut le préciser, n'était pas idéale. Il y a eu beaucoup d'hésitation des deux cotés et beaucoup d'incompréhensions fondamentales : des choses qui à moi me semblaient logiques ne l'étaient pas pour lui comme nous le verrons plus loin (alors que, je dois le préciser, nous faisons du jdr ensemble depuis 15 ans).
Je dois dire également que nous avions deux attitudes fondamentalement différentes envers la partie et le jeu : moi, inexpérimenté mais déjà convaincu ou en tout cas mu par un a priori positif ; et de l'autre Stéphane, ne cachant pas son scepticisme parfois, digressant vers l'humour souvent.
Sur ces points je plaide coupable, j'avais tellement envie de jouer à Monostatos et mes options pour jouer à du jdr étant tellement limitées en ce moment que j'ai profité d'un vide d'activité (on fait quoi ce weekend ?) pour proposer une partie à quelqu'un qui, je le savais, serait difficile à séduire.
Vous verrez que mes commentaires ne peuvent se détacher totalement de cet aspect "ce qui pose problèmes aux joueurs traditionnels dans les jeux à narration partagée".
Il a néanmoins joué le jeu et y a pris, de son propre aveu, du plaisir. Il n'a pas éliminé l'option de rejouer à Monostatos ou a des jeux à narration partagée.
Précision supplémentaire : pour les issues des affrontement et les affaiblissements, j'ai utilisé les règles de base plutôt que la variante proposées par Fabien (affaiblissement automatique en cas d'échec de l'affrontement). Je la trouvais trop dure, surtout à deux joueurs (et esthétiquement j'aimais l'idée d'un affaiblissement subit par hubris, par orgueil) mais a l'issue de cette partie je pense que je me trompais.