Zéro Intermédiaire

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Zéro Intermédiaire

Message par Thomas Munier » 20 Juin 2013, 18:53

Après une longue interruption, je reprends ma série d’articles consacrée aux huit zéros, mon modèle de l’indépendance.
J’ai pris du recul par rapport à mon modèle. Il m’est cependant toujours utile. Chacun des huit zéros donne prétexte à débat,matière à régler ma boussole personnelle. Je rappelle que zéro est une abstraction. Ce sont « huit paramètres que je veux tendre vers zéro », pas « huit zéros absolus ». Comme tout modèle, les huit zéros ne peuvent exister de façon parfaite dans la nature.

« Zéro intermédiaire » est l’idée qui m’a fait entrer dans l’indépendance. Si je voulais voir mes projets de publication aboutir, si je voulais en tirer un revenu, je devais me passer d’intermédiaire.

Les intermédiaires peuvent être de toutes sortes. Tous ont quelque chose à apporter. Pour un jeu de rôle, encore plus qu’un roman, on peut en recenser un grand nombre :
+ playtesteurs
+ relecteurs
+ illustrateurs
+ maquettistes
+ créateurs de licence
+ auteurs de système
+ écrivains
+ éditeurs
+ imprimeurs
+ (dans le cas d'impression à la demande, rajouter les frais banquaires et les 20% de commission de Lulu, y compris sur les pdf)
+ distributeurs
+ boutiques
+ sites internet, blogs, forums
+ magazines
+ meneurs en convention

J’en oublie sans doute. Je vous invite à compléter la liste. J’en omets également certains. Je les évoquerai plus tard.

Qu’ont en commun tous ces intermédiaires ? Ils sont talentueux, passionnés, investis. Ils vont tous vous aider à finaliser votre jeu et en faire le meilleur de l’année, le plus beau, le plus fourni, le plus connu, le mieux vendu, le plus joué.

Qu’ont-ils d’autre en commun ? Ils vous prennent du temps, de l’argent, de l’énergie. Ils ont chacun une vision différente de ce que votre jeu devrait contenir, ils ont chacun une critique à émettre. Ils ont aussi chacun des défauts. Ils peuvent être lents, idiots, sans expérience, prétentieux, pas fiables, chers, perfectionnistes, bâcleurs, laxistes, pointilleux, à côté de la plaque. Ou juste tellement géniaux qu’ils vont ruiner votre amour-propre et vous faire renoncer à votre projet. Ils sont la garantie que votre jeu ne soit pas fini avant des années. Chacun peut être l’obstacle de trop qui sonnera le glas de votre jeu. Et surtout ils sont la garantie que le jeu vous aura coûté bien plus qu’il ne vous rapportera jamais.

De la conception à mise en vente sur le site d’impression à la demande lulu.com, le jeu qui m’a demandé le moins d’intermédiaire, S’échapper des Faubourgs, m’a pris 16 jours. Les intermédiaires : L’équipe du concours Game Chef, qui m’a fourni des thèmes imposé et une émulation, un playtesteur, 4 relecteurs, 4 jurys, et bien sûr Lulu. Je conçois le système seul, j’écris seul, je maquette seul. Pour les illustrations, je réalise des photomontages à partir d’images sous licence creative commons. Une trentaine de photographes crédités.

Millevaux Sombre : le Livre Source m’a pris 7 ans. Ont participé : Une centaine de playtesteurs, quelques meneurs, une dizaine de relecteurs, un dessinateur, une grosse centaine de photographes sous licence creative commons crédités pour les photomontages, des sites internet, blogs & forums qui ont fait la promotion de l’univers de jeu, des magazines qui vont publier des critiques et des scénarii. Il manque encore des intermédiaires par rapport à la liste exhaustive. Mais ça illustre ce qui se passe quand on s’éloigne du zéro intermédiaire.

Si j’avais rajouté des éditeurs, distributeurs, boutiques et meneurs en convention dans l’équation, je pense qu’on pouvait rajouter 2 ou 3 ans dans la conception du jeu. Et un bénéfice par livre proche de zéro.

Certes, il y a mille façons de nuancer. D’abord, je souhaite remercier toutes les personnes talentueuses et investies qui ont rendu possible le Livre Source de Millevaux Sombre. Je souhaite célébrer l’aventure humaine que cela représente. Ensuite, en raisonnant sur les échelles, on peut supposer que les Faubourgs ne se vendront jamais aussi bien que Millevaux Sombre et que Millevaux Sombre ne se vendra jamais aussi bien que si c’était un supplément édité pour une gamme éditée. Pour Millevaux Sombre, hormis l’impression à la demande, seuls deux intermédiaires sont rémunérés. Johan Scipion, le propriétaire de la marque Sombre et Agénor Le Ruyer, qui a dessiné les personnages du scénario du Livre Source. Cependant, n’y a-t-il pas matière à réflexion ? Quand un jeu comme Polaris de Ben Lehman, au départ réalisé en moins d’un mois pour un concours, par une seule personne, résonne encore des années plus tard, n’est-on pas en droit de se demander si tous ces intermédiaires ne sont pas superflus ? Quand chaque intermédiaire qui se rajoute divise votre bénéfice par deux et multiplie le temps de conception par deux, est-ce que ça n’est pas tentant de s’en passer ?

Je continuerai sans doute de travailler avec des intermédiaires pour certains livres. Ainsi, pour le jeu Marins de Bretagne, je travaille à nouveau avec l’illustrateur Agénor Le Ruyer. Le jeu se compose d’une règle et de six cartes illustrées par des aquarelles d’Agénor. Il touchera une bonne part des revenus car la qualité de ses aquarelles aura un impact direct sur le succès du jeu. Parce que je fonctionne à l’envie, parce que j’ai toujours répondu positivement quand un illustrateur m’a sollicité, parce que je n’ai pas toujours les ressources pour être autonome sur un projet, je continue donc à travailler avec des intermédiaires.

Mais le peu de recul que j’ai m’incite à consacrer encore plus d’énergie à des projets sans intermédiaire. Tels qu’Inflorenza, où le seul intermédiaire rémunéré est l’illustrateur de la couverture. Et là encore, c'est en réponse à la sollicitation de cet illustrateur.

Il reste un intermédiaire de taille que je n’ai pas évoqué : Lulu.com. L’impression à la demande me ponctionne une part phénoménale du prix de vente. Ainsi, S’échapper des Faubourgs, tous frais confondus, va coûter la bagatelle de 14 € 75 à l’acheteur. Au final, je perçois 5.23 € de revenu. Si j’enlève les frais bancaire de conversion dollars, euros, je suis plutôt autour de 4 €, 4.50 €. Tant et si bien que je considère comme envisageable la perspective d’imprimer par mes propres moyens.

Coûteux en argent, coûteux en temps, dangereux pour l’intégrité d’un jeu, voilà ce que sont les intermédiaires. Il n’empêche qu’ils sont un mal nécessaire. Si l’indépendance existe telle qu’elle est définie (un jeu indépendant est un jeu créé sans l’intermédiaire éditeur), l’indépendance totale est un leurre. Il est difficile, sinon impossible, de créer un jeu seul. D’autant plus que j’ai omis de parler de trois derniers, indispensables, précieux intermédiaires : les acheteurs, les lecteurs et les joueurs.

