Cet été, j’ai eu l’occasion de voir “Mission Impossible : protocole fantôme”. Et cela m’a donné une super idée de jeu. J’ai écrit une première ébauche de règle que j’ai pu tester avec 4 amis, mais des circonstances extérieures n’ont pas permis un test exhaustif. Après quelques corrections j’ai eu l’occasion le dimanche 23 de tester les règles en version 0.2.
Voici un lien pour télécharger les règles (très brouillon, c’est plus des notes pour moi) de cette version.
L’objectif de “l’Agence” est de faire jouer des histoires d’agents secrets fortement inspirées de la structure des “Missions Impossibles”. Une partie est une succession de missions. Chaque mission est découpée en deux phases :
- planification, où les joueurs créent le contenu et un plan d’opération via leurs personnages en salle de briefing
- opération, où les joueurs suivent le plan établi pour résoudre la mission
A chaque mission un joueur prend le rôle du coordinateur. Son agent sert de back-up et de coordinateur du groupe. Le joueur a aussi le rôle de l’adversité en rajoutant des embûches pour perturber le plan des agents sur le terrain.
L’idée est que plus les agents se tiennent au plan, moins ils prennent de risques.
Cette partie a été jouée avec C., S. et moi même (A.).
Prologue :
Situation
C. situe la scène du prologue au “Burning Man” un festival à tendance hippie dans le Nevada.
Personnages
S. introduit deux personnages, à priori des agents, dont l’un est appelé Robert par l’autre. Ils sont en train de surveiller les agissements des festivaliers, à la recherche d’une nouvelle drogue.
Evolution
A. Un homme vient à leur rencontre et entrouvrant sa chemise leur montre quelques sachets colorés. Il leur propose d’en acheter. Robert met aussitôt sa main sur son holster. (Cliffhanger)
C. Robert dégaine et pointe son arme sur le dealer en lui intimant de se jeter à terre. La foule se rassemble autour d’eux et un vent de panique se lève. (cliffhanger)
S. Plus loin, un homme âgé, chauve et en veste de cuir aperçoit le remue-ménage. Il sort de sa poche une corde à piano et se dirige vers l’attroupement. (cliffhanger)
A. Les deux agents ont emmené le dealer dans une tente et l’interrogent. L’homme chauve rentre dans la tente avec un sourire au visage. Les agents ne l’ont pas vu. (cliffhanger)
C. L’homme éteint la lumière (ce qui situe l’ensemble de la scène de nuit, c’était pas évident pour tout le monde, mais logique). On entend “Aaaarg...gee blaa huuuu... Robert ? Robert tout va bien ? Haaaa skouik....” Puis une cigarette s’allume dans le noir éclairant le visage de l’homme chauve. (Assassinat donc fin de prologue)
Cette phase c’est super bien passée. Ca avait déjà été le cas lors du premier play test. Terminer chaque scène par un cliffhanger permet une évolution très importante de la scène. Par exemple, dans ma tête, lorsque Robert mettait sa main sur le holster c’était plus par réflexe que pour menacer le gars. Je m’imaginais qu’à la limite le dealer verrait le geste. C. m’a surpris et a permis l’évolution de la scène dans une direction imprévue.
Générique :
Les personnages crées furent :
C., Jean-Pierre Crozic : Français, 45 ans. Fusillier Marin dès 18 ans. Puis Béret Vert. Service dans la marine avec 2 suspensions pour alcoolisme et échauffourées à Djibouti. Célibataire et homme à femme. Parle français, anglais (mais avec un accent impossible) et somalien. Expert en Action, maitrise en séduction.
S., Harper : Anglais, Fils de la directrice de l’Agence. Socialite et feignant. C’est engagé dans l’Agence pour avoir un pied dans la Jet set. Parle Anglais et a des rudiments d’Italien, Russe et Français. Expert en action, maitrise en séduction.
