Salut Fréd !
J'ai voulu attendre que Christoph aie fini son commentaire avant de te poser mes questions, je reviens donc un peu en arrière :
Tu m'as répondu, je cite :
J'ai hésité à baptiser ce fil "absence de synesthésie", mais ce n'est qu'une hypothèse que je formule pour le moment : étions-nous en présence d'une synesthésie faible, ce qui signifie en effet qu'il faut bannir le terme "enjeu" de sa définition, ou somme-nous en présence d'une scène de JDR qui n'était pas synesthétique ?
A la lumière de vos remarques, j'opte pour ce deuxième choix qui nous permet de resserrer le champ de ce que recouvre ce concept. Êtes-vous d'accord avec ça ?
Je ne suis pas d'accord, mais en fait, en lisant cela, je ne comprend plus bien où tu veux en venir. Pour expliquer ce que je ressens, et avant de continuer (j'ai aussi quelques idées à te soumettre, je le ferais ensuite ! ), je vais revenir encore un peu plus en arrière, pour m'assurer que je comprend bien (ou pas ?) ta conception naissante de la synesthésie (sinon, en fait, on parle chacun de son coté, mais pas de la même chose, et la discussion risque de devenir stérile ).
Or donc, dans ton
tout premier thread consacré à ce sujet, tu avais défini le concept : "
pour définir la correspondance entre les enjeux fictifs du personnage et les enjeux ludiques du joueur.
J'avais appelé cela « latéralité » dans quelques threads (...) "
et de poursuivre plus loin : "
- Il y a toujours une distance entre ce qu'éprouve le joueur (d'un point de vue émotionnel et ludique) et ce que devrait éprouver son personnage -"
J'avais donc interprété ce concept comme un
lien d'empathie entre le joueur et son personnage qui favorisait l'immersion ( Christoph utilise d'ailleurs le même terme dans le thread d'origine, dans le paragraphe intitulé "
Les deux niveaux de la synesthésie".), et de ce que j'avais compris, il s'agit d'un phénomène à effet psychologique.
(Cette conception m'avait beaucoup plue pour son approche de psychologie appliquée au jeu, je pense que tu sais pourquoi ;) )
Est-ce que je suis dans le vrai ?
Poursuivons... Par rapport à ton compte-rendu de partie : Tu dis qu'il n'y a pas eu synesthésie, mais pourquoi ?
- est-ce parce que tu n'as pas été satisfait de ta prestation (ou de ses effets, résultats, sur toi-même, sur le groupe de joueurs, ou sur la situation de jeu, cà dire autres personnages dans la fiction) ?
- ou parce que tu trouve, a posteriori disproportionnée l'écart entre tes enjeux et ceux de ton personnage ?
- ou encore parce que, malgré ce morceau de role-play, tu t'ennuyais ?
Il y a - en tout cas chez moi - une première confusion ( je crois en fait, parce que j'ai l'impression qu'il reste des nons-dits ).
Dans le premier cas, en tout état de cause, je pense qu'il y a un danger : celui de mêler l'affect à la théorie.
Car à mon sens, ce n'est pas parce que tu n'as pas été satisfait qu'il n'y a pas eu effectivement synesthésie.
D'où une question fondamentale si on veut se comprendre (je pense qu'on ne peut pas continuer à réfléchir sur ce thread sans cela) : l
a synesthésie est-elle nécessairement satisfaisante, est-elle par nature et invariablement source de satisfaction ?Pour répondre à cette question, il faut d'ailleurs commencer par dégager ce
concept de satisfaction et le dissocier de celui de
synesthésie.
En effet ici, j'ai l'impression, selon la définition originelle et la description faite, que la scène, que tu nous as décrite, était très synesthétique (pas au sens où tu éprouvais très fortement ce que ton personnage éprouvais, mais où tu cherchais à te comporter comme lui).
Et là, j'en reviens à ma question de départ à propos du lien empathique favorisant l'immersion. Je n'ai pas réussi à trouver la définition de l'empathie sur le site du CNRTL (qui est pour moi doublement la référence, en tant que site institutionnel
ET scientifique.) mais j'ai noté que le
synonyme qu'on en donne est "identification", d'où cette question complémentaire : en te comportant comme ton personnage, as-tu réussi à mieux t'identifier à lui ?
P.S. (edit.) : même si je n'aime pas m'y référer, wikipedia a écrit : (...)Le terme empathie[1] a été créé en allemand (« ressenti de l'intérieur ») par le philosophe Robert Vischer pour référer à l'empathie esthétique, le mode de relation d'un sujet avec une œuvre d'art permettant d'accéder à son sens.
