[Dirty Secrets] Qui est le protagoniste?

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[Dirty Secrets] Qui est le protagoniste?

Message par Christoph » 10 Sep 2009, 22:50

Salut

La semaine passée j'ai joué à Dirty Secrets avec deux amis, Sylvain et Titus.

Frédéric me parle parfois de deux concepts que je ne comprends finalement pas tant que ça: l'actance et le protagonisme. Enfin, j'ai mon idée de ce qu'est le deuxième, mais elle ne correspond pas tout à fait à la sienne. Le but de ce fil est donc qu'il m'explique (sans grosse théorie, juste en reprenant mes exemples, quitte à me poser des questions pour que je précise) et qu'on discute de cela à partir d'un exemple de partie.

La partie

Titus jouait une policière municipale nommée Miljena Schmutz (36), suissesse par mariage, mais divorcée. En rentrant chez elle, elle croise Latifa (16) en pleurs: son petit ami Désiré (23), étudiant en droit venu d'Afrique, est étalé en bas des escaliers, une grosse flaque de sang coulant de son crâne. Avec Sylvain, nous jouions donc tous les autres personnages que Miljena rencontrait, quitte à s'échanger le même personnage d'une scène à l'autre.
Miljena prend Latifa sous son aile et après que la police criminelle soit venue, les deux vont faire un tour dans l'appartement de feu Désiré. Celui-ci est bien entretenu, seule la chambre à coucher est dans le désordre. Visiblement, il y a eu du cul ici avant que Désiré ne décède quelques mètres plus bas. Fouillant le carnet d'adresse, discutant avec Latifa et avec un mec louche qui fait irruption dans l'appartement avec "la marchandise que tu voulais que je t'apporte!", il semble clair que l'ex de Désiré, Ana-Maria (27), l'a impliqué dans une sale histoire de gangs.
Miljena est également confronté à Jérôme (36), qui était passé à l'appartement pour "vérifier quelque chose" avec un flingue, avec lequel elle se bat. Un coup part, Latifa est grièvement blessée (à force de lui coller aux basques aussi...), Jérôme s'enfuit.
Elle retrouve sa trace dans un bar, où il discute avec Ana de "ce qui avait été prévu". Il paie sa bière avec un billet de mille. Miljena le prend en filature, mais il était plus malin qu'elle et il la tabasse dans une petite allée.
Plus tard, Miljena apprend que Jérôme haïssait Désiré, qui s'était marié (brièvement) avec sa sœur. Et en fait, c'est lui qui a fait croire à Ana que Désiré lui avait volé de l'argent et de l'héroïne (alors qu'en fait, c'est Jérôme), suite à quoi les deux se sont disputés, avec l'issue qu'on connaît. Du moins, c'est ce que Miljena (qui l'a déduit un peu de rien comme un bon vieux personnage d'Agatha Christie) raconte aux deux affreux arrogants qui viennent la visiter à l'hôpital pour se payer sa tête. Jérôme, déstabilisé, tente de discréditer ces propos, mais visiblement Ana comprend enfin ce qui s'est passé, attrape Jérôme et fait passer son visage à travers le carreau vitré de la porte, avant de quitter les lieux parmi le personnel médusé.


Mon approche au jeu

Très simplement, je jouais chaque personnage qui me tombait sous les mains comme s'il était important. Je ne savais bien sûr pas comment untel était impliqué, mais je me faisais mon idée là-dessus et j'y allais. Par exemple, la scène où Jérôme paie avec un billet de 1000, je croyais que c'était parce qu'Ana l'avait payé pour le meurtre de Désiré. Alors qu'en fait, malgré qu'elle l'ait quitté, elle l'aimait encore et l'avait tué par accident. Jérôme tirait probablement son flouze de l'héroïne qu'il avait volé à Ana, à moins que Ana ne l'ait payé pour garder son silence.
Bien sûr, c'est au final le système qui nous dit qui a tué et qui a volé, mais ces hypothèses de travail permettent d'enrichir (ou rendre flou, c'est selon) l'histoire et donnent lieu à pleins de détails qui peuvent être réinterprétés comme bon nous semble après coup (surtout qu'il y a beaucoup de "blancs" entre les scènes effectivement jouées).


Le protagoniste?

Clairement, Miljena est le personnage principal. C'est elle que l'on suit, toutes les scènes se jouent de son point de vue et c'est elle qui résout les crimes. Mais est-ce qu'elle est vraiment protagoniste? Après tout, rien de dramatique ne lui est arrivé (sauf le passage à tabac, mais ça c'est le risque de tout héros qui se croit dans un film d'action).
Désiré (pourtant mort du début à la fin de l'histoire) était protagoniste de sa petite histoire avec ses copines et son ex-femme. Jérôme aurait pu être le protagoniste d'une histoire de gangster qui roule tout le monde (même s'il se fait avoir à la fin). Ana est le personnage tragique qui tue celui qu'elle aime parce qu'on la manipulée. Latifa, elle, est une pauvre diable qui n'a essentiellement qu'un rôle: amener Miljena dans l'affaire, on l'a mise à l'hôpital après qu'elle ait été blessée et basta.


Suite de la discussion

Frédéric, pose-moi les questions nécessaires à analyser cela en termes d'actance et de protagonisme, stp.

Les autres, veuillez svp attendre que Frédéric ait posé ses questions et amené sa première analyse avant de vous joindre, même si cela prend deux-trois messages. Ensuite, vous pourrez poser vos questions de tout type et faire vos remarques.

Tous ceux qui ont calculé la différence d'âge entre Latifa et Désiré et entre Désiré et Ana et qui en ont tiré une conclusion salace sont bien partis pour adorer Dirty Secrets, tout en étant d'excellents joueurs.
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Re: [Dirty Secrets] Qui est le protagoniste?

