[Psychodrame] Jeux à Problématique

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[Psychodrame] Jeux à Problématique

Message par Frédéric » 09 Juil 2008, 14:56

Introduction :

Je pense que ce qui distingue l'art du divertissement, c'est la présence d'une problématique.

J'ai découvert qu'un JDR pouvait avoir une problématique avec Dogs in the Vineyard, Sens, puis d'autres jeux comme My life with Master.

Dogs in the Vineyard est un concept extrêmement subtil bâti autour d'une problématique forte que j'analyse ici avec mes propres mots : Quand-est-ce que la morale justifie la violence ?

Sens est structuré par de nombreuses problématiques, mais il me semble que la principale est tournée vers l'imbrication entre réalité et fiction.

My life with Master est une critique virulente sous forme de pseudo parodie, des jeux de rôles tels qu'ils sont couramment pratiqués : Un maître despotique qui martyrise ses servants.

Bien sur, n'étant pas moi-même dans la peau de Romaric Briand, Vincent Baker et Paul Czege, je ne puis certifier que leurs intentions soient telles, mais je ne pense pas me tromper beaucoup.

Je sais que Psychodrame possède une problématique, je cherche à la définir avec précision, quoi de mieux qu'un rapport de partie pour cela ?


La partie

Samedi 5 juillet j'ai joué une nouvelle partie de Psychodrame avec Frédéric, un ami Parisien, Jérémie, un ami de Poitiers avec qui je joue de façon quasi-hebdomadaire et Franck, un ami des beaux arts, rôliste de longue date avec qui je n'ai que trop peu joué.
Trois personnes avec qui je prends beaucoup de plaisir à jouer séparément et qui ont été réunies en cette occasion pour un plaisir partagé.

Nous avons joué une partie de Psychodrame formidable, à l'image de ce pour quoi j'ai fait le jeu.

Je leur ai proposé soit mes personnages prétirés autour du problème du fils atteint de mucoviscidose et voulant en finir avec la vie, soit de construire le problème et les personnages ensemble.

C'est encore une fois la deuxième option qui a été élue.
Mais nous avons choisi un problème valant son pesant de cacahuètes :
"Le grand père de la famille a commis des actes de torture pendant la guerre d'algérie, comment réagira son entourage ?"

Quand j'explique ce qu'est Psychodrame, on me regarde généralement avec des yeux ronds, ou en faisant la grimace. Quand je liste les types de problèmes que l'on peut aborder en jeu, les gens rient jaune, ils peuvent se trouver mal à l'aise. Je pense que je touche du doigt la problématique de Psychodrame. Les gens ont généralement peur de vivre un état émotionnel qui les dévoileraient aux autres. Pourtant, dans cette partie, je n'ai pas ressenti le moindre malaise, tout le monde était content à la fin de la partie.

Peut être que nous n'étions pas vraiment impliqué émotionnellement dans le problème.

J'ai joué Eugène Chapet : le grand père ayant commis des actes de torture
Jérémie a joué Bruno Chapet : le fils d'Eugène, a tendance a épouser des idées racistes
Franck a joué Jean-Marc Chapet : le petit fils d'Eugène, anarchiste, possède un casier judiciaire
Frédéric a joué Moktar Bensoussan, voisin et ami de longue date, a été harki pendant la guerre d'Algérie

J'ai eu un peu peur que les personnages soient caricaturaux, mais les joueurs ont été suffisamment fins pour que ça ne paraisse pas.



Voici les différents conflits que nous avons joué :
- Premier enjeu décidé par Jérémie :
Bruno et jean-marc viennent rendre visite à Eugène. Bruno tend le journal à son père ouvert sur un article listant les noms d'officiers ayant commis des crimes de guerre pendant la guerre d'Algérie. Eugène Chapet y figure. Il lui demande si c'est vrai et a l'air outré. Il veut savoir si son père lui a caché cela. Jean-Marc n'y croit pas trop, "de toutes façons, les médias racontent n'importe quoi".
Eugène se défend, mettant en avant sa droiture . Puis Moktar entre en scène (le Moktar avait un accent assez marqué, mais très crédible) il veut parler à Eugène et le prend en aparté.

