[Romance érotique] Répartition des gains

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[Romance érotique] Répartition des gains

Message par Lionel (Nonène) » 19 Fév 2013, 16:11

Voici un retour de publication suite à l'annonce de distribution chez Trollune de Monostatos.

shiryu a écrit :sans dévoiler l'accord financier avec le magasin, à titre informatif, une boutique se fait combien sur un jeu ? je veux dire un livre de jdr ? c'est un pourcentage ? une marge ? fixé(e) par l'éditeur (après tout c'est un livre alors il y a une loi là-dessus je crois) ou par le magasin ?
C'est peut être un poil HS mais quand tu donneras l'information, sans comparaison, ça ne me parlera pas beaucoup (enfin un peu quand même si tu dis qu'ils font une marge de 50 cts ou de 10 euros).
Je demande parce que je connais un peu la répartition pour les bandes dessinées et je voulais savoir.


Lionel (Nonène) a écrit :@Shiryu : Traditionnellement, dans la distribution normale, voici comment ça se passe. L'éditeur fait son impression et confie directement tout son stock (ou presque) à son distributeur. L'éditeur fixe le prix boutique, c'est-à-dire le prix que payera une boutique pour acheter un exemplaire de son jeu. Ce prix est public car il est indiqué dans le catalogue du distributeur. Les boutiques commandent ensuite leurs exemplaires chez le distributeur en consultant leur catalogue. Il payent donc le prix boutique et ils revendent leur jeu au prix TTC. Leur bénéfice sur chaque vente est donc de (prix public TTC - Prix boutique - TVA). Généralement, on parle des "trois tiers" dans la répartition : un tiers pour l'éditeur, un tiers pour le distributeur et un tiers pour la boutique. En réalité, c'est assez différent.

Je vais vous donner l'exemple de Romance érotique pour que ce soit plus explicite. (j'arrondis volontairement les chiffres)
Prix TTC : 10 €
Prix boutique : 6.20 €
Coût du distributeur : 20% du prix boutique.

Ca nous donne la répartition suivante :
TVA (si 7%) : 0.70 €
Boutique : (10-6.20-0.70) = 3.10 €
Distributeur : 1.24 €
Auteur/illustrateur : 1.20 €
Editeur : (6.20-1.24-1.20) = 3.76 €

La répartition par rapport à ce que paye un client est donc de 7% pour l'Etat, 31% pour la boutique, 12.4% pour le distributeur, 12% pour les auteurs, 37.6% pour l'éditeur.

Donc traditionnellement, une bonne partie du prix du livre de JdR revient à la boutique et à l'éditeur. Ce sont eux qui prennent également un risque financier (en plus des éventuels charges fixes qui sont valable pour tous les acteurs de la chaîne) : la boutique achète le livre sans certitude de vente, si le livre leur reste sur les bras, c'est de la perte sèche. Concernant l'éditeur, il a également pris le risque financier de base en payant l'impression. Cela peut passablement varier selon le risque pris par l'éditeur (gros risque = gros gain). Le prix d'impression d'un exemplaire peut donc varier de 6.5% à 16.5% sur le prix TTC. (je parle ici de volumes raisonnables pour un jeu de type Romance érotique ou un JdR indie). Mais ces proportions ne sont valable qu'à condition que le stock entier est vendu.
Donc si l'on considère une situation idéale pour l'éditeur qui vend son stock entier (un modèle sans stock invendu, un peu comme pour Lulu), on peut encore affiner la part de l'éditeur et imprimeur à :
Editeur : 21.1% - 31.1%
Imprimeur : 16.5% - 6,5%

Mais si l'on considère une vente normale sur un tirage "correct" (selon un standard répandu) de 1000 ex. et une vente correcte (selon un standard répandu) de 500 ex. Les proportions changent et on arrive à :
Editeur : 20.9%
Imprimeur : 16.7%

En fait, dans le système, le seul a être sur d'être payé et qui s'en fout des ventes, c'est l'imprimeur. Et il y a également un rentier, c'est le distributeur qui ne prend aucun risque financier, ce n'est pas le succès d'un jeu ou d'un autre qui change pour lui, c'est le volume global de vente qui importe. Les trois tiers donc sont très théoriques car en réalité, il y a bien plus que trois acteurs dans la répartition.

