Christoph a écrit :Salut
Je vois plusieurs points qui pourraient mériter d'être abordés plus en détail. J'esquisse, tu me dis ce qui te semble le plus pertinent.
Le personnage de jeu de rôle
Dans ce que tu écris, j'ai l'impression que quelque part, tu te dis que la feuille de personnage est le personnage. Sinon, tu ne t'en voudrais pas de jouer ton gueux comme un maître de la rhétorique.
Non, là tu m'interprètes mal. Je comprends pourquoi je donne cette impression, mais il n'en est rien. Le problème se posera même sans fiche : je donne au joueur un background et je souhaite qu'il respecte les tares de son personnages, mais il les contourne par sa volonté de fantasme. C'est là que je me positionne contre cette attitude.
Pourtant, le personnage n'est certainement pas la feuille de personnage. J'irais jusqu'à dire que le personnage n'existe pas. Ce qu'il y a, et c'est la seule chose avec laquelle le groupe puisse jouer, c'est des descriptions partagées. Ce qui est écrit sur la feuille est au mieux un pense-bête, mais tout ce qui n'a pas été raconté à la table, n'existe pas dans la fiction partagée, celle qui importe pour le jeu.
D'accord et pas d'accord. D'accord pour dire que rien n'existe que ce qui va être joué. Et effectivement on peut se permettre des libertés avec un background. Mais si moi, en tant que MJ j'ai conçu quelque chose en m'appuyant sur un personnage et que ce personnage de gueux et joué comme un prince, cela me déplaît. Je peux accepter que le gueux évolue, je peux accepter que le gueux ait une géniale intuition. Mais je pense ici à un joueur qui, quoi qu'il joue, se met à devenir un redoutable politique. Alors la solution consiste à lui donner des personnages politiques, certes, mais le joueur reconnaît que si tout le monde fait de même, les choses changeront peu. Alors il est intéressé par changer de type de personnage. Sauf qu'alors, le naturel revient au galop. Comme pour mon propre exemple : il m'arrive de vouloir faire quelque chose, mais je trahis mon personnage. Et "oui", je trouve qu'il peut être gênant de trahir son personnage. Attention, je ne dis pas qu'il faut s'en tenir à une ligne. Du tout. Au contraire, un personnage doit évoluer. Mais si je joue un timide, je ne veux pas que mon personnage parle comme Don Juan. Et pourtant, j'ai parfois eu du mal à m'empêcher de le faire. Partir de l'échec avéré (par les dés ou autre) m'aurait obligé à...
C'est pour cela que ça ne m'embête pas du tout qu'un joueur décide tout à coup que son perso connaissait tel autre perso de longue date, même si ce n'est pas écrit sur la feuille. Qu'il en soit ainsi.
Tout à fait. Je procède exactement de la sorte.
Aussi, partir de la feuille de personnage pour la définition du personnage, c'est oublier que la créativité naît véritablement qu'au contact du reste du groupe. Beaucoup de personnages naissent véritablement en jouant.
Je suis d'accord. Mais "cf" ce que je dis précédemment. Il reste l'écueil que j'ai cité. C'est marrant, j'ai l'impression, Christoph, que tu essaies de vérifier si mon intention ou ma proposition tient la route, si on ne pourrait pas éviter de poser la question. Il est vrai qu'il peut y avoir de mauvaises questions. Peut-être ma question de départ est-elle mauvaise. Mais j'aimerais quand même des avis sur cette idée et non sur les raisons d'avoir cette idée, car une idée saugrenue peut aussi ouvrir de nouvelles perspectives de jeu en révélant des modes ou des avantages insoupçonnés.
L'engagement avec la fiction
Je reprends spécifiquement l'exemple de ton gueux que tu jouais en désaccord avec sa vraisemblance. Je suis prêt à parier que cette partie avait une dynamique entre joueurs assez différente de celle de Vampire que tu nous as décrit il y a quelques jours.
En particulier, j'ai l'impression, mais peut-être que je dis de la merde, que la plupart des problèmes abordés dans ce fil n'existaient pas dans cette partie de Vampire.
Si, ils peuvent exister, mais sous une autre forme. Par exemple, le joueur produit un roleplay de séduction, mais il joue un immense séducteur. Il faut bien qu'il puisse influencer le pnj malgré un discours moyen qui n'est pas la hauteur de son personnage. Le système de règles permet de modéliser cela et de donner l'opportunité au joueur de jouer autre chose qu'un alter ego avec les mêmes facultés oratoires. Du coup, on lance les dés. Mais lors du fumble, le joueur a déjà produit son roleplay (si je peux dire), et comprend que cela ne va pas suffire, et attend ma réaction. Or, là, je me suis dit en partie que j'aurais du lui faire jeter les dés avant, vraiment. Bon, si je ne suis pas clair, faut le dire...
