Création : le syndrome orphelin du "tout conflit"

Rapports de parties de test, que vous soyez l'auteur du jeu ou non ! Les tests sont cruciaux, donnez-vous à cœur joie !
Règles du forum
étiquette et esprit des rubriques générales

Création : le syndrome orphelin du "tout conflit"

Message par Frédéric » 31 Mars 2010, 00:19

Depuis que j'ai entrevu le panel des possibilités que nous offre le JDR, grâce à la découverte de jeux Forgiens, j'ai entrepris de créer des jeux auxquels j'ai envie de jouer depuis longtemps. Des jeux atypiques notamment, ma foi très différents les uns des autres, mais qui se sont tous heurtés à un même problème pour des raisons différentes : le syndrome orphelin du "tout conflit".
Tout conflit, signifie que tout au long du jeu, on est en mode mise à l'épreuve des joueurs par des jets de dés, des mises, façon "combat", mais pour tout et n'importe quoi.
Pourquoi orphelin ? Parce que je pense qu'il ne touche qu'un faible nombre de créateurs dans le monde du JDR. J'en fais partie, je témoigne, peut-être que ça en aidera d'autres, si ce n'est à guérir, à comprendre les enjeux qui se cachent derrière ces maladresses de game designer.

Psychodrame
Le premier de ces jeux est Psychodrame. Après avoir joué à Dogs in the vineyard, j'ai découvert qu'il était possible d'utiliser des mécaniques de conflit (pouvant s'apparenter à un "combat", physique, mais aussi social et psychologique, avec son lot de finesses) pour régler les problèmes fictifs d'une manière élégante et stimulante pour les joueurs.
Ça m'a donné la possibilité de créer un jeu qui se centre sur les conflits psychologiques et sociaux.
Je me suis dit pour créer Psychodrame : chaque transaction entre deux personnages devrait être gérée mécaniquement comme un conflit, puisque quand on parle il y a toujours un rapport de forces, même caché. Du coup, j'ai organisé le jeu de la manière qui suit : Chaque scène est un conflit.
Le joueur à qui c'est le tour de prendre la parole doit engager un conflit et en définir l'enjeu dès qu'il commence à parler et il doit piocher et miser des cartes pour attaquer quelqu'un.

Extrait de partie où le problème joué était : un fils de famille annonce son homosexualité à son entourage (je copie colle un bout du CR que j'ai posté sur le forum) :

Première scène, je me suis proposé de cadrer en premier pour donner l'exemple. Nous avons donc démarré la partie autour d'un repas (classique). J'ai décidé d'un enjeu lié au problème et à nos personnages : Ma fiancée veut vérifier si j'ai bien une liaison cachée. J'ai gagné le conflit, donc elle n'a rien su.

2ème conflit : Enjeu : Découvrir les tendances homosexuelles de Yves.
Dans le bureau, Maryse, ma mère, essaye de discuter un peu car elle s'est bien rendu compte que pendant le repas, une certaine tension se dessinait entre ma fiancée et moi. J'élude la question.

Lauriane décide d'écouter à la porte. Alors je décide de sortir du bureau et éventuellement de la surprendre. Sur ce, Hièn décide que Lauriane ne se cache pas et en profite pour me relancer sur la question de mes éventuelles tromperies... Et Maryse revient à la charge, bref, je suis submergé.

Dans le conflit, La mère et la fiancée commencent à se crêper le chignon et Alexandre descendant l'escalier en profite pour me prendre entre quatre yeux un peu plus loin. Il me dit que je peux me confier à lui, qu'il sent bien qu'il y a un problème. Alors je lui réponds que je n'aime plus Lauriane (pour utiliser mon trait). Et là il gagne le conflit...
Je lui annonce donc que « les femmes, c'est plus trop mon truc »...
Coup de théâtre à la fin de ce conflit.