L'exemple que je vous donne ici est théorique bien que basé sur de vrais chiffres. Les situations diffèrent d'un jeu à l'autre et d'un lieu à l'autre (par exemple, en Suisse, la part de l'Etat (taxes) et du distributeur augmentent).
De plus, il est difficilement envisageable d'appliquer ce même modèle à des auteurs-éditeurs qui se distribuent eux-même et/ou qui font même office de boutique. En fait, ce qui fait fonctionner ce système, c'est le volume de vente qui doit être plutôt élevé.


Pour sortir de l'origine du rapport, j'aimerais parler de moi et de mon projet sous le rapport de cette répartition. Au début de ma démarche de publication indépendante pour Romance érotique, je ne connaissais pas bien dans le détail cette histoire de répartition, j'avais entendu à de nombreuses reprises cette histoire des trois tiers et, tout en sachant que ce n'était pas précis, je le considérais comme une référence de base à ma réflexion économique de l'indépendance.

Pour être franc, même après coup, je savais mieux ce que représentait les parts réelles pour chaque acteur mais je ne l'avais jamais calculé avant aujourd'hui. C'était un élément du background secondaire à ma réflexion.

Mais ces derniers temps, ma réflexion sur la création et la publication a évolué. Je me suis intéressé à d'autres moyens d'édition comme Lulu (merci Fabien pour tes explications), mais également sur le crowdfunding qui est quelque chose qui me fascine. Et voilà que je commence à avoir une réflexion qui sort du cadre strict de mes intérêts personnels pour s'intéresser à ces fameuses part de gâteau !

Je le répète, ma décision d'édition de Romance érotique est très individualiste : j'ai calculé mon intérêt financier entre Ecuries d'Augias et Autoédition et j'ai pris en compte l'aspect artistique sur la question du matériel. C'est tout ! Aucune réflexion qui est allé plus loin, du moins pas consciemment.

Mais depuis mes réflexions ont évoluées et je dois dire que je trouve la répartition très importante. Comme auteur-éditeur, je ferai plus attention à l'avenir à cela : à qui revient l'argent de mes ventes.

Pour ma part, pour mes prochains projets, Lulu ne sera sans doute pas le moyen que je privilégierai. Je trouve que ce système, bien que viable pour l'auteur, ne l'est pas pour le JdR. Je considère qu'une part trop importante de ce que paye le client revient à des acteurs qui se fichent de mon projet et n'apportent rien au JdR ou à mon projet de vie (proximité notamment), c'est lulu et la poste.

Si l'on considère le modèle de répartition de Romance érotique, une bonne partie des bénéficiaires apportent une plus-valu à mon jeu :

1) Il y a le bénéficiaire central à mes yeux car c'est moi-même : l'auteur. C'est évidemment quelque chose qu'il faut garder à l'esprit.

Ici, c'est 12% sur l'achat d'un jeu.

2) Ensuite, il y a les promoteurs. Des partenaires à part entière.
- Boutique : ils mettent mon jeu au contact du public à travers toute la France. Ils font de la promo indirecte de mon jeu simplement du fait qu'il soit dans un rayon avec des articles comparables, d'autres JdR.
- L'éditeur : qui a investi du temps et de l'argent pour la promotion du mon jeu. Les préservatifs mais également des affiches qui ne m'ont rien couté. Ils organisent également des événements et mettent en place des partenariats pour mettre en valeur mon jeu. Ils ont également apporté leur expertise et leur "crédibilité". Encore maintenant, je bénéficie de leurs conseils pour la poursuite du projet.

C'est part cumulée est de 51.9%. Ca signifie que près de la moitié de ce que paye un acheteur de Romance érotique servira d'une certaine manière au bien de mon jeu, mais également à la promotion plus générale du JdR.

3) Il y a ensuite le distributeur. Ici, le distributeur est Millenium. Il existe 4 distributeurs pour le JdR qui sont utilisés par les différents éditeurs : Millenium, Légion, Iello et Asmodée. Chaque distributeur a sa propre manière de fonctionner mais ce que l'on me dit régulièrement, c'est que le distributeur ne s'occupe pas beaucoup de la promotion (à l'exception de Iello pour Esteren). Légion fait également quelque chose (je crois) mais tous les mauvais échos que j'ai concernant ce distributeur me fait exclure toute collaboration. Enfin bref, ils s'occupent surtout de gérer les stocks et distribuer. C'est important mais ça n'apporte pas une plus valu à mon jeu.

