[Prosopopée] Tentative de déconstruction - Cannibale Whisky

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[Prosopopée] Tentative de déconstruction - Cannibale Whisky

Message par Christoph » 16 Fév 2009, 19:28

Hello

Vendredi 6 février, Jérôme et Lionel se sont prêtés à une expérience sur le jeu Prosopopée (version 006 + modifications discutées dans les autres fils, donc presque la 008). Nous avions comme but de tester une limite du jeu: "Peut-on jouer Prosopopée avec des médiums mauvais?"

La réponse est... pas vraiment, comme nous l'avons fait.


Quelques mots sur la partie

Paradigme: "Bouteille de Whisky" (Nous sortions d'un repas et nous dégustions un peu de whisky.)

Trois médiums:
  • « Celui qui imite la tronçonneuse » (Lionel): un tueur psychotique qui égorgeait des jeunes avec ses dents et imitait le bruit d'une tronçonneuse
  • « Celui qui souffre plus que ses victimes » (Jérôme): un gars qui avait tendance à se retrouver devant les cadavres des filles qu'il "aimait"
  • « Celui qui supprime la liberté d'autrui » (Christoph): un pseudo-révolutionnaire qui voulait embarquer des jeunes dans son trip pseudo-anarchiste

La première scène se déroule à la fin de l'été, sur une belle plage où des jeune font la fête. Au coca et autres boissons douces. C'est notre premier Déséquilibre! Et premières réflexions entre joueurs: qu'est-ce que ça veut dire que de déclarer cela comme un Déséquilibre? C'est compatible avec Prosopopée?
Nous décrétons par ce fait que l'équilibre du monde passe par l'ivresse. Contre-intuitif? Ce n'est pas la vision classique de l'équilibre, mais comme c'est un monde imaginaire, pourquoi pas? Avec le recul, ceci a suscité un questionnement en moi, que je n'ai pas réussi à formuler clairement de la soirée: peut-on vouloir que tout le monde soit tout le temps ivre?

S'ensuivent diverses scènes où celui qui imite la tronçonneuse, grand psychopathe avéré, égorge quelques jeunes gens avec ses simples dents. Ceci n'est évidemment pas un Déséquilibre et quelque part, comme nous l'acceptons tel quel, ça entre dans la normalité du monde en cours de création.
Celui qui supprime la liberté d'autrui tente de saouler quelques jeunes et puis les embarquer dans une pseudo-révolution grotesque.
Celui qui souffre plus que ses victimes commence la partie avec le cadavre de sa bien-aimée à ses pieds et une bouteille de whisky dans sa main.

De fil en aiguille, il s'avère qu'il y a pénurie de whisky. Celui qui souffre plus que ses victimes emmène plusieurs jeunes gens à la Distillerie. Ce sont eux les ingrédients de base du délicieux whisky.

Il y a aussi eu quelques Déséquilibres liés à mon Médium. Par exemple, Lionel a déclaré que les jeunes trouvaient mon personnage trop stupide pour se laisser embarquer dans la révolution. Rétablissant cet équilibre, je n'ai finalement rien fait d'autre que rétablir l'image que je voulais transmettre de mon personnage. C'est la première fois que l'on me contestait cela dans ce jeu et c'était étrange, mais pas fondamentalement problématique (c'est plutôt facile de régler les Déséquilibres après tout).

"L'homme du match" était incontestablement Jérôme, qui enchaînait des narrations incroyables, sur un ton un peu gêné (ce qui renforçait l'effet), où il déployait ses sentiments absolument affligeants que lui suscitait le processus de distillation de vierges et d'éphèbes. Lionel et moi lui lancions des pelletées de dés.

Et puis... voilà. Il y a un côté un peu pathétique à tout cela, non?
(Je me suis moins cassé le cul pour retranscrire l'histoire que les autres fois, mais cela provient aussi du fait que le tout était moins cohérent, moins convaincant et un peu risible.)


Réflexions

Il faut probablement un directeur esthétique, même informel. C'est peut-être rattaché au point précédent. Autant j'étais d'accord avec le paradigme, autant le fou furieux de Lionel m'a moyennement convaincu, dans le concept de médium. Et mon personnage n'était pas terrible non plus, désirs mégalomanes absurdes... ça le fait pas (je peux mettre la faute sur Abstractions qui m'a inspiré ce personnage politique?)
Brefs, des médiums trop portés sur leurs intérêts dès la base. D'ailleurs les autres titres qu'on s'est ajouté reflètent cela: « Celui qui voit l'accomplissement de ses buts » ou encore « Celui qui prouve que la folie est la solution pour toute chose ».
C'était plus un moyen de s'assurer la réussite de nos persos que et de les imposer dans la fiction. Ce ne sont pas vraiment des attributs étranges, mais des jugements ou des désirs (banaux?) Faut-il préciser la définition des attributs ou aurions-nous pu comprendre que nous faisions quelque chose de non-prosopopéen?

Comme on jouait des mauvais, les Déséquilibres avaient tendance à refléter les obstacles les empêchant de réaliser leurs buts, plutôt que des Déséquilibres profonds du monde lui-même. On s'est un peut tiré dans les pattes, sans aller au conflit entre médiums. Pourtant, rien dans le jeu ne garantit l'aboutissement des buts. On ne saura pas si la révolution de mon médium aura abouti.
Ou alors les Déséquilibres soulevaient des malaises "éthiques", en tout cas pour moi: «Est-ce correct de vouloir que tout le monde soit tout le temps ivre?» En plus, nous n'avions aucun élément pour répondre à cette question (aucun contexte plus large par exemple et importer celui du monde réel n'avait pas de sens dans un jeu faisant la part belle au rêve.)


Je ne laisse pas tomber l'idée de jouer à Prosopopée dans l'optique de mettre en scène un monde glauque ou violent, mais visiblement il y a des choses qui fonctionnent mieux que d'autres.
En premier lieu, je crois qu'il faut garantir un Médium non-intéressé par son propre bien être, ce qui était plus ou moins le cas de nos médiums (sauf peut-être celui de Jérôme, que j'ai trouvé le plus convaincant). Le mal devrait provenir de la manière de rétablir l'équilibre, justifié par une nécessité intrinsèque au monde: sacrifier les gens surnuméraires pour nourrir la Terre fatiguée, limiter le bonheur des gens pour éviter les excès de joie mettant en péril le monde (constructions, feux, etc.), ...

Il faut vraiment diriger l'histoire sur le rétablissement du monde, le médium ne peut être que secondaire par rapport à ses enjeux. Je soupçonne qu'il faut donc limiter les Déséquilibres dans ce sens, pour éviter les obstacles personnels. Zarina avait très bien réussi, dans Aigrettes Solaires à jouer un personnage devant surmonter un obstacle personnel (la manipulation qu'il subissait) sans passer explicitement par les Déséquilibres, même si dans une certaine mesure ils étaient un peu liés.


Ceci dit, la poésie était tout de même au rendez-vous, par exemple dans le dernier titre obtenu par le personnage de Jérôme: « Celui qui changeait l'innocence en ivresse »
Christoph
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Message par Frédéric » 16 Fév 2009, 19:48

Très intéressant tout ça !
Je pense qu'il y a une piste en effet vers les limites du jeu en l'état.
J'ai clairement conçu le système avec l'idée qu'on pansait les maux des autres, comme dans Mushishi.
Peut être est-ce là qu'un bug est né, auquel cas, c'est amusant de voir à quel point l'intention de départ structure le jeu.
Frédéric
 
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