cinÉtic et la recherche de "drame ludique"

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cinÉtic et la recherche de "drame ludique"

Message par Wenlock » 23 Fév 2013, 08:39

Il y avait bien longtemps que je n'avais plus posté par ici (2009, d'après les logs) mais je reviens vers ce forum parce qu'il me semble être le meilleur endroit pour discuter de mon sujet de réflexion actuel : mettre du drame dans mon JdR.

Précisons un peu le contexte de cette réflexion : je travaille depuis 2006 sur un moteur de jeu baptisé "cinÉtic" (largement décrit sur Casus NO avec tout plein de CR de campagneS) qui, s'il a été d'une part conçu pour faire tourner des parties potentiellement très « ludistes1» faisant la part belle à l'action et à la tactique, intègre d'autre part le roleplay comme un pré-requis mécanique du système.
Précisons tout de suite que c'est un système qui tente d'être "générique", au sens où on peut l'employer a priori dans presque n'importe quel univers (parce qu'ils s'appuient sur des mécanismes "abstraits" assez facilement adaptables à un contexte de jeu concret), qu'il est réglable en termes d'ambiance et de "dureté" (pour pouvoir jouer des perso fragiles ou des super-bourrins qui se rient du danger, suivant qu'on veut faire de l'horreur glauque, du gritty ou de l'action épique) et qu'il s"organise en "modules" optionnels, qu'on peut ou non rattacher au moteur de base suivant ce qu'on a besoin de modéliser pour ses propres histoires (utilisez le module de "Structure" si vous voulez jouer des chefs d'entreprises ou des capitaines de vaisseau, employez le module de duel "technologique" pour faire du piratage informatique un véritable combat, gérez les débats comme des batailles si vous voulez donner de l'ampleur aux conflits sociaux...).2

Un petit résumé du système est à ce point nécessaire pour bien situer les questions qui suivent (dans le second message) et expliquer ma réflexion actuelle.
Dans cinÉtic, les PJ possèdent tous une Énergie3 représentée par des pions, pions qu'ils dépensent à travers des Capacités4 pour augmenter leurs chances de réussite et qu'ils récupèrent en jouant les mauvais côtés de leur personnage, qu'on appelle ses Réactions, et qui vont à la fois orienter son roleplay, manifester ses émotions les plus fortes, faire parfois perdre son self-control au perso et fréquemment lui attirer des ennuis (qui, eux, relancent l'action). Le mécanisme essentiel du jeu repose donc sur une alternance d'Actions et de Réactions, la circulation de l'Énergie entre différentes réserves représentant les variations de motivation du personnage, sa fatigue physique et mentale, son stress et son état état de santé.

Ces principes ont d'abord une conséquence assez spéciale sur le jeu et sa part d'aléa, en ce que le système permet aux joueurs de réussir presque à tous les coups les actions pour lesquelles leurs perso sont compétents pour peu qu'ils se donnent du mal. Pour donner un ordre de grandeur, les PJ peuvent parfois miser jusqu'à 12 ou 15 pions avant d'y ajouter la somme de 2d6 : il est donc fréquent que le résultat doive d'avantage aux efforts du perso (via ses compétences) qu'à la chance. Les Difficultés à vaincre avec leur mise+2d6 s'échelonnant généralement entre 8 et 25, ça signifie aussi qu'un joueur peut complètement neutraliser l'aléa en misant déjà autant de pions que la Difficulté, et qu'il peut garantir non seulement la réussite de certaines actions mais produire des résultats spectaculaires, puisqu'ils dépassent très largement la Difficulté. Évidemment, ça coûte cher en Énergie et les dépenses de pions impliquent qu'on aura pas toujours les moyens de réussir tout ce qu'on veut.
Mais, avec la liberté de ne pas agir quand on ne se sent pas concerné, d'économiser et même de récupérer de l'Énergie sur des actions faciles, des mécanismes "tactiques" qui permettent de contrôler certains résultats en faisant les bons choix, la possibilité de s'entraider dans des actions de groupe où de "brûler de l'Énergie" (en dépenser plus pour dépasser ses capacités théoriques et booster ses jets), les PJ réussissent généralement les actions les plus importantes pour eux : il faut simplement qu'ils fassent des choix et, souvent, des sacrifices.
Inversement, lorsqu'ils ratent quelque chose d'important (et parfois même après avoir réalisé de véritables exploits), il arrive que les personnages soient extrêmement tendus, secoués, traumatisés ou épuisés par la perte d'Énergie et qu'ils décompensent furieusement : colère, larmes, hallucinations, déprime, alcoolisme et autres pétages de plombs sont alors au menu.