Je ne peux pas atteindre l’indépendance totale car elle est un leurre. Je ne peux pas atteindre le zéro intermédiaire. Si je tente de réduire le nombre d’intermédiaire, je tâche d’accepter l’existence de certains et surtout de la considérer pour ce qu’elle est avant tout : un cadeau que vous font ces gens, cadeau de leurs idées, cadeau de leur temps, cadeau de leur talent. J’évite de penser que ça puisse ou que ça doive être totalement gratuit. Si financièrement çà me coûte, artistiquement c’est un très solide apport. Je vois aussi cela comme un investissement. Un projet à beaucoup d’intermédiaires tels que Millevaux Sombre m’a permis de me faire connaître. Ça rentabilise mes projets à peu d’intermédiaire tels que Musiques Sombres pour Jeux de Rôles Sombres. Mais en tâche de fond, je veille. Je ne renonce pas à participer à un modèle où l’auteur n’est pas uniquement la base d’une chaîne alimentaire et peut espérer tirer profit de son travail malgré des volumes de vente modestes. Et s’il s’avère que ce modèle échoue, il faudra trouver une autre façon de vivre de mon travail que la vente de livres. Ça n’a rien qu’un combat gagné d’avance.

Il reste un dernier intermédiaire à évoquer. Les références. Aucune création ne part de rien. Millevaux Sombre se base sur des milliers de références. En fait, toute cette abondance (multitude des influences, multitude des collaborateurs) m’enthousiasme autant qu’elle me déroute. Les projets plus simples me procurent une bouffée d’oxygène.
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Re: Zéro Intermédiaire

Message par Chemeeze (Adrien) » 24 Juin 2013, 10:58

J'ai quelques questions / remarques

- Tu dis vouloir tendre vers 0 tes intermédiaires. Tu reconnais que le zéro ne sera jamais atteint. Soit. Je comprend l'objectif d'indépendance. Cependant, je ne partage pas du tout ton avis sur certains de ces intermédiaires. Tu fais des amalgames un peu rapides à mon goût. Dire que des relecteurs et testeurs coutent plus qu'ils ne rapportent me fait crisser des dents. Une oeuvre n'a un sens à mon goût que si elle peut être comprise, que si elle est bien présentée (orthographe, clarté, cohérence), que si elle a été maturée. Et sur ce dernier point, rien ne permet plus de maturation que la confrontation à l'autre. Que ce soit un relecteur ou un éditeur. Cet élément est pour moi central, et tu sembles de cet avis lorsque tu dis
Si financièrement çà me coûte, artistiquement c’est un très solide apport.
. Je pense d'ailleurs que tout auteur peut trouver dans son entourage des gens qui reliront gratuitement, genre famille, amis et autres auteurs aux problématiques similaires (cf silentrdrift).
Je n'ai rien lu de toi donc je ne peux pas juger des résultats. Cependant après ce que tu dis je ne peux m'empêcher d'avoir un a priori négatif sur la qualité des productions négligée face à une "urgence" de la partution. Je comprend bien que Millevaux a été beaucoup relu et testé et les échos que j'en ai eu sont tous très bons, mais si ce n'est pas le cas pour le reste ? Un artiste/auteur ne peut pas se permettre selon moi de produire du baclé, la communication est rapide et la mauvaise publicité d'un raté peut être préjudiciable. Est-ce que tu pourrais revenir sur ce point particulier pour tout ce que tu auras publié durant cette année ?

- Je ne connais pas beaucoup la licence créative commons. L'idée de pouvoir se charger seul des illustrations ainsi m'a séduite pour d'éventuels futurs projets. Est-ce que tu pourrais donner quelques conseils sur comment chercher ce genre d'images ?
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Re: Zéro Intermédiaire

Message par Thomas Munier » 24 Juin 2013, 19:54

Bonjour Adrien et merci pour ton retour qui apporte du matériel au débat.

Si tu veux te faire une opinion sur la qualité de mes productions, tu peux toutes les trouver en téléchargement libre. Néanmoins, un seul de mes livres a été produit en moins d'un mois, il s'agit de S'échapper des Faubourgs, jeu réalisé en 9 jours pour le Game Chef 2013 (et dont je pense personnellement qu'il est abouti). Donc si tu veux voir un exemple extrême, regarde plutôt celui-là. Pour le reste, la phase de prod varie entre 6 mois et plusieurs années, et aucun n'a eu zéro relecteur (hormis pour certains courts extraits).

Je vais enchaîner sur quelques questions et remarques à mon tour. Il n'y a pas de piège, ça m'intéresse vraiment de savoir ce que toi et les autres lecteurs de silentdrift en pensent.

- Peut-on se passer de relecteur si on a soi-même relu une vingtaine de fois sur un laps de temps de plusieurs années ?
- Un relecteur bénévole (un proche dilettante ou un auteur débordé) a-t-il la même "valeur" qu'un relecteur rémunéré et professionnel ?
- Que fais-tu si après un délai d'un mois, le relecteur ne t'a pas fait de retour ?
- Il faut 20 relectures pour un zéro faute. Pense-tu qu'on puisse envisager de sortir un livre en dessous-de ça ?
- Sinon, quel est le seuil de tolérance de fautes pour un livre ? Moins de dix ? Moins de vingt ? Et du coup, ça fait combien de relecteurs ?
- Pense-tu qu'un livre à 25 000 signes demande autant de temps et d'assistants qu'un livre à 250 000 signes ?
- Si on écrit depuis l'enfance, qu'on écrit tous les jours, est-ce qu'on a toujours besoin d'autant de temps pour sortir un livre abouti ?
- Si on adopte des techniques de productivité (écriture avec un logiciel en chambre noire, tableau de bord des tâches en cours et en attente, gestion des priorités, techniques de recyclage...), est-ce qu'on peut écrire plus vite ?
- Si on écrit 20 heures par semaine, peut-on sortir des livres plus vite que si on écrit 4 heures par semaine ?
- Et si on a de l'expérience, une vision, de la motivation, de la concentration ? Qu'est-ce que ça apporte à la rapidité de la production ?
- Monostatos serait-il resté une oeuvre personnelle s'il avait été pré-produit par un gros éditeur avec 20 collaborateurs qui auraient brainstormé sur le jeu avec pour objectif d'en tirer 5000 exemplaires ?
- Crois-tu qu'il faille autant de temps pour tester et équilibrer un jeu de rôle à autorité partagée et un jeu de rôle traditionnel (scénarii compris) ?
- Tristan Lhomme ne playteste pas les scénarios qu'il écrit. Qu'en pense-tu ?
- Ce serait à vérifier tellement ça parait énorme, mais il semblerait qu'Anthony Combrexelle (Patient 13, Notre Tombeau, Les Terres Perdues) ne pratique plus le jeu de rôle. Qu'en pense-tu ?
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Re: Zéro Intermédiaire

Message par Thomas Munier » 24 Juin 2013, 20:32

Sur l'utilisation d'images en licence creative commons :

Perso je fais mon marché sur flickr.com car il y a un gros stock et les images en CC sont très bien triées.

J'utilise principalement les licences attribution / gratuit pour un usage non commercial. Le meilleur rapport qualité / potentiel.