Dans l'ensemble, les parties étaient quand même pas mal gaulées, mais avec du recul, tout s'enchaînait mécaniquement et on ne laissait pas le temps aux joueurs de développer des choses gratuites, légères. Tout était tendu, rigide... En explicitant le but de chaque scène préalablement, on enlève au joueur la part inconsciente, insaisissable de ce qui l'amène au conflit : à ce sujet, cf. le post suivant.
Dans toute fiction, on se concentre sur les conflits, les combats, les souffrances, mais il est indispensable d'avoir des moments anodins et des moments de paix et de victoire pour mettre les autres moments en relief. Les parties de Psychodrame à l'époque étaient un peu étouffantes. On finissait par générer artificiellement du conflit sans histoire. Comme la chanson de Cabrel : "y a pas d'amour sans histoire", ben là c'est pareil : tout ce qui précède le conflit l'enrichit, lui donne une raison d'exister et permet au joueur de positionner son personnage par rapport aux problèmes soulevés. On passe d'une injonction "générer un conflit" à "jouer son personnage" et faire des choix librement jusqu'à ce qu'éventuellement un conflit émerge.
Christoph a pointé du doigt ce problème, on a fait un essai par MSN de "narration libre" où l'on se contentait de jouer nos personnages sans forcer le conflit, mais en le laissant éclore en conséquence de nos actes et choix.
Le résultat : tout était bien plus en subtilité.

Un fils allait voir son père à l'hôpital sur son lit de mort, il ne l'a pas revu depuis longtemps. Son père essaye de le culpabiliser. Mais il résiste, il ne veut pas que leurs anciennes querelles viennent troubler cet instant. Son père s'endort, il prend sa main qui est froide...


Un ensemble de choses qui ne seraient pas arrivées si on avait engagé la scène sur un conflit avec un enjeu "énoncé" pour chaque participant, car de toute évidence, dans l'autre partie, on était toujours dans la confrontation, alors que là, il y avait de l'évitement, on avait transigé, fait des compromis pour éviter les disputes.
On se positionnait et c'est ce positionnement qu'il est important d'explorer en profondeur avant d'en arriver aux points d'achoppements pour les personnages. Car ces moments plus explosifs ont un intérêt autre : créer des pics d'intensité, où la tension se charge et se décharge, des climax.

Je pense notamment à cette partie dans laquelle une ou plusieurs scènes se sont déroulées sans conflit et ont été parmi les plus intenses, parce que la tension était latente. On ne pourrait pas jouer que des scènes comme celles-ci, mais c'est parce que ça peut exploser très fort que ces moments de tension latente sont intenses.

À ce sujet, je conseille la lecture de cet article (en anglais) : Walk don't run to conflict.

Après réflexion, j'ai compris que mon problème venait du fait que je cherchais à étendre aux mécaniques de conflit façon Ditv un maximum d'interactions entre les personnages. Mais il s'agit d'une erreur. Bien considérer ce qui nécessite des conflits articulés en JDR, c'est pas évident, mais c'est un des points les plus importants. Dans beaucoup de parties jouées, le MJ a prévu à l'avance les combats, les courses-poursuites etc. Il va même jusqu'à tout mettre en œuvre pour que les joueurs ne voient pas d'autres options que ce qu'il a prévu pour le rythme de la partie ou pour se faire plaisir.
Je suis à présent un fervent défenseur de l'idée qu'il est nettement plus fécond pour une partie de faire en sorte que les conflits apparaissent pour débloquer une situation, quand les objectifs s'opposent et que des actions sont entreprises pour atteindre ces objectifs. (On a abordé cette question en profondeur sur ce sujet et la manière pédagogique d'expliquer quand est-ce qu'il est intéressant de déclarer ou non un conflit).

Pourquoi ? Parce que cette technique prend en compte les choix et positionnements des joueurs et non seulement ce qu'a prévu le MJ.
Les conflits mécaniques (par jets de dés etc.) sont un moyen de générer plus de tension pour le joueur en amenant des enjeux ludiques qui viennent se superposer aux enjeux fictifs. Cela en amenant de la résistance : les actions où les enjeux sont les plus forts méritent que les joueurs soient amenés à pouvoir fournir des efforts plus importants pour être accomplies.

Loser RPG
Pour Loser RPG, c'est un peu différent : le concept même du jeu étant de générer des épreuves sur des trucs débiles et insignifiants (se fouler la cheville en descendant l'escalier) pour formuler une critique de certaines pratiques du JDR où on fait des jets de dés pour tout et n'importe quoi, on en vient donc à un système qui amène des jets de dés à tout bout de champ.