Je dirais donc qu'il y a 12.4% de l'argent qui est une répartition neutre à mes yeux.

4) Et enfin, il y a les 23.7% qui sont à mes yeux des "frais" nécessaires mais indésirables car ils n'entrent pas dans mon projet :
- Les taxes
- L'imprimeur

Je ne vais pas parler des chiffres de vente de Romance érotique avant d'avoir ceux qui seront définitifs. Mais je pense qu'ils sont supérieur à ceux d'un jeu indépendant qui a épousé un autre modèle. A quoi c'est lié ? Pas à la qualité du jeu en tout cas ! C'est simplement que mon jeu bénéficie de soutiens très larges que je ne connais même pas personnellement. De nombreuses boutiques qui ont mis en rayon Romance érotique (à leur risque et péril) et un éditeur qui présente et promeut mon jeu où je ne peux pas être présent.
Alors évidemment, tout ceci a un coût qui est finalement retranché à ma part. Mais comme le jeu est mieux promu, plus accessible, il est également mieux vendu. C'est du win-win (à mes yeux).

Alors ma conclusion n'est pas que ce modèle est parfait et que ce sera celui qui m'intéressera à l'avenir. Je reste convaincu que chaque projet est différent et doit trouver son propre modèle économique. Il n'y a pas de recette magique.
Par contre, cette réflexion m'accompagnera toujours dans mes projets d'édition (indépendante ou non) : comment faire pour que le répartition soit optimale et serve le projet.

En fait, ma réflexion sera "comment faire pour que la répartition soit la plus haute dans ma hiérarchie". Pour cela, il faut réfléchir pour :
- Que la part dans le 1) soit optimal. Ca peut être de négocier des droits d'auteur optimal mais je crois surtout que l'autoédition (autrement dit l'indépendance) est le meilleur moyen d'y parvenir. Ca permet de faire passer l'édition d'un palier, mais également de faire plus de vente directe.
- De choisir ses partenaires pour que le participation ait un sens pour moi ou qui permette une promotion de mon jeu et du JdR. Ca peut être le fait de choisir un imprimeur qui nous importe personnellement (de proximité ou avec une certaine éthique). Ca peut également être choisir entre un distributeur qu'un autre (par exemple à mes yeux : je préfère un distributeur PDF spécialisé que générique comme lulu).

Mais une chose qui m'intrigue de plus en plus, c'est le crowdfunding. Ce nouvel outil révolutionne la manière dont se fait la répartition. Il peut être un fantastique outil pour améliorer les répartitions. Il est parfois utilisé pour améliorer la part de l'éditeur (un simple système de prévente qui court-circuite les boutiques et distributeurs), mais il est parfois une superbe manière d'améliorer le quotidien des auteurs (proposer des ventes de tableaux ou impressions comme sur Esteren, l'argent revenant aux illustrateurs) et surtout ça permet d'améliorer la qualité "artistique" de son jeu (collectors et autres améliorations de l'ouvrage).

En réalité, si cet outil avait existé avant, il y a des chances que Romance érotique soit un jeu indépendant. Ca m'aurait éventuellement permis d'avoir mon matos collector... Du moins ça m'aurait laissé une chance de le faire tout seul avec moins de risques. Ca aurait été les soutiens qui auraient fait l'éventuelle différence.

Une chose est sure. Il y aura sans aucun doute un crowdfunding à chacune de mes prochaines parutions, indépendante ou non. Je m'en occuperai personnellement (sinon il n'y en a pas). Il me semble important que ce soit les auteurs qui s'occupent du crowdfunding et qu'ils soient les principaux bénéficiaires d'une levée de fonds. Cela n'exclut pas d'intégrer d'autres partenaires à cette levée de fonds, auteurs, éditeurs ou associations extérieurs (c'est même très utile).

Je crois que le crowdfunding est vraiment quelque chose qui me pousse vers la publication indépendante à l'avenir car elle la rend souvent possible dans de meilleures conditions.
Echouer dans la démarche ne coute rien. Réussir, c'est une part de ~7% qui revient au site de crowndfunding. C'est tout à fait raisonnable lorsque l'on sait que le site fait de la promo à ton projet et lui donne une visibilité et SURTOUT qu'il te permet d'optimiser la répartition de toutes les autres parts financières.