Ce qui nous amène aux effets particuliers de ce système sur le roleplay, puisque l'incarnation du personnage se trouve encadrée par la définition que les joueurs auront donné à son Énergie et à ses Réactions lors de la création de perso, et que leur interprétation se double d'une obligation mécanique à faire du "roleplay négatif", que ce soit en faisant chier le monde (caprices, sarcasmes, mégalomanie...), en mettant son perso sur la touche (il boude, il s'adonne à sa passion pour le macramé, il traîne devant la télé en mangeant des chips...) ou en se tirant carrément dans le pied (casser le truc qu'on venait de construire, ruiner les pourparlers en étant fort peu "diplomatique", déclencher une bagarre qu'on va sûrement perdre, claquer son pognon dans des conneries...) pour récupérer les pions d'Énergie sans lesquels, au bout d'un moment, on ne peut plus agir. Les regains d'Énergie sont quantifiés selon une échelle qui considèrent d'une part leur négativité (à quel point ça pourrit la vie des perso) et d'autre part les qualités narratives que les joueurs sauront donner à leur mauvais penchants (qualité de l'interprétation -jugée par le MJ comme par les autres joueurs- et pertinence par rapport à l'histoire).
Si au premier abord certains des nombreux play-testeurs5 voyaient un peu ça comme une corvée, la très grande majorité intègre assez vite le mécanisme et en vient à apprécier l'incitation permanente au roleplay qu'il représente, la permission explicite de faire les cons avec leurs perso, la profondeur d'interprétation qu'il peut donner aux protagonistes (car on peut définir pour son perso des Réactions volontairement débiles et comiques ou très sombres et psychologiques : c'est une pure question de genre narratif) mais aussi le pouvoir de narration que ça leur donne...

Car ce système a aussi quelques prétentions « narrativistes » en ce qu'il donne à la fois aux personnages (et donc aux joueurs) les moyens de réussir ce qui leur tient à cœur, la possibilité de générer leurs propres emmerdes et même des Points d'Histoire ("pH") pour influencer directement le récit en contre-disant les dés, le MJ ou en ajoutant des éléments (personnages secondaires, décors, accessoires, situations...). Au final, si les joueurs sont intéressés par l'histoire et les challenges que leur propose le MJ, la gestion de leur Énergie et une certaine réflexion tactique dans leurs actions leur permettent de triompher le plus souvent de l'adversité6 pour réussir ce qu'ils entreprennent "d'important" à leurs propres yeux.
Le système étant organisé en "modules" de complexités variées, les joueurs et le MJ ont également les moyens de décider ensemble s'ils veulent détailler leurs actions, compliquer le jeu en mettant au point des tactiques élaborées en utilisant les modules les plus sophistiqués ou, à l'inverse, gérer leurs actions à la louche, laisser la part belle au hasard et régler n'importe quel conflit en un seul jet de dés.
Avec les Réactions et les pH, les joueurs ont encore la possibilité de participer beaucoup à la narration en inventant leurs propres problématiques, en se mettant tout seuls dans la merde et en ajoutant des éléments au récit (que ce soit pour "créer des solutions" aux problèmes rencontrés par leur perso ou carrément pour générer les situations qu'ils ont envie de leur faire vivre) et, à l'extrême limite, les play-tests démontrent que des joueurs inventifs peuvent carrément se passer de scénario en créant leurs aventures au fil des Actions et des Réactions, en zappant largement ce que le MJ leur offre (tant pis pour lui) et en le réduisant au rôle de "gestionnaire de partie" (qui peut-être très amusant en soi, ça dépend des goûts et des styles de chacun).
_____

1] Je précise tout de suite que j'utilise les guillemets parce que je ne suis pas un partisan du "Big Model" et qu'il est très possible que mon emploie des termes de Ron Edwards soient fréquemment un peu vague, détournée ou simpliste : c'est simplement un vocabulaire pratique pour éviter les pléonasme comme "ludique" ou "narratif" lorsqu'on cause par définition d'un jeu de narration.