Je fais ici un petit copié-collé d'un CR sur ce forum :

Paulette est affalée sur son canapé, une bouteille de bière à la main et pieds nus...
Elle tente de se redresser en s'assoyant... et y arrive, puis elle pose la bouteille de bière sur la table basse, mais elle roule et tombe par terre, mais ne se brise pas... mais rapidement, les ennuis surviennent : elle se cogne la tête à l'étagère fixée au dessus de son canapé. Mais cela ne l'assomme pas (Hièn a annulé l'action), par contre, l'étagère lui tombe dessus et la coince sur le canapé (il faut dire qu'elle était pleine de livres) et en plus, un pot de colle se déverse sur elle, la collant au canapé...
Tsoin tsoin tsoin tsoiiiiiiiiiiiiiiiiiin !


Bref, c'était du grand-guignol. Les premières parties étaient plutôt amusantes, mais au bout de 3 parties, j'ai commencé à m'ennuyer ferme, le jeu, passé la surprise initiale était rigide, prévisible et ennuyeux, voilà pourquoi je l'ai modifié en profondeur (cf. Entropie) et tant qu'à faire, je l'ai sorti de son concept initial voué à provoquer la lassitude.

Gloria
J'ai juré depuis qu'on ne m'y reprendrait pas. Mais c'est sans compter sur mon envie de faire des conflits atypiques et voilà que le même schéma s'est redessiné lors de ma première vraie partie complète de Gloria...

Les PJ se frittent un monstre, puis arrivent sur les lieux où l'améthyste a été volée, ils mènent l'enquête, utilisent leur boule de cristal, se rendent à un village voisin où ils se font recevoir de manière très inhospitalière par le bourgmestre et ses gardes. Ils s'incrustent discrètement dans le village, écoutent aux portes et apprennent l'existence d'un seigneur d'un pays voisin qui pourrait être impliqué dans le vol de l'améthyste. Ils se rendent chez lui et mettent en marche leurs pouvoirs, effets pyrotechniques pour l'intimider, ils asphyxient( ses convives, menacent de cramer le village lacustre sur pilotis... ouf.


Tout ça a été en conflit intégral, jets et mises de dés non stop sur quasiment 1h30-2h de jeu... on tirait la langue à la fin.
Et pour l'anecdote, ça s'est passé comme ça pour la simple et bonne raison que j'ai voulu gérer les enquêtes et infiltrations comme des conflits. J'avais tenté l'expérience il y a longtemps dans une partie avec Romaric, j'avais trouvé ça cool, mais je ne m'étais pas rendu compte que ça produisait le syndrome orphelin du "tout conflit"...

Dans cette première moitié de partie de Gloria, les joueurs, pris dans la dynamique tendaient à y aller de manière musclée là où ce n'était pas forcément utile (le seigneur d'un pays voisin qu'ils sont venus interroger et qui leur a fait remarquer à plusieurs reprises qu'il ne savait pas pourquoi ils étaient là ni ce qu'ils lui demandaient... ça confinait au ridicule).

Conclusion
Je pense aussi que ce syndrome me vient du fait que je ne suis jamais satisfait de ce qui est tenu pour acquis. Je préfère expérimenter des choses qui se révèlent absurde par la suite que m'astreindre à ce que j'ai toujours fait parce que ça marche.
Concernant Gloria, je n'ai pas pensé qu'en gérant sous forme de conflit les épreuves de type investigation et infiltration, il ne resterait plus de phases de "narration libre". C'était donc une surprise et je me suis empressé de redresser le tir dès que je me suis rendu compte du problème. Au début, je me suis dit que c'étaient les joueurs qui fonçaient inconsidérément dans les conflits, mais en discutant avec eux, j'ai bien vu que le problème venait de certains de mes choix de game design.

Bon, j'espère que mes exemples illustrent suffisamment bien ce que j'essaye de témoigner. Si certains points ne vous semblent pas clair, n'hésitez pas à me demander de les étoffer.

J'espère que je suis définitivement guéri à présent... :)
Frédéric
 
Message(s) : 3842
Inscription : 14 Juil 2006, 17:45
Localisation : Poitiers

Re: Création : le syndrome orphelin du "tout conflit"

Message par ShamZam » 31 Mars 2010, 09:49

Je crois ne pas avoir tout compris. Principalement ce qui m'étonne c'est de voir que ta conclusion porte sur ta pratique personnelle et non des conseils tirés de tes expériences.
Au final je n'arrive pas à savoir si tu plébiscite le tout conflit ou pas.