Là, il lui dit qu'il a appris que j'étais mêlé à un truc pas très clair et il n'en revient pas, mais Eugène se défile.

Quand est venu mon tour d'attaquer quelqu'un, j'ai fait un truc culotté : je me suis couché et je leur ai dit : "oui, j'ai commis des actes répréhensibles, mais c'était pendant la guerre, je n'ai fait qu'exécuter les ordres".

- L'enjeu suivant est décidé par Fred :
Moktar veut que celui qui se dit son ami lui raconte tout, dans les moindres détails, il a besoin de savoir qu'est-ce qui s'est passé. Mais Eugène est réfractaire... Il a fait des efforts considérables pour oublier ces atrocités, ce n'est pas pour les réveiller maintenant. C'est difficile de continuer de vivre normalement. Des relents de racisme et de différences religieuses commencent à suinter entre Bruno et Moktar alors que Jean Marc reproche à tout le monde d'être arriérés, ce qui fait bondir Eugène, qui lui demande de rester à sa place et qui lui reproche d'être mal éduqué, ce qui affecte Bruno.
Eugène finit par accepter de leur raconter les événements. On fait une ellipse et j'explique aux joueurs qu'ils ont autant autorité sur le récit que moi.

- L'enjeu suivant est décidé par moi :
Eugène veut se justifier pour préserver le lien avec son fils, son petit fils et son ami.
Eugène est quelqu'un de droit, qui a un grand respect pour les règles, il dit en s'appuyant sur son expérience qu'on ne fait pas toujours ce qu'on veut dans la vie, ce qui heurte Jean-Marc qui répond qu'on a toujours le choix quand on s'en donne les moyens. Il dit à son grand père qu'en fait il ne cherche que des prétextes pour pouvoir vivre sans assumer vraiment ses actes.
Et là, Eugène déclare que l'homme qu'il a torturé était responsable de la mort de sa femme de l'époque qui n'étit autre que la mère biologique de Bruno... "et non, Bruno, Monique n'est pas ta mère biologique, mais c'est tout comme, elle s'est bien occupé de toi..."
Puis Bruno nous révèle qu'il a découvert qu'Eugène avait un fils illégitime, mais rapidement cette piste tombe à l'eau (notamment parce que j'aurai du être un minimum informé, si ce n'est d'avoir eu un autre fils, au moins que j'étais un coureur de jupons).
On a fini ce conflit, et chose intéressante, mes efforts pour être conciliant étant donné que j'étais au centre des conflits (ce qui aurait pu être moins le cas, mais j'avais oublié de leur préciser qu'au début de chaque échange, ils pouvaient se détourner de l'enjeu) ont porté leurs fruits.

Jérémie devait partir, on a donc arrêté la partie, et on a décidé d'une fin à l'amiable. Je pense que même s'il restait des animosités entre les différents protagonistes, notamment à cause des propos racistes et autres, le problème lui-même a été résolu.

Nous avons collectivement décidé que ses enfants et son ami conserveraient le lien.

Nous n'avons pas broyé du noir, on était très impliqués, on a ri a plusieurs reprises, mais le sérieux a fait de cette partie quelque chose d'assez formidable à mes yeux. On a abordé des sujets graves, on a même poussé assez loin les arguments par moment et tout cela dans la bonne humeur. Aucun événement dans le récit n'a été tragique et on a même réussi à résoudre le problème. Je ressors grandi de l'expérience, j'espère qu'il en va de même pour les autres.


Et donc...

Nous avons donc abordé plusieurs problématiques pendant la partie : la question des responsabilités du grand père, le racisme, la religion et les liens familiaux et amicaux dans tout ça... dans l'ensemble, bien qu'on n'ait pas abordé ces problèmes d'une manière très poussée, je suis très content de la dimension que ça a pris.

