Je viens de revoir pour la énième fois le deuxième opus d'Harry Potter en film (oui, j'assume cette obsession puérile pour le sorcier balafré).
Je veux faire un comparatif d'avec mes parties jouées avec le système Basic et le jeu d'Olivier de la Cour d'Obéron. Les scénarios joués sont de moi.
1 - Aux 4/5èmes du film, tout à coup, Harry remarque que dans la main de Hermione pétrifiée (alors qu'elle était seule à la bibliothèque) se tient un bout de papier. Ce bout de papier est un morceau arraché d'un livre de la bibliothèque dont le texte porte sur la créature nommé Basilic. Les protagonistes découvrent donc quelle est la créature qui sévit dans Poudlard.
2 - Mais, il est écrit qu'un Basilic tue du regard, or, toutes les victimes n'ont été que pétrifiées (oui, "que" parce que ça, c'est curable). Et là, Harry explique : untel a vu le basilic à travers son appareil photo, donc il ne l'a pas vu directement. Hermione l'a vu dans un miroir, l'autre l'a vu à travers un fantôme, oui, mais le chat ? Harry comprend en voyant une flaque d'eau dans le couloir non loin des toilettes qui ont été inondées, que la chatte devait n'avoir vu que le reflet de la bête dans une flaque.
Eurêka !
Que se passe-t-il maintenant dans une partie de JDR :
Dans mes parties d'Harry Potter, généralement, les indices entre eux demandent rarement aux joueurs de devoir comprendre l'intrigue avec leurs neurones, car pour peu qu'ils soient trop bêtes ou intéressés par autre chose dans la fiction et l'enquête piétine. Mais ils doivent quand même les trouver !
Je me contente donc de donner des indices qui orientent vers d'autres indices, en parcours fléché, jusqu'à la révélation finale (indice ou monologue du méchant...).
Dans mon premier scénar, un PNJ, père d'un des PJ demande à sa progéniture de trouver un coffre dont il lui donne une clef zarby. Ce coffre aurait appartenu à un ancien élève dont il lui donne le nom. C'est tout ce qu'il sait.
Le PJ fils du PNJ (vous suivez ?) en a parlé à ses potes. Les joueurs ont décidé d'aller chercher dans les registres le nom de l'ancien élève (ça a bien pris 1/4 d'heure de réflexion).
Ils ont trouvé son dortoir et y sont allés illégalement (le dortoir étant dans la maison Serpentard, l'un des PJ y étant aussi, il a y fait entrer ses potes secrètement, ce qui est interdit puisqu'ils ne sont pas de cette maison). Ils ont fouillé et découvert que promu Préfet lors de sa cinquième année, ce fameux ancien élève a changé de chambre.
Ils stoppent leurs fouilles.
Ils réfléchissent à comment infiltrer la chambre de préfet fermée par un mot de passe.
Ils mettent donc au point une stratégie : la PJ animagus se transforme en chat et va écouter le mot de passe au moment où le préfet rentre dans sa chambre. Après quoi ils fouillent et trouvent le coffre etc.
Ok, que remarque-t-on ?
Dans le mille, tout cela ne passerait absolument pas en film ni en bouquin. Pourquoi ?
- Les joueurs passent beaucoup de temps à réfléchir et planifier.
Pourquoi ?
- Parce qu'ils sont à la fois l'acteur, le personnage et le spectateur.
Donc, ils sont pris dans un dualisme typiquement rôlistique : je dois jouer à résoudre l'enquête tout en effectuant des choix relatifs à l'histoire qui se construit.
Or, comme je l'ai dit plus haut : du point de vue histoire, c'est merdique.
Je crois qu'un regard GNS peut nous aider à comprendre facilement ce qui se passe :
- Résoudre une enquête, une énigme, c'est un jeu, une action ludique qui n'a d'intérêt que si l'on gagne ou perd.
- Seulement c'est rattaché à l'histoire.
Dans un jeu comme La Nécessité du Crime ce sont les joueurs qui inventent les indices et les lient aux personnages pendant la partie. L'enquête ludique, on s'en fout en réalité, ce qui compte, c'est de construire une bonne histoire bien cool.
Dans Harry Potter system Basic tel que je l'ai joué, résoudre l'enquête était un peu bâtard.
- Si les joueurs passent à côté, il y a tout un pan du scénar qui foire, or le jeu tel que nous le jouons est très centré sur le scénar (avec des espaces de liberté assez importants tout de même).
- Il faut donc la résoudre, mais l'échec n'est pas permis... ce qui me semble bancal. On est ici dans un vrai problème GNS.
Je pense donc en conclusion :
- Pour un jeu narrativiste, l'enquête ne doit pas être ludique, mais être seulement un prétexte pour faire avancer l'histoire : l'enquête avancera forcément, qu'elle réussisse ou rate. Regardez mes exemples tirés des films Harry Potter : les indices sont semés, mais au final, le personnage le résout parce qu'il doit le résoudre. Les scènes de recherche et de réflexions interminables sont coupées, car ça n'apporte rien à l'histoire, c'est un moteur de plaisir purement ludique.. Nous spectateurs ne pouvons pas le résoudre avant lui, car nous n'avons jamais suffisamment d'éléments. Le jeu est donc un faux jeu d'enquête dans les fictions narratives.
- Pour un jeu ludiste, peu importe l'histoire au final, il y en aura forcément une, mais elle ne doit pas constituer l'enjeu des parties. Résoudre l'enquête devient fun, elle doit pouvoir réussir ou échouer et que le jeu ait été intéressant pour l'effort fourni.
- Enfin, pour un jeu Simulationniste, je ne saurais être catégorique, mais je pense que l'enquête peut être un bon prétexte à exploration qui ne doit pas entraver l'histoire. Ainsi, il est souvent plus intéressant de donner les indices suite aux simples impulsions des joueurs, plutôt que d'en faire un enjeu (et éviter que la mise en péril des indices rejaillisse sur la possibilité de poursuivre l'histoire). Autrement dit : les indices sont capitaux, donnez-les en récompense de la curiosité des joueurs quitte à les déplacer si besoin. Les indices ne sont pas capitaux, faites ce que vous voulez.
Techniquement, tour cela est très lié à la façon dont les indices sont inventés : scénarisés avant la partie ? Inventés/Improvisés en court de partie ? Par qui ? Sont-ils à des endroits fixes ? Peuvent-ils être déplacés sans problème ? L'histoire peut-elle se poursuivre sans des indices ?
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