Bon, en ce moment je suis vraiment sur les rotules, donc c'est peut-être ça aussi ! ;)
Alex
studio Gobz'Ink : Arlequin (AGONE), bestYoles, CARTOM, Drôles d'étoiles et Eclipse
ShamZam
 
Message(s) : 524
Inscription : 08 Fév 2009, 22:24
Localisation : Metz

Re: Création : le syndrome orphelin du "tout conflit"

Message par Christoph » 31 Mars 2010, 10:59

Hello

Cool, très intéressante réflexion sur la conception de jeux!

Je déplace dans Banc d'Essai, parce que ça concerne des jeux non-terminés, et surtout c'est une réflexion venue de tes parties de test.
Innommable: hurlez.
Zombie Cinema, en français dans le texte.
Christoph
modo-admin
 
Message(s) : 2949
Inscription : 07 Sep 2002, 18:40
Localisation : Yverdon, Suisse

Re: Création : le syndrome orphelin du "tout conflit"

Message par Frédéric » 31 Mars 2010, 11:31

Christoph : oui, j'ai hésité entre Parties et Banc d'essai, et puis comme je l'ai écrit par petits bouts, j'ai complètement oublié d'y re-réfléchir une fois fini. Mais tu as bien raison, ça a plus sa place dans Banc d'essai.

Shamzam : le tout conflit, ça n'a que des désavantages, c'est à éviter. Dans Psychodrame, ça jugule la profondeur des parties, dans Loser RPG, ça rend le jeu chiant et dans Gloria ça épuise et ça bride la finesse des joueurs.
Dernière édition par Frédéric le 31 Mars 2010, 11:34, édité 1 fois.
Frédéric
 
Message(s) : 3842
Inscription : 14 Juil 2006, 17:45
Localisation : Poitiers

Re: Création : le syndrome orphelin du "tout conflit"

Message par ShamZam » 31 Mars 2010, 11:33

Au final, tu conseillerais de limiter les conflits aux oppositions à juste les oppositions entre personnages ? Ou est-ce que comme dans ce que j'ai lu (et compris) de Sorcerer, il ne faut gérer que les conflits qui sous-tendent les thèmes développés ? Genre justement dans celui-ci, ceux impliquant la relation au démon.

EDIT : précision du propos
Dernière édition par ShamZam le 31 Mars 2010, 12:06, édité 2 fois.
Alex
studio Gobz'Ink : Arlequin (AGONE), bestYoles, CARTOM, Drôles d'étoiles et Eclipse
ShamZam
 
Message(s) : 524
Inscription : 08 Fév 2009, 22:24
Localisation : Metz

Re: Création : le syndrome orphelin du "tout conflit"

Message par Frédéric » 31 Mars 2010, 11:43

La question mérite d'être posée dans chaque jeu.
Par exemple pour moi les conflits dans Psychodrame, Gloria ou Démiurges n'ont pas exactement le même but.
Dans Psychodrame il s'agit de démêler les nœuds entre les personnages (relations/valeurs), ça peut se faire en douceur et avec de bonnes intentions.
Dans Gloria, il s'agit de baston physique ou verbale, on peut faire des coups en douce, mais un conflit déclaré est rarement mû par de bonnes intentions envers les adversaires.
Dans Démiurges, il s'agit de forcer les autres à nous donner ce qu'on veut, ça peut être en douce, mais il peut s'agir de conflit sans violence.
Voire, dans Prosopopée il n'y a pas de conflit, seulement une mise à l'épreuve des actions visant à régler les problèmes. La thématique de chaque jeu demande à mon avis un gros travail sur les conflits (ou les mécaniques qui mettent à l'épreuve les PJ) pour observer la manière la plus pertinente de les amener. En n'oubliant pas que c'est aux joueurs de se positionner par rapport au conflit, quel que soit le mode GNS.
Frédéric
 
Message(s) : 3842
Inscription : 14 Juil 2006, 17:45
Localisation : Poitiers

Re: Création : le syndrome orphelin du "tout conflit"

