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Millevaux, mon planning paraphrénique

Message Publié : 25 Nov 2012, 12:59
par Thomas Munier
Mon programme de publication pour Millevaux, l'univers post-apocalyptique forestier pour le jeu de rôle Sombre.

Les auteurs indépendants ont tendance à publier des jeux de rôles en un livre. Les exceptions sont rares. A ma connaissance, Nothingness se démarque en proposant une gamme très vaste.

Dès que j'ai commencé à développer Millevaux, l'univers post-apocalyptique forestier pour le jeu de rôle Sombre, je savais que je sortirais de nombreux livres. Millevaux sera une gamme de suppléments pour le jeu de rôle Sombre : Suppléments d'univers, de conseils de maîtrise, de scénarios, fanzines.

J'ai agi sans calcul. Je pense être paraphrénique. La paraphrénie est un terme de psychologie qui désigne la compulsion à créer des univers. On pourrait l'utiliser pour parler de Tolkien mais aussi de créateurs aliénés qui passèrent leurs vie à créer des cosmogonies aussi cohérentes qu'exotiques et solipsistes.

Je fais un abus de langage. Je ne pense pas être un cas clinique. Mais le terme me convient bien et je m'étiquette ainsi à défaut de trouver un autre terme pour désigner ma compulsion à créer des folklores aussi vastes que jamais entièrement explorés. C'est ma patte d'auteur que ce soit pour Millevaux ou pour les fictions linéaires que j'ai pu produire. Je viens de publier un roman, La Guerre en Silence, qui n'a rien à voir avec Millevaux. C'est une odyssée intime et paranoïaque dans un univers urbain orwellien. Pourtant La Guerre en Silence a en commun avec Millevaux son foisonnement de détails et sa largeur de focale. C'est mon style. Parmi mes romans préférés, on trouve Le Festin Nu de William Burroughs, Cent Ans de Solitude de Gabriel Garcia Lorca, Hypérion de Dan Simmons. Des mondes hypertrophiés, hyperdétaillés, obsessionnels. S'il vous plait, ne me donnez pas de conseil de lecture. Je souffre bien assez comme ça.

Je le répète, j'agis sans calcul. Tout cela sort de moi malgré moi. Mon rôle d'auteur consiste non pas à retenir cette logorhée mais à lui donner un souffle, une cohérence. D'accompagner le lecteur dans l'exploration de mon folklore personnel.

Vous dévoiler mon planning de publication est la meilleure façon d'illustrer comment je compte m'y prendre pour accompagner le lecteur et le meneur de la façon la plus agréable possible. Ce planning est une simple feuille de route, pas un plan quinquennal que je suivrai à la lettre. J'y ai déjà fait des entorses et je continuerai à en faire. Je ne me pose pas non plus de deadline. Je me donne toute latitude pour sortir d'autres travaux entre les livres dédiés à Millevaux. Travailler sans deadline et pouvoir passer d'un projet à l'autre, voici mes clés de la création sans angoisse.

Commençons par le planning de Sombre. Sombre motorise Millevaux et Millevaux suit donc les évolutions de Sombre. Je vous invite à prendre tout le recul nécessaire pour ce planning-là puisque c'est Johan Scipion l'auteur et je ne fais donc qu'extrapoler sur ses communications officielles.

Si Sombre paraît depuis de nombreuses années sous forme numérique gratuite (les différents avatars de Sombre Light), Sombre ne connaît une édition (indépendante) qu'en 2011, sous la forme d'un fanzine, Sombre N°1, qui présente les règles, les premiers conseils de maîtrises et un scénario.

Sombre est actuellement conçu comme une gamme sous forme de revues. Le N°2 sort en 2012 et présente un scénario, une version allégée des règles (Sombre Zero) et surtout de nouveaux conseils de maîtrise (les articles Peur et Briefing). Si ces conseils ne remettent pas en cause les règles, ils transforment l'expérience de Sombre. Le jeu évolue.

La revue connaîtra de nouveaux numéros, avec des scénarios et encore d'autres conseils de maîtrise. On attend entre autres les conseils pour créer un quickshot, un scénario improvisé à partir du brainstorming des joueurs. Tous ces conseils pourront être appliqués à Millevaux. Je parle ainsi des quickshots dans le livre source de Millevaux car les meneurs peuvent déjà se faire idée de la méthode en parcourant les comptes-rendus de quickshots de Johan sur le forum de Terres Etranges.

Je ne peux en dire plus sur l'avenir de Sombre. Il dépend des intentions de son auteur et des aléas de la vie, bien entendu. D'après les déclarations officielles de Johan, son statut d'indépendance n'est que transitoire. Il envisage de soumettre Sombre à un éditeur dans un futur... futuriste.

Je motorise Millevaux avec Sombre depuis 2008 et je ne changerai pas. J'ai voulu vous démontrer, avec mon rapport de partie PünxXx Ov Wilderness, que Sombre était le système le plus adapté pour mes intentions. Jouer à Millevaux est une façon de jouer à Sombre en réduisant la focale du jeu (la peur comme au cinéma) au survival forestier horrifique et post-apocalyptique.

Millevaux est une série de suppléments pour Sombre. J'explique dès le livre source qu'on pourrait en fait jouer à Millevaux en n'ayant lu que Sombre, du moment qu'on a compris cela : Jouer à Millevaux est une façon de jouer à Sombre en réduisant la focale du jeu (la peur comme au cinéma) au survival forestier horrifique et post-apocalyptique.

Néanmoins, je m'affirme comme étant la personne la plus expérimentée dans l'exploration de cet unviers (forcément). Ce que je livre dans cette série de suppléments, c'est autant de pistes pour reproduire mon expérience de la survie forestière tout en explorant un monde vaste, picaresque et cohérent, imprégné de réalisme magique et de fulgurances horrifiques.

J'ai déjà sorti des documents en version numérique gratuite, je vais sciemment les passer sous silence. Considérez que le départ de Millevaux en autoédition constitue un reboot de la série.

Tous les livres sortiront en trois formats : PDF gratuit en texte pur, PDF illustré payant, livre illustré payant. Je me verserai une marge sur les versions payantes. Je dois un signer un contrat de licence avec l'association de Terres Etranges pour l'utilisation de Sombre. Autrement dit, je reverserai une partie de ma marge à l'association Terres Etranges. Sombre ne sera pas reproduit dans les livres de Millevaux, il faudra se le procurer par ailleurs pour mener. J'utilise Sombre by the book, contrairement à certains univers qui utilisent un système générique en le modifiant en profondeur (ainsi, Mississipi, utilise le dK system mais l'adapte en profondeur). Sachez donc que vous pourrez publier des univers pour Sombre si vous acceptez de signer un contrat de licence. D'autres univers sont d'ailleurs en préparation, comme Extinction et Cthulhu DDR.