Je vais expérimenter cet outil cette année avec un projet non-indépendant. Ensuite, je vais sans doute lancer un jeu indépendant grâce à cet outil (à priori le JdR sur le Duc Ludomire)
Lionel (Nonène)
 
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Re: [Romance érotique] Répartition des gains

Message par shiryu » 19 Fév 2013, 23:59

C'est quoi le crowdfunding ? un lien vers un projet de ce genre ? ou un site ?
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Re: [Romance érotique] Répartition des gains

Message par Lionel (Nonène) » 20 Fév 2013, 01:11

Le crowdfunding, c'est un appel au public pour trouver des fonds. Des sites sont dédiés à ce genre de levée de fonds. Les plus connus sont kickstarter et ulule.

Si tu veux des exemples, voici des liens :
http://fr.ulule.com/1001-nuits/
http://www.kickstarter.com/projects/847 ... er-upgrade

C'est clairement à mes yeux le meilleur outil qui ait été inventé pour l'autoédition ou pour améliorer les revenus des auteurs.
Lionel (Nonène)
 
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Re: [Romance érotique] Répartition des gains

Message par MichelV » 20 Fév 2013, 01:56

Merci Lionel. Encore une fois ton retour est très enrichissant. (J'écris peu sur le forum mais je consulte tes posts avec attention).

J'envisage d'utiliser Ullule cette année pour lancer mon premier projet. J'attire votre attention sur l'option intéressante qui a été prise sur le jeu Vivere (Quentin Forestier).
1-Il utilise le financement pour lancer un livre bien condensé (réduit par rapport à l'objectif final du projet). Ce livre 'light' (pas tant que ça) sera complété par des PDF mensuels gratuits avec une réédition d'un document compilant le tout après un an.
2-Il met en avant l'e-book qui, selon moi (je n'ai pas de faits), va se développer de plus en plus et permet je pense (là encore mais je n'ai pas de chiffres), une marge intéressante

Michel
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Re: [Romance érotique] Répartition des gains

Message par shiryu » 20 Fév 2013, 09:00

OK merci, c'est vrai que kickstarter et ulule me parlent beaucoup plus d'un coup !

Moi aussi, c'est une alternative que j'envisage fortement (enfin qu'on m'a soufflé très fort)
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Re: [Romance érotique] Répartition des gains

Message par Thomas Munier » 22 Fév 2013, 20:37

Nonène,

Après avoir discuté avec toi et d'autres personnes, je pense aussi que le crowdfunding est une option intéressante, mais qui repose sur une bonne réputation de l'auteur.

Il y a une autre option, c'est la négociation directe entre l'auteur et le distributeur. L'idée c'est de négocier le volume et ensuite de commander le tirage auprès d'un imprimeur. Après tout, si un éditeur est capable de composer un numéro de téléphone pour négocier, un auteur peut le faire aussi...

J'avoue avoir été surpris parce qu'a fait Fabien, c-a-d une négociation directe avec une boutique. Je me demande si ce modèle peut être viable à grande échelle. Autrement dit, un auteur peut-il être son propre distributeur ? ça impliquerait de contacter chaque boutique francophone séparément et d'avoir un stock à gérer... Ou de négocier des impressions lulu, mais là encore quid de la marge ?
Millevaux. Post-apocalyptique. Forestier. Sludgecore.

Outsider. Folklore personnel. Auto-édition (un livre par mois). Articles invités sur le processus créatif.
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Re: [Romance érotique] Répartition des gains

Message par Frédéric » 17 Mars 2013, 23:23

Merci Lionel pour ce retour !
La progression de ton raisonnement m'intéresse particulièrement. Et je serais avide d'un retour d'expérience avec le crowdfunding !
Pour certains de mes futurs projets, ça me semble une bonne opportunité, c'est pourquoi ça m'intéresserait beaucoup d'avoir un retour d'expérience. Et mes autres projets moins lointains devraient m'aider à me faire un peu de notoriété avant de m'y attaquer, j'imagine que c'est un peu pareil pour toi avec RE et tes diverses activités dans le milieu rôliste.

À propos, on voit de plus en plus d'auteurs indépendants outre atlantique s'essayer à Kickstarter and co ou dire qu'ils vont se lancer... Ils en diront peut-être plus à ce sujet après quelques essais.
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