Message par Frédéric » 11 Sep 2009, 00:57

Ok, j'ai bien l'impression que cette partie de Dirty Secrets est parfaite pour rendre compte de la complexité de déceler qui est le protagoniste dans une partie de JDR.

Mes questions concernant la recherche du protagoniste :
  • Quel personnage est mis le plus à l'épreuve ?
  • A quel personnage t'es-tu le plus attaché, celui dont tu as épousé la cause ?
  • Qu'en est-il pour Sylvain ? (Vous n'avez joué qu'à deux, c'est bien ça ?)
Je soupçonne une véritable difficulté à cerner qui est protagoniste sans recul sur la partie. Voire que le médium JDR permette une véritable subjectivité à ce sujet : le protagoniste d'un joueur pourrait être l'antagoniste de l'histoire jugée a posteriori.


Mes questions concernant l'actance :
    PERSONNAGE :
  • Tous les personnages ont-il eu une implication dans le déroulement de l'histoire ? (Il semble possible que certains ajoutent juste de la couleur vu les mécaniques de DS, non ?)
  • Quel est l'objet de cette histoire ? (Autrement dit, ce qui donne un objectif aux personnages, ce qui les meut)
  • Quelle est la relation de chaque personnage à cet objet ?

    JOUEUR :
  • Il semble au vu de la structure du jeu que vous avez tous les deux construit l'histoire par vos propositions au cours de la partie, donc, l'actance des joueurs me paraît évidente et efficace.
  • On peut néanmoins se demander si l'un de vous n'a pas davantage amené la part antagoniste, les alliés, le ou les protagonistes, le destinateur, le destinataire etc.
  • Si tu veux pousser plus loin la question de l'actance des joueurs, on peut également se demander quel était l'objet de la partie (ou le ou les objectifs des joueurs) et leurs motivations. Et la position des joueurs par rapport à cela. Ça me semble pouvoir faire des ponts avec les démarches créatives et la synesthésie cette affaire, mais ça me paraît compliqué à aborder pour le moment...


Ça me semble un bon point de départ, non ?
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Re: [Dirty Secrets] Qui est le protagoniste?

Message par Christoph » 11 Sep 2009, 02:02

Hello

Nous étions trois et non deux: Sylvain et moi en tant qu'Autorités, Titus en tant qu'Investigateur.

J'ai beaucoup aimé Jérôme et Désiré (pourtant il était mort), mais comme j'ai dit, à tout moment, je jouais le personnage comme s'il était important. Ainsi, j'ai fait faire des trucs louches à Latifa (tentatives de fuite, remarques impliquant qu'elle savait des choses, etc.) pour pouvoir l'impliquer plus avant dans le crime, mais tout cela a été réinterprété de manière innocente parce que les autres l'impliquaient d'une certaine manière dans les situations et parce que le système ne l'a jamais désigné comme impliquée dans un crime (ni comme victime, ni comme suspecte, ni comme celle qui l'avait commis). J'étais peu attaché à Miljena, même si je reconnais que c'était un bon personnage.
D'après ce que j'ai vu, Sylvain prenait plaisir à tous les personnages, surtout les gars rien à voir qui venaient foutre leur merde (livreur de champagne à domicile, pote à Désiré un peu con, etc.) Je n'en sais pas plus et je ne croiserai Sylvain pas avant une semaine ou deux.
Titus groovait un max pour Miljena et Latifa, les autres personnages c'est moins clair pour moi.

Tous les personnages évoqués ici ont eu l'implication qu'ils ont eue dans ce que j'ai décrit (c'étaient tous des personnages qui avaient leurs fiches). En revanche, il y a eu tout autant de personnages sans importance sinon de donner un contexte et des situations sympa.
L'objet de cette histoire, du point de vue des personnages, est la mort de Désiré (!) Ses relations avec les personnages que j'ai cité sont claires, c'est essentiellement ça le contenu de l'histoire.

Titus a mené le bal en tant qu'investigateur, moi j'ai donné pas mal dans l'agression et Sylvain dans les situations excentriques. Ce sont des tendances cependant. Difficile d'avoir un joueur alpha à ce jeu qui distribue explicitement l'autorité autour de la table.
Notre but en tant que joueurs était de faire un bon polar, bien sale, sur le tas. On était dans le narrativisme jusqu'au cou, et j'ai eu de la synesthésie similaire à celle décrite dans un moment de tranquillité dans une tempête de violence (notamment en jouant Jérôme).


Donc, où vois-tu du protagonisme (selon ta définition)? Et où de l'actance (elle te paraît évidente et efficace, soit, mais où exactement)?

Je soupçonne que ce que j'appelais protagonisme dans les fils mis en référence en introduction est ce que tu appelle actance et que ce que tu appelles protagonisme j'appelle "protagoniste" et "personnage pivot" (avis à ceux qui m'auraient déjà vu employer ces mots: je les emploie à ma propre sauce, en charcutant grièvement la source d'où je les tiens, le livre de Lajos Egri sur la dramaturgie). Est-ce que ton emploi de "protagonisme" est encore le même que celui que tu avais dans les plus vieux posts (en faisant une recherche, tu vas trouver quelques occurrences de ce mot dans tes posts.)
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Re: [Dirty Secrets] Qui est le protagoniste?

Message par Frédéric » 11 Sep 2009, 12:25

Ah, oui, j'avais raté Titus (prénom inhabituel pour moi hors fiction, j'avais dû me dire qu'il s'agissait d'un personnage) ^^

Il y a quelques approximations à surmonter, je reviens dès que je vois comment arranger ça.
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Re: [Dirty Secrets] Qui est le protagoniste?

Message par Frédéric » 12 Sep 2009, 01:11

Qui est le protagoniste ?
Bien, alors ma définition du protagoniste est simple (et les quelques recherches sur wikipedia et autres dicos du web vont plus ou moins dans ce sens) : le personnage principal de l'histoire.