Message par Christoph » 31 Mars 2010, 11:55

Hello

Alex: Ta formulation me ferait penser qu'on ne gère que les relations sorcier-démons dans Sorcerer (et éventuellement d'autres choses thématiques). C'est un jeu qui peut donner lieu à beaucoup de combats physiques (où les démons aident leurs sorciers) et ce n'est pas immédiatement évident que cela fait partie des thèmes centraux du jeu. Beaucoup de pouvoirs de démons nécessitent des jets de dés et je ne dirais pas que c'est un jeu qui se propose d'être une célébration de l'interaction des pouvoirs et leur emploi original.
A priori, on lance les dés pour contacter, invoquer et se lier à un démon. Puis, si le démon se fait récalcitrant (il faut déjà ignorer ses besoins et désirs pour cela), tu peux lui donner un ordre via un conflit de Volonté ou le punir (démonologiquement parlant). Tu peux vouloir lancer les dés pour contenir ou bannir un démon (rarement le tien). Mais l'essentiel de la relation sorcier-démon se fait sans lancer de dé (tant que les deux ne sont pas en opposition).
Ce serait justement un problème du type décrit par Frédéric si on régissait les relations sorcier-démon exclusivement par des lancers de dés.


Frédéric, je crois que tu mets le doigt sur quelque chose d'intéressant en amenant Prosopopée dans la discussion: la question fondamentale semble plutôt être « quand est-ce qu'on lance les dés » plutôt que « quels conflits résolvons nous avec les dés » (ce sur quoi j'étais parti à la première lecture de ton fil) qui est une question qui vient éventuellement ensuite (Prosopopée nous dit qu'on ne lance pas de dés pour les conflits, et que d'ailleurs les conflits ne sont pas le but du jeu). La réponse n'est pas tout à fait « quand on est en train de traiter le thème central du jeu » comme j'essaie de le montrer avec Sorcerer.
Innommable: hurlez.
Zombie Cinema, en français dans le texte.
Christoph
modo-admin
 
Message(s) : 2949
Inscription : 07 Sep 2002, 18:40
Localisation : Yverdon, Suisse

Re: Création : le syndrome orphelin du "tout conflit"

Message par Maitresinh » 31 Mars 2010, 16:11

je ne sais pas si je suis hors-sujet, mais le thème (ou plutôt le syndrome) de l'orphelin n'est pas si marginal que cela: il est au cœur du "manga/anime" , des années 80 à aujourd'hui (l'idée n'est pas de moi, mais la thèse d'un sociologue italien dont j'ai perdu les références): tom sawyer, heidi, remi, marco, etc, etc...les personnages d'anime sont à 90 % orphelins. Quand ils ont des parents, ils sont ambigus, effacés (evangelion).

Du coup, l'histoire est toujours plus ou moins celle de leur combat solitaire dans un monde hostile, même avec des œuvres qui n'étaient pas du tout conçues dans ce sens ( heidi).

Selon lui, pour simplifier tres rapidement, cela correspond a une metaphorisation inconsciente de la société japonaise d'après l'ouverture puis d'apres 1945, avec une double rupture, un double "orphelinat" de ses racines.

Voila, il me semble que le rapprochement est intéressant...
www.narrativiste.eu
Le portail des jeux narratifs: créer et vivre des histoires
Maitresinh
 
Message(s) : 140
Inscription : 24 Août 2009, 15:46

Re: Création : le syndrome orphelin du "tout conflit"

Message par Frédéric » 31 Mars 2010, 16:24

Aïe Maitresinh... là c'est un beau hors sujet ^^

Quand je parle de "syndrome orphelin", c'est en allusion aux maladies orphelines, soit des maladies trop rares pour que la recherche médicale s'intéresse à elles.

Le syndrome dont on traite dans ce sujet, c'est : se retrouver avec un JDR dans lequel il n'y a pas de phases de "narration libre" entre les conflits et les joueurs se retrouvent à lancer les dés en permanence sans pause. Comme je n'ai pas l'impression que c'est très répandu chez les créateurs de JDR, j'ai appelé ça "syndrome orphelin" mais ça n'a rien à voir avec la thématique d'enfants qui auraient perdu leurs parents...