Ensuite, je fais une recherche par mots-clés et puis je vagabonde

Au bout d'un moment, j'ai repéré quelques auteurs à suivre dont je stocke masse de photos.

Mon mot-clé préféré : "texture".

Je suis un collectionneur. je dois avoir un millier de photos en licence CC sur mon disque dur. Actuellement, je me fixe d'ailleurs comme contrainte d'utiliser mon stock en priorité avant de retourner en télécharger.

Concernant l'usage de ces images dans ces photomontages, je mets ce disclaimer dans mes livres :

Les images composites sont des assemblages de Thomas Munier. Elles utilisent comme matériau de base des images en licence Créative Commons : Paternité / pas d'utilisation commerciale.

Si j'inclus des images composites dans mes publications, c'est avant tout mon texte que je commercialise. Pour respecter l'esprit de cette licence, je m'engage à ne pas commercialiser les images composites seules, sous forme de tirage ou de licence par exemple. Je ne distribue pas non plus ces images seules dans quelque réseau que ce soit, hormis quelques unes en basse résolution pour illustrer mon travail, et toujours en créditant les auteurs des images d’origine. Je peux aussi retirer les images du livre à la demande de son auteur.

Toujours pour rendre hommage aux photographes de talent qui placent leur travaux sous cette licence, je place le texte de cet ouvrage sous la même licence Creative Commons : Attribution / Pas d'utilisation commerciale. 
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Re: Zéro Intermédiaire

Message par Chemeeze (Adrien) » 26 Juin 2013, 17:59

Je vais me prêter au jeu, c'est assez intéressant :
- Peut-on se passer de relecteur si on a soi-même relu une vingtaine de fois sur un laps de temps de plusieurs années ?

A mon opinion non. La relecture aporte un regard autre. J'aime confronter mes idées. J'aime défendre le diable. Cependant cela ne vaut que pour ce que je serais ammené à créer. Si je sais qu'un auteur est seul relecteur de ses oeuvres, j'aurais l'impression d'une part de snobisme de l'auteur. J'aurais un regard extrèmement critique sur ce que je lirai. Et le cas échéant un tel auteur peut rejoindre ma liste noire de ceux qui m'auront refroidi.

- Que fais-tu si après un délai d'un mois, le relecteur ne t'a pas fait de retour ?

Je me permet de reformuler ta question en "... si après le terme du délai demandé au relecteur ...". Là, c'est vraiment du cas par cas... Par exemple, pour l'Agence je n'envisagerai pas la publication sans un retour de Fabien sur les règles. J'estime que son avis en terme de gamedisgn m'est très précieux. De même, le corps du texte ne m'est pas dédié, il est dédié au lecteur. Sans un retour de quelques relecteurs je ne peut envisager de publier quelque chose.
Quant à quoi faire : le relancer, lui demander de combien de temps il aurait besoin, envisager de proposer à d'autres etc.

- Il faut 20 relectures pour un zéro faute. Pense-tu qu'on puisse envisager de sortir un livre en dessous-de ça ?

Oui. Le 0 fautes n'est pas un objectif. J'attend d'une relecture un retour sur le fond, pas que sur la forme. C'est elle la plus précieuse. L'orthographe est importante, mes quelques coquilles ne me dérangent pas trop.

- Pense-tu qu'un livre à 25 000 signes demande autant de temps et d'assistants qu'un livre à 250 000 signes ?

Autant d'assistants, moins de temps. Mais je n'ai pas trop d'expérience à ce sujet.

- Si on écrit depuis l'enfance, qu'on écrit tous les jours, est-ce qu'on a toujours besoin d'autant de temps pour sortir un livre abouti ?
- Si on adopte des techniques de productivité (écriture avec un logiciel en chambre noire, tableau de bord des tâches en cours et en attente, gestion des priorités, techniques de recyclage...), est-ce qu'on peut écrire plus vite ?
- Si on écrit 20 heures par semaine, peut-on sortir des livres plus vite que si on écrit 4 heures par semaine ?
- Et si on a de l'expérience, une vision, de la motivation, de la concentration ? Qu'est-ce que ça apporte à la rapidité de la production ?

Toutes ces questions ne m'interessent pas. Je ne veut pas produire beaucoup et/ou vite. Je veux produire ce qui m'interesse, et je préfère la qualité à la quantité.

- Monostatos serait-il resté une oeuvre personnelle s'il avait été pré-produit par un gros éditeur avec 20 collaborateurs qui auraient brainstormé sur le jeu avec pour objectif d'en tirer 5000 exemplaires ?

Un contrat signé requiert l'approbation de l'auteur. Je vais partir plutôt parler en mon nom qu'au nom de Fabien. Si un éditeur me contacte pour l'Agence. Je suis ouvert à en discuter avec eux. Cependant, étant l'auteur j'exigerai le dernier mot. Non négociable. A ce compte là, l'équipe de brainstorm peut être un gros apport. J'en tirerai des éléments, des choses que je veux, des choses que je veux surtout pas. Je n'ai pas d'expérience avec un éditeur, je ne sais pas du coup si on trouverai un terrain d'entente qui me satisfasse à 100%.

- Crois-tu qu'il faille autant de temps pour tester et équilibrer un jeu de rôle à autorité partagée et un jeu de rôle traditionnel (scénarii compris) ?

Je ne pense pas qu'on puisse dire que l'un est plus dur que l'autre a équilibrer car cela ne dépend pas du type de jeu, mais du système. D&D est complexe à équilibrer, Vermine (le premier qui me passe par la tête) est extrêmement simple. Tu peux avoir pareil dans le jdr à autorité partagée. Il m'aura fallu beaucoup réfléchir à ce sujet pour l'Agence. Sur les scénarios j'y reviendrai.

- Ce serait à vérifier tellement ça parait énorme, mais il semblerait qu'Anthony Combrexelle (Patient 13, Notre Tombeau, Les Terres Perdues) ne pratique plus le jeu de rôle. Qu'en pense-tu ?

J'inverse les deux dernières questions. Des trois jeux, je ne connais que Patient 13 auquel j'ai joué et que j'ai terminé. Et bien je ne serais pas tendre : ce n'est pas un jeu "clef en main", c'est un jeu "murs en main". Si on veut rentrer il faut se faire sois-même sa porte. Les scénarios sont mauvais, les personnages n'ont jamais de raison de faire ce que l'on attend d'eux. Je n'ai jamais joué mon personnage quand je jouait. Je jouais Adrien qui veut finir le scénario pour en apprendre sur l'univers. Mon énorme reproche de joueur est : je jouais pour comprendre l'univers, comprendre pourquoi mon personnage se trouve là. Tandis que le jeu ne faisait que proposer une campagne autour d'un évennement secondaire. Le jeu soutient un côté rétention / fascination, mais la fascination ne dure pas vu que rien ne vient. Je sais que je ne jouerai plus à l'un de ses jeux.

- Tristan Lhomme ne playteste pas les scénarios qu'il écrit. Qu'en pense-tu ?