Retenez que Sombre est le livre de base de Millevaux.

Je sortirai plusieurs types de suppléments qui sont autant de sites d'exploration. Ils pourront tous être utilisés de façon indépendante. Au début de chaque supplément, je présente dans une Encyclopédie Minuscule les détails de l'univers nécessaires à la compréhension du supplément, et je récapitule les routines de maîtrises également nécessaires.

+ Le livre source
+ Des supplément de conseils de maîtrise
+ Des suppléments d'univers
+ Des scénarios
+ Une campagne
+ Des fanzines

Le livre source fournit les premières ressources pour mener Millevaux d'une façon proche de la mienne. Comme je l'ai précisé, sa lecture n'est pas indispensable mais recommandée. Il comporte un chapitre Mener le Jeu, qui permet au meneur de créer SON Millevaux. J'enchaîne avec un synopsys (la Forêt aux Mille Seringues) et un scénario (PünxXx Ov Wilderness). Suit une nouvelle d'ambiance (Le Vieux, la Pute et le Salopard), et deux chapitres sur le setting (Historique, Société & Civilisation).

+ Suppléments de conseils de maîtrise : Guide du Joueur, Routines de Maîtrise et Les Epines de la Rose, un supplément pour faire de l'horreur épique à Millevaux.

+ Suppléments d'univers : Atlas, Ecosystème, Entités Mythologiques & Sorcellerie, Créatures, Extérieur.

+ Scénarios : J'ai une bonne dizaine de scénarios à publier. Une sortie sur deux sera un scénario.

+ Campagne : Ma campagne s'appelera Les Morts-Plateaux. Elle prendra la forme d'un setting limité à une petite zone géographique. Ce sera une campagne bac à sable. Les campagnes linéaires ne sont pas possibles à Millevaux, à cause de la grosse mortalité des PJ et des PNJ.

+ Fanzines : la série de la revue "Putride" propose un condensé de ce qui existe dans les autres suppléments. En vrac, des éléments de setting, des synopsys de scénarios, des conseils de maîtrises, des news. Le numéro 1 effleurait la surface des choses, le numéro 2 dressera un panorama de tout le planning de publication et proposera 7 mini-scénarios prêts à jouer.


Si je me laisse une grande liberté dans l'ordre de publication, c'est aussi le cas pour le rythme. Les suppléments sortiront quand ils seront prêts. Je dirais un supplément tous les trois mois, environ. Plus rapide, je risque de noyer le public. Plus lent, je ne satisferai pas ma gourmandise d'exploration. Bien sûr, tout ça pourra être remis en question.

Je peux vous révéler les quatre prochaines sorties :

+ Livre Source
+ Fanzine Putride, compilation des N°1 et 2.
+ Scénario Mildiou, une épreuve de devoir et de survie dans l'Ukraine de Millevaux.
+ L'Atlas de Millevaux, une exploration de l'Europe et du Proche-Orient en proie à la forêt.


Voilà six ans que ça dure. J'en ai bien pour six années de plus, au minimum. Six années d'hallucinations paraphréniques et de gourmandise d'exploration. Si les meneurs occasionnels de Millevaux sont rares et qu'il n'existe pas encore de meneurs réguliers à ma connaissance, j'espère bien être assez pédagogique et intéressant pour qu'une communauté voit le jour et m'accompagne dans cette conquête de l'imaginaire.

Re: Millevaux, mon planning paraphrénique

Message Publié : 29 Nov 2012, 14:57
par Christoph
Salut Thomas

Faudra-t-il constamment se tenir à jour pour Sombre ou le premier numéro suffira-t-il ?

Du moment que tu paies des royalties à Johan Scipion, est-ce que ce ne serait pas plus simple de réexpliquer les règles de Sombre dont tu as besoin en tes propres mots dans le texte de Millevaux ? D'ailleurs, sans vouloir fâcher ou offenser qui que ce soit, est-ce bien normal de payer des droits d'utilisation ? Après tout, même la licence d20 ne prévoyait pas de royalties (mais je ne suis pas au courant de ce que c'est devenu depuis la sortie de D&D 3.5, ce qui est déjà assez vieux). Et peut-on, en France, mettre un copyright sur des idées ? A priori, ce sont les textes qui sont protégés par les droits d'auteurs, ou la mise en œuvre concrète dans le cas de brevets techniques, pas le concept. Ainsi, une reformulation totale en tes propres mots de règles existantes (sans utiliser l'image de marque Sombre cependant), devrait être possible. Sinon, Sombre ne devrait-il pas payer des royalties à bon nombre de jeux plus anciens ? Je me permets de dire cela parce que les conseils de maîtrise, les règles supplémentaires (comme les marelles) ou les scénarios auront probablement un poids bien plus important que les quelques références aux règles de résolution d'action de Sombre. Si de toute façon tu dois tout réimplémenter pour ton jeu, tu es en fait en train de faire un nouveau jeu, inspiré de Sombre. Prendre un peu de distance par rapport à Sombre pourrait aussi t'aider à négocier un passage compliqué si jamais Johan vendait ses droits à un éditeur, puisque c'est ce qui semble l'intéresser (et si vraiment tu vas maintenir une gamme, ce moment risque d'arriver alors que tu travailles encore sur ton jeu).

Ceci me mène à ton modèle de publication. La norme en jeu de rôle est de publier un livre de base puis des suppléments. Une des raisons serait que les MJ ont besoin de suppléments pour avoir une maîtrise totale du jeu. Je pense que c'est absolument faux, sinon il faudrait attendre que la gamme soit complète avant de maîtriser, et à mon expérience, bon nombre de MJ n'utilisent pas les trois quart des suppléments qu'ils achètent et finissent par s'en débarrasser. Mais derrière ce modèle se cache aussi un plan commercial. L'idée est que tant qu'il y aura des suppléments, les livres précédents se vendront, et les suppléments pourront aussi apporter un petit bénéfice. Or, j'ai de très forts soupçons à l'égard de cette politique. Peut-être que ça peut marcher, mais vu l'historique de D&D (TSR qui fait faillite, Wizards of the Coast qui se fait racheter et qui a maintes fois laissé sous-entendre que c'est Magic et Pokémon qui permettaient de publier D&D), la disparition ou la réorientation de bon nombre d'éditeurs francophones (souvent, d'une manière plus ou moins directe, parce que le JdR ne fait pas rentrer assez d'argent), etc. j'ai quelques doutes que ce soit le modèle à suivre par défaut. Certains jeux s'en sortent certainement (apparemment Pathfinder fait un carton, L'Appel de Cthulhu continue, je suppose qu'il y en a d'autres), mais la vraie question est : « est-ce que Millevaux profitera de ce modèle ? »