A., John Johnson : Anglais, 30 ans, brun aux yeux marron. Ancien du MI6 passé à l’Agence lors de la fermeture du MI6. “C’était mieux dans le MI6” est son moto. Ne parle qu’Anglais. Expert en finesse, maitrise en action.
Le fait de spécifier le passé du personnage (études, emplois précédents, comment est-il rentré à l’Agence) permet de créer des personnages intéressants. On voit leur savoir faire tout en ayant du contexte.
Je ne sais pas si c’est précisé dans les règles (ça y sera dans la prochaine version), mais en tout cas je l’ai appliqué : les joueurs ne parlent pas entre eux pendant cette création. Ainsi il n’y a pas d’équilibrage des personnages. Je souhaite que se soit les problèmes posés qui fassent que tous les personnages soient utiles, et non qu’il faille un groupe homogène pour parer à toute éventualité. Chaque joueur peut jouer ce qui lui plait.
La mission :
Il nous fallait un coordinateur pour la première mission. J’avais déjà joué le rôle lors du premier play test et je voulais aussi voir comment qqun qui ne connaissait pas les règles jouerait le jeu. C. c’est porté volontaire.
Il pose le briefing à bord du Charles de Gaulle qui navigue en direction de la côte ouest américaine : il doit mouiller à San Francisco dans le cadre d’accord entre les flottes françaises et américaines. On est tous à bord. Il explique en quoi ce qui c’est passé dans le prologue motive la mission.
C. choisit comme objectif de la mission “Remonter la piste de la drogue”.
Je lui explique qu’il faut qu’un objectif soit concret. Des objets à trouver, qqun à tuer, à suivre, etc. Il reformule : “Retrouver les infos détenues par Robert et Juan”.
Il décide que la mission aura lieu au commissariat de Las Vegas, où est menée l’enquête. En effet, les passeports bidons de Robert et Juan n’expliquaient pas la présence d’armes et de documents lié à la drogue.
On débute la création des problèmes. On choisit une partie à 9 problèmes pour une durée intermédiaire.
S. : Notre présence à bord du porte avion à réacteur nucléaire nous rend radioactifs. Les portiques de sécurité nous feront sonner. Pbm noté “radioactifs”, mais compris par tous comme “portiques de sécurité”
A. : Je suis déjà allé là-bas lorsque je bossais pour le MI6. Ils gardent leurs scellés dans un véritable coffre-fort vu qu’à Las Vegas la moitié des scellés sont de l’argent, et l’autre de la drogue. Pbm : “chambre des scellés = coffre fort”.
C. : A priori ça n’a rien à voir. Mais lors de ma dernière présence aux States j’ai fait cocu un mec nommé Scotty Bennet Jr. Bon, il s’avère qu’il bosse au commissariat et qu’il m’en veut et me connait. Pbm : “Scotty Bennet Jr.”
S. : Suite à une législation récente, tous les policiers de Vegas sont équipés de Taser et ont une autorisation très souple de s’en servir. Pbm : “Police équipée avec des tasers”.
A. : Les cartels de la drogue sont puissants à Vegas. Ils surveillent non-stop ce qui se passe au commissariat. Pbm : “Police surveillée par les Cartels”
C. : Suite aux événements récents beaucoup de journalistes sont sur place, et du coup la police se méfie beaucoup des fouineurs. Pbm : “Ils se méfient des fouineurs”.
S. : Après avoir consulté les photos des dossiers de Robert et Juan, je me suis rendu compte que Juan est le sosie d’un dealer recherché par la police. Pbm : “Juan sosie d’un dealer recherché”
A. : Le commissariat de police est un bâtiment isolé. Y rentrer ou en sortir se fait à la vue de tous. Pbm : “police = bâtiment isolé”.
C. : Un exercice est en cours entre la police et une base militaire aérienne à proximité. A la moindre alerte, l’armée débarque. Pbm : “Base aérienne sous alerte”.
