Je rentre d'une partie de Prosopopée avec Zarina et Gaël, deux amis d'Orc'Idée. Zarina nous a invité à manger chez elle, et puis ensuite nous nous sommes mis d'accord pour jouer un tableau (plutôt que Zombeja! Ovella!, Dirty Secrets, Psychodrame ou Azathoth ou même Horreur à Arkham, un jeu de plateau).
L'avantage était double: le concept bottait bien et les tableaux sont courts.
J'explique les règles et on se lance.
La partie
Le médium de Zarina est celui qui a des cheveux comme des serpents, Gaël joue celui qui a des veines de lierre et moi je me prépare à interpréter celui qui dort sept fois.
Le paradigme est les pissenlits en graines, parce que les serviettes en papier utilisée pendant le repas ont ça comme dessin. Et parce que je leur ai fait comprendre que ça n'allait pas se passer autrement!
Gaël ne se laisse pas prier et entame la partie avec une description d'une immense plantation de dents-de-lion que son médium parcourt tel un superviseur. D'énormes tentes translucides sont montées à intervalles réguliers, sous lesquelles les ouvriers soufflent sur les touffes des fleurs matures pour que les aigrettes s'envolent et restent prisonnières de la tente. Une fois cette opération terminée, la toile de la tente est découpée et amenée à un grand dispositif mécanique qui broie le tout et extrait l'huile des akènes.
Tout cela lui a valu bien trois-quatre dés de récompense. C'était génial, ça nous a donné une scène incroyablement riche en couleur!
J'ai hésité à mettre un dé de Quête sur la substance Objet pour signaler la nature déséquilibrante de la machinerie, mais je me suis dit que c'était trop classique.
Zarina enchaîne avec une scène où une ouvrière aperçoit un homme dérobant de l'huile de pissenlit... Ça c'était notre premier {dQ} sur Objet: huile volée (3).
Puis celui qui dort sept fois se réveille parmi des dents-de-lion sauvages, sur une colline attenante à la plantation. Il se tâte, se lève et regarde le Soleil... Gaël pousse un 2 sur Eléments et subodore une couleur ou un petit-je-ne-sais-quoi d'étrange, sans en dire plus. J'en profite pour placer l'évidence: le Soleil se fait vieux et des aigrettes s'en détachent petit à petit!
Le dormeur descend la petite pente et va se débarbouiller dans l'eau fraîche d'un ruisseau. L'eau lui renvoie un reflet quelque peu troublé de lui-même, tandis que plusieurs petits serpents aquatiques s'enfuient, formant comme une chevelure. Il lève les yeux et s'aperçoit que celui qui a des cheveux comme des serpents se trouve non loin de là.
Gaël enchaîne avec la description d'un autre ruisseau, qui sort lui d'un petit canyon. Au bout du canyon, une sorte de barrage fait de lierre et de pierres retenant un puissant lac. Il est entretenu assidûment par des gens qui l'enduisent avec de l'huile de pissenlit. Ceci a pour effet de resserrer la structure et de rendre le barrage plus étanche. Visiblement, c'est une manière de réguler le cours d'eau. (Deux dés de plus!)
Celui qui a des cheveux comme des serpents et celui qui dort sept fois s'entretiennent en des termes un peu mystérieux. Le second lui fait part d'une intuition qu'il a eue à son réveil: que le Soleil pouvait être guéri grâce à son action. Le premier ne voit pas de quoi il s'agit et ne prend pas au sérieux le curieux personnage aux yeux tout endormis. Néanmoins, avant de se quitter, un des serpents se détache de la chevelure pour suivre l'homme étrange.
Celui qui dort sept fois rencontre ensuite celui qui a des veines de lierre. L'homme qui venait de se réveiller demande au superviseur quels sont ses soucis¹, car il est visiblement peiné.
En effet, le barrage ne se comporte pas comme il faut, trop peu d'eau passe, malgré le respect des consignes des Architectes. Plus que cela, le dormeur, qui avait sous sa responsabilité l'ensemble des ruisseaux (dixit Gaël), a bel et bien constaté en goûtant l'eau tout à l'heure² que quelques substances vitales n'y étaient plus présentes, comme si le mur de pierre et de lierre filtrait toute substance dissolue. Cela était évidemment inquiétant, car ces substances vitales se déversent dans l'océan, où le Soleil vient s'abreuver chaque soir. Si les substances nutritives n'étaient plus présentes, le Soleil en souffrirait évidemment, peut-être par un vieillissement prématuré!
Il fallait amener celui qui a des cheveux comme des serpents à réaliser l'ampleur de l'affaire, afin qu'il rétablisse l'alimentation vitale du Soleil!