Il existe aussi un risque créatif : que les suppléments étouffent le jeu de base. Je suis persuadé que c'est cette politique commerciale qui a fait passer D&D d'un jeu PMT parfaitement amusant à un mélange complètement incohérent sous la forme de AD&D (deuxième édition du moins). En effet, à force de « développer » le jeu et de trouver des arguments de vente, on est passé du donjon pur et dur à des aventures de plus en plus romancées (et dirigistes, et soi-disant axées sur l'histoire...) Les éditions qui ont suivi ont redressé le tir, du moins dans les livres de base, mais je pense que c'est un danger qui guette tout jeu à gamme.
On rencontre aussi les cas d'auteurs qui ont joué à leurs jeux, généré des histoires, des personnages et des localités si intéressantes qu'ils ne peuvent s'empêcher de les partager avec les autres gens, les publient sous forme de suppléments (voire de background dans le livre de base) et après les gens pensent qu'il s'agit de s'amuser en évoluant avec ces éléments pré-créés, alors qu'en fait, ce qui était amusant pour l'auteur était précisément la création en cours de partie, ou du moins en préparation pour sa campagne bien à lui, de ces choses !
Ton blog « Outsider » contient un billet qui met en lumière l'intérêt de publier et terminer une œuvre. Un jeu à gamme n'est jamais terminé : est-ce bien sain pour son auteur ?

Je reconnais néanmoins que justement pour des jeux comme D&D, et probablement Millevaux, les donjons/scénarios sont un sacré travail de préparation et cela vaut donc la peine d'en publier.

Tu n'as aucune obligation de me prouver quoi que ce soit, c'est ton projet, ce sont tes risques ; et moi j'ai des positions bien campées, nous ne devons pas partir du principe que l'un convaincra l'autre. Cependant je serais très intéressé d'en savoir plus sur ta philosophie de publication.

Re: Millevaux, mon planning paraphrénique

Message Publié : 29 Nov 2012, 20:39
par Thomas Munier
Tu poses trois questions :

Faudra-t-il constamment se tenir à jour pour Sombre ou le premier numéro suffira-t-il ?
Le premier numéro suffit. On peut même jouer avec le seul kit en téléchargement gratuit. La preuve, c'est qu'une communauté importante de meneurs existe depuis avant même la publication du jeu sous forme de fanzine. Et pour Millevaux, je m'applique à ne pas rendre indispensable la lecture des numéros qui suivent le n°1, même si je la recommande, pour les précieux conseils qu'ils apportent. Que ce soit Sombre ou Millevaux, on est sur un modèle en briques. Le meneur aura besoin du N°1 de Sombre et du livre source de Millevaux, et pour le reste il fait ses courses à sa convenance.

* Pourquoi je paye une licence à Johan pour motoriser Millevaux sous Sombre ?

Parce que ça me paraît normal, parce que c'est une synergie, et par respect des droits d'auteur.

ça me paraît normal parce que Johan a mis 10 ans pour concevoir Sombre. En motorisant Millevaux, j'ai profité de ses idées pour faire tourner mon univers comme je le voulais. De surcroit, j'ai participé au playtest du système, je l'ai accompagné. C'est le meilleur système d'horreur que je connaisse. Et tout simplement, j'adore ce système. Je ne ferai pas de rétropédalage en changeant de système après 4 ans d'avancée conjointe.
Tu n'es pas le premier à me dire que Millevaux "dépasserait" Sombre. ça me paraît faux. Primo parce que mes routines sont très peu de choses à l'égard de la solidité du système initial. Millevaux, c'est du Sombre. Point. J'écris même en intro du livre source qu'on peut jouer à Millevaux SANS lire le livre source, Sombre suffit. Et surtout, j'utilise 100 % du système de Sombre. Si j'en limite la focale au survival forestier horrifique et post-apocalyptique, j'utilise toutes les longueurs d'onde de Sombre. Toutes les mécaniques me sont précieuses : je maîtrise Sombre au pied de la lettre. Je ferai un parralèle avec Mississipi, qui est motorisé par le dK system, mais le modifie en profondeur. Ce dK réécrit pour Mississipi est inclut en totalité dans le livre Mississipi, de telle sorte qu'on n'ait pas besoin d'acheter le livre du dK. Mon approche est aux antipodes. J'utilise Sombre sans en modifier un iota. A peine je rajoutes quelques routines facultatives. Je ne recopie pas Sombre parce que c'est le choix de Johan, parce que je veux que Johan vende des livres de Sombre grâce à Millevaux, et parce qu'ainsi je peux mettre le contenu des livres de Millevaux sous licence creative commons sans léser les droits d'auteurs de Johan

C'est une synergie. Je fais le pari commercial que la réputation de Sombre profitera à Millevaux. Quand Johan s'exprime sur Sombre, il cite Millevaux. La communauté de Sombre est mon premier public. Si je profite de tout cela, il est logique qu'il y ait un échange et une contrepartie. Je vois vraiment ça comme un travail d'équipe.

Par respect des droits d'auteur. Tu cites le principe des OGL et le rétroclonage.

Si l'OGL est un modèle éditorial et artistique qui se vaut, et remporte évidemment les suffrages des sensibilités indépendantes, ce n'est pas le seul modèle légitime. Je pense que GURPS est une licence, et que les jeux motorisés sous GURPS payent un écôt à l'éditeur de GURPS (il faut que je vérifie ça). Johan décide de faire de Sombre une licence payante, c'est son choix. Je le respecte et je comprends qu'il souhaite rentabiliser 10 années de travail acharné. Je n'ai pas hésité une seconde avant d'accepter. Christoph, je t'invite à développer pourquoi ce serait pas légitime en m'expliquant l'idéologie exacte que tu veux défendre derrière.
Par ailleurs, payer une licence ne m'empêche pas de mettre Millevaux sous licence creative commons (attribution, gratuit pour un usage non commercial) (et seulement Millevaux, pas Sombre, bien sûr), assumant pour ma part une position sur le droit d'auteur plutôt différente de celle de Johan. Pour résumer, Johan souhaite faire valoir son droit d'auteur, je le respecte et c'est normal.
Tu cites le rétroclonage. Il me semble que le rétroclonage est permis par l'idée juridique qu'un système de règles ne peut être protégé par le droit d'auteur. Si c'est valable juridiquement, je trouve qu'en terme d'éthique du droit d'auteur, c'est discutable. D'autant plus qu'on ne parle pas d'un vieux système amorti depuis des lustres (D&D premier du nom), mais d'un jeu indépendant qui vient tout juste de sortir et n'a certainement pas encore atteint son seuil de rentabilité. Je sais qu'il y a des exemples plus récents. Ainsi Eclipse Phase se met sous licence creative commons. mais Eclipse Phase cherche surtout à vendre son univers et à créer une communauté qui investisse créativement dans cet univers, alors que Sombre se veut un système générique sans univers dédié.