A ce stade nous avons nos 9 problèmes. Les premiers ont été faciles à trouver, les tous derniers moins évidents.
Il nous fallut ensuite créer le plan : choisir un temps estimé de résolution et choisir qui résoudrait quoi.
Cette phase a été bien plus longue que prévue. Je n’ai pas chronométré et je le regrette maintenant. Mais les règles étant en version béta n’a pas aidé, j’ai du combler quelques lacunes à la volée.
En gros on a beaucoup discuté pour voir dans quel ordre résoudre les problèmes. Ce qui dérangeait c’est que beaucoup de problèmes ne semblaient pas cruciaux, ou bien leur formulation les rendait difficiles à interpréter.
- On a notamment reformulé “base aérienne sous alerte” en précisant que c’était via contact radio. La résolution de ce problème passait donc par la désactivation de la radio.
- Le fait que “Juan est un sosie d’un dealer recherché” on l’a réinterprété en se demandant si du coup les données de son dossier seraient stockées au même endroit. Le problème est devenu : “Vérifier si les données des dossiers de Juan et Robert sont stockées au même endroit”. (En gardant en tête la raison originelle).
- Que le commissariat soit un bâtiment isolé ne dérangeait que pour la fuite. Hors, la fuite se situe après la résolution de l’objectif. Et les règles en l’état considèrent que l’objectif est la dernière résolution. On a donc adapté ça en “Il faut préparer une voie de sortie sécurisée”. Ce problème doit à présent être résolu en amont.
- On a joué sur Scotty Benett Jr. pour avoir une entrée dans les bureaux du commissariat. Il ne posait pas problème en soit car Jean-Pierre était coordinateur et donc non présent sur la mission.
Tous ces points ont soulevé une grande quantité de problèmes dans cette version du jeu. Certains problèmes n’en étaient pas, d’autre étaient vraiment secondaires à la mission etc. J’ai déjà quelques idées à ce sujet.
Au final le plan auquel on a aboutit :
T1 : « Police = bâtiment isolé », John passe par les égouts et pose une charge d’explosif là où il faut pour pouvoir ouvrir une voie de sortie du commissariat.
T1 : « Scotty Bennett Jr. », Harper va le retrouver au « Pimp my ride » un bar de Las Vegas. Il lui dit pouvoir l’aider à retrouver Jean-Pierre en échange d’un accès aux bases de données de la police.
T2 : « Ils se méfient des fouineurs », John tente de rentrer dans le commissariat avec ses faux papiers de policier.
T3 : « Juan sosie d’un dealer » = « Vérifier si les données des dossiers de Juan et Robert sont stockées au même endroit », Harper fouille la base de donnée de la police.
T4 : « Police surveillée par les cartels », John vérifie si des membres des cartels n’essaieraient pas de se couvrir : il surveille le poste à la recherche d’agissements louches.
T5 : « Base aérienne sous alerte », Harper va désactiver la radio du poste de police
T6 : « Radioactifs »= « Portails de sécurité sonnent à notre passage », John va soit les désactiver, soit trouver un chemin de contournement.
T7 : « Police équipée avec des tasers », Harper est en couverture pour permettre un accès serein au coffre. Il s’occupe de retarder les renforts.
T8 : « Chambre des scellés = coffre fort », John ouvre le coffre avec le matériel qu’il aura pu faire rentrer.
T9 : « Retrouver les infos de Robert et Juan », Harper rentre dans le coffre et récupère les données avant extraction via le passage ouvert vers les égouts.
On remarque qu’il y a pas mal d’adaptations des problèmes. Je ne suis pas du tout sur qu’en l’état un groupe qui lit les règles et tente une partie arrive au même résultat. Certains problèmes peuvent être frustrants à intégrer.