Je crois qu'il y a une problématique bien plus centrale dans le jeu, c'est celle de l'implication psychologique d'une personne dans un jeu fictionnel.
Je crois que la question se pose avant de jouer, mais également pendant le jeu. Pour vérifier cela, je compte prochainement me mettre en situation d'implication maximale en jouant mon propre rôle face à un de mes problèmes personnels.

Un JDR tel que Psychodrame est-il dangereux ?
Peut-il avoir une portée thérapeutique ?
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Message par Christoph » 09 Juil 2008, 17:09

Tcho!
Ca fait plaisir de lire ça, on voit que ça tourne très bien!
Pour faire écho au fil sur l'importance des dilemmes, on voit effectivement qu'il n'y a pas de mystère fondamental. Les joueurs savent que Eugène a commis des crimes de guerre: il manque certes les détails, mais c'est tant mieux. Je pense que ce serait assez mal vu pour un joueur d'un personnage aussi central au problème de stipuler qu'en fait, non, il n'y a jamais rien eu. Tous les personnages pouvant raisonnablement être mis en branle par ce problème étaient des PJ. Ca relevait de la sphère privée.

J'ai l'impression en lisant ce rapport que la problématique fondamentale de ce jeu est le jugement que les personnages se portent les uns les autres, dans la démarche de réactualisation de leur conception de qui ils sont et qui sont les gens qui leurs sont proches. C'est du solide pour créer un jeu (autant la comédie que la tragédie peuvent s'inscrire là-dedans).

Qu'est-ce qui rythme la partie? Si je jouais Eugène et que je reconnaissais en ouverture à la première scène tous mes crimes et que tous les autres personnages étaient compréhensifs et prêts à lui pardonner, que reste-t-il à faire? Est-ce que les règles empêchent une résolution en cinq minutes ou font surgir des rebondissements si c'est le cas? Bien sûr, c'est le cas extrême, mais je me demande comment on fait pour cadencer une partie par rapport à la résolution du problème (tout en sachant que certaines parties n'arriveront jamais à ce stade).

Finalement, je ne comprends absolument pas le sens de tes deux dernières questions. Quel est le rapport avec cette partie qui n'avait aucun élément thérapeutique et qui semble avoir été l'occasion de passer un agréable moment entre amis?
Christoph
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Message par Frédéric » 09 Juil 2008, 17:24

Ok, c'est du lourd !
Je vais méditer ton intervention sur la problématique du jeu.

Concernant la question de la résolution hâtive de la partie, je pense que c'est plus ou moins règlementé par deux choses :
La première, c'est qu'à la création des personnages, on tisse des lignes de tension (les revoilà :D ) et généralement, les joueurs semblent aimer tirer dessus jusqu'à ce que la situation dégénère ou s'arrange.
Pour le moment, ça n'a pas représenté un problème, et pour vérifier qu'il n'y ait pas besoin de garde-fou, je dois tester une partie où malgré le problème, les protagonistes font un max de concessions pour arranger la partie... on verra si ça marche ou pas.

La gestion du rythme des séquences des parties est assez variable d'une partie à l'autre car en fait tout dépend de ce que les joueurs ont envie de faire. Je peux booster une de tes émotions à mort pendant les phases de répartition de retombées pour arriver à un dénouement dramatique, ou bien diluer les retombées pour que la partie soit plus longue, rien n'empêche que la fin survienne plus tôt que prévu.

A un moment, je me suis pris 8 points de retombées d'un coup, vers le début de la partie. Quand une émotion atteint 10, on embraye sur le dénouement, et le joueur qui m'a distribué les retombées a choisi de les disséminer de façon à pouvoir continuer de jouer alors qu'il aurait largement pu mettre fin à la partie. Je lui ai dit qu'il pouvait déclencher le dénouement, il m'a répondu que c'était un choix délibéré, pour faire durer la partie ^^.


***


Les deux questions finales sont liées à l'idée d'une problématique englobante pour le jeu, mais je peux développer si ce n'est pas clair.
Frédéric
 
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