Le mot fut par la suite réutilisé en philosophie de l'esprit par Theodore Lipps (une influence reconnue de Sigmund Freud et des phénoménologues) pour désigner dans ses premiers écrits, le processus par lequel « un observateur se projette dans les objets qu'il perçoit ».
Plus tard, Lipps introduisit la dimension affective dont héritera notre conception moderne : l'Einfühlung caractériserait par exemple le mécanisme par l'expression corporelle d'un individu dans un état émotionel donné déclencherait de façon automatique ce même état émotionnel chez un observateur. (...)
enjeux vs. intention : deux notions s'affrontent ! Ici, je vais donner un avis personnel pour essayer de contribuer à l'avancement du sujet, mais il est évident que ça n'a pas force de loi, et que je ne cherche pas à l'imposer. Je veux juste donner à réfléchir.
Tout d'abord, j'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas seulement de termes de vocabulaire, mais d'une confrontation de
notions, parce qu'ici, ce ne sont pas les signifiants, mais le champ de leurs signifiés qui sont mis en question.
Christoph parle de volonté "ce que veut le personnage /le joueur". Ce concept recouvre donc les idées d'
objectif ( ou bien volonté, but, dessein, projet, désir, ...), et de détermination, de
disposition, de velléité, de
motif et de
mobile.
Si j'ai voulu le désigner par le terme d'
intention, c'est pour bien montrer que selon mon entendement, ce concept a une forte connotation individuelle : l'intention dépend de l'individu propre, personnellement, mais pas de l'extérieur (ou très peu).
le concept d'enjeu, pour sa part, ne peut être utilisé que dans un
rapport de soi à l'extérieur. Evidemment, il connote fortement l'idée de
tension, et selon ce que j'ai compris, c'est ce qui le rend délicat à utiliser selon toi,
(ici, je fais attention à dissocier également les concepts de
tension et de
confrontation, qui ne sont pas synonymes.
Le plus simple pour le comprendre est d'imaginer une pile : la tension augmente quand les deux pôles de la pile ne sont pas connectés, mais dès qu'elles le sont, il y a diminution de la tension, au profit du courant qui passe ce qui provoque le court-circuit, donc la confrontation directe des deux poles. ).
Pourquoi est-ce que je préfère la notion d'enjeu à celle d'intention ? Parce que, comme je l'ai dit, l'intention recouvre une connotation d'individualité isolée : peu importe ce qui entoure le personnage, si son désir est de faire la sieste. L'intention, le désir vient de lui-même, de sa fatigue, même si on est en pleine journée, et non la nuit.
Au contraire, le concept d'enjeu recouvre l'idée d'une relation de soi à son entourage, il y a dans tout enjeu un rapport à un élément extérieur à soi. Et c'est pour cela qu'il convient à la synesthésie selon moi, pour deux raisons :
- d'abord, au niveau métaphorique, il renvoie à l'idée de la relation du joueur à son personnage (et vice-versa). Or, c'est bien de cela qu'il est question ici, de la correspondance de leurs sensations et ressenti (si ma compréhension est bonne !).
- ensuite, parce que cette notion d'enjeu dépasse le simple but personnel du personnage : cette idée replace le personnage dans un contexte, et en l'état actuel des choses, je ne conçois pas que la synesthésie soit indépendante de la situation de jeu qui en est la cause (ou du moins, un élément de cause.).
- enfin, la tension est généralement l'un des ressorts de l'intérêt ludique d'une partie qui se rattache à la synesthésie, en tout cas dans mon expérience (cf. le thread sur la synesthésie négative. )
re-qualifier les enjeux : Un des problèmes vient, je crois, du fait que l'on a pas cherché à classer et qualifier les enjeux (pour mémoire, cf. mon post précédent à propos de sa définition).
C'est la dernière raison pour laquelle je préfère la notion d'enjeu à celle d'intention : quand on parle d'un "enjeu" en lui-même, on donne rarement un sens à l'objet que l'on veut caractériser d'enjeu ( bien sûr, on peut qualifier une intention d'
intense, de perverse, de pure, de généreuse, ou autre... Mais ce n'est pas du même ordre, puisqu'ici il ne s'agit pas tant du domaine de référence que de la nature de l'intention.)
Un enjeu peut être social, économique, politique, international, militaire, personnel, affectif, sentimental, cognitif, professionnel (pour sa carrière personnel, ou pour l'ensemble de la profession !), ludique, pédagogique ou éducatif, maritime, territorial, culturel, etc...