Comme tu l'as souligné dans un de nos mails, il est évident que dans les médiums linéaires comme le cinéma ou la littérature, il est possible de déterminer qui est protagoniste a posteriori, mais l'un des enjeux en narratologie est de savoir construire le protagoniste. S'il est (il peut y en avoir plusieurs) le personnage dont le spectateur soutient la cause (un peu comme un supporter de foot soutient son équipe), il est important pour le scénariste ou le dramaturge de l'identifier pour construire son histoire, sauf déconstruction et travail sur la structure de l'histoire (encore que...).

Il est important que l'on sache que Frodon est le protagoniste dans Le Seigneur des Anneaux, si on veut en faire un remake ; si on n'a pas envie de le voir détruire l'anneau, il y a peu d'intérêt à suivre cette histoire.
Les auteurs utilisent des principes simples pour favoriser la posture de protagoniste d'un personnage :
  • C'est celui dont l'action (qui vise à atteindre son objectif) est au cœur de l'histoire.
  • Dans "la dramaturgie" d'Yves Lavandier, l'auteur dit que c'est le personnage qui souffre le plus, mais je pense que c'est plutôt celui qui est le plus mis à l'épreuve. Certains héros ne souffrent pas, mais doivent lutter contre leurs adversaires, les catastrophes etc,ce qui conduit fréquemment à de la souffrance.
Il est bien sûr possible de créer plusieurs protagonistes dans une histoire, comme de changer de protagoniste au cours d'une histoire, mais c'est un exercice périlleux.

Mon interrogation principale en JDR, c'est : peut-on décréter a posteriori qu'un personnage de l'histoire est effectivement le protagoniste ?
Pour éclaircir cela, plutôt que de parler d'affect, je voudrai vérifier si pour vous trois : Titus, Sylvain et toi, un des personnages était "plus central que les autres" (il peuvent être plusieurs, mais je ne pense pas qu'ils puissent tous l'être) : souteniez-vous principalement son action (sa tentative d'atteindre son objectif).
Si cela se dessine dans une partie aussi complexe dans la relation joueur/personnage, alors on peut supposer que le ou les protagonistes sont identifiables a posteriori.

Dans ma partie de Psychodrame (un sujet difficile), je me retrouvais à soutenir mon salaud de personnage, je voulais qu'il se défende, qu'il tente de noyer le poisson, mais dans le fond, j'aurai pu me soumettre dès le début. Je l'ai donc soutenu activement par mes choix, mais au fond de moi, je le haïssais.
En revanche, Magali et Fanny ne le soutenaient pas du tout, elles manifestaient leur dégoût pour lui et elles n'avaient vraiment pas envie de le voir s'en tirer.

Si certaines parties (comme celle de Psychodrame que j'ai mise en lien ou celle de Dirty Secrets de ce thread) montrent que le protagoniste peut être différent pour chaque joueur, alors je pense qu'on est face à une des spécificités du médium JDR.
Attention, cependant !
Le protagoniste est-il celui qu'on soutient par nos choix et actes, ou celui dont on soutient la cause, le combat, y compris moralement ?

Dans le premier cas, il est évident que chaque joueur peut voir en son PJ un protagoniste, y compris pour le MJ et ses PNJ, Et mon PJ à Psychodrame est bel et bien le protagoniste, au moins pour moi, éventuellement en tant que personnage sur l'action duquel l'histoire est centrée (son objectif : surmonter l'acte qu'il a commis, en le cachant, en se le cachant à lui-même ou en y faisant face et en assumant ses responsabilités...)
Dans le deuxième cas, il faudra peut être approfondir : dans ce cas, le violeur dans Psychodrame ne pouvait pas être le protagoniste, mais les trois autres personnages de l'histoire ne me semblaient pas en être non plus, trop peu mis à l'épreuve, ils étaient là comme prétextes pour amener le violeur à affronter son acte. Pourtant, Magali et Fanny vivaient l'histoire par l'intermédiaire de leurs PJ...
Est ce que pour Fanny qui jouait l'épouse du violeur, l'histoire serait résumée comme ceci : "le courage d'une femme qui découvre que son mari a commis un acte atroce" ?
Ou cela serait-il : "Un homme a commis un acte atroce, va-t-il y faire face ou fuir ses responsabilités ?"

Le protagonisme, qu'est-ce ?
Les quelques fois où j'ai utilisé le terme protagonisme, suite à ton thread sur le sujet, je l'interprétais comme "faire en sorte que l'exploration respecte l'image que l'on construit de notre personnage" il s'agit de garder une cohérence entre ce qu'il est censé être et ce qu'il fait effectivement. C'est ce qui merde quand le monsieur muscle d'une partie de JDR où l'on est censés jouer des héros, cherche à casser une table dans un bar pour la baston et qu'il n'y arrive pas...
C'est également, je pense, ce qui m'a posé problème dans notre partie de Dust devils, quand Flavie a décidé que son personnage avait entendu ce que je chuchotais à l'oreille des paysans pendant la réunion ou quand elle a pris la narration de fin d'un conflit (me rappelle plus ce qui m'avait gêné)... Mais il est possible que passée la surprise, ça me dérange moins : si je sais que mon personnage peut être malmené dans son intégrité (telle que je la fantasme) je ne le jouerai pas de la même manière.
Quel rapport avec la recherche du protagoniste ?
Et bien le protagonisme serait un moyen de permettre à un joueur de soutenir son personnage parce qu'il peut sauvegarder sa crédibilité (son intégrité) ce qui est particulièrement important lorsque le personnage en question est le protagoniste. D'où l'importance de la question plus haut : si chaque PJ est potentiellement le protagoniste de son joueur, le protagonisme devient très important. Quand un joueur se soucie moins de l'intégrité de son personnage, il peut être davantage distordu par l'exploration du groupe.

L'actance
Je pense que tous les personnages dont tu as parlé étaient actants, notamment parce qu'ils ont tous contribué au déroulement de l'histoire, mais aussi parce qu'ils étaient tous mus par le même objet, bien que leurs objectifs soient différents.