2] Je l'ai moi-même mené dans des contextes med-fan et space-opera "gritty", exploration maritime au 16° siècle, western et occultisme victorien "pulp", "2° Guerre Mondiale" (à la fois en mode "résistants face à l'occupant nazi" avec une grosse part de surnaturel et en mode "chronique guerrière" avec des soldats sur le front et un abord sérieux, donc sordide et saignant), une longue campagne multi-table de polar moderne et plutôt réaliste (flics contre truands contre barbouzes), une espèce de parodie de "Buffy" qui donne généralement des résultats foutraques et rigolos, du huis-clos psychologique, du sandbox, un peu d'horreur... Et il y a d'autres MJ qui le mènent dans des histoires de cape et d'épée, du cyberpunk, du med-fan violent, de la high-fantasy mignonne, une espèce de Star Wars, une adaptation hard-science de "Mars la Rouge/Bleu/Verte", certains ont même tenté des adaptations de Nephilim, de Mechanical Dreams (!), des histoires de journalistes politiques entre grands médias et idéologie...
Pendant quelques années, je maintenais une espèce de concourt ouvert consistant à demander aux gens de proposer les contextes et les genres ludiques les plus variés pour voir si le système pouvait y être exploité de manière intéressante et, jusqu'ici, ça a toujours marché.

3] Je ne colle des majuscules aux termes techniques que pour souligner leur sens "propre au jeu", j'essaierai de ne pas (trop) en abuser.

4] "Capacité" dans le double sens d'aptitude et de contenance, puisque plus un personnage possède des Capacités élevées, plus il peut y faire rentrer d'Énergie avant de lancer les dés.

5] À l'heure d'aujourd'hui, une bonne centaine de joueurs ont tenté l'expérience, une fois cumulées mes propres tablées (je mène beaucoup) et celles des 4-5 autres MJ-testeurs.

6] Ce système nécessite en fait, pour se révéler vraiment "ludique", que le MJ soit volontairement méchant : si le meneur n'oppose pas aux PJ des obstacles suffisamment difficiles et des adversaires assez puissants/malins/effrayants, s'il n'est pas assez agressif ou tacticien dans les conflits et s'il n'exploite pas justement l'épuisement progressif des protagonistes, des joueurs un peu malin ou seulement méthodiques ont vraiment les moyens de se balader dans les scénars en atomisant toute opposition. Même si le système d'Action/Réaction ne fonctionne vraiment bien qu'avec un challenge est élevé, je n'y vois pas vraiment un "défaut", puisque je suis moi un MJ cruel et retors. Je considère surtout qu'un MJ doit être alternativement le coordinateur ouvert et bienveillant du récit, le gentil animateur qui amuse les joueurs et guide le jeu mais aussi, dans les oppositions, l'ennemi sans pitié de sa table de jeu. Je développerais ce point si ça vous intéresse.
Wenlock
 
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Re: cinÉtic et la recherche de "drame ludique"

Message par Wenlock » 23 Fév 2013, 10:10

Tout ça est bel et bon mais la pratique révèle que les aspects les plus "narratifs" de cinÉtic sont souvent laissés de côté par les joueurs qui, s'ils apprécient la liberté créative quand ils ont effectivement des idées et des ambitions à ce sujet, se contentent la plupart du temps d'utiliser leurs "points d'Histoires" pour modifier les jets de dés ratés. C'est effectivement permis, mais je trouve que c'est un peu dommage d'en rester là et j'ai commencé à étudier les causes du problème...