Je reprends donc l'exemple de ton rapport de partie, Fred :
Enjeux du personnage : rien, il rapporte ce qu'il a entendu (et il n'y avait pas le feu au lac).
Tu as dit qu'il n'y avait pas d'enjeu pour ton personnage à révéler les infos (il n'était pas pressé par le temps, ...)
Je pense qu'au contraire il en avait un, voire plusieurs, même si - en tant que joueur - tu n'en as pas été conscient.
Car il y a une question implicite à laquelle tu n'as pas répondu dans ton CR :
Qu'est-ce qui a décidé ton, personnage à transmettre les infos au reste de l'équipe, plutôt que de les garder pour lui ? La réponse, c'est précisément là l'enjeu, ce qui a donné de la valeur à cet acte, ou, en d'autres termes,
pourquoi parler était-il plus important que se taire en mangeant ?Ton personnage a forcément une raison pour parler à ce moment-là (parce qu'il aurait pu décidé de garder un avantage, un ascendant sur les autres membres du groupes en gardant les infos pour lui, ou alors, tout au moins, parler plus tard puisque, comme tu le disais, il n'y avait pas le feu au lac ? ====> c'est d'ailleurs là qu'on voit qu'un enjeu peut être associé à une faible tension, et non à une confrontation.)
Quelques pistes :
- enjeu social : le personnage cherche soit à mieux s'intégrer au groupe, soit la reconnaissance des autres membres du groupe ?
- enjeu éthique : par honnêteté, ou parce que dans une équipe, il est important de ne rien cacher à ses partenaires, afin d'instaurer ou de conserver la confiance - ou pour toute autre raison morale ?
- enjeu stratégique : pour renverser le complot, vaincre l'ennemi, ou tout simplement survivre, il est important -sinon essentiel - que les autres connaissent ces infos ( c'est une supposition de ma part... Mais note que si on connaissait la nature des infos que ton perso a partagé avec les autres, alors on pourrait peut-être trouver encore d'autres enjeux !) ?
- enjeu "judiciaire" (je n'ai pas trouvé de meileur terme...) : l'enquête ne peut aboutir, et les criminels, terroristes, usurpateurs (ou autre) ne peuvent être démasqués, retrouvés et punis que si ces infos sont dévoilés (ou du moins elles y contribuent fortement ?) ?
En ce qui te concernait en tant que joueur, j'ai l'impression que l'enjeu était tout simplement ludique, et qu'il s'agissait en soi, de bien "
role-player" le personnage, ce qui peut constituer un enjeu par lui-même (cela fait en outre partie du plaisir du jeu).
edit.: nature et matière..? question subsidiaire :
Salut à nouveau...
Une autre question vient agiter mon esprit : il y a, dans ton compte-rendu, un amalgame entre
l'action, et la
manière de la jouer. Ce détail me gênait sans que je puisse l'exprimer parce que, telle que je comprend la synesthésie pour le moment, les deux concepts lui sont liés, je crois.
Néanmoins, je pense qu'on gagnerait à les dissocier clairement, car leurs enjeux ne sont pas les mêmes.
Il y a peut-être là matière à un troisième niveau, mais je n'en suis pas certain.
ainsi, il y aurait :
1- le niveau sympathique : l'attitude et les enjeux du personnage ( et ses effets réciproques avec ceux du joueur ?)
2- le niveau utilitaire : les enjeux du joueur expliquant pourquoi il fait faire cet acte au personnage plutôt qu'un autre.
3- le motif qui explique la manière dont le joueur choisit d'exprimer ou décrire cet acte.
Je sais que c'est plutôt compliqué et pour tout dire, je ne suis pas sûr que ce soit utile, en fait, j'ai le sentiment que ça embrouille la théorie plutôt qu'autre chose, mais même sans retenir ce schéma, je crois que l'idée est intéressante car ce qu'elle exprime peut aider à réfléchir sur ce cas.
Cela rejoint l'intuition qu'un joueur qui ne "role-playe" pas autant peut aussi bien ressentir une forte synesthésie avec son personnage, tandis qu'un bon comédien (comme tu le disais toi-même) n'a peut-être qu'une faible expérience de la synesthésie.
Voilà, je m'aperçois du fouillis de mon post : chaque paragraphe traitant d'idées diverses, mais avec des retours en arrière, puisque ces différentes idées sont liées, donc ça fait un peu désordre... Je m'en excuse, j'espère que c'est compréhensible !