Tous les joueurs prenant une part active à la narration, il me semble dans ce jeu, il est fort probable qu'ils soient tous actants aussi, sauf peut être celui qui ne rajoute que des détails cosmétiques (et encore, il pourrait être actant de l'univers ou de la couleur...).
Être actant ne signifie pas avoir le rôle principal, mais être agent de l'exploration. Cela implique chez les concepteurs de jeux vidéo qu'il y a des manières de stimuler la motivation des joueurs par des mécaniques incitatives (récompenses etc.), mais aussi en faisant en sorte que les conséquences des actions soient envisageables, tout en laissant une once d'incertitude quant à la possibilité de réussir, ou dans l'effectivité de ces conséquences prévues.
Dans Prosopopée, on peut être actant en ne décrivant que l'univers, et je pense que cette actance y est intéressante, car le système d'échanges de dés permet de mettre des enjeux ludiques derrière ces choix créatifs.
L'actance est donc observable, mais cela implique plein de considérations purement prescriptives sur ce qui fait un bon jeu (qui offre un matériau d'interaction efficace et plaisant à manipuler ?).
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Re: [Dirty Secrets] Qui est le protagoniste?

Message par Nocker (Guillaume) » 12 Sep 2009, 11:09

Frédéric (Démiurge) a écrit :Dans le deuxième cas, il faudra peut être approfondir : dans ce cas, le violeur dans Psychodrame ne pouvait pas être le protagoniste, mais les trois autres personnages de l'histoire ne me semblaient pas en être non plus, trop peu mis à l'épreuve, ils étaient là comme prétextes pour amener le violeur à affronter son acte. Pourtant, Magali et Fanny vivaient l'histoire par l'intermédiaire de leurs PJ...

Tu remarqueras qu'aucun film ou livre ne présente ces caractéristiques. Par analogie + expérience, dans un film ce sera :
- soit l'histoire d'un violeur repenti, qui n'a en fait rien fait ou qui a été manipulé. L'histoire serait alors complètement centré sur lui, son combat et le spectateur le soutiendra. Ce sera l'un des défi du réalisateur, de faire aimer son personnage violeur, mais contrairement à ta partie, ce sera le but, et il y aura des raisons.
- soit l'histoire d'une des victimes/proches/enquêtrices qui s'intéresse à l'histoire du violeur. Elle pense qu'il n'est pas coupable et fera tout pour le prouver. Bien sûr, à la fin d'une telle histoire, pour ne pas tromper les espoirs des spectateurs, il s'avèrera qu'elle a raison (dans le cas contraire, les efforts de la protagoniste ont été vains, et son jugement a été faussé, alors que l'instinct du héros est une caractéristique courante des protagonistes)
- soit l'histoire d'une des victimes et le violeur est le grand méchant. C'est plus rare car il n'y a pas d'originalité sentimentale (pour le spectacteur), donc ça plairait pas tant que ça. On sait que le violeur sera pris, et on sait que la victime s'en remettra. Bof

Je n'ai par jamais entendu parlé de film ou roman qui raconte "l'histoire d'un viol" ou "l'histoire de la famille d'un violeur". Dans les trucs très dramatiques et sentimentaux (ou humains) comme ça, il y a souvent un personnage dont on se prends d'affection au centre, et tout est vu par ses yeux.

Dans un jdr, c'est peut-être souvent la difficulté. Si l'histoire n'est pas construite comme un film, on se retrouve chacun à supporter son propre personnage en actes, mais aucun en morale. Ca n'est pas un histoire attachante. Et je trouve que ce n'est pas un problème dans des optiques simulationnistes ("on ne touche pas au monde ! Mon personnage fera ce qu'il est cohérent qu'il fasse") ou ludistes ("je soutiens mon personnage dans ses actes, tant qu'ils sont le vecteur de ma tactique"). Si dans une partie Narrativiste, il n'y a pas de personnage(s) au centre, je crois (mais je n'en suis pas encore sûr) que l'histoire est bancale.
Le meilleur conseil aux rolistes, par John Wick.
Nocker (Guillaume)
 
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Re: [Dirty Secrets] Qui est le protagoniste?

Message par Christoph » 14 Sep 2009, 11:28

Hello

Guillaume a raison de préciser que ce dont on parle ici est avant tout un souci de la démarche narrativiste (Story Now! après tout). Mais restons-en pour l'heure à ce rapport de partie et on verra pour les généralisations en temps voulu.

Frédéric, j'apprécie la qualité de tes explications, et j'aimerais bien les relier davantage à mon rapport de partie.

Fredo a écrit :Pour éclaircir cela, plutôt que de parler d'affect, je voudrai vérifier si pour vous trois : Titus, Sylvain et toi, un des personnages était "plus central que les autres" (il peuvent être plusieurs, mais je ne pense pas qu'ils puissent tous l'être) : souteniez-vous principalement son action (sa tentative d'atteindre son objectif).


Je ne comprends pas en quoi mon rapport et mon dernier message sont insuffisants pour cette question. Ou peut-être que je ne comprends pas en quoi "être plus central" pour Titus, Sylvain et moi n'est pas une question d'affect.

Je reviendrai sur les autres sujets quand j'aurai pu répondre à ce point (ou en répondant à ce point peut-être.)