Entre temps, j'avais posé un {dQ} à 4 sur Objet (pour le barrage).
Or, Zarina, qui décidément aime introduire des complications, explique comment le petit serpent quitte le lieu de cette conversation et va la rapporter à un mystérieux individu dont on ne perçoit pas les traits, dissimulé par l'ombre. Le petit serpent reçoit comme instruction de ne pas informer celui dont il orne le chef...
Celui qui a des veines de lierre décide de trouver les Architectes. Ces gens vénérables ont une telle confiance dans leur calcul du dosage de l'huile de pissenlit, que le médium décide de poster des gardes au barrage pendant la nuit. Bien lui en prit, car les gardes appréhendent de louches individus qui tentaient d'appliquer d'avantage d'huile de pissenlit.
Gaël résout donc le déséquilibre lié au barrage: il lance 5 dés pour 4 réussites! Le problème des voleurs d'huile est réglé lui aussi sur le coup. Son médium gagne un point en substance Objet, mais Gaël décide de retarder le choix d'un nouvel attribut étrange.
Le lendemain matin, celui qui dort sept fois goûte l'eau du ruisseau et décide qu'elle est à nouveau meilleure. Fort de ce constat, il retourne voir celui qui a des cheveux comme des serpents. Ce nouvel argument n'arrange rien. De plus, l'obtus individu ne semble même plus se rappeler de l'existence du barrage!
Celui qui dort sept fois demande à inspecter la chevelure de serpents. Je lance des dés pour trouver ce qui a bien pu changer ainsi la mémoire et le sens du devoir de son interlocuteur, sans quoi le Soleil ne serait pas dans cet état. Je m'attaque au dernier déséquilibre, lié aux Eléments (Soleil), lance trois dés et échoue! Gaël déplace le {dQ} sur la substance Humain. La cause est donc humaine, plutôt qu'intrinsèque au Soleil (c'est évident, on le savait déjà!)
Celui qui arbore une chevelure ophidienne [pénible de toujours utiliser le même nom!] semble avoir quelque peu recouvert ses esprits suite à ce traitement capillaire et se rappelle d'un homme aux intentions dissimulées qui lui avait parlé il y a quelques temps, mais dont il s'était étonnamment plus souvenu depuis. Le capisquamata¹ retrouve donc cet homme et lui fait comprendre toutes les conséquences de son acte manipulateur. La sagesse du méduse lui fait voir la raison et il lui rend la mémoire, non sans garder quelques rancunes envers la plantation qui a réduit la quantité d'eau dont disposent les villages en aval.
En effet, Zarina a fait trop de réussites. Son médium acquiert un point en substance humaine, sans gagner d'attribut. Le seul {dQ} est donc retiré, et aucun autre dé n'étant sur le cercle des substances, on fini le tableau, sans oublier l'aspect négatif accompagnant une réussite excessive.
Les questions à l'auteur
1) Est-ce que les {dQ} représentent ce qui est la source d'un déséquilibre ou ce qui a un déséquilibre? Nous avons mélangé les deux, puisque ce n'était pas vraiment clair lors des explications initiales. Seule la résolution du problème a confirmé que le barrage et le soleil avaient un problème, et que les voleurs en étaient un.
2) Quand on déplace un {dQ}, on change le problème ou la source du problème? En effet, quand le problème lié au soleil est passé d'éléments à humain... est-ce que cela voulait dire que le soleil n'était plus touché par le problème, mais qu'il y en avait un nouveau lié à des humains? Ou que la cause n'était en fait pas intrinsèque, mais dûe à l'action humaine? Notre interprétation était plutôt liées aux causes, mais peut-être une approche symptomatique est-elle plus indiquée?
3) J'ai hésité à aider Gaël sur le coup de l'arrestation des voleurs. Mais j'y ai renoncé parce que je ne me sentais pas de bénéficier d'un nouvel attribut étrange juste pour avoir aidé. Pourquoi pas un point de substance de plus, mais pas une transformation aussi importante. Je te proposerais presque de diminuer les conséquences pour les médiums qui aident, mais la question ne s'est posée que deux fois de la partie. J'ai aidé Zarina, sur le lancer final, mais ce n'était pas nécessaire. Encore une fois, je ne voulais pas gagner de point pour n'avoir servi à rien et sans m'être spécialement mouillé dans l'acte.