Les premières sont tout simplement les habitudes de jeu héritées du mainstream : la grande majorité des joueurs sont plus à leur aise dans une situation où le MJ raconte l'histoire et où eux n'ont qu'à y réagir et à gérer leur perso. Ainsi habitués à consommer de l'histoire plutôt qu'à en produire, les joueurs se trouvent un peu démunis lorsqu'on leur dit "Ben vas-y Toto, épate-nous !" et, si l'obligation fréquente d'utiliser leurs réactions les entraînent vite à inventer des problèmes et des conneries, créer des situations "narratives et ludiques", ajouter des éléments au récit ou inventer des solutions leur est nettement moins intuitif. Si en plus le MJ se donne un peu de mal pour leur proposer des histoires intéressantes, du défi ludique et qu'il est assez ouvert à leurs suggestions et demandes entre les parties1, ils n'ont pas vraiment ni besoin ni envie de se fouler.
À ce sujet, je suis en train de play-tester un nouvel équilibre des coûts en pH qui fait que "modifier les dés" est devenu sensiblement plus cher (donc, j'espère, réservé aux situations les plus critiques2) alors que "modifier l'histoire" deviendra plus rentable, et je vais également faire en sorte de rédiger (et d'expliquer désormais) les règles avec autant de clarté que d'enthousiasme, histoire de vraiment donner envie de les utiliser (deuxième play-test cet après-midi, le prochain mercredi soir : on verra bien). Mon collègue-MJ le plus impliqué m'a proposé un coup de main bienvenu, donc je pense qu'à nous deux on devrait s'en sortir.

La deuxième cause du problème vient du système lui-même : d'abord par le cercle vicieux qui fait que les règles qui servent le moins souvent sont aussi les moins développées et donc servent le moins souvent (etc.), mais également parce que si les mécanismes "abstraits" du système sont relativement faciles à manier lorsqu'il s'agit de les matérialiser dans une action concrète (donc "intra-diégétique") puisqu'il suffit presque de nommer les choses pour qu'elles marchent3, leur application directe sur la création narrative s'avère particulièrement nébuleuse. Disons que si ça s'emboîte pas mal dans ma tête à moi et que quelques potes s'en sortent plutôt bien, la plupart des joueurs regardent cet aspect du système avec des yeux de merlans frits4 et la majorité des autres MJ le délaissent carrément ("Donc, les pH, disons que c'est des points de destin pour refaire vos jets, hein, en gros...").
Je suis donc en train d'établir une nouvelle nomenclature (des noms, des valeurs, des repères) et des cadres que j'espère plus clairs, pour que les joueurs comprennent aisément à quoi ça sert, comment ça tourne et combien de pH ils vont devoir claquer pour faire quoi. Si je m'y prends bien, un nombre grandissant d'entre eux devraient commencer à utiliser cet aspect des règles... mais j'ai quand-même conscience que ça restera toujours une "option" plutôt que le cœur du système.

Parce que si je refond actuellement toute la part "narrative" du système pour qu'elle soit à la fois plus incitative, plus efficace, donc employer plus largement et plus "créativement", cinÉtic n'a pas vocation à devenir un jeu réellement « narrativiste » : ça n'est pas un story-game, simplement un système où l'ont peu influencer le récit commun tantôt par les actions "en jeu", tantôt par le roleplay et la narration.
En réalité, j'essaye d'obtenir une mécanique cohérente qui, à partir des modules "d'action" qui servent à mettre en valeur les défis ludiques, permettent aux PJ de tirer les bénéfices de leurs victoires et aux joueurs de tirer narrativement parti des échecs. Car si le principe de Réaction induit déjà que c'est quand on se plante qu'on fait le plus de roleplay et que les règles de Progrès favorisent le fait de "survivre au drame" (en récompensant d'avantage les perso qui souffrent et qui évoluent), je voudrais justement que les joueurs ne puissent échapper à leurs échecs qu'en apportant à l'histoire une véritable contribution. Ainsi, ils seraient (je pense) incités à ne pas considérer les revers de leurs personnages comme un échec pour les joueurs eux-mêmes, mais comme une occasion de tirer du drame encore plus d'histoire et d'émotion.

C'est peut-être très ambitieux (je ne me rends pas bien compte, honnêtement) mais comme je ne suis manifestement pas le seul à essayer, je tâche actuellement de lire un maximum de JdR qui font effectivement du "drame" leur principal ressort ludique et permettent aux joueurs de "s'approprier l'opposition", histoire de voir comment d'autres s'y sont pris. Pour l'instant, j'ai déjà passé en revue "House of the Blooded" (bof), "Paladin" et "Dogs in the Vineyard" (très bien, mais reposent d'avantage sur le conflit moral que sur le drame humain), "Mouse Guard" (j'aime bien l'univers, mais le système est trop aléatoire à mes yeux et le principe narratif est moins "dramatique" que basé sur des conflits moraux), "Tenga" (des concepts intéressants de "programmation par les joueurs de destin tragique pour leur perso"), "Montségur 1244" (en cours de lecture, play-test à venir), "Remember Tomorrow" (décevant) et "Fiasco" (très bien en soi, mais modérément exploitable pour ce que je veux faire : j'y réfléchis). J'ai encore dans ma liste d'étude "Polaris" (même si je en suis pas sûr qu'il fonctionne sans des notions chevaleresques), "Grey Ranks" et "Bliss Stage" (conseillé par Christoph mais que j'arrive pas à acheter par Indie Press : couille de CB, apparemment) et j'y ajouterai volontiers tous les jeux que vous pourrez me conseiller.