Une attitude simpliste, mais pas fondamentalement fausse, serait de dire que le MJ et les joueurs étaient juste bons et puis que ça a fonctionné.
Ce genre de différences, j'aime bien dire que c'est en rapport avec l'engagement des participants à la fiction. Si à ma table j'ai un joueur qui fait un gueux diplomate, je sais qu'il y a quelque chose qui cloche quelque part (pourtant, qu'est-ce qu'on est bons dans mon groupe...) Si tu veux creuser cette piste, ce serait très utile de dire qui jouait à cette partie où tu jouais le paysan, quel était le jeu, si c'était en campagne ou non, comment se passait le scénario et pourquoi tu as fait le fin diplomate.
Il me semble que cela ne résoudra pas mon souci, car dans cet exemple, il s'agit de ma propension au fantasme et de ma malhonnêteté sur le moment qui peut autant se trouver à Star wars rpg qu'à René...
L'échec du personnage
Je comprends cette attirance à l'échec tel que tu la décris. En creusant sur ce forum, tu pourras peut-être trouver deux-trois sujets qui y sont liés, mais c'est du matériel d'archive.
Là, il y a deux attitudes que j'ai rencontrées.
La première, c'est le joueur qui est tellement dans son trip (engagé avec la fiction), qu'il se met lui-même dans de beaux draps, juste pour le plaisir. Pas besoin de faire intervenir des dés.
Oui, j'aimerais pouvoir encourager mes joueurs à penser à cela. Certains y sont récalcitrants. Il faudrait que je trouve les arguments pour leur montrer l'intérêt.
La deuxième, c'est une question de système. Y a des jeux où l'on reçoit de l'XP en jouant son perso de la manière dont on l'a défini. Alors, si on décide que c'est un masochiste, on reçoit des XP à chaque fois qu'il se fait tabasser.
J'ai horreur des systèmes qui récompensent avec de l'XP le roleplay.
D'autres jeux allient une sorte de gestion de ressource à la narration et donc, il peut être stratégiquement favorable de se prendre quelques échecs pour mieux gagner plus tard: Dogs in the Vineyard par exemple, mais aussi Psychodrame de notre Fréd à nous. Dans Dogs, j'ai vu des conflits où le gars qui abandonnait (il était donc en situation d'échec), était le vainqueur moral: est-ce que ça vaut la peine de sortir les flingues juste pour avoir raison?
Faut que j'y réfléchisse. C'est intéressant.
Cependant, il y a une dérive possible dans cette approche (pas dans les jeux cités je crois), où on se retrouve à table avec des gens qui ne font rien d'autre que de massacrer leurs persos dans leurs coins, ça fait un peu glauque, voire carrément pathétique. Souvent, ces systèmes sont plutôt faits pour que tous les joueurs puissent se donner à fond pour espérer obtenir un résultat, mais il y a toujours une porte de sortie élégante. Si tu choisis l'échec, c'est donc parce que c'était nécessaire (entre autre pour la vraisemblance de son personnage, autre forme d'engagement avec la fiction).
La narration des conséquence d'un test
Lionel me racontait une partie cyber qu'il avait joué à une convention récemment. Son personnage se bat avec un ennemi. Jet de toucher raté, le MJ lui dit "euh, tu frappes dans le mur derrière lui". Mon dieu... que des choses comme ça existent! Dans beaucoup de textes, on fait croire que c'est au MJ de tout raconter pour préserver la "cohérence". A force, le MJ se fatigue et les PJ poignardent les murs.
Exactement. C'est un problème qui me parle.
Dans beaucoup de jeux, ce n'est pas du tout essentiel que ce soit spécifiquement le MJ qui raconte l'issue d'un jet de dé. Si j'avais été à la place de Lionel et que j'avais pu décider de décrire mon propre échec, j'aurais pu dire quelque chose dans le goût de "Je tente une feinte par la gauche, mais il est alerte et dévie lestement mon coup". Beaucoup moins pathétique, mécaniquement identique. Le MJ souffle et peut penser aux taches pour lesquelles il est vraiment indispensable.
Et je n'ai toujours pas abordé comment marier la résolution et la narration "pendant" l'exécution d'une action (bon, avec le dernier point on y arrive), ce que tu voulais aborder au début, mais je t'assure je ne l'ai pas oublié.
Ha, ha ! Voilà encore un autre pb intéressant.
Est-ce qu'il y a certain de ses points qui te parlent? N'hésite pas à préciser ce qui t'intéresse tout particulièrement, et plus tu peux ancrer cela dans ton expérience, plus ce que nous en dirons aura une portée concrète (c'est rare de pouvoir dire des choses vraies en toute généralité).