Guillaume, que veut exactement dire l'expression "personnage au centre"?
Des films comme Collision, Traffic ou Syriana ont certes des personnages plus importants que d'autres, mais ce sont en fait plusieurs histoires différentes, chaque personnage étant au centre de son petit bout, certes, mais pas spécialement dans les autres.
Je pense aussi au roman Le Miroir aux espions de John Le Carré, où il y a un groupe de gens qui montent une affaire d'espionnage, mais c'est pathétique (tragiquement) de bout en bout. Bien sûr que ces personnages sont tous un peu au centre, mais au centre de quoi au juste?
Que dire de la Cantatrice chauve de Ionesco?
Je veux en venir au fait que toute histoire a des personnages au centre (pour une définition triviale de cette expression). Sinon ce ne serait même pas une histoire (du moins, je ne connais pas d'histoire sans personnage au centre.) Pour autant, être au centre ne veut pas dire qu'il y a un protagoniste (au sens que Frédéric le propose et même avec ma vision un peu différente).
En particulier, dans cette partie que j'aimerais discuter, il y avait au moins un personnage au centre d'une histoire. Est-ce qu'il y avait un protagoniste? Est-ce que cette question est importante? Si oui, pour quoi, pourquoi?
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Re: [Dirty Secrets] Qui est le protagoniste?

Message par Frédéric » 14 Sep 2009, 14:09

Christoph : par "plus central que les autres", je veux dire "qui est plus soutenu par les joueurs que les autres personnages".

On peut adorer l'antagoniste d'une histoire parce qu'il est classe ou parce qu'il nous rappelle notre frère et pour autant soutenir l'action du protagoniste (qui est un autre perso).

Tout mon développement sur "qui est le protagoniste" visait à énoncer deux approches de ce que j'appelle le "soutien" :
Je fais des choix en tant que joueur pour sa cause, donc je le soutiens.
ou
Je préfèrerai que ce soit lui qui gagne un conflit par exemple, même si c'est pas mon PJ, donc je le soutiens.

Si un personnage est unanimement plus soutenu par tous les joueurs, alors il y a un protagoniste (ce qui semble davantage possible avec la deuxième approche qu'avec la première).

***

Guillaume : ce que tu dis concernant le cinéma est majoritairement vrai, mais je te conseille de jeter un œil à un film comme Happiness de Todd Solondz. On suit plusieurs personnages, certains plus que d'autres en quantité de scènes ou en temps de film, mais chacun cherche le bonheur à sa façon, y compris le père de famille qui fantasme sur les copains de son fils qui a 8 ans.

Il n'y a pas vraiment de schéma dramaturgique au sens classique et ça ressemble comme deux gouttes d'eau à la partie de Psychodrame que je décris.
Ce n'est pas une apologie sordide, ce n'est pas un combat contre des pulsions inavouables (puisque rien dans ses actes n'est une lutte contre cela), ce sont juste des personnages qui font des choix, parfois difficiles à classer du côté du bon ou du mauvais pour le psectateur, qui tentent de faire face ou de faire avec leurs démons avec plus ou moins d'humanité... (Le film est parfois à la limite de l'insoutenable, je préviens...).
Et je ne le vois pas comme une exception, d'autres films ou séries nous proposent parfois des personnages sur lesquels on se focalise et dont on n'épouse pas la cause (voire qu'on juge détestables). Le résultat est qu'on se demande généralement comment ça va tourner, est-ce que les choses vont s'améliorer, en a-t-on envie, est-ce qu'au contraire ça va dégénérer, jusqu'à quel point, quelles seront les conséquences ? (etc.)
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Re: [Dirty Secrets] Qui est le protagoniste?

Message par Christoph » 24 Sep 2009, 00:30

Hello

J'ai beaucoup réfléchi à ce sujet et je me suis passablement énervé sur mon incapacité à donner un sens à ce que tu as écrit: plus je réfléchissais, plus je trouvais des contradictions. J'apprécie le temps que tu passes à décrire les choses, mais j'ai une peine folle à te comprendre.
Je ne sais pas très bien pourquoi. J'ai envie de dire que tu écris de manière très abstraite, mais je crois que ce serait l'hôpital qui se moque de la charité. Un point qui m'est apparu assez clairement c'est que je réfléchis essentiellement en terme de ce qu'on fait en tant que joueur pour faire du JdR, alors que toi tu envisages la chose de manière plus intellectuelle. J'ai l'impression que tes préoccupations te permettront un jour de communiquer avec des spécialistes en littérature et en art dans leur propre vocabulaire, adapté au JdR. Moi je ne m'en soucie pas beaucoup.
Pas étonnant en fin de compte, ça reflète assez bien nos formations.

Cependant, à force de retourner le problème dans tous les sens, j'ai fini par dégager quelques points. J'en profite tout au long pour illustrer cette distinction dans nos façons de réfléchir le jeu de rôle.


Actance

Je vais commencer par cela. Ton emploi révèle deux types d'actances: celle du joueur (être agent de l'exploration) et celle du personnage (influencer le déroulement de l'histoire).
Tu montres qu'un joueur peut être actant sans avoir de personnage, ce ne sont donc pas tout à fait les mêmes bêtes.

Raisonnement par l'inverse! Peut-on être joueur sans être agent de l'exploration? Non! Si un joueur ne peut agir sur l'espace imaginé et partagé, alors c'est qu'il ne joue pas, puisque l'objet du jeu de rôle est justement cette espace imaginé et partagé que l'on explore.
Dès lors, l'expression "joueur actant" relève du pléonasme. C'est néanmoins utile pour identifier des formes de jeu de rôle dysfonctionnel où l'on fait croire au joueur qu'il agit, alors que ses actes n'ont aucun impact sur l'exploration.
Pas étonnant que les concepteurs de jeux vidéos soient si préoccupés par ce concept, vu la linéarité navrante de bon nombre de jeux que l'on essaye de faire passer à coups de scènes cinématiques...
Cependant, tu serais bien en peine de trouver un rapport d'une partie fonctionnelle avec joueurs non-actants.

Pour l'actance du personnage, voici ce que je dirais. Un personnage non-actant est un bout de décor et non un Personnage.
Tous les personnages que j'ai nommés dans ce rapport sont des Personnages (il serait absurde de prétendre qu'ils n'avaient pas d'impact sur l'histoire). Le livreur de champagne, lui, en revanche, fait partie de la Couleur, ou peut-être même de l'Univers.