Et bien sûr, j'ouvre ce fil pour recueillir vos avis, vos suggestions et vos commentaires à ce sujet : à vot' bon cœur.
______

1] Et moi-même, je fais pas mal d'efforts scénaristiques et ludiques pour que les parties soient au moins "fun"... avec parfois plus d'ambition que de succès, mais l'effort est là et je m'appuie énormément sur les PJ (leur historique, leur personnalité, leurs objectifs du moment, leur situation actuelle...) pour construire mes scénarios.

2] Ils s'avèrent que les PJ gagnent régulièrement des pH au cours du jeu, dont ils peuvent ensuite faire des tas de trucs, y compris sauver leurs miches et acheter de nouvelles Capacités. Et comme je suis un MJ vachard et que les joueurs n'en font pas grand-chose de narratif actuellement, ces pH servent principalement à leur éviter tous les désagréments que je mets sur leur route : "tiens non, j'annule la blessure", "en fait j'étais venu armé, je paye 2pH pour sortir un flingue de ma ceinture" et autres "houlà, raté : bon ben je transforme ce jet là en réussite". Non seulement l'ambiance et le potentiel dramatique des campagnes "gritty" en pâtissent ("On est forts quand-même : c'est la troisième bataille où est attaqués par surprise et en sous-nombre, et on gagne quand-même sans aucun mort parmi les PJ !"), mais alors quand je vois les situations de jeu passionnantes qu'arrivent à créer les joueurs qui comprennent comment ça marche vraiment, je suis presque vexé.

3] En réalité, les modules ne sont pas excessivement nombreux, peut-être une douzaine, ils sont pour la plupart inter-compatibles et reposent tous sur les mécanismes fondamentaux du système. Aussi, lorsque vous voulez par exemple mettre en valeur la navigation à voile, il suffit d'ajouter des circonstances aléatoires (la météo) au module de "Duel technologique" (qui permet de mettre l'accent sur le pilotage "ludique" d'un engin quelconque dans une opposition intense contre un adversaire, qui ici sera "la mer" elle-même avec ses tempêtes, courants, roulis, vents contraires, récifs...) et son petit sous-module de "pilotage en équipe" (pour que tous les joueurs puissent participer) et hop : voilà vos PJ dirigeant la manœuvre de vaillants marins sur une fragile caraque espagnole dans les eaux agitées des Caraïbes.
C'est la même chose lorsqu'on veut jouer une poursuite à cheval, un combat spatial, une magie démoniaque, l'insurrection politique ou des recherches scientifiques : on choisit les modules qui semblent le mieux mettre en valeur le challenge (plutôt le Duel ou les Batailles, la gestion de Structures par les PJ ou bien les règles d'Influence sociale, le module d'Étude qui permet de générer de nouvelles capacités ou le système de Réalisation qui permet de "fabriquer" des logiciels, des armes, des véhicules...), on nomme concrètement les notions "abstraites" dans cette occurrence ("Alors vous vous êtes les Dirigeants, les marins sont les pions d'Énergie du navire et la mer, hé ben ce sera la Menace) et roulez jeunesse.

4]Un regard que, comme enseignant, j'ai appris à comprendre comme "On essaye vraiment, là, mais avec la meilleure volonté du monde on bite rien à ce que tu nous racontes."
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Re: cinÉtic et la recherche de "drame ludique"

Message par Christoph » 24 Fév 2013, 13:03

Hello Wenlock

Bienvenu de retour ! J'ai déplacé dans la rubrique Banc d'Essai, puisque tu comptes encore développer des choses pour cinÉtic. Cependant, il manque un rapport de partie qui illustre tes questionnements précis de ce fil. Je vois bien que tu as mis un lien vers des rapports faits sur Casus NO, mais ils n'ont pas été rédigés dans l'esprit d'illustrer ta recherche actuelle, et ils l'ont aussi été selon d'autres règles de forum. En plus, il y en a une telle quantité à lire que ça demanderait un grand effort de faire le tri pour un lecteur autre que toi. Pas besoin de faire très long.