Je suis vraiment ouvert à la discussion. J'aimerais bien que tu étaye ton idée pour qu'elle me soit bien claire, et que tu fasses la différence entre des acquis juridiques et tes positions éthiques. C'est d'autant plus important que Johan, qui suit ce topic, vient de réagir publiquement, et je pense donc qu'il attend aussi un développement de ta part :
http://www.terresetranges.net/forums/vi ... 9224#p9224


* Pourquoi je pars sur une stratégie de gamme ?

Comme je le disais, c'est sans calcul. Dans le sens où je ne suis pas certain que ce soit un bon choix commercial ou même un bon choix de game design. Je suis convaincu, grâce aux jeux indie et aux jeux à gamme fermés (les DoA de John Doe...) qu'on peut faire un excellent jeu en un livre. En tant qu'acheteur de jeu de rôle, je ne consomme pas de gamme. Si je fais une gamme pour Millevaux, c'est donc par pure paraphrénie ; j'entends une force inconsciente qui me pousse à développer l'univers de façon ample. Je suis néanmoins conscient qu'il faut surveiller la cohérence de l'ensemble. J'ai aussi pensé aux consommateurs de jeux en un seul livre, puisque le livre source peut amplement se suffire à lui-même. J'écris même au début du livre source qu'on peut se contenter de lire le premier chapitre (Mener le Jeu)... voire commencer à jouer juste après avoir lu Sombre. Je procède par strates. C'est déjà du Millevaux avec une seule strate, c'en sera encore avec 200 strates.

Re: Millevaux, mon planning paraphrénique

Message Publié : 30 Nov 2012, 21:09
par Christoph
Hello Thomas

J'avais écrit le message précédent sur plusieurs jours, avec un crash qui a failli me coûter l'intégralité du message, et dans l'affaire j'ai oublié de l'introduire correctement. J'aurais voulu t'exprimer plus clairement mon intérêt sincère pour ta démarche, ainsi que celle de Sombre (je suis Johan Scipion sur Google+, à défaut de lire régulièrement le forum Terres Étranges). Je m'excuse de ne pas avoir mieux tourné aussi le reste de mon message, qui méritait une attention toute particulière puisque l'édition est un sujet qui mobilise les passions et les sensibilités. Ceci dit, ton message me prête des propos que je n'ai pas eu, tu sembles deviner des intentions que je n'ai pas. Je ne suis pas là pour trasher les gens, bien au contraire. Une participation charitable s'impose aux deux, et à tous ceux qui nous suivent.

Ma question concernant les droits d'utilisation est honnête, sans arrière pensée et surtout sans aucune incitation dans un sens ou dans l'autre. Je ne comprends vraiment pas comment ça fonctionne, vu ce que j'ai cru comprendre des droits d'auteur et des brevets (ce qui est forcément lacunaire soit dit en passant, je ne suis pas juriste et je n'en ai pas consulté). Je m'adresse avant tout à toi en tant que payeur, et pas à Johan en tant que personne qui demande paiement (mais il peut bien sûr intervenir sur silentdrift lui aussi).

Je pense que ma question est légitime, car faire payer l'utilisation des règles n'a rien de normal : l'OGL et la licence d20 étaient gratuites, Fate (Core) est un système libre qui a connu des descendants illustres (Dresden Files RPG par exemple), Ron Edwards permet aux gens de publier des mini-suppléments pour Sorcerer gratuitement et même de hacker son système assez librement, Vincent Baker est super relax (je lui ai demandé s'il touchait quelque chose sur les ventes de Dungeon World ou Monster Hearts, deux hacks de son Apocalypse World, je vous tiendrai au courant), etc. Julien Gobin avait un temps lancé un jeu de super-héros basé sur mon Innommable (qu'il a playtesté d'ailleurs) et Humanydyne, jamais de la vie je n'aurais imaginé le faire payer (mais cet argument a peu de poids, puisque Julien a laissé tomber son projet et moi je n'ai pas encore publié le mien). Peut-être suis-je naïf ! Mais je serais certainement en bonne compagnie.

Un point qui m'a interpellé est le suivant. Sombre a un kit de démonstration gratuit, suffisant pour jouer à Millevaux. Tu conviendras que ce n'est pas étonnant de se poser la question pourquoi moi en tant que joueur je pourrais avoir ce kit gratuitement, mais toi tu devrais payer sous forme de droits sur la vente de l'exemplaire de Millevaux que je t'aurais acheté.

Ensuite, j'ai exploré deux pistes :
  • Du moment que tu paies le droit d'utilisation d'un jeu, alors pourquoi ne pas inclure les règles essentielles dans le livre de base de Millevaux ? La réponse semble être simple : ça ne fait pas partie de l'arrangement et de plus ça ne t'intéresse pas.
  • Étant donné que tu fais une sélection des règles et conseils à reprendre de Sombre, tu pourrais choisir de les récrire en tes propres mots, et ne plus être dépendant de Sombre. C'est ce que Shiryu envisage de faire à partir de Dogs in the Vineyards et L5A par exemple, alors qu'il croyait dans un premier temps que ce serait un simple hack. Ce n'est pas du rétro-clonage comme tu le dis (mot que j'ignorais d'ailleurs jusqu'à ce que tu l'emploies). Dans cette optique, ce ne serait de loin pas l'intégralité de Sombre dont tu t'inspirerais, et il n'y aurait aucune phrase identique. On ne pourrait pas jouer à Sombre sans les livrets. Quand je dis « un jeu inspiré de Sombre », j'entends qu'il figurerait en bonne et due place dans le livre de Millevaux dans la rubrique des inspirations et remerciements. Cette option, tu l'as confirmé, ne s'applique tout simplement pas à Millevaux, je n'y reviendrai plus.
Un autre point qui m'interpelle est la réalisation concrète d'un tel arrangement. Comment décide-t-on de qui doit payer combien à qui ? Si je voulais m'inspirer de ça pour demander un droit d'utilisation à Julien s'il reprenait son idée de jeu de super-héros, je ne saurais pas encore comment m'y prendre et Julien ne saurait pas s'il doit accepter ou pas. Tu parles d'une synergie, qui me semble évidente sur le renforcement mutuel des livres des deux auteurs (réputation réciproque) et du travail épargné pour l'un et l'autre (Johan verra sa gamme s'étendre, toi tu gagnes gagnes du temps côté règles). Difficile de dire qui y gagnera le plus en termes financiers. Encore une fois, si l'OGL était gratuite, c'est parce que Wizards of the Coast pensait se faire de l'argent sur le surplus de vente généré par l'attractivité suscitée par l'élargissement de la gamme compatible avec ses jeux. Peut-être que cette compensation pécuniaire dans le cas de Sombre est nécessaire pour équilibrer les comptes (et après tout, D&D 4e édition est sous une licence plus restrictive que ne l'était la 3e...), mais ce n'est de loin pas évident pour moi.
Ceci dit, je dois admettre que cette position d’émetteur de licence me mettrait personnellement mal à l'aise. Si je fais payer ça, ne pourrait-on pas me tenir financièrement redevable aux playtesteurs ? C'est du temps et des compétences que je n'avais pas, tout comme certains auteurs pourraient dire qu'ils n'ont pas le temps et les compétences de créer des règles aussi bonnes que celles de Sombre. Et quid des jeux dont je m'inspire ? À partir de combien d'emprunts devrait-on théoriquement payer ?
En réalité, je crois qu'il ne s'agit pas de ça. Il s'agit d'utiliser une image de marque. Du coup, même si tu « rétroclonais » Sombre, je défendrais le droit de Johan d'exiger un paiement pour l'utilisation de la marque (même si a priori moi je ne ferais pas ça pour mes jeux, mais on s'en fout). Je crois donc que le malentendu se situait surtout à ce niveau : toi tu serais en train de me parler avant tout de la marque Sombre, moi je parlais des idées derrière un certain nombre de règles (puisque je te poussais à renoncer à la marque, ce qui, je le comprends maintenant 5/5, est hors de propos).