Je n'ai peut-être pas besoin d'un terme additionnel pour décrire ces points précisément, mais dans un souci de rigueur de la description du jeu de rôle en tant que support pour histoires dans un contexte culturel plus large que juste le jeu de rôle, je pense que cela est une voie à explorer, dans le rayon des briques fondamentales.


Protagonisme

L'actance du joueur et celle du personnage sont un pré-requis nécessaire avant de parler de protagonisme, peu importe le sens qu'on y donne.

L'idée que le protagoniste est le personnage que l'on soutient par nos choix et nos actes est probablement bonne. Avec cette définition, mon guerrier elfe de D&D est un protagoniste. Ce qui est vrai. Il est même le personnage principal de l'histoire telle que je la perçois. Mais quand je joue à D&D, je m'en fiche un peu. A la limite, ce n'est pas grave s'il y a une histoire plus intéressante qui se déroule en arrière fond et dans laquelle mon elfe n'est qu'un pion, tant que je peux "faire du donj'". Mais il serait idiot de contester que mon personnage n'est pas un protagoniste, pour une certaine tranche d'histoire donnée (j'aime bien dire que plusieurs histoires peuvent être tirées d'une même partie, selon les points de vue des joueurs).

En revanche, si on veut parler de protagonisme, c'est qu'on veut mettre quelque chose en avant. Je crois que je ne créerai aucune surprise en disant que dans D&D, le fait que mon personnage soit protagoniste est secondaire. On ne va pas en faire tout un plat.
Idem pour Prosopopée. Certes, mon médium est souvent le protagoniste, mais parfois c'est tout à fait approprié de le laisser de côté pour de longs moments, ou de mettre des personnages non-médiums en avant.

Le protagonisme sous-jacent à tes exemples et à mon rapport de partie semble être le suivant: c'est la notion qu'en tant que joueur, je puisse aborder et traiter une problématique via mon personnage.
C'en était plein dans cette partie! Par exemple: Les raisons qui poussent les gens au crime (Jérôme)!
La partie de Psychodrame avec un violeur? Je crois que c'est évident.
Pour faire cela, il est nécessaire que je puisse soutenir le personnage en question.

Il ne me semble donc pas très intéressant d'analyser qui est protagoniste ou non. C'est essentiellement une question de point de vue (ce que j'essayais de dire à Guillaume via mes questions). Ce qui est intéressant, c'est dans quelle mesure on peut jouer un personnage de manière à traiter une problématique. Peut-être que le terme protagonisme est trompeur. Je comprends ta réticence initiale à considérer ton personnage de Psychodrame comme un protagoniste. Ce n'est pas clair. C'est ambigu. On peut dire oui. Ce qui n'est pas ambigu, c'est qu'il nous plonge directement dans une thématique gravissime et que c'est ton outil privilégié pour la commenter.

Peut-être qu'on peut aborder les thématiques selon une toute autre approche, mais c'est une autre question que je ne veux pas retenir pour l'instant.

Je ne suis en revanche pas d'accord du tout d'inclure dans le protagonisme la sauvegarde d'une image que l'on se fait de son personnage. Dirty Secrets en particulier m'a montré que penser que c'est à une seule personne de « sauvegarder [la] crédibilité ([l']intégrité) » d'un personnage n'est que vue d'esprit.
Un personnage peut rester crédible (ou plausible?) tout en mettant à mal l'image qu'on s'en faisait. Sauvegarder une image précise fait perdre des occasions de faire changer son personnage, une manière très puissante de commenter une problématique.


Reformuler ma question initiale

Je crois donc déceler que mon souci fondamental était plus de comprendre dans quelle optique tu voulais parler d'actance et de protagonisme, que ce que tu entendais exactement par ces termes.
J'ai pu affiner ma conception des choses grâce à cette discussion (et essentiellement réaliser que cela se laisse très bien décrire dans le Big Model). Probablement que je ne suis pas tout à fait en accord avec ce que toi tu entends par ces termes, mais en fait, ce n'est pas grave si mon hypothèse se révèle juste.
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Re: [Dirty Secrets] Qui est le protagoniste?

Message par Frédéric » 24 Sep 2009, 11:16

Hello
Oui, je pense que ton hypothèse est juste en grande partie. Je vais essayer de clarifier ma position en prenant en compte tes observations :

Qui est protagoniste
Concernant la position du protagoniste qui s'inscrit dans le schéma actantiel du personnage, à la rigueur, ça ne me semble pas important d'un point de vue de ce qu'on peut en faire effectivement. En revanche, dire qu'en JDR la position le protagoniste de l'histoire varie pour chaque joueur est une "brique fondamentale" qui vaut son pesant de cacahuètes. ^^
j'aime bien dire que plusieurs histoires peuvent être tirées d'une même partie, selon les points de vue des joueurs

C'est exactement cela que je cherchais à soulever !

Actance de personnage
Les schémas actantiels en narratologie sont avant tout descriptifs : ils permettent de vérifier la relation du spectateur aux personnages de l'histoire. Comme tu le soulignes, pendant la partie on peut s'en foutre royalement, un personnage a toujours une implication dans l'histoire.
Mais je pense par contre que l'actance de personnage peut jouer un rôle dans le game design. Je pense au récent CR de Guillaume [Shock : Social Science Fiction] Initiation dans lequel il nous dit ceci :
Le livre de base précise qu'un Antagoniste n'a pas de buts en soi (ou alors, ils font partie d'une Problématique) et qu'il n'existe que pour rendre impossible la vie du Protagoniste, dynamiser les scènes.

Cela entre parfaitement dans les considérations relatives à la position d'actant de l'antagoniste. Je pense que ces théories peuvent nous aider à structurer ces rôles.

De même, ce sont les principes d'actance de personnage qui m'ont fait rendre compte que mon PJ lors de notre partie d'Innommable à Saint Malo n'avait pas d'objectif, il errait de scène en scène en attendant qu'il se produise un évènement digne de se mettre en branle.
Le livreur de champagne, lui, en revanche, fait partie de la Couleur, ou peut-être même de l'Univers.