Merci pour ta compréhension.
Christoph
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Re: cinÉtic et la recherche de "drame ludique"

Message par Thomas Munier » 04 Mars 2013, 19:30

Salut Wenlock,

Juste un petit mot pour dire que j'aime beaucoup tes papiers dans Di6Dent.

Dans Inflorenza, le jeu que je développe, les échecs des personnages leur apportent des ressources alors que les victoires peuvent leur en coûter. Si cela t'intéresse, les règles sont bouclées et je peux les transmettre par mail.
Millevaux. Post-apocalyptique. Forestier. Sludgecore.

Outsider. Folklore personnel. Auto-édition (un livre par mois). Articles invités sur le processus créatif.
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Re: cinÉtic et la recherche de "drame ludique"

Message par Wenlock » 18 Mars 2013, 23:55

Merci Thomas, je jetterai un œil.

Parce qu'il n'a pas eu de réponse en "privé", je remets ici le message que j'avais envoyé à hristoph :
" Date d’envoi : Dim Fév 24, 2013 4:19 pm
Par : Wenlock
À : Christoph
Hello.
J'avais pas mal réfléchit avant de choisir une rubrique parce que, justement, la discussion que je voulais ouvrir n'est pas encore un "banc d'essai". Je voudrais d'abord discuter des mécanismes de drame ludique en général, recueillir des avis et des références pour établir un petit "état de l'art" et étudier les idées qu'on me proposera avant de pouvoir formuler mes propres mécanismes et les tester.
Si certains aspects sont effectivement en play-test, ce n'est pas exactement le cas de ma demande actuelle : ça va dans quelle rubrique une discussion théorique préliminaire ?
"

Je vais sans doute encore laisser un peu de temps au fil, mais s'il n'a pas d'autre amateur, je n'insisterais pas.
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Re: cinÉtic et la recherche de "drame ludique"

Message par shiryu » 19 Mars 2013, 10:57

disons qu'il y a matière à lire et que comme tu as 6 ans d'avance sur tes nouveaux lecteurs, c'est pas facile de trouver le hic. Disons que si c'était simple, tu l'aurais surement trouvé depuis le temps. L'autre façon de voir la chose, telle que je vais m'y employer, c'est de t'offrir un regard neuf, voir naïf. Les propositions ou remarques que je vais te faire auront sans doute été déjà traitées (pas la peine de faire l'historique qui t'a amené à ce système version au moins beta) mais il suffit d'apporter un élément de comparaison avec un jeu ou une expérience que tu ne connaîtrais pas pour peut être débloquer la situation alors allons-y !

(je sais que christoph n'aime pas trop le "citer" mais vu la taille des 2 pavés de wenlock, ça va peut être être nécessaire)
- l'obligation mécanique de faire du role-play négatif semble encadrée par une définition à la création de perso. C'est au choix, genre "prend un trait" et c'est le joueur qui choisi un truc du genre "fais chier l'elfe pour se remonter le moral" ou bien est-ce qu'il y a des cases d'état négatif comme remember tomorrow et le joueur choisi ? Un même personnage peut-il changer son attitude négative en cours de campagne ?
- le type de réaction ("c'est une pure question de genre narratif"), il est défini quand et comment, histoire d'être cohérent à une même table ?
- sur la gestion des joueurs inventifs, comment assures-tu la cohésion à la table ? je veux dire entre le joueur inventif qui relance l'action ailleurs, le joueur qui veut suivre l'histoire prévue, voire un autre joueur inventif qui part ailleurs et le MJ qui doit s'adapter ? Toutes ces personnes sont-elles prévenues ? le jeu gère-t-il facilement la séparation du groupe pendant une séance ? Le MJ dispose-t-il d'outil pour éviter que ça parte en couille à part son talent d'improvisation ? (Sur ce point, je t'oriente vers une discussion sur mouse guard mais tu connais déjà je suis con vers le milieu et fin de page)
Ca, c'était le premier post, pour mieux comprendre (note que j'ai fait la feignasse et pas relu ton doc).