4) On peut augmenter la valeur d'un {dQ}, mais est-ce qu'on peut aussi l'abaisser? Il nous est apparu qu'une substance arborant plusieurs dés est plus facile à rééquilibrer si les dés ont tous des faces différentes, car ainsi on choisit celui qui nous semble le moins risqué au vu des médiations et {dR} à disposition. Or, si j'ai par exemple 5, 5 et 6, passer à 5, 6, 6 ne change rien, alors que passer à 5, 5, 5 enlève une option pour le joueur, ce qui ne peut en aucun cas rendre la tâche plus facile.
A l'inverse, peut-être aussi que malgré les échecs, on veut tout simplement rendre le Remède plus simple à trouver au fil des tentatives, afin de ne pas s'attarder fastidieusement sur une Substance.
Je pense qu'au pire, permettre de réduire la face des dés n'apporte rien de significatif au jeu, mais ce degré de liberté additionnel peut donner une option pertinente dans certains cas de figures.
5) Quand le dernier {dQ} est retiré de la feuille des substances, les conséquences négatives dues à un trop plein de réussites (j'aime bien cette idée), sont elles matérialisées? Il semble que si aucun joueur rebondit sur la description pour mettre un nouveau {dQ} sur la feuille, le tableaux se termine sur des conséquences négatives autres que le Déséquilibre qui vient d'être résolu. Est-ce que l'on transfert cela au prochain tableau?
6) Les cas de figure de la résolution des {dQ} sont décrits de manière un peu vague. En fait, je crois bien que j'ai mal compris ce qui se passe lors d'une réussite exacte contre un {dQ}.
- J'ai interprété la réussite exacte comme signifiant que tous les {dQ} de cette substance sont retirés. En fait, le mot «commun» étant au masculin, il se réfère plutôt au Cercle entier que juste à la substance et on aurait donc du finir le tableau lorsque Gaël a attrapé les saboteurs. Je crois que je n'aurais pas été satisfait de cette issue.
- En cas de réussites insuffisantes, est-ce qu'on vire vraiment l'ensemble de sa réserve de {dR}, ou juste ceux utilisés, comme dans les autres cas de figures?
- Dans le cas d'un surplus de réussites, tu écris «seul le Peintre ayant tenté l'action défausse ses {dR}». Comme le paragraphe sur l'aide vient ensuite, je ne vois pas très bien l'utilité de cette phrase. Et même, pourquoi en cas de succès excessifs, un aidant pourrait-il conserver ses {dR}, alors même que l'aidé s'en est peut-être servi pour tenter d'améliorer son sort? Aussi, est-ce qu'on défausse tous les {dQ} liés à la Substance, ou juste le {dQ} contre lequel on a effectué le lancer? Nous avons joué selon le deuxième cas et c'était bien.
Remarques non-fondées
Je soupçonne que la meilleure façon de construire un personnage, c'est d'avoir au moins un score de chaque valeur possible dans les médiations. Ainsi, on peut s'attaquer aux Déséquilibres de la manière dont on l'entend et optimiser ses réussites.
Ou plus fondamentalement, je ne vois pas pourquoi on passerait du temps à réfléchir comment dépenser nos vingt points. Ça donne presque l'impression qu'il s'agit d'optimiser quelque chose. J'ai fait la remarque à Gaël qui est un vieux roublard de rôliste et qui semblait hésiter pas mal.
Il me semble plus sage de demander aux joueurs de répartir un 5, deux 4, deux 3, deux 2 et un 1. Ainsi, les joueurs se poseront moins de questions. Ça fait certes un total de 24 points plutôt que 20, mais du moment que j'ai un 5 et sept 1, je suis tout aussi efficace qu'un personnage avec un 5 et sept 4, si je me la joue finaud (et répétitif). Je trouve donc dommage de pénaliser ceux qui tentent activement la diversité.
Sinon, on peut imaginer que chaque médiation ne peut être utilisée qu'une seule fois par tableau (peu importe si la résolution est réussie ou non), et à ce moment-là, la question du nombre total de points à répartir prend plus d'importance (mais j'ai vraiment l'impression que de donner la liberté de répartir les 20 points comme bon nous semble est une fausse bonne idée).
J'ai pris beaucoup de plaisir à jouer à ce jeu, j'y rejouerai! Merci de m'avoir filé la dernière version de playtest! Et je crois que Zarina et Gaël sont eux aussi plutôt partants pour d'autres parties.
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¹: je crois bien qu'on ne s'est même pas salués, ce n'était pas nécessaire
²: hop! rétro-édition! je n'avais pas décrit cela lors de la scène au ruisseau, mais cela n'a choqué personne bien sûr
³: néologisme formé de la racine latine capillaris (le cheveux) et l'ordre squamata auquel appartiennent tous les serpents selon la classification biologique classique. Je pense que vous savez ce que ça veut dire.