Si j'ai été trop évasif ou si je t'ai induit en erreur, je te prie de m'excuser.
Frédéric
 
Message(s) : 3842
Inscription : 14 Juil 2006, 17:45
Localisation : Poitiers

Re: Création : le syndrome orphelin du "tout conflit"

Message par Maitresinh » 31 Mars 2010, 16:34

oups :) désolé ;)
www.narrativiste.eu
Le portail des jeux narratifs: créer et vivre des histoires
Maitresinh
 
Message(s) : 140
Inscription : 24 Août 2009, 15:46

Re: Création : le syndrome orphelin du "tout conflit"

Message par Christoph » 31 Mars 2010, 17:00

Heps

Tu reprendras bien un peu de lecture charitable Maitresinh? Frédéric a suffisamment bien expliqué ce qu'il entendait par syndrome orphelin dans son premier message pour éviter un tel malentendu. Si tu commences un message par « je ne sais pas si je suis hors-sujet », c'est en général un bon signe qu'il vaut mieux poser une question pour s'assurer d'avoir bien compris avant de partir dans un trip.
Chacun peut avoir son moment de faiblesse, je l'accorde volontiers, pas de soucis.
Innommable: hurlez.
Zombie Cinema, en français dans le texte.
Christoph
modo-admin
 
Message(s) : 2949
Inscription : 07 Sep 2002, 18:40
Localisation : Yverdon, Suisse

Re: Création : le syndrome orphelin du "tout conflit"

Message par Kco Quidam (Julien Gobin) » 31 Mars 2010, 22:38

Avant de répondre plus en avant j'aimerais avoir un éclaircissement sur ce que tu appel conflit Fred si cela ne te dérange pas. Pour ma part j'emploie le terme conflit dès qu'une proposition (ou une intention) faite par un joueur rentre en conflit avec une ou plusieurs propositions de l'espace imaginaire ou d'un autre joueur. Je le distingue de la confrontation qui elle met en place des mécaniques précises et souvent "modélisées" (dès, cartes, etc) pour décider de ce qui se trouve dans l'espace imaginaire en exemple :

Si un joueur choisit que son personnage se met a parler de son passé dans une région du monde et qu'un autre joueur fait remarqué que cela est impossible il y a ce que j'appelle conflit.

Si jamais on jette un dès pour savoir si oui ou non le guerrier touche le dragon c'est une confrontation.

Je distingue car il peut très bien y avoir conflit sans confrontation et inversement et comme j'ai peur de m'emmêler les pinceaux avec, a première vue j'aurai tendance à penser que c'est de confrontation dont tu parle et même plus précisément de confrontation avec forte domination de mécaniques "non-humaines", par là une confrontation peut se résumer à discuter entre joueurs et décider de ce qui se passe, voir même juste qu'un joueur ai autorité sur les résultats des actions, là j'ai l'intuition que tu présente surtout des confrontations avec des mécaniques ou ce sont les accessoires qui ont le gros du travail de dire ce qui est (arrête moi si je me trompe).
Kco Quidam (Julien Gobin)
 
Message(s) : 235
Inscription : 09 Août 2008, 22:05

Re: Création : le syndrome orphelin du "tout conflit"

Message par Frédéric » 31 Mars 2010, 23:42

Christoph a écrit :Frédéric, je crois que tu mets le doigt sur quelque chose d'intéressant en amenant Prosopopée dans la discussion: la question fondamentale semble plutôt être « quand est-ce qu'on lance les dés » plutôt que « quels conflits résolvons nous avec les dés » (ce sur quoi j'étais parti à la première lecture de ton fil) qui est une question qui vient éventuellement ensuite (Prosopopée nous dit qu'on ne lance pas de dés pour les conflits, et que d'ailleurs les conflits ne sont pas le but du jeu). La réponse n'est pas tout à fait « quand on est en train de traiter le thème central du jeu » comme j'essaie de le montrer avec Sorcerer.


Oui, il y a quelque chose là derrière, je ne perçois pas encore quoi.
Il est évident que les moments de "mise à l'épreuve des joueurs" doivent être des points culminants, ou servir à accéder à ces points culminants en terme d'intensité dramatique ou je ne sais quoi d'autre.