J'aimerais quand même soulever que tu insistes que Sombre est un jeu indépendant, mais tu dis aussi que Johan n'exclut pas de se faire éditer par une maison d'édition. Quid de ton arrangement quand les droits seront aux mains de la maison d'édition ? Cette question je la pose avant tout par souci pour toi et ton projet et par respect de ta démarche paraphrénique, moi je n'ai aucun enjeu là-dedans. Si c'est confidentiel je n'insisterai évidemment pas.


Reste la question du choix du modèle de publication. Je respecterai ta décision, là n'est pas le problème. Mais ton argument que tu t'y lances sans calcul n'a plus rien à faire ici. Ça concorde avec ton mode de création de prédilection et surtout, si tu viens en parler sur silentdrift, c'est pour examiner ton projet de près (que ce soit des calculs chiffrés ou des évaluations de stratégies). Donc maintenant on va « calculer ». Ou alors tu assumes pleinement cette position et on discute stratégie de gamme (enfin, je ferais entrer Romaric en remplacement, j'arrive au bout de mes idées à ce sujet).

Un mot pour la fin et la paix (dans le monde) : je n'entrerai pas dans une escalade de messages balistiques inter-forums. Mes propos je les ai tenus ici dans un contexte particulier, ils étaient avant tout adressés à Thomas. Je regrette que mes propos aient offensé Johan et j'espère que ce message a redressé le tir (!), mais qu'il vienne ici-même me le dire si je continue à dépasser les frontières de l'acceptable. Et toi Thomas stp ne joue pas son diplomate, sinon on va juste donner une réalité à une division en blocs qui n'a pas lieu d'être entre ces deux forums.

Re: Millevaux, mon planning paraphrénique

Message Publié : 01 Déc 2012, 12:22
par shiryu
Etant cité, je me permet une petite incursion :

J'ai effectivement hacké DitV pour L5A. Ce travail étant à mon usage personnel, il ne souffrait d'aucune question de droit ou autre. Ayant découvert silentdrift, j'ai voulu partager mon travail parce qu'étant quand même très limite en anglais et que le livre de règles de DitV est relativement difficile à lire, je voulais voir si je collais bien au jeu. C'est là que les questions ont commencé. Pouvais-je mettre les règles (à priori, pas loin d'être une VF de règles de DitV) sur le net, gratos, sans en parler à Baker ? Pouvais-je explorer l'univers de L5A aussi librement et surtout publiquement ? Bref, si tant que je jouais chez moi, ça ne posait pas de problème, j'avoue que je ne voyais pas des éditeurs s'intéresser au travail d'un amateur qui serait repris par, houuu... 3 MJ dans le monde si tout va bien. Mais LA question s'est posée et je ne voulais pas être LE pauvre type qui allait devoir payer un truc pour plagiat ni mettre le modo dans l'embarras pour avoir laisser passer un truc illégal sur son forum. Et donc j'ai parlé de mon hack sur silentdrift en masquant tout ce qui se rapporte de trop près aux 2 jeux de base.
Pourquoi autant de blabla de ma part ? et bien en cachant le système dans mes posts, les lecteurs se sont posés des questions (en plus, les membres de silentdrift connaissent mal L5A) car ils ne voyaient pas le lien entre DitV et mon jeu aussi fort que moi. Je pense que c'est un peu ce qu'on peut ressentir en lisant tes post Thomas (en tout cas, c'est mon cas et peut être aussi Christoph sous réserve). On peut lire des tas de pub de jeux amateurs sur casus no ou ululle qui disent s'inpirer de tel ou tel jeu pour leur système mais qui en fait, à part lancer le même nombre de dés avec le même nombre de faces, ce n'est pas pareil. Ne connaissant pas les jeux Sombre et Millevaux, je ne peux pas voir jusqu'où va le lien.
Je n'ai personnellement pas été choqué par les questions de Christoph car il m'a posé les mêmes. Moi, je ne me les étais pas posées. Ca a donc mis du temps mais j'ai trouvé mes réponses. Visiblement, ton projet est bien plus avancé que le mien et tu as déjà tes réponses mais ne soit pas offensé qu'on te les pose, elles ne sous-entendent aucune bonne réponse de ta part.

Enfin, le lien avec Johan. Après hésitation, j'ai décidé de me lancer dans la conception d'un jeu dit original. Autant dire que pour moi, ça m'écorche encore la gorge de le dire (plus facile à taper d'ailleurs) et je trouve ça très prétentieux. Si pour L5A, là, je n'ai plus aucun scrupule car il s'en est affranchit totalement (le folklore japonais est libre de droits je pense), l'influence de DitV est palpable. On m'a dit qu'il faudrait juste que je cite Backer dans les crédits (info après contact avec Baker). Je lui prévois un paragraphe entier. Mais soyons honnête, s'il voulait toucher des droits d'auteur dessus je trouverais ça normal. Bon évidemment, si je publie mon jeu gratuitement, je ne vois pas comment c'est possible (et je me pose la question pour toi Thomas). Ce qui me semble TRES important dans ma relation avec Baker (et dans la votre), c'est que cette question de droit d'auteur ait été évoquée et qu'elle soit parvenu à un accord mutuel. De mon côté, Baker accepte qu'on explore son système librement et ça m'arrange bien car je ne me serais pas lancé dans un truc avec un engagement financier dès le départ pour une première (et unique ?) expérience. De votre côté, vous avez fixé des droits d'auteur et ça vous convient. C'est transparent et sain, que dire de plus ? Ah oui, cette question qui effectivement peut être confidentielle mais qu'en tant que lecteur, on est amené à se poser : Quand Johan va vendre ses droits à une maison d'édition, que va devenir votre accord ? J'imagine qu'il y a des tas de possibilités. la seule que je trouverais bonne est celle d'en parler avec l'éditeur et de le mettre par écrit.