Mon vétérinaire était-il actant ou faisait-il partie de la couleur ou de l'univers ? Je dirai qu'à la fin de la partie c'était évident, puisqu'il a vraiment été au centre d'éléments importants pour l'histoire, mais sur de nombreuses scènes, il n'a rien apporté d'important au déroulement de l'histoire. C'est par lui qu'on découvrait les chèvres et l'ovariectomie, mais lui même n'était engagé dans aucune action dont l'objectif était fondamental pour l'histoire. Il n'était pas protagoniste, pas antagoniste, pas destinateur de l'objet de l'histoire, ni destinataire, peut être éventuellement un allié pour certains... C'était plus un personnage dont le quotidien nous renseignait sur l'univers (je parle d'une partie des scènes jouées, pas de la totalité de la partie hein).

Un autre exemple, dans Démiurges, tous les PNJ sont construits en terme d'objectifs et de motivations, leur rôle sur le schéma actantiel dépendra en fait des évènements fictifs, du positionnement des personnages dans les conflits en tension.

L'actance du joueur
Ce que tu soulèves est juste : je me suis un peu fourvoyé en rattachant l'actance du joueur à l'exploration toute entière. L'actance est un concept narratif, il est donc logique de lui laisser ce rôle si on veut y puiser quoi que ce soit pour le JDR. Du coup, je reformule :
L'actance du joueur, c'est le fait qu'il soit agent de l'histoire. Et du coup, ça rejoint le truc impossible avant le p'tit dèj.
Mais ce qui me paraît intéressant, c'est ce que les concepteurs de jeu vidéo ont tiré de cet amalgame entre théorie narratologique et préoccupations en matière de game-design :
  • Pour être actant, le joueur doit sentir que ses actions peuvent modifier l'histoire.
  • Pour cela, il doit pouvoir appréhender les conséquences possibles de ses choix
  • Il doit éprouver une résistance : son succès et les conséquences de son choix doivent se soumettre à une part d'incertitude quant au fait qu'elles reflèteront ou non son désir.

Aussi, ma tentative de mettre en place des principes purement prescriptifs "d'articulation décisionnelle" découle de tout cela. Là où j'ai l'impression qu'on ne se comprend pas sur ces questions, c'est que j'ai dans ma hotte un certain nombre d'expériences de parties en tant que joueur, dans lesquelles il manquait des éléments fondamentaux au niveau de la relation joueur/histoire. Je pense que l'actance, le protagonisme etc. peuvent nous aider à mettre en place des techniques pour pallier ces lacunes, car les principes narratologiques sont une excellente base qui mérite d'être à mon avis creusée.
Et on peut aussi s'intéresser à ce qui permet de la contourner sans perdre l'intérêt du JDR :
Mais quand je joue à D&D, je m'en fiche un peu. A la limite, ce n'est pas grave s'il y a une histoire plus intéressante qui se déroule en arrière fond et dans laquelle mon elfe n'est qu'un pion, tant que je peux "faire du donj'" (...).


Le protagonisme
Je ne suis en revanche pas d'accord du tout d'inclure dans le protagonisme la sauvegarde d'une image que l'on se fait de son personnage. Dirty Secrets en particulier m'a montré que penser que c'est à une seule personne de « sauvegarder [la] crédibilité ([l']intégrité) » d'un personnage n'est que vue d'esprit.
Un personnage peut rester crédible (ou plausible?) tout en mettant à mal l'image qu'on s'en faisait. Sauvegarder une image précise fait perdre des occasions de faire changer son personnage, une manière très puissante de commenter une problématique.


Alors je ne comprends pas en quoi la chute de dragon de ton personnage à D&D mettait à mal son protagonisme...
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Re: [Dirty Secrets] Qui est le protagoniste?

Message par Christoph » 26 Sep 2009, 10:58

Salut

Gardons peut-être la définition d'Antagoniste dans Shock: pour ce jeu-là, qui a ses propres besoins. Dans Sorcerer par exemple, tu peux très bien avoir des antagonistes avec des buts propres. Clairement, on ne va pas jouer de scènes pour eux, mais les joueurs se rendront compte qu'ils ont fait des choses selon des buts très clairs et pas forcément dans le seul but de contrarier les PJ.

Je trouve très étonnant que tu dises que tu avais besoin des principes d'actance pour te rendre compte que ton PJ n'avait pas d'objectif. Il n'avait pas d'objectif clair au début, c'est tout. Cependant, je pense surtout que c'était une question d'ancrage (on avait de la peine à se dire que ton personnage tenait plus que toute autre chose à ses chèvres, et d'ailleurs plus tard tu jouera une scène intime avec sa femme). Les personnages d'Innommables ont tous un but très basique: vaquer à leurs occupations quotidiennes et survivre (en protégeant ou non leur ancrage).
Au début, aucun personnage n'est très actif, c'est normal. Ensuite, comme tu le dis, ton personnage est devenu très important et je ne vois pas pourquoi il n'aurait pas été un Personnage dès le début. C'est quand les personnages sont mis sous pression qu'ils se dessinent vraiment. Si tu veux en parler davantage, je préférerais le faire dans un autre rapport de partie, parce que ça passera forcément par une discussion du jeu.

Mais pour revenir à l'actance, je pense qu'on se comprend très bien. Toi tu décris tes parties problématiques en fonction d'actance, moi je dis que le problème dans ces parties c'est que les joueurs n'en étaient pas vraiment. Toi tu vas mettre en place des techniques qui sauvegardent l'actance, moi je vais donner des choses pertinentes à faire aux joueurs. Tu peux parler d'actance si cela te convient mieux. Peut-être que je finirai par adopter ce terme aussi, l'avenir nous le dira.