Je n'ai jamais testé un de ses scénarios il me semble (vu le peu que je joue de scénarios pré-faits). Donc je ne peut pas juger. Mais j'ai un très grand problème avec les scénarios du commerce. Très souvent il manque des raisons pour que les personnages suivent le scénario. Soit le scénario est fait pour les personnages des joueurs, soit les personnages des joueurs sont fait pour le scénario. Donc, un scénario du commerce sans pré-tirés est pour moi un exercice d'équilibriste qui finira tout le temps mal. (Attention, j'entend bien scénario isolé. Les campagnes arrivent à s'en tirer bien mieux)

Merci pour les infos sur les CC.

Est-ce que tu as eu déjà un contact avec un des artistes dont tu utilises les oeuvres ? Cela m'ennuie pas mal d'utiliser des oeuvres non destinées à une utilisation commerciale... Parce que ne serait-ce que pour la couverture, l'image utilisée à une grosse valeur commerciale pour la vente du livre.
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Re: Zéro Intermédiaire

Message par Thomas Munier » 26 Juin 2013, 19:19

Merci Adrien pour tes réponses qui me permettent de mieux comprendre ta façon de voir les choses.

Je ne cherche à convaincre ni toi ni personne d'autre, mais j'ai juste envie de réagir à quelques réponses :

La question sur la nécessité d'un relecteur extérieur reste rhétorique pour moi car je fais relire mes textes. Néanmoins, je pense que certains auteurs sont trop outsider pour qu'une relecture extérieure apporte un point de vue vraiment pertinent. C'est encore plus vrai en art plastique. La relecture par autrui à un intérêt quand on veut pouvoir donner les clés de son oeuvre au public. ça n'est pas le cas de toutes les oeuvres ou de tous les auteurs. Je ne pense pas que les romans de Kafka aient été relus par autrui. Tu serais en droit de me répondre que dans le cas d'un jeu de rôle, on doit donner les clés au lecteur. Je pense pour ma part que ce n'est pas une vérité universelle. Lacuna de Jared Sorensen me paraît un bon exemple de ça.

Je ne corrèle pas le temps passé / l'efficacité / la rapidité d'éxécution uniquement à la quantité mais aussi, et surtout, à la qualité. Je trouve étonnant qu'on puisse préférer un livre produit en un an à raison de 1 heures de travail par semaine à un livre produit en un mois à raison de 13 heures de travail par semaine. Au final, c'est le même engagement.

En fait, ce qui m'effraye le plus c'est l'idée que livrer ses méthodes de travail puisse nuire à l'image d'un livre. C'est sans doute que je me fais une fausse idée. En fait, si on livre mes méthodes de travail, ça rend service à ceux qui pourraient être déçus. ça rend service à ceux qui auraient pu passer à côté du livre, et ça rend service aux autres auteurs.

Concernant mon choix d'utilisation des images en CC, c'est suite à une longue réflexion. Je pars du principe que la couverture n'a pas un impact si décisif que ça sur la vente. Je me base aussi sur la masse d'images que j'opère et la masse de transformations que je leur fais subir. Je n'ai pas contacté d'auteur depuis que je suis autoéditeur, mais je ne crois pas que la réaction d'un auteur soit représentative des 30 à 150 auteurs dont je peux utiliser le travail pour un livre.
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Re: Zéro Intermédiaire

Message par shiryu » 27 Juin 2013, 11:42

Merci pour ces réflexions. Je n'ai pas trop le temps de répondre en ce moment mais je vais me prêter aussi au jeu des questions. Je parle évidemment de mon expérience, ma seule et sur un jeu inachevé, donc je m'exprime en tant que novice. Mais comme il y a des points où nous divergeons pas mal, ça peut peut être t'intéresser (et puis c'est toi qui pose les questions !)

- Peut-on se passer de relecteur si on a soi-même relu une vingtaine de fois sur un laps de temps de plusieurs années ?
Non. La relecture n'inclus pas que les fautes mais aussi la formulation. La compréhension du lecteur est importante et quand on sait déjà ce qu'on veut dire, on perd en objectivité. De plus, même terminé, je ferai relire par quelqu'un qui n'a jamais lu le livre ou une version précédente. Cette lecture aura pour but de détecter les modifs sur des termes employés en particulier (par exemple dans mon livre, j'ai commencé avec le terme Retombée puis j'ai corrigé par Répercussions. Mais quand je retombe sur un vieux Retombée qui traine dans le texte, je ne percute pas forcément parce que pour moi, c'est un synonyme. Par contre, un lecteur tout neuf se dira "c'est quoi ça ? il n'en parle pas ailleurs, c'est pareil que Répercussions ?". Bon, c'est un exemple mais j'espère qu'il est parlant.

- Un relecteur bénévole (un proche dilettante ou un auteur débordé) a-t-il la même "valeur" qu'un relecteur rémunéré et professionnel ?
pour l'orthographe et la grammaire, j'espère qu'un professionnel est mieux. Mais là aussi, je ne suis pas à une petite faute qui traîne. Le plus important pour moi est la compréhension du texte. Dans mon échelle de valeur des relecteurs, je place les non-joueurs de JdR à un niveau très élevé si je dois sortir un jeu d'initiation.

- Que fais-tu si après un délai d'un mois, le relecteur ne t'a pas fait de retour ?
là, ça dépend de ton planning personnel. Relance le un peu avant. Et s'il est bénévole, tu ne peux rien lui reprocher (je ne dis pas ça pour moi qui ait fuité 2 relectures), il s'est juste proposé de te filer un coup de main gratos.

- Il faut 20 relectures pour un zéro faute. Pense-tu qu'on puisse envisager de sortir un livre en dessous-de ça ?
Si c'est vrai, je prend une claque. J'imagine que ça dépend de la taille du bouquin.

- Sinon, quel est le seuil de tolérance de fautes pour un livre ? Moins de dix ? Moins de vingt ? Et du coup, ça fait combien de relecteurs ?
Il y a des chances qu'une faute qui soit passée inaperçue à 10 relectures passe aussi inaperçu pour un bon paquet de lecteurs. Par contre, des erreurs de mises en page, de copier-coller, de faute parce qu'il manque une lettre en plein milieu du mot ou des trucs comme ça (j'ai souvenir du livre de base de Qin que je trouve très joli mais insupportable à cause de ça).

- Pense-tu qu'un livre à 25 000 signes demande autant de temps et d'assistants qu'un livre à 250 000 signes ?
j'espère que non

- Si on écrit depuis l'enfance, qu'on écrit tous les jours, est-ce qu'on a toujours besoin d'autant de temps pour sortir un livre abouti ?
si on écrit tous les jours le même type de livres, je pense que non. Si on écrit un livre de règle formaté exactement comme un autre jeu, je pense que non aussi. Mais perso, je suis en train de reprendre sans arrêt mon livre parce que je réenvisage totalement mon travail avec un regard pédagogique. Et ça, je trouve ça très différent que d'écrire un roman. La suite dans 2 questions.

- Si on adopte des techniques de productivité (écriture avec un logiciel en chambre noire, tableau de bord des tâches en cours et en attente, gestion des priorités, techniques de recyclage...), est-ce qu'on peut écrire plus vite ?
j'imagine, il y a des gens compétents qui ont passé du temps pour pondre ces techniques.