Ce que tu sembles souligner dans le deuxième post, c'est que les joueurs ne profitent pas pleinement de cette liberté narrative (moi aussi, je manie avec pudeur ces termes) pour utiliser leur points pour booster leurs jets (plutot ludiste on va dire).
Le problème, c'est qu'il y a le choix. Le joueur peut se dire :"ouais, bof, moi j'aime bien suivre l'histoire du MJ" et ça tombe bien car le MJ peut avoir préparer une histoire sympa. Mais si le MJ arrive en disant "tiens aujourd'hui, j'ai rien préparé, c'est vous qui faites l'histoire", le joueur peut très bien dire "pas d'accord, le jeu me donne le choix et là, tu me le retires".

Le problème peut venir de 2 choses :
- un mauvais équilibre comme tu l'as estimé et tu verras ce que ça donne mieux que nous.
- avis très personnel mais une expérience fort déplaisante ne me fera plus changer d'avis sur ce point : un point de kekchoz qui sert à 2 choses totalement différentes conduira forcément (j'insiste, avis très perso) à une divergence, voir à un choix (et selon une formule que j'adore : "choisir, c'est renoncer", donc exit l'autre option).
Je vais essayer d'expliquer mon point de vue avant de passer pour un radical.
1) à blood of heroes, tu gagnes des point de hero. ces points servent à progresser tes pouvoirs ou à booster une action. J'ai joué 4 parties avec un mec qui économisait tous ces PH pour progresser pendant que le reste du groupe claquait tous leurs points pour sauver le monde et donc jamais progresser. En gros, on jouait pour faire monter un perso qui au bout de quelques parties, pouvait faire tout tout seul car plus balaise que le reste du groupe. 4 parties, pas 5 !
2) à DD4, tu disposes de récupération qui permettent bien sûr de se soigner mais aussi de faire des trucs un peu plus fun. Le jeu étant principalement coopératif, quand un mec dépense une récup pour un truc fun et risque de foutre le groupe dans la merde parce qu'il sera à cours de PV, ça gueule.
3) j'élargis même au concept de création ou de progression de personnage. Je recite DD4 mais il n'est franchement pas seul dans cette catégorie. Ton perso gagne un don. OK, tu mates la liste qui fait 6 pages et tu trouves des trucs de baston (normal pour un jeu de baston) et des trucs fun. Là encore, pour moi, le joueur dispose d'un don et il a le choix de le dépensser pour faire de l'efficace ou du fun. Je trouves ça dangereux si le système n'impose pas au départ à quoi va ressembler la campagne. J'ai maitrisé un tout petit peu DD4 (mais j'aurais fait pareil avec un autre jeu qui propose ce genre d'alternatives) et au lieu d'offrir un don, j'en donnais 2 à chaque niveau mais le joueur devait choisir un don de baston et un don fun.
Donc après ce topo un peu long, voilà où je veux en venir : si il y a 2 utilités différentes, faire 2 choses différentes. (comment je me rend compte que je radote un autre joueur qui ne savait pas quoi faire de ses dés)

Inflorenza vise des intentions similaires aux tiennes.
La fin du deuxième post, pas sûr d'avoir tout compris dans tes attentes. Peut être que déjà, en laissant le joueur qui échoue narrer son échec, ou bien laisser un autre joueur le faire plutôt que le MJ (et généralement, on ne se fait pas de cadeau et ça amuse tout le monde), ça peut être une piste. Un truc tout con (pas péjoratif, à comprendre comme "simple mais terriblement efficace), dans prosopopée (arg, je ne l'ai pas sous la main car il cite sa source d'inspiration pour cette technique là), ce sont les autres joueurs qui offrent les dés s'ils estiment que l'idée est bonne. Bon, clairement, ça peut tourner en optimisation puisque ton jeu offre une démarche ludiste aussi mais il y a peut être un truc à creuser.