Sinon, très pertinente remarque sur mon elfe chevaucheur de dragon. Tu fais bien de mettre le doigt dessus, ça montre que ce point n'est pas aussi clair que je le croyais. Impertinent personnage!
J'essaye d'expliquer. Si ça ne suffit pas, je propose qu'on laisse reposer un peu ce fil (dont les objectifs sont atteints de mon point de vue) et qu'on revienne à la question dans un nouveau fil.
Je prétends qu'il y a une différence entre un fier guerrier elfe qui chute bêtement d'un dragon, sans qu'on ait averti le joueur du risque auparavant, et un personnage qui se fait repérer à chuchoter dans l'oreille des autres (en fait, je pense même que Flavie n'avait pas compris que ton perso chuchotait, vu le brouhaha à ce moment-là).
Pourquoi?
Une fois, c'est ce que représente le personnage qui est mis à mal par un coup de pute du MJ (sans rancune Julien), une fois un personnage se fait avoir, dans un certain contexte (la situation de Dust Devils n'aurait posé aucun problème si c'était quelqu'un qui était aller rapporter tes paroles au perso de Flavie, non?)
Sans mon dragon, je ne pouvais rien faire contre la tarasque: impossibilité d'aborder la problématique du noble héros elfe face au danger (quelle profondeur!), dans l'autre, ton personnage est éventuellement soumis à un conflit qu'il peut très bien emporter.
Autre possibilité: mon emploi du mot "protagonisme" dans le contexte du perso elfe n'était pas adapté vu ce à quoi on est arrivé ici (ça a évolué!) La démarche créative de cette partie n'était pas claire du tout et le protagonisme tel que je le présente ici est une composante fondamentale de l'expression narrativiste. La conservation de l'image d'un personnage est plus importante dans certaines démarches simulationnistes et je n'exclus pas qu'il y ait de cela dans l'histoire de la chute du dragon, vu que la partie était dysfonctionnelle (j'ai gueulé comme un putois).

Ce que je veux mettre en évidence c'est que les deux soucis (traiter une prémisse/problématique via son personnage et sauvegarder une image que l'on se fait de son personnage) sont deux soucis différents en règle générale. J'appelle le premier le protagonisme pour faire écho aux discussions forgéennes (qui le réservaient au nar), mais c'est vrai que dans l'absolu on pourrait aussi appeler le second ainsi.
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Re: [Dirty Secrets] Qui est le protagoniste?

Message par Frédéric » 28 Sep 2009, 12:00

Gardons peut-être la définition d'Antagoniste dans Shock: pour ce jeu-là, qui a ses propres besoins. Dans Sorcerer par exemple, tu peux très bien avoir des antagonistes avec des buts propres. Clairement, on ne va pas jouer de scènes pour eux, mais les joueurs se rendront compte qu'ils ont fait des choses selon des buts très clairs et pas forcément dans le seul but de contrarier les PJ.


Euh, on ne s'est pas compris : je trouve intéressant que dans Shock, l'antagoniste ne doive pas avoir d'objectif, alors qu'évidemment, dans beaucoup d'autres jeux, il en aura (Démiurges, Sorcerer, Dogs...). Ce que je voulais dire par là, c'est que l'actance de personnage peut nous permettre d'envisager justement ces différences.
Ron Edwards a lui même bâti certains de ses jeux (ou tous peut être ?) à partir des théories narratologiques de Lajos Egri.

Car ceux qui ont des notions de narratologie, en étant familiers avec ces principes ont accès à ce matériau. Certains le font intuitivement, mais d'autre pas du tout : J'ai vu des MJ qui n'avaient aucune notion de ce type, c'est eux qui m'ont fait jouer des parties parfois fonctionnelles, dans lesquelles il manquait une structure dramatique, des enjeux, une tension dramatique, des objectifs, tout un tas de choses, qui peuvent dynamiser des parties même non narrativistes (on est bien d'accord, les principes narratologiques ne sont pas indispensables hors narrativisme).

Ce sont donc mes lectures narratologiques qui m'ont amené à mettre des traits d'objectifs dans Démiurges. Mais je n'en mettrai pas dans Psychodrame, car les joueurs créent spontanément des objectifs à leurs personnages du fait de leur rôle face au problème de chaque partie.
Ce sont des techniques différentes, mais dans les deux cas, il y a "action" orientée vers un "objectif" par des personnages "agents de l'histoire" (via cette action) en relation avec les autres. Cela fonctionne bien à l'expérience.

Je suis d'accord autrement pour dire qu'on a mis les choses à plat.
J'aimerais que tu clarifies ton emploie du terme "problématique", notamment parce que j'ai moi-même du mal à en faire une distinction avec la prémisse) mais je ne suis pas pressé.
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Re: [Dirty Secrets] Qui est le protagoniste?

Message par Christoph » 29 Sep 2009, 00:31

Hello

Bien! Problématique, thématique, prémisse, et tutti frutti, ont été utilisé de manière bordélique et non-réfléchie par moi dans ce fil. Je pensais à chaque fois à prémisse.
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Re: [Dirty Secrets] Qui est le protagoniste?

Message par Frédéric » 29 Sep 2009, 00:35

Ok, c'est cool alors.
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Re: [Dirty Secrets] Qui est le protagoniste?

Message par Christoph » 12 Oct 2009, 23:28

Hop, pendant que le sujet n'est pas encore périmé!

Ron parle du Protagonisme dans son essai sur le narrativisme. Il évite un peu la discussion et propose d'en parler davantage sur le forum, car il prétend que le protagonisme au sens littéraire existe toujours en JdR, dès qu'on a des protagonistes dans une histoire (peu importe comment elle est produite). Cependant, Paul Czege lui a donné un sens plus restreint et précis dans le cadre du narrativisme, où les deux sens du terme coïncident largement. Paul décrit le protagonisme dans un bref article online, daté de 2007, d'où je tire ma façon de voir les choses (sauf que je l'avais oublié jusqu'à maintenant).
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