- Si on écrit 20 heures par semaine, peut-on sortir des livres plus vite que si on écrit 4 heures par semaine ?
la suite de ma réponse préprécédente. Ce qui me prend du temps en ce moment, c'est la réflexion, pas l'écriture. En écrivant 4h par semaine, tu peux toujours réfléchir 4h par jour en plus de l'écriture. Ecrire 20h par semaine, j'en rêve quand tout sera clair dans ma tête. Mais actuellement, quand je passe 4h sur mon taf, j'écrit tout juste 4 lignes à conserver et ce n'est pas du texte mais des choses à faire parce qe je viens enfin de trouver comment je dois présenter et formuler cette règle pour qu'elle soit comprise à sa juste valeur par le lecteur.

- Et si on a de l'expérience, une vision, de la motivation, de la concentration ? Qu'est-ce que ça apporte à la rapidité de la production ?
Plein de choses quand tu auras la solution (la vision ne suffit pas. J'ai une idée très précise de ce que je veux faire passer mais je cherche encore le meilleur moyen).

- Monostatos serait-il resté une oeuvre personnelle s'il avait été pré-produit par un gros éditeur avec 20 collaborateurs qui auraient brainstormé sur le jeu avec pour objectif d'en tirer 5000 exemplaires ?
si l'éditeur est convaincu par l'auteur et son œuvre, j'ai la naïveté de croire que oui.

- Crois-tu qu'il faille autant de temps pour tester et équilibrer un jeu de rôle à autorité partagée et un jeu de rôle traditionnel (scénarii compris) ?
Tout dépend du niveau de finition que tu exiges, de la complexité du système, de la richesse de l'univers... Pas du style de jeu à mon avis. A part qu'il y a beaucoup plus d'exemples de jeux traditionnels pour s'inspirer.

- Tristan Lhomme ne playteste pas les scénarios qu'il écrit. Qu'en pense-tu ?
Connait pas. j'imagine qu'il applique une recette assez identique d'un scéno à l'autre. Ou que c'est pour un jeu pas forcément très exigeant en terme de script (j'ai lu pas mal de scéno dans des casus pour DD, sérieusement, je peux en faire un par semaine des comme ça, sans playtest). Ou qu'il a du talent. Ou qu'il y a des coquilles.

- Ce serait à vérifier tellement ça parait énorme, mais il semblerait qu'Anthony Combrexelle (Patient 13, Notre Tombeau, Les Terres Perdues) ne pratique plus le jeu de rôle.
ben il fait comme il veut. Quand on dit sur les forums que les attentes des joueurs évoluent, que les conditions de jeux évoluent avec les contraintes familiales, que les envies et les plaisirs évoluent. Si c'est vrai, c'est qu'il est passé à autre chose (autre métier, famille, sport, bricolage de sa maison, jardin potager...). Le Jdr, ce n'est pas une secte (malgré ce qu'ne pensent certains).
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Re: Zéro Intermédiaire

Message par Thomas Munier » 28 Juin 2013, 09:06

Encore merci à Adrien et merci à toi Shiryu pour ces apports.

Je n'avais pas chiffré le temps passé à réfléchir. Je suis souvent en train de réfléchir à mes projets. A une époque, je ne faisais d'ailleurs que ça et je n'écrivais pas. ça a été une période très frustrante (même si en effet j'ai bien eu des idées qui m'ont servi plus tard). ça a commencé à aller mieux quand j'ai noté systématiquement mes idées sur un tableau de bord. Maintenant, j'essaye de plus écrire et moins réfléchir, car les idées s'accumulent bien au-delà de ce qu'on peut réaliser. Y'a même un endroit qui les accueille maintenant.

Pour revenir au sujet, je dois admettre que ce qui manque, c'est des amis à qui parler des mes idées et avec qui brainstormer. Bien sûr, je peux le faire avec eux par le biais de playtest, mais si je veux parler de théorie, si je veux échanger sur des mécanismes, çà devient nettement plus compliqué. Heureusement qu'il y a les conventions et internet pour ça. Cela dit, je constate aussi que j'ai parfois une pudeur à parler de mes idées que je considère comme les meilleures. Sans doute un regain de la bonne vieille culture des droits d'auteurs et du secret commercial, alors même que je souhaite plutôt travailler en open source. ça finira par me passer. Quand j'aurai lâché prise de l'idée de spoiler, de galvauder, de léguer ou de me laisser "voler" mes meilleures idées.
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Re: Zéro Intermédiaire

Message par Christoph » 08 Juil 2013, 20:46

Salut Thomas

Adrien m'a devancé en partie (faut dire que j'ai sacrément traîné), mais je tiens à revenir à ton message initial, qui m'a fait monter les tours, et qui véhicule des notions à mon avis dommageables pour ceux qui les intègrent telles qu'écrites actuellement.

Premièrement, en tant que modérateur du site, mais aussi pour donner du sens à mon « offuscation », il faut que je pointe ta définition d'un jeu indépendant du doigt. Ce n'est pas comme tu l'avances, un jeu créé sans l'intermédiaire d'un éditeur, mais un jeu auto-publié dont l'auteur détient les droits et le contrôle commercial. Ta définition met l'accent sur une opposition qui à mon sens n'a pas lieu d'être mise en avant : [méchants] éditeurs vs auteurs [solitaires]. Ta définition pourrait dans la majorité des cas être équivalente à celle que je promeus sur ce site, mais elle met plusieurs fonctions dans un même sac, qu'on balance ensuite à la mer avec un gros lest. Un éditeur est traditionnellement quelqu'un qui investit de l'argent dans un projet, qu'il espère ensuite voire fructifier : il va donc prendre l'aspect commercial en main – choix de production, choix de publicité, choix des distributeurs et boutiques, etc. – et selon les contrats, ça peut aller jusqu'à reprendre les droits d'auteurs (pour une présentation de la part d'auteurs habitués du système de l'édition, voir le blog du GEAR). C'est aussi quelqu'un qui peut faire des retours significatifs sur le fond et la forme d'un ouvrage ; après tout, il engage sa crédibilité en s'associant à l'œuvre, il veut donc que ça se passe bien. C'est finalement quelqu'un qui apporte du crédit à un auteur : être publié par une prestigieuse maison, c'est un boost en termes de visibilité et de réputation.
Seule la première fonction est visée par la définition d'un jeu indépendant sur silentdrift, et à la rigueur le pouvoir décisionnel qu'a l'éditeur dans sa deuxième fonction, mais un auteur peut toujours aller voir ailleurs si ça ne lui convient pas, et il existe des auteurs qui restent très libre même quand ils sont liés à un éditeur, voir le cas de Romance Érotique par exemple. Dans ton propos, tu balances le tout.

Deuxièmement, ta définition d'intermédiaire introduit une confusion énorme. En reprenant l'aspect commercial, puisqu'il s'agit de ça en fin de compte, un intermédiaire est toute personne qui se place entre le producteur et l'acheteur afin de rendre possible l'échange, en contrepartie de quoi elle touche une part. Toi tu y mets également toute la chaîne de production et les utilisateurs définitifs du produit acheté. Tu vas jusqu'à considérer les inspirateurs comme des intermédiaires, et même les acheteurs eux-mêmes ! Voudrais-tu peut-être qu'on te donne de l'argent sans l'intermédiaire de tes jeux ? Je ne pense pas ! Le terme, tel que tu l'utilises, perd tout pouvoir descriptif.
Évidemment, on veut minimiser les coûts et maximiser les bénéfices, c'est un peu les bases d'une entreprise commerciale. Enfin, c'est pas clair qu'on veuille vraiment mini-maximiser à tout prix. On a des exigences sur la qualité du produit, sur sa diffusion, son accessibilité, etc., mais on espère ainsi maximiser les bénéfices à long terme, grâce à la bonne réputation notamment. Du coup, ça devient une question d'optimisation entre qualité et coûts.

