Certains d'entre vous connaissent mon obsession avec l'univers de Lovecraft (dont je trouve les nouvelles plutôt mal écrites dans l'ensemble, mais bon, l'amour rend aveugle) et une fois n'est pas coutume, j'ai essayé de bricoler un système pour faire du Lovecraft (pas de l'Appel de Cthulhu).
Aurore, Bastien, Lionel et Julien étaient mes cobayes. Mais c'est la faute à Julien et Lionel si on a décidé de faire du "Cthulhu".
Un brin d'histoire (pas essentiel pour les gens pressés)
Après plusieurs parties de D&D, le groupe avec lequel je jouais (dont Julien faisait déjà partie depuis longtemps, Lionel commençait à jouer avec nous) s'est tourné vers l'Appel de Cthulhu sous l'impulsion de Julien. Nous y avions joué une fois ou l'autre en convention et l'idée nous plaisait beaucoup. Et nous avions aussi une certaine fascination pour l'univers de Lovecraft (que je n'arrive décidément pas à définir: c'est un mélange entre admiration et dérision).
Rapidement, le système nous a gonflé, du moins la partie qui comprend la centaine de compétences et les caractéristiques. La santé mentale nous plaît toujours assez bien dans l'ensemble. On se retrouvait à jouer quasiment sans dés, juste avec la progression des folies pour rythmer la partie. Je compte certaines de mes parties les plus prenantes dans cette période (avec le recul, je crois qu'avec Jérôme on avait réussi à se hypnotiser l'un l'autre et atteindre un autre état de conscience, sérieusement).
A un moment je suis tombé dans les jeux indépendants américains, en particulier The Pool. On a commencé à faire des parties de Cthulhu avec ces règles, jouées de manière très anarchiste: les joueurs pouvaient carrément remplacer le MJ sur un jet réussi (alors que dans une autre vision des règles, c'est un transfert de pouvoir partiel.)
Nous avons joué nos parties les plus absurdo-comiques dans cette incarnation. J'ai appris l'intérêt de donner une certaine emprise sur la folie des personnages aux joueurs plutôt que de tout laisser entre les mains du MJ et j'ai compris que l'intrigue pouvait émerger du désordre de manière très satisfaisante. Ce qui a donné naissance au projet de la Nécessité du Crime, anciennement appelé Aux Frontières de R'lyeh.
Les principes fondamentaux (pour ceux qui veulent en savoir plus sur le pourquoi du comment)
Début 2006 s'achève la période Cthulhu & Pool. J'avais pris des notes qui résumaient l'essentiel de ma vision d'une partie dans l'univers de Lovecraft.
Voici ce que je retenais pour la structure d'une histoire lovecraftienne:
- des gens normaux ne soupçonnent pas la terrible vérité
- de plus en plus d'indices les obligent à revoir leur vision du monde, de l'humain
- les protagonistes sont confrontés à l'horreur, à l'insignifiance de la condition humaine, à la limite de la raison cartésienne et à la géométrie non-euclidienen (ça c'est le pire)
- les personnages (a) meurent, (b) perdent définitivement la raison ou (c) s'enfuient avant
- fin de l'histoire tout le monde il est content et va dormir faire de beaux rêves
Finalement, je voulais que les scènes de folies soient de véritables moments de créativité de la part des joueurs et si je trouvais une manière de faire cela de manière spontanée (de la part des joueurs) et contagieuse (d'autres rejoignent le trip), je pourrais espérais avoir plus souvent des parties aussi intenses que nous avions eu dans certaines parties de la période l'Appel de Cthulhu.
Il s'agissait également de trouver un moyen d'introduire un véritable mystère lovecraftien cohérent, sans que le jeu ne soit une énigme à résoudre pour les joueurs.
Le système Azathoth (nom de travail; lecture facultative)
Ce jeu est fait pour des one-shots. Cela n'empêche pas de reprendre d'anciens personnages si vraiment cela s'avérait intéressant. Cependant, les nouvelles de Lovecraft sont des nouvelles, pas des séries de romans, et je voulais être fidèle à cela.
Création d'une situation mystérieuse
Le MJ crée quelques personnages secondaires impliqués dans des affaires occultes, les plante dans un lieu où il y a des vestiges du Mythe, trouve quelques liens malsains, fait subir du tort aux habitants et voilà. C'est dans le fond similaire, mais moins structuré et moins ambigu moralement parlant qu'un village dans Dogs in the Vineyard.
Pas besoin d'être trop spécifique sur la nature des monstres et des divinités du Mythe impliqués.
Le MJ propose un concept pour un groupe de PJ et laisse les joueurs créer leurs personnages là-dedans.
Création de personnages
Les joueurs décrivent leurs personnages en quelques paragraphes de texte et notent "Santé Mentale: 90%" à la fin.
Système de résolution
Dans ce jeu, on lance les dés pour faire progresser la découverte du mystère. Cela peut se traduire par des interactions avec des PNJ aussi bien que par des fouilles archéologiques. C'est le MJ qui exige un lancer de dé, puisque c'est lui qui connaît le mystère.
Pour obtenir un "succès" il faut faire un résultat en-dessus du score de Santé Mentale. En cas "d'échec", le PJ découvre quand même quelque chose, mais son nom vient sur une liste que tient le MJ...
On peut améliorer ses chances de succès avec des jets de "soutien" qui eux ne font pas avancer l'intrigue (et ne comportent pas le risque de voir son nom figurer sur la liste). Si des actions crédibles (de n'importe quel PJ) dans la fiction apportent un soutien évident aux efforts du PJ principal, on fait un jet: en cas de réussite on octroie un bonus de 5% au jet principal. Le joueur principal peut également améliorer ses chances de réussite de 5% s'il fait une description réussie (en se basant sur le background du personnage ou non).
En tant que MJ, je peux tracer le nom d'un personnage sur la liste à n'importe quel moment pour lui faire un sale coup (mais je ne peux pas le rendre injouable).
Gestion de la folie
Quand un personnage à 0% de santé mentale, il devient fou pour de bon et est donc techniquement injouable. Je crois qu'il a le droit à une dernière scène pour finir en apothéose.
La santé mentale est perdue suite à des chocs psychologiques dûs à la confrontation au Mythe (le reste ne compte pas). En réussissant un jet en-dessous du score, on limite les pertes. Cet aspect est encore très arbitraire.
Un joueur peut décider de baisser sa santé mentale volontairement! Pour faire cela, il prend un dé dans un bol au centre de la table (avec un nombre arbitraire de dés).
- Rêve: coûte 5% et est représenté par un d4.
- Hallucination: coûte 10% et est représenté par un d8.
- Manifestation: coûte 20% et est représenté par un d20.
Maintenant, le joueur a un dé devant lui. Tant qu'il a ce dé, il ne peut pas en piocher un autre. En revanche, un autre joueur peut faire écho à cette intrusion du surnaturel en récupérant le dé qui viendra s'ajouter comme bonus à sa prochaine action. Cela encourage la réincorporation d'éléments et la participation mutuelle à des trips.
Finalement, un joueur peut décider de suicider son personnage. A ce moment-là, il retourne sa feuille de personnage, trace deux colonnes avec comme premier nombre la santé mentale qu'il lui restait. La première colonne permet au joueur d'octroyer des bonus ou des malus aux actions des autres joueurs, la deuxième colonne permet d'acheter des intrusions dans le surnaturel (rêves, hallucinations, manifestations). Ici, il n'y a plus de dés que les autres joueurs peuvent récupérer.
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