Durant la partie, les règles ont bien tournées. Mais elles n’ont pas atteint leur objectif. Je vais donner quelques exemples :
Première action de ma part, essayer de résoudre « Police = bâtiment isolé ». Le coordinateur rajoute un « mauvaise approche » : il y avait une rave party dans les égouts et il me fallait poser adroitement les explosifs pour ne pas faire de victimes civiles. Il m’impose d’utiliser « technologie » plutôt que « action » comme anticipé.
J’ai décrit comment je passais discrètement en esquivant la foule, je tombe sur un raveur qui me cherche des noises, je lui jette le contenu de son verre au visage et m’éclipse pendant qu’il est aveuglé. Je m’installe près du mur que je dois faire sauter. Je sors le matériel et commence à le placer nerveusement car la musique me dérange… cliffhanger.
Je lance donc 3 dés car je n’ai pas le bonus de maitrise ou expertise en technologie.
J’obtiens un 1 (un « danger »). Je choisis de le transformer en une blessure. Puis je narre la suite :
Je termine de poser le dernier explosif et de le brancher lorsque j’entends des bruits de pas derrière moi. Je me relève. C’est le gars que j’ai aveuglé avec son verre. Il a une batte de base-ball à la main. Il me tabasse copieusement et me laisse gisant au sol.
Je me présente ensuite à T2 avec mon faux badge à l’accueil du commissariat. Je lance 2 dés : 3 -2 (finesse) +1 (blessure). Et j’obtiens un 1. Cette fois-ci, je choisis de rater l’action.
S. qui n’a pas encore agit en T2 décide de venir essayer de résoudre le problème plutôt que de planifier son prochain problème comme il l’avait initialement prévu. Il réussit.
A T3 je me mets à l’abri et guéri de ma blessure pendant que S. résout son problème de T3.
Cet enchaînement est la situation qui a le plus dégénéré. Cependant, au final on a très très vite recollé au plan. Idéalement en début de partie c’est ce qui doit se passer.
Mais en fin de partie, on enchaînait les réussites/planifications. On a obtenu un autre danger (Harper a été blessé alors qu’il tentait d’accéder aux radios), il a pris une blessure et a profité du temps suivant (libre) pour se guérir.
D’autre part, l’emploi des points de ressource pour tenter des résolutions était complètement inutile. On a fini avec beaucoup de rab’. L’idée derrière ces points était d’avoir un temps fini. Il fallait que les joueurs soient pressés par quelque chose. Ils avaient été introduits en V0.1 pour cela (et étaient nommés points de temps). Et en V0.2 j’ai rajouté le nombre de tours limités. Cela fait double usage et je pense que l’emploi du nombre de tours limités sera plus utile et plus fort dans cette contrainte temporelle.
A ce stade je suis très satisfait par la phase de prologue et par la création des personnages. J’ai déjà quelques idées pour rendre le jeu plus difficile et créer cette difficulté croissante. Les mécanismes sont à réfléchir.
Le plus gros problème que j’ai c’est justement à propos des problèmes. Je sais ce que je veux obtenir, mais je ne sais pas trop comment le structurer. Je veux que les joueurs créent les problèmes et je veux qu’au final ils aient un plan structurant l’exécution avec qui fait quoi et quand. La seule idée que j’ai actuellement c’est que les joueurs créent des « problèmes » comme maintenant, mais qu’à chaque problème ils fassent correspondre une « action » qu’ils inscrivent en dessous de chaque problème. Et c’est sur ces « actions » que les agents se répartiraient. C’est un peu ce qu’on a fait avec « une base aérienne en alerte » que l’on a considéré comme « désactiver la radio » lors de la planification.
Une autre amélioration sur laquelle je réfléchis vise à créer des personnages plus intéressants et auxquels les joueurs tiendront plus. J’ai déjà des idées très concrètes à ce sujet, mais je ne les exposerait qu’après un peu de maturation et après avoir pu répondre à vos premières questions qui m’aideront sans doute à raffiner mes pensées !
N’hésitez pas à poser des questions ou faire des remarques !