Une parenthèse historique pendant que j'y suis : l'indépendance a un sens particulier dans le contexte étasunien, où les distributeurs jouaient un très grand rôle dans les années 90, si je ne m'abuse. Quand Ron Edwards a lancé sa promotion de l'indépendance, c'était en grande partie aussi pour se défaire de cet intermédiaire (là je crois qu'on est d'accord sur le mot!), alors que beaucoup de gens pensent que l'indépendance c'est juste anti-éditeur. Cependant, là encore, je ne pense pas que ce soit fondamentalement anti-distributeur, plutôt qu'une optimisation – par l'auteur – de la production de jeux là où l'ancien système ne portait pas ses fruits. Voir cet article, ou ce fil (il y a beaucoup de liens utiles).

Troisièmement, il en découle que ta façon de cadrer le problème t'amène à considérer tout collaborateur comme un obstacle. Je sais que tu nuances ton approche selon les projets, et que tu parles de limite vers laquelle on tend sans jamais l'atteindre, mais ton message, lui, me semble prôner la minimisation des « intermédiaires ». C'est là que je pense que tu es tombé dans le piège de la mini-maxisation, alors que je considère que la publication est un problème d'optimisation en vue de conserver une qualité satisfaisante. Le piège est d'autant plus pervers si on pense qu'indépendance implique travail solitaire (pour une question de définition plus que de coûts cette fois), qui est déjà une tendance à l'œuvre dans ta définition, mais qui n'est en fait pas une exigence pour satisfaire à celle de ce site.

Quatrièmement, tu te focalises beaucoup sur l'écriture. Or, il est de mon avis (mais apparemment aussi celui de Shiryu et probablement de bien d'autres), que le texte d'un jeu de rôle est en premier lieu une tentative de communication avec des gens pour leur expliquer comment jouer à un jeu. C'est là où on ne peut pas se passer des relecteurs (orthographe, oui, mais aussi compréhension en termes de tournures et de connaissances présupposées dans son lectorat). Et un texte de jeu de rôle n'est pas le jeu lui-même. Écrire, c'est mettre des mots pour décrire les règles, qui sont encore un autre travail, et c'est là que je suis partisan du playtest intensif. Je m'y suis probablement mal pris pour Innommable – bientôt cinq ans ! –, et Ben Lehman explique assez bien tout ce pour quoi il ne faut pas faire de test, mais on n'y échappe pas. Certainement pas Jared Sorensen, contrairement à ce que Lacuna peut faire croire à la lecture. Il est possible qu'on n'ait jamais bien distingué, sur silentdrift, entre rédaction et conception des règles, peut-être parce que ce sont deux choses qu'il est relativement naturel de réunir sous la houlette d'une seule personne, mais je me demande si tu n'attribues pas à tes méthodes d'écriture des vertus de conception qu'elles n'ont pas, et ne peuvent avoir. Ceci dit, je pense que tu as tout à fait raison de rationaliser ta démarche d'écriture et de te donner les outils pour écrire mieux et plus vite, mais ce n'est qu'une partie du tout.

Pour résumer, c'est tout à fait juste qu'il faut juger l'intérêt de chaque acteur qui contribue au projet global, évaluer les apports et estimer les coûts en argent, mais aussi en temps (ce que tu fais particulièrement bien). Je comprends ce que tu entends par le temps qu'on peut perdre avec les playtesters et les retours. Néanmoins, ce n'est pas pour autant que j'arrêterai, et j'ai bon espoir qu'avec le temps, je saurai m'arranger pour que ça se passe de manière optimale et aussi vite que possible. J'en reparlerai quand j'y serai...
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Re: Zéro Intermédiaire

Message par Thomas Munier » 10 Juil 2013, 09:44

Salut Christoph,

Comme tu t'en doutes, l'objectif de l'article était de récolter des réactions pour mon apprentissage personnel, il n'avait pas de valeur s'il n'y avait pas de réaction. C'est un article de travail, pas un dogme. En plus, comme ce sont des réflexions parfois abstraites, elles peuvent susciter des réactions où laisser à penser que certaines de ses réflexions sont des convictions. Alors que j'ai dans le domaine aucune foutue conviction que ce soit. Si je savais comment faire, je n'aurais pas écrit cet article. Donc merci pour cette plus-value importante que tu lui apporte.

Je suis d'accord pour admettre que cet article peut introduire de la confusion dans le sens que je fais de fréquents allers-retours entre des considérations commerciales et des considérations globales, pour tout dire humaines. Ainsi, pour l'indépendance, je vais de l'indépendance telle qu'elle est définie par silentdrift (et donc pour te reprendre, "un jeu auto-publié dont l'auteur détient les droits et le contrôle commercial. ") à l'indépendance globale (i.e : l'auteur écrit un jeu absolument tout seul, réalise la production, la distribution et la vente tout seul) qui n'existe pas (encore que ça puisse exister. Imaginons un auteur solitaire qui rédige son jeu et le met à disposition en ligne en pdf - cas ultra fréquent en réalité. Mais là encore, l'indépendance globale n'est atteinte que si l'auteur ne tient absolument pas compte des retours des lecteurs).

Je suis aussi d'accord que ma définition de l'intermédiaire va de l'intermédiaire commercial à l'intermédiaire global.. Comme tu le dis, je m'intéresse à absolument tous les maillons de la chaîne parce que ma réflexion n'a pas seulement une portée commerciale. En fait, je m'intéresse à la chaîne humaine et à la chaîne des process. J'en déduis que tout maillon de la chaîne peut rapporter autant qu'il peut coûter en argent, en temps, en qualité, en intégrité, en fonctionnalité. De là, je pose la question de savoir si c'est rentable d'avoir une chaîne plus courte. Toujours sur tous ces critières. Admettons que c'est du mini-maxage. Et alors ? En quoi est-ce dangereux ? La valeur d'un produit ou d'une oeuvre est-elle si dépendante de la quantité de personnes impliquées dans la chaîne. Qu'est-ce que la valeur d'un produit ou d'une oeuvre ? Je ne suis pas en train de dire qu'il ne faut plus faire des jeux avec des chaînes humaines longues. Je suis en train de dire que ce n'est pas la seule possibilité.

Après, la question est de savoir quels sont les intermédiaires dont on pourrait faire l'économie. Et à ce titre, je vois que la tentation d'en sacraliser certains est forte. J'ose penser que la réponse sera différente d'une personne à une autre, d'un jeu à un autre. Ainsi, je ne me focalise pas uniquement sur l'écriture, puisque je parle des playtesteurs. Si moi aussi je pratique le playtest intensif (et que je rédige jusqu'à présent des rapports de partie pour absolument toutes mes parties), je ne suis pas certain que le playtest soit indispensable ni qu'il soit nécessaire d'en faire forcément beaucoup. Je le fais parce que j'aime ça, mais quand sous la contrainte j'ai dû faire un jeu avec seulement trois parties, j'ai vu que c'était réalisable du moment que le format du jeu le permettait. Ainsi, je ne changerais pas une ligne des règles de S'échapper des Faubourgs parce que je sais que ça tourne. Mais je suis d'accord pour admettre qu'une vingtaine de playtests n'a pas été du luxe pour parfaire la rédaction d'Inflorenza. Encore que là, je sais que je n'ai pas besoin d'en faire d'autres pour que aboutir le jeu. Je prétends enfin qu'on peut playtester tout seul. Le jeu de rôle à autorité partagée permet de jouer tout seul. Je le fais régulièrement, et c'est instructif.