Bon, mon intervention n'est pas aussi structurée que je le prévoyais mais ça me semble compréhensible. J'avoue que dans un premier temps, Sombre et Millevaux ne m'attirent pas trop en tant que jeu mais sache que je suis ton intervention car le concept de publication de suppléments qui se veulent indépendants m'interpelle. Comme il y a du téléchargement gratuit, j'y jetterai un coup d'oeil un jour mais pas pour faire jouer à priori (désolé), juste par curiosité (mais j'essaierai de faire un retour pour me faire pardonner), je te promets juste de ne pas laisser ça sur mon disque dur sans le lire.
Bonne continuation à toi.

Re: Millevaux, mon planning paraphrénique

Message Publié : 01 Déc 2012, 12:43
par Thomas Munier
Christoph,

Je connais le principe de lecture charitable proposé par ce forum et je trouve que c'est une excellente chose. Je ne vais pas parler pour Johan ni même présager de ce que toi tu penses. Si involontairement je l'ai fait, je m'en excuse, mais je ne pense pas l'avoir fait.

Après tout, la seule opinion que je connaisse bien, c'est la mienne. Je voudrais juste te rassurer en affirmant que je n'ai pas cherché à présager de tes intentions. Tu émets l'hypothèse de publier Millevaux en me démarquant de Sombre, et je t'explique pourquoi je ne le ferai pas. J'apprécie que tu aies émis cette hypothèse parce personnellement, je suis sur ce forum pour recevoir des avis différents du mien. C'est ça qui me fait avancer. Je ne suis donc pas senti agressé, nous sommes dans le cadre d'un échange d'idées amical. D'autant plus que tu m'as semblé prendre les précautions oratoires nécessaires.

Dans mon message précédent, je me suis efforcé de répondre sans dire : "Christoph pense que". J'ai surtout cherché à clarifier mes positions. J'essayerai de garder cette ligne de conduite à l'avenir. J'ai voulu répondre à la question * Pourquoi je paye une licence à Johan pour motoriser Millevaux sous Sombre ?" et pas à la proposition "je ne devrais pas payer".

Pour répondre à tes nouvelles questions : oui en effet, on peut dire que jeux utiliser l'image de marque de Sombre. Mais le système aussi m'intéresse.

Sauf si c'est maintenant hors de propos, je voudrais repréciser encore mon opinion sur les systèmes de jeu de rôle et les droits d'auteur. Ce n'est pas pour alimenter une polémique, mais je veux m'assurer d'avoir été clair.

Dans le marché, on constate plusieurs pratiques d'utilisations de systèmes génériques de jeu de rôles :

- des systèmes conçus pour être utilisés par d'autres moyennant le fait de payer une licence (je suis certain que GURPS fonctionne ainsi, et de fait Sombre fonctionne ainsi)
- des systèmes pouvant être utilisés par d'autres gratuitement, avec la simple obligation de mentionner la source. C'est la principe de l'OGL, il me semble inventé par TSR à partir des règles de D&D3. Tu cites toi-même d'autres exemples, il y a en des pagailles.
- des systèmes, comme celui du premier Donjons & Dragons (OD&D), qui ont été reproduit sous forme de rétroclones, sans l'autorisation expresse de l'éditeur. C'est un peu compliqué parce que les auteurs de rétroclones s'appuient à la fois sur l'OGL de D&D3 qu'ils rétro-ingénérient pour se rapprocher de OD&D et sur une jurisprudence qui permettrait d'utiliser des élements de système sans verser de droits d'auteur à condition de changer le texte. Je renverrai à un article assez synthétique et documenté de Philippe Tremeur sur le sujet : http://www.legrog.org/editorial/rubriqu ... asi-clones

ça, c'est pour l'aspect juridique. On voit que tout existe. L'option des rétroclones à mon avis ne fonctionne que parce que les détenteurs de la licence tolèrent cette pratique ou ne souhaitent pas investir dans un procès. On voit que les créateurs de systèmes (où les détenteurs de la licence, qui ne sont pas forcément des créateurs, dans le cas de jeux non indépendants comme OD & D) n'ont pas tous les mêmes positions, certains sont heureux d'offrir leur système à l'humanité, d'autres le refusent ou le font avec une contrepartie finacière et un engagement contractuel.

Après, il y a l'aspect éthique. Ce qui relève de l'opinion personnelle. On peut légitimement avoir la position suivante : " les systèmes de jeu devraient être en licence libre". A mon avis ça ne fonctionne que si l'auteur de système est d'accord. Si l'auteur de système ne veut pas placer son système en licence libre et pour ce faire s'appuie sur la loi ou négocie un contrat, pour ma part je veux respecter son choix. Avec Johan, j'en ai discuté et il souhaitait faire un contrat, j'ai donc accepté d'autant plus que j'y voyais des avantages (utiliser l'image de marque de Sombre, ne pas me casser la tête à créer un nouveau système ce qui serait revenu à réparer ce qui n'est pas cassé, et poursuivre un enrichissant travail d'équipe avec Johan et Terres Etranges).
Si je souhaite utiliser le système d'un autre pour motoriser votre propre jeu, et que je souhaite l'autoéditer (j'entends par là vendre vos livres, en PDF ou en arbre mort), je prends contact avec l'auteur du système ou le détenteur de la licence si ce n'est pas la même personne. Le résultat de cette négociation variera en fonction de mes attentes personnelles et de celles de l'auteur.

Si je souhaite utiliser le système d'un autre pour publier mon propre jeu en gratuit (PDF gratuit ou livre à prix coûtant), je suppose que je peux me dispenser de contacter l'auteur du système. Mais si l'auteur à vent de mon jeu et me demande de cesser d'utiliser son système, peut-être que je devrais accepter. Après tout, si j'ai utilisé son système, c'est que je respecte ses idées, donc je peux aussi respecter ses positions sur le droit d'auteur.

Je rajouterai une chose, et c'est important. Je pense que ma façon de voir les choses découle de mon état d'esprit. En plus de me définir comme auteur indépendant, je me définis comme auteur professionnel. J'ai un peu de mal à l'expliquer en détail, mais je pense que ça change le point de vue. Je me définis comme auteur professionnel, dans le sens où Millevaux n'est pas seulement une passion que je partage avec les autres. C'est aussi un projet professionnel. Je me considère aujourd'hui comme double actif (auteur et salarié) et j'envisage de voir s'il est possible de devenir auteur à temps plein (j'en parlerai prochainement dans des fils dédiés). J'évoque ça parce qu'à mon avis tous les auteurs indépendants ne se voient pas comme professionnels. ça ne les empêche pas d'être sérieux ou de produire de la qualité. Mais ils n'ont pas de plan de carrière et des modèles économiques très différents.