Dernière question, parce que tu m'en as aussi pas mal parlé : en gros, le jeu peut parfaitement fonctionner mais les règles ou le système ont encore un défaut car ils n'assurent pas que l'expérience soit reproductible avec autant de satisfaction (et on tombe sur les catégories "bon joueur" et "bon MJ" qui ne font jamais plaisir à entendre). C'est ça ?
shiryu
 
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Re: cinÉtic et la recherche de "drame ludique"

Message par shlopoto » 19 Mars 2013, 11:10

Salut !

Je ne suis pas un fervent forgien mais j'essaye tout de même de m'y intéresser, et un des rares trucs que j'ai retenus c'est qu'il est difficile, voire vain, d'essayer de concilier des styles de jeu différents. Les trois styles recensés ont des objectifs différents et ne sont donc pas sensés cohabiter. Du coup ton problème semble être un pur problème d'objectifs conflictuels, ceux du ludisme et ceux du narrativisme.

Dans une optique ludiste, si le MJ se pointe avec un scénario, les joueurs ne sauront pas ce qu'ils peuvent modifier avec les PH sans casser l'histoire. Tu donnes un exemple avec des personnages en prison, moyennant des PH les joueurs pourraient décréter que le gardien à oublié de fermer la porte. Ce genre de modification peut vraiment mettre à mal un scénario, par exemple s'ils sont sensés perdre des journées précieuses en prison, ou y rencontrer quelqu'un, ou être secourus par quelqu'un, etc. Si le MJ se retrouve dans des situations où il doit simplement refuser une modification des joueurs, c'est à dire refuser cette règle, alors celle-ci n'est pas bonne pour ce jeu. Les joueurs respectueux peuvent hésiter à utiliser une règle qui ruinera le travail du MJ, ou cassera ses effets.

Maintenant voyons le truc dans une optique purement mécanique, ou psychologique. Relancer les dés c'est passif et ça ne demande pas d'imagination. Modifier la scène, c'est proactif, ça demande de l'imagination, ça peut coûter plusieurs PH et ça peut nuire — et par ailleurs les limites sont assez floues. En terme d'effort et de récompense, le premier choix s'impose, on optimise son bien-être. Barbarian of Lemuria a le même problème, sur la dizaine de parties que j'ai joué je n'ai jamais vu de joueur modifier la situation, ils n'utilisaient leurs points que pour relancer ou modifier un jet. Si tu veux garder ces deux choix, il faut soit les rééquilibrer, soit ne pas les rendre concurrents (i.e. en faire deux choses différentes, comme le suggère Shiryu.)

Michaël.
shlopoto
 
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Re: cinÉtic et la recherche de "drame ludique"

Message par Christoph » 19 Mars 2013, 12:28

Hello à tous

Désolé de ne pas avoir été plus clair, mais en même temps, c'est dans les règles de base : pas de bras, pas de chocolat, pas de rapport de partie, pas de fil. Quand j'interviens pour demander à quelqu'un d'inclure le rapport qu'il a omis, plus personne ne doit poster jusqu'à ce que ce soit fait. Ce qui veut effectivement dire que si ça ne se fait pas, le fil est mort.

Quant à Wenlock, je t'avais répondu le 25 février, en même temps que je répondais à ton mail, voici la portion congrue :
Christoph a écrit :[...] Je ne crois plus en la théorie pure, c'est pour cela que la rubrique du même nom a été fermée en 2007. Toute discussion théorique se fait sur la base d'exemples concrets, ou ne se fera pas sur silendrift. [...]

Il n'y a donc pas de discussion théorique préliminaire. Et si vraiment j'oublie de répondre, et bien tu me relances au lieu de juste poster en public en ignorant la modération, parce qu'après ça donne la fausse impression aux gens qu'ils peuvent poster. Je t'avais déjà expliqué que je suis en pleine rédaction de thèse, un peu de patience stp.

Dernière chance pour une (mini!) description de partie utile à la discussion, tout autre message de qui que ce soit entraînera le verrouillage du fil. Si vous avez besoin de vous exprimer à ce sujet, merci de penser à Wenlock et de m'écrire en privé ou dans la rubrique Méta, et j'y répondrai dès que j'aurai de nouveau un peu de temps (au pire dans deux semaines). Merci pour votre compréhension.
Christoph
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Re: cinÉtic et la recherche de "drame ludique"

Message par Wenlock » 25 Mars 2013, 01:17

[J'ai répondu à Chritoph en privé, on peut clore le sujet si vous voulez.]
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