D'interroger la possibilité de pouvoir concevoir un jeu en solitaire, on peut se demander si c'est ce que je veux vraiment. Là-dessus, je peux te répondre non. ça ne m'intéresse pas de faire un jeu absolument tout seul. Je ne l'ai jamais fait et je ne pense pas le faire un jour sinon à titre d'expérience. Je suis autant que vous attaché à confronter mon travail à l'opinion et à l'apport des autres. De même que je ne suis jamais totalement certain de vouloir assumer seul tous les postes commerciaux ou rémunérés de la production à la vente. Simplement parce que la tâche est immense et l'issue incertaine. Après, je sais qu'il est m'est difficile pour un certain nombre de raisons, géographiques, relationnelles, économiques, émotionnelles, réputationnelles, temporelles, artistiques, de multiplier les intermédiaires humains dans ma chaîne de création. D'où le sens de mes réflexions.
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Re: Zéro Intermédiaire

Message par Christoph » 22 Juil 2013, 13:32

Hello Thomas

Mes excuses pour ce rythme de discussion lentissime, la vie a été chaotique ces derniers temps ! Je te crois volontiers sur le fait que ton intention est de discuter et débattre (tu l'indiques dès l'ouverture de ton premier message d'ailleurs), mais je me permets de soulever que, pour moi, la construction de ton article ne suit pas ce but. Tout y est décrit par affirmations successives. Peut-être est-ce adapté au format du blog, mais je me demande si tu n'y gagnerais pas en discussion, sur un forum, si tu formulais ta réflexion davantage en termes de tes expériences personnelles, tes résultats et tes questionnements qui en découlent. Il y a d'autres gens qui ont publié ici, mais à part le fait que tu postes dans ce forum, rien n'indique explicitement que tu souhaiterais « comparer tes notes » avec eux.
Un exemple où ta rhétorique te fait dévier, à mes yeux, de ton intention de discussion et débat se trouve par exemple dans ce passage :
Je prétends enfin qu'on peut playtester tout seul. Le jeu de rôle à autorité partagée permet de jouer tout seul. Je le fais régulièrement, et c'est instructif.

Un jeu de rôle à autorité partagé implique nécessairement l'idée d'au moins un autre joueur. On ne peut pas partager avec soi-même, ça n'a pas de sens. On dirait de la provoque ! ÇA ME FAIT RÉAGIR MA RAGE DE CASSER DES GENS SUR INTERNET ! ...
Alors qu'en fait, je suppose que ce que tu veux dire c'est que tu as essayé certains aspects de tes jeux seul, sans pour autant renoncer à tester tes jeux à plusieurs, c'est juste ? Comme tu le dis, tu postes beaucoup de rapports de partie sur Terres Étranges. D'ailleurs, on peut aussi mettre à l'épreuve des bouts de système seuls même dans des jeux classiques ou PMT. Je t'accorde volontiers que c'est un gain de temps (du moins pour les joueurs à qui on évite de tester un jeu complètement bancal) et une autre perspective.
Ceci dit, si je te comprends toujours mal, j'aimerais mieux qu'on continue d'en parler autour d'un fil dans Banc d'Essai, où tu nous décrirais ta technique de test avec des exemples tirés de ton expérience. Bon, ça ferme bientôt, donc pourquoi pas dans les Ateliers Imaginaires.

Dans ce fil tu as bien mis l'accent sur le fait que plus on est de fous, moins y a de blé. Une idée m'a été soufflé par Sylvie il y a déjà quelque temps, mais que j'ai rarement vu évoqué sur ce forum. Est-ce qu'un autre axe de rentabilisation ne serait pas d'augmenter le prix d'un livre ? Il est de ma conviction intime que les jeux de rôle sont bradés. Le numéro 4 de Di6dent est consacré à l'argent du jeu de rôle, et ils notent, entre autres, que le prix par page, actualisé au regard de l'inflation, est passé de 0,31 € en 1986 à 0,14 € en 2011, alors même que la qualité des livres a plutôt augmenté (couleur, qualité du papier, couvertures spéciales) et que de nos jours on a un contact facilité avec les auteurs et éditeurs grâce à internet, donc on a un service après vente plus efficace qu'à l'époque. Voir le tableau en page 35 pour plus d'indications. Les tirages ont apparemment plutôt stagné, voire baissés (mais je n'ai pas de sources sûres à ce sujet, si quelqu'un en a, dans un sens comme dans l'autre, c'est volontiers). Le pouvoir d'achat des Français a-t-il tant chuté ? Comment ça se compare par rapport à une place de ciné, un DVD ou un jeu de société ou vidéo ?
J'entends à tout bout de champ que les acteurs du jeu de rôle sont sous-payés comparé à une même tâche dans un autre secteur. Alors, bon sang, si on augmentait le prix des livres ? Après tout, dans l'édition scientifique, le prix des livres à faible tirage est très élevé. Ah, mais ces pauvres clients... si je prends mon exemple (je m'estime assez confortable, certes, mais il suffit de parcourir les blogs et forums pour voir que je ne consomme pas non plus dans l'extrême), je joue à peine à un jeu sur deux que j'achète, et souvent qu'une seule fois. Si je devais payer un peu plus, j'aurais quelques jeux en moins, mais est-ce que j'aurais joué à moins de jeux ? Ah, mais les autres auteurs/éditeurs ne bougeraient pas et on se ferait bouffer... la situation des éditeurs, hormis quelques uns, est déjà très instable actuellement, on voit à tout bout de champs de nouvelles maisons ouvrir (grâce à des passionnés qui ont un boulot qui paie à côté) et d'autres qui dérivent gentiment dans l'oubli, est-ce que c'est vraiment signe qu'il faut suivre ce que fait la majorité ?
Je ne sais pas ce qu'il faut faire, mais peut-être qu'en combinant une production minimaliste de qualité! et on augmentant légèrement le prix par page on arriverait peut-être à quelque chose de plus correct (la marge supplémentaire étant divisé entre peu de gens). D'ailleurs, je ne suis pas convaincu qu'il faille compter en prix par page, car ça pousserait à gonfler les bouquins, alors que j'ai tendance à plutôt jouer à des petits jeux bien ficelés.
Bref, Thomas, penses-tu que tu vends tes livres assez chers ?

Une autre question pour toi. Tu affirmes pour S'échapper des faubourgs qu'il était prêt après trois parties de test et qu'Inflorenza aura nécessité une vingtaine de parties. Comment décides-tu qu'un jeu est prêt ? C'est une question loin d'être évidente pour moi, car j'ai des critères très subjectifs de satisfaction. Peut-être as-tu des critères plus quantitatifs qui te permettent d'avancer au rythme que tu t'es donné ?
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Re: Zéro Intermédiaire

Message par Thomas Munier » 24 Juil 2013, 09:43

Salut Christoph

Encore plein de super questions, merci.