Pour finir, Christoph, tu soulèves un lièvre intéressant. En effet, que se passera-t-il si Sombre sort de l'indépendance pour être édité par un tiers ? Je suppose que j'en débattrai avec Johan. La question n'est pas tranchée (d'autant qu'à ce jour, le contrat de licence n'est pas rédigé). Partant du principe que Johan me fait signer une licence au moment où il est encore un auteur indépendant, je suppose que s'il se fait éditer par un tiers, il ne lui vendra pas sa licence mais simplement un droit de diffusion. L'éditeur tiers sera invité à accepter cet état de fait (des univers paraissent, motorisés sous Sombre, sans que l'éditeur n'ait de contrôle là-dessus). Je ne sais pas si ça se passera vraiment comme ça, mais j'ai bien sûr prévu d'en discuter avec lui.

Pour revenir sur ma stratégie de gamme, il y a en effet une part de non-calcul (j'ai envie d'écrire beaucoup de suppléments, donc je le fais). Mais il y a aussi une part de calcul commercial, puisque je m'assure que les meneurs puissent jouer à Millevaux sans acheter tous les suppléments mais en même temps je m'assure que mes suppléments soient cool et cohérents et renforcent vraiment l'expérience de jeu, pour que les meneurs suivent la gamme et que Millevaux ait une bonne durée de vie. Je m'adresse donc à deux publics : les meneurs qui veulent du clé en mains (et ne prendront donc que le livre source) et ceux qui veulent une gamme fournie.

Je suis conscient que ça s'oppose à la stratégie dominante des auteurs indépendants, qui est de sortir des jeux en one-shots et d'en sortir un tous les deux à trois ans (il me semble que Vincent Baker est assez prolifique, non ?). Ils parient sur leur image de marque d'auteur plus que sur l'image de marque d'un jeu. Mais il y a aussi une part d'affectif dans leur choix : ils aiment explorer plusieurs prémices différentes tandis que moi j'en creuse une seule à fond, voilà tout.

Re: Millevaux, mon planning paraphrénique

Message Publié : 01 Déc 2012, 12:49
par Thomas Munier
Shiryu,

Merci pour ton intervention qui éclaire un dénouement différent à une approche de base similaire. ça étaye mes propos.
Les points communs : on utilise de façon très fidèle le système d'un autre
Les différences : tu diffuses ton jeu librement et tu as convenu avec l'auteur de système qu'il n'y aurait pas de mise financière entre vous. Tandis que moi je vais vendre Millevaux. ça a forcément teinté ma négociation avec l'auteur du système. Pour information, tant que Millevaux était diffusé gratuitement et depuis le site de Terres Etranges, il n'y a eu ni contrat ni contrepartie financière entre Johan et moi. C'est toujours le cas pour Cthulhu DDR, un univers de Thierry Salaün pour le jeu de rôle Sombre.

Pour te rassurer, je n'écris pas sur Silentdrift pour vendre Millevaux mais pour échanger sur les stratégies de l'indépendance. Si tu le lis, j'en serai heureux, mais ça n'est pas foncièrement le but de ma présence ici. Et c'est à cause de ça que je suis heureux des remarques que vous me faites, qui me font avancer et nourrissent mon envie d'échanger.

Re: Millevaux, mon planning paraphrénique

Message Publié : 01 Déc 2012, 22:50
par Christoph
Salut Thomas

Merci pour ton message. Je m'excuse si je t'ai attribué un comportement que tu n'avais pas, il se peut que j'ai importé des choses que j'ai lu sur le fil que tu as mis en lien et qu'ensuite je suis parti du principe que tu les cautionnais vu justement que tu l'avais mis en lien et que tu reprenais certains termes. Okay donc, j'espère qu'il n'y aura pas de lézard entre nous, en tout cas pour moi l'affaire est classée et je respecte tes choix.

Puisque tu voulais savoir mon approche éthique de la chose, j'aimerais tout de suite préciser que je ne milite pas pour des licences libres. Je ne sais pas si c'est utile pour le JdR. Mon point de vue c'est juste que les gens peuvent s'inspirer très librement de mon jeu (et ça me ferait plaisir qu'on m'en informe si c'était le cas), mais je ne vais pas non plus aller jusqu'à dire, à la manière de la GNU General Public License, que les gens peuvent copier mon jeu et le redistribuer.

J'en viens à une suggestion marketing pour ton jeu. J'ai soulevé sur Terres Étranges un doute sur la façon dont tu présentais ton rapport à Sombre. Pour résumer et pour compléter ce fil : il me semble qu'il est difficile de faire du Sombre « by the book » et ensuite dire que le kit gratuit (et volontairement incomplet) suffit (ce qui semble bien être le cas d'après le nombre de groupes qui jouent ainsi). Pour le reste des différences entre Millevaux et Sombre évoquées sur Terres Étranges, je vais voir si j'aurai le temps de les aborder dans les fils de rapport de partie, elles ne me semblent pas avoir trop d'impact sur la communication au sujet de ton jeu.

Pour finir, je comprends ton désir de devenir un professionnel du jeu de rôle. Juste pour que j'aie la conscience tranquille, je vais te dire que c'est très difficile et qu'il n'y a pas grand monde qui y parvient (même les anglophones, avec leur marché que j'ai estimé une fois complètement à la louche comme étant au moins 4 à 6 fois plus grand que le marché francophone), mais que j'espère que tu trouveras au moins un équilibre qui te convienne !
Ceci dit, je ne vois pas en quoi ça justifie de prendre une licence payante. S'il s'agit de se dire que parce qu'on est professionnel, on paie les services rendus par d'autres puisqu'on va se faire de l'argent grâce à leur aide, ne faudrait-il pas aussi commencer à payer les playtesteurs externes (du moins ceux qui les organisent et animent), payer les relecteurs, etc. ? Ça compliquerait encore les choses pour devenir professionnel.

Re: Millevaux, mon planning paraphrénique

Message Publié : 02 Déc 2012, 11:56
par Thomas Munier
Non seulement il n'y a pas de lézard, mais je suis toujours partant pour discuter cartes sur tables de sujets difficiles. C'est parce que ce sont des sujets difficiles qu'on en parle peu et que les auteurs sont mal renseignés. Comme je disais, je te remercies d'avoir abordé le sujet.

Cette discussion m'inspire le fait qu'un auteur devrait réfléchir à cette hypothèse d'utilisation d'auteur par d'autres au moment où il diffuse son travail. Johan dépose une marque et le contenu de ses revues, en ce qui me concerne je mets mes textes sous licence creative commons attribution / pas d'usage commercial (ça veut en gros dire que des gens peuvent sortir des suppléments Millevaux gratuits à condition de me citer, et qu'ils peuvent pour cela reproduire de larges extraits dans ces suppléments). Quand à toi, d'après ce que tu viens de nous dire, et en vérifiant sur Innommable 008, tu ne mentionnes pas au lecteur ta position, préférant réagir au cas par cas.