Je vais avoir du mal à te dire si ma façon d'engager la discussion dans mes sujets est bonne ou pas (sans doute qu'elle est un peu brutale), mais au moins ça débouche sur des échanges qui moi m'intéressent et m'enrichissent. J'apprécierais que ça soit le cas pour d'autres membres du forum. Je prétends avoir du recul puisque j'ai quand même potassé un certain nombres de choses sur silentdrift et ailleurs avant de poster. Après, j'aimerais qu'on m'accorde le droit de dire mes propres bêtises. Je crois qu'en ce moment, ma façon d'avancer, c'est de dire des opinions à voix haute et de voir comment ça réagit en face. Des fois, ce qu'on me répond me fait changer d'avis, des fois pas. J'essaye de tirer ce que je dis d'expérience personnelle mais je suis le premier à reconnaître que je n'ai pas d'expérience personnelle sur tout. Ainsi, je n'ai jamais travaillé avec un éditeur. Donc à un moment, l'expérience je dois la chercher ailleurs.

C'est vrai que la phrase "Le jeu de rôle à autorité partagée permet de jouer tout seul" paraît absurde. Je dois même avouer qu'en lisant ta réaction, j'ai eu une crise de fou rire. Je vais te donner raison en reformulant : Tous les jeux de rôles à autorité partagée ne permettent pas de jouer tout seul (ainsi, je ne verrais pas comment jouer tout seul à Démiurges, à part, comme tu l'évoques, sur un morceau de partie pour tester un mécanisme donné). Mais Inflorenza et S'échapper des Faubourgs peuvent se jouer tous seuls. Dans la mesure où ce sont des jeux divisés en tour, un tour par joueur où le joueur cadre toute la scène. Le replay de partie dans S'échapper des Faubourgs, je l'ai joué tout seul. A Inflorenza, j'ai joué 3 parties entières tout seul : le replay de partie qui sera dans le livre, Le Bagne Rouge et le Totem du Roi des Vosges, et aussi la première séance d'une longue partie, Le Pélérinage des morts.. A chaque reprise, j'ai incarné 4 personnages au tour par tour. Je te promets qu'avec ces deux jeux, ça fonctionne. Comme la dramaturgie est gérée par le système et que le mode de partage de l'autorité fait qu'on peut cadrer sa scène entière soi-même sans déroger au principe de Czege, non seulement ça fonctionne mais en plus je me suis amusé et même beaucoup amusé et j'ai produit des fictions que je me savais incapable de produire sans le système. Je vais aller plus loin en te disant, pour l'avoir testé une fois, que c'est même jouable en solo en incarnant un seul personnage.
Donc pour le coup du jeu en solo, je le dis pas pour secouer les branches de silentdrift, je le dis parce que dans le cas de ces deux jeux que j'ai développés, c'est VRAI. Et c'est vrai pour des parties entières.

Sur le prix des livres, je suis d'accord pour admettre que je vends pas les miens assez chers. Je me fais une bénéfice inférieur à 5 € sur chaque bouquin. ça m'imposerait d'en vendre 200 par mois si je voulais vivre très chichement de cette activité. En revanche, j'ignore si pourrais vendre mes livres à un prix supérieur. C'est une question commerciale très compliquée. Je vais sans doute m'y résoudre et j'ai encore une marge de progression. Mais si tu augmente le prix en augmentant en parallèle le nombre d'intermédiaires rémunérés, la marge auteur reste la même ou diminue.
A mon avis, des mécaniques tels que la souscription permettent (à condition de bien calculer son coup / ses coûts) de valoriser ses livres à un prix plus fort que les circuits impression / distribution ou impression à la demande.

Concernant mes critères pour estimer qu'un jeu est terminé : je ne suis certainement pas à l'abri d'une appréciation subjective. mais j'ai quand même des points de décisions un peu plus, sinon objectifs, du moins mesurables. Déjà je pense que c'est corrélé au format du jeu. S'échapper des Faubourgs était conçu pour jouer des one-shots de 1 à 2H uniquement, et ne pas pouvoir être rejoué par un groupe de jeu identique. Alors qu'Inflorenza est conçu pour jouer en one-shot ou en campagne et pour avoir une bonne replay-value (en tout cas je peux dire qu'après 25 séances je continue à m'amuser). ça me permet d'expliquer la différence de temps de travail entre les deux. Pourquoi j'estime qu'Inflorenza est robuste au bout d'une demi-douzaine de playtest et le premier jet est-il terminé au bout de 25 playtests et 8 mois de travail ? Je pense que ça peut paraître peu. C'est lié au fait que ça a été voulu comme un système de résolution unifié qui me permette de gérer tout ce que je voulais gérer. Pas de jeu dans le jeu. Je pense que c'est dû au fait de l'expérience et de la documentation et aussi à la volonté de penser simple dès le départ, plutôt que de penser compliqué et de raboter au fur et à mesure. Je pense aussi que c'est lié à une discipline que je me suis imposé. Je refuse d'agir en perfectionniste. Je ne suis pas opposé à ce que d'autres le soient, c'est juste que moi je ne veux pas me comporter tel quel. Ma définition du perfectionnisme en game design c'est accumuler l'itération playtest/écriture qui conduit à accumuler les versions jouables d'un même jeu. J'ai voulu m'arrêter à la première version jouable. Déjà parce qu'elle me satisfait mais aussi parce que si je produis une nouvelle version, je la considère comme un autre jeu. Alors je préfère m'arrêter à la première version. Et si je vois par la suite des améliorations (qui sont souvent en fait des variantes), et bien j'en fais un autre jeu.
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Re: Zéro Intermédiaire

Message par Christoph » 24 Juil 2013, 14:08

Merci pour tes réponses et ton temps, Thomas.

Le jeu de rôle en solitaire est une évolution intéressante que j'ai vu émerger ces dernières années, mais que je ne connais que trop peu. Emily Care Boss a lancé en janvier 2011 un concours de jeux solitaires RPG Solitaire Challenge, dont sont issus par exemple Beloved ou Relic. Je ne sais pas trop ce qu'est devenu cette initiative, si elle a pris, si des gens jouent vraiment, etc. Mais ça peut éventuellement te donner des idées pour tes jeux jouables seuls, ne serait-ce que dans la manière dont tu les présenteras à l'avenir. Après tout, dans le jeu de plateau on voit régulièrement des jeux qui indiquent « 1 à X joueurs » et ça passe très bien (Agricola ou Ghost Stories par exemple, de mémoire), pourquoi pas dans le jeu de rôle ?

En passant, je pense que l'étiquette « autorité/narration partagée » ne sert pas à grand chose (peut-être que ça nous évite de dire « jeu narratif » tout en parlant des mêmes jeux?), ça s'effondre assez rapidement dès qu'on commence à discuter plus précisément, comme on le voit ici dans le cas des jeux solitaires par exemple. Je n'adresse pas particulièrement cette remarque à toi, Thomas, et je propose à ceux qui voudraient en débattre de plutôt juste continuer à utiliser le terme, peu importe ce que j'en pense personnellement.
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