Concernant ta remarque sur le fait que je dis que le kit gratuit (et incomplet) suffit pour jouer, je vais te faire la même réponse que sur Terres Etranges :
C'est vrai que sur silentdrift, et dans mon projet de livre source, je dis : "il vous faut sombre light ou le N°1 de la revue Sombre Light". Comme tu le signales justement Christoph, dans Sombre Light il manque deux choses importants : le descriptif des Traits et le descriptif des personnalités. C'est un kit de démo jouable. Et moi en effet, je joue à Millevaux avec le N°1 de la revue, la version payante, donc, qui contient le le descriptif des Traits et le descriptif des personnalités. Donc, oui, il y a peut-être un biais entre ce que je propose au joueur et ce que je fais à ma table. Peut-être que je devrais y réfléchir ?

Après, c'est une question très épineuse. Je pense que proposer au joueur une expérience identique à celle de la table de l'auteur est louable, mais n'est possible que dans un format un seul livre. Apocalypse World, de Vincent Baker arrive à tenir cette promesse parce que son livre décrit vraiment comment jouer de A à Z, mais surtout parce qu'il n'y a qu'un seul livre. Le même Apocalypse World, tu l'aurais découpé en deux bouquins, la promesse ne pouvait pas être tenue.

Or, Sombre est une gamme, et Millevaux une gamme dans la gamme. On ne peut pas promettre au meneur une expérience identique à celle de l'auteur. On peut seulement lui promettre que plus il aura de livres de la gamme, plus il s'en approchera, et s'efforcer que l'expérience soit bonne dès le premier livre lu.


Sinon, je suis bien conscient des extrêmes difficultés à vivre du jeu de rôle. J'explore déjà le terrain en tant que double actif, et j'élabore un modèle que je vous exposerai prochainement.

Comme tu le fais remarquer, je ne pourrais me dire que je vais payer absolument tout le monde sous prétexte que je suis professionnel. Disons que je veux m'arranger pour payer les intervenants qui ont le plus fort impact sur ma production. Sur ce critère, l'auteur de Sombre est du coup en tête de liste. Nonène et Fabien expliquent dans la rubrique "Publication" qu'ils ont tenu à payer leurs illustrateurs respectifs, dont ils jugeaient le travail crucial pour l'aboutissement du jeu.

Cependant, la fragilité économique de mon modèle m'impose de faire des choix, et de m'appuyer massivement sur des sources gratuites. Tu n'en parles pas, mais je ne vais pas payer mes joueurs, estimant que je les paye grâce au fun de la partie. Quand aux relecteurs, j'en ai peu, et soit ce sont des amis, soit ce sont des membres de Terres Etranges qui font cette relecture dans une optique de travail d'équipe (tout comme je relis et commente régulièrement les travaux en cours d'autres membres de Terres Etranges, de façon bénévole). Quand aux playtesteurs externes, et bien je n'en ai pas :) Je compense cette lacune grâce aux rapports de parties que les autres commentent. Pour les illustrations, j'utilise des photos sous licence creative commons que je mixes sous Gimp. et pour l'informatique je travaille dans un environnement Ubuntu avec juste des logiciels libres.

Pour finir, je publie un livre par mois, et pas que du Millevaux. Je n'ai payé personne pour les trois premiers livres que j'ai publiés (Musiques Sombres pour Jeux de Rôles Sombres, le roman La Guerre en Silence, et le recueil de nouvelles Glossôs).

Re: Millevaux, mon planning paraphrénique

Message Publié : 13 Déc 2012, 10:29
par Thomas Munier
Je me permets de revenir sur le sujet des systèmes de règles et des licences.

Je dois reconnaître que je n'ai pas fait l'effort d'admettre l'argument de Christoph qui est vrai : en France on ne peut pas déposer légalement un système de règles. Si l'on souhaite protéger un jeu, on protège le texte ou la façon dont le thème est traité, ou les illustrations. Comme je l'ai dit, je paye une licence Sombre parce que je souhaite utiliser l'image de marque de Sombre. Et aussi parce que ça correspond à mon système de valeurs d'admettre de payer pour écrire sur un jeu de rôle.

On l'a vu, dans le petit monde du jeu de rôle, les auteurs s'arrangent souvent entre eux, moyennant finance ou pas.

J'ai eu une discussion ce week-end avec des amis qui font beaucoup de jeu de plateau et se tiennent au courant. Il semblerait que dans ce domaine, comme il y a plus d'argent en jeu, les choses ne se passent pas aussi sereinement.

Du fait que les systèmes de règles ne peuvent être déposés, des clones de certains jeux de plateau apparaissent sur le marché. C'est valable depuis longtemps pour des squelettes de systèmes (Agricola est considéré comme très inspiré de Caylus et les auteurs de Caylus sont cool avec cette idée) mais de véritables copier-coller voient le jour. Il y a même des procès mais comme ils ne peuvent pas se gagner sur le système pur, ils se gagnent sur le recyclage de la même thématique ou d'éléments proches (par exemple un clone de Jungle Speed a perdu un procès car il employait un totem identique et des illustrations très très proches).

Je dis ça pour notre culture générale à tous. Pour conclure sur le sujet, mon avis est que si j'envisage de cloner ou quasi-cloner un système, je vérifie d'abord si le système est sous licence, et sinon je me mets en relation avec l'auteur pour voir ce qu'il en pense.

Re: Millevaux, mon planning paraphrénique

Message Publié : 13 Déc 2012, 10:49
par Christoph
Hello

Merci pour ton message. Pour autant, en aucun cas mon avis ou quoi que ce soit qui soit dit sur ce forum ne remplacera l'avis d'un juriste compétent dans le domaine (d'autant plus que la francophonie ce sont plusieurs législations différentes). J'en profite pour donner un lien vers un débat sur le plagiat dans le jeu de plateau, tenu sur TricTrac.tv, qui décrit les cas que tu évoques. Il y a certainement des différences importantes (la réalisation étant proche du livre et non du jeu de plateau), mais il y a d'importantes questions qui sont soulevées, et les intervenants sont du métier. À méditer !

Re: Millevaux, mon planning paraphrénique

Message Publié : 13 Déc 2012, 11:52
par Thomas Munier
Merci Christoph pour ce lien,

J'essayerai de l'écouter à l'occasion !

A l'issue d'un débat sur "Le JDR est-il de l'Art ?", Alias comparait assez ingénieusement le jeu de rôle à du design industriel. Il me semble qu'il a écrit un article sur le sujet dans son Blog à part, mais je ne l'ai pas retrouvé.

En fait, le JDR (et tant qu'on y est le jeu de plateau) ont les mêmes problématiques juridiques que l'industrie en ce qui concerne la protection des idées. Toutes proportions gardées évidemment.