Je repense à de vieilles parties où on lançait les dés pour tout et n'importe quoi, pour simuler un semblant de "ça risque d'échouer" sans se demander l'intérêt que des actions inutiles échouent.
Les différents problèmes étaient que ces jets étaient trop fréquents, qu'ils étaient décidés par le MJ uniquement (voire prévus à l'avance dans le scénar) et que le système de résolution n'engageait aucunement les joueurs à faire des choix (voire des efforts d'imagination) qui allaient avoir des répercussions sur la réussite ou les conséquences de l'action.
C'était du :
Joueur : je crochète la serrure
MJ : lance le dé
dé : roll roll roll
Joueur : 25/49, réussi !
MJ : tu parviens à crocheter la serrure, dans un clic, la porte s'ouvre...

Alors souvent on dit : "un bon MJ sait quand il faut faire lancer les dés". Moi je dis, ça change à chaque jeu, le texte du jeu doit donc pourvoir de véritables règles, ça évitera de tomber sur des tables semblables à celle que je décris.

Pour voir de quoi je parle en matière de systèmes de résolutions qui amènent à faire des choix importants aux joueurs, cf. The Pool le joueur doit choisir le trait qu'il va utiliser et l'inclure dans sa narration. Donc utiliser un trait de violence implique choisir cette façon d'agir... De plus, le joueur doit estimer l'importance de son action et dépenser des dés de sa réserve pour augmenter ses chances de succès... De la balle.

Pour revenir à ton intervention, Christoph, des pistes ?

***

Julien : je parle de ce que tu nommes confrontation. Dans le provisional glossary de the Forge, ils opposent le terme "conflit" à la "résolution de tâches" qui est monnaie courante dans les JDR du commerce.
Le principe du conflit (tel que je l'emploie) est bel et bien de statuer de manière mécanique sur des enjeux (ce qu'on peut gagner ou perdre) narratifs (par exemple : sauver quelqu'un, gagner un combat, mais aussi convaincre Basile que la religion pourra le sauver, faire renaître la flamme chez celle qu'on aime...) et non de vérifier si on arrive à résoudre une tâche : casser la porte d'un coup de pied, soulever 75 kg à bout de bras, gagner un bras de fer etc.
Le concept vient de la définition dramaturgique du conflit, dynamo de tout drame (le mode, pas le genre).
Frédéric
 
Message(s) : 3842
Inscription : 14 Juil 2006, 17:45
Localisation : Poitiers

Re: Création : le syndrome orphelin du "tout conflit"

Message par Kco Quidam (Julien Gobin) » 01 Avr 2010, 00:29

Je pense voir l'idée, par la suite j'utiliserai conflit comme toi et désaccord narratif pour mon ancienne utilisation de conflit.

Je pense quand même qu'il est assez dur de juger à priori de l'importance narratif de l'enjeu d'un conflit.

Par exemple lors de la dernière partie de chronique j'ai posé comme conflit "manque de nourriture, nous devons aller chercher à manger pour le groupe" chose assez basique en soit mais les mécaniques de résolution on fait que nous avons du enrichir la chose. Le plus imaginatif gagne du coup il y a eut des descriptions du groupe dont le moral baissait, des comportements profiteurs parmi des pnjs, des phrases lancées par un moine sur la nature humaine "ce n'est que totalement au pied du mur que l'homme décide de bouger et nous n'y sommes pas encore" reprit par un joueur après qu'il se soit fait blessé et que donc plus personne ne pouvait aller chercher à manger. Bref tout un pan fictif-social de l'enjeu du conflit qui n'avait absolument pas été pensée au moment de le lancer.

Mais cela est dû à bien des choses, ici la mécanique du jeu pousse à inventer et réifier, du coup tout ce qui est mit en mode "conflit" prend fatalement une importance (à partir de 3 joueur c'est 2 ou 3x6 tours de paroles autour du conflit donc ça apporte des tas de choses). On pourrait très bien imaginer d'autres mécaniques qui provoqueraient d'autres comportements, il faudrait peut être pour cela adapter "ce que l'on donne à manger" à ces mécaniques, dans chronique je ne juge pas si "ce que je donne à manger" à la mécanique est narrativemment important ou fort je sais que ça va le devenir, je dois juste juger si c'est sympa sur le moment. Pour Prosopopée le mécanisme du jeu fait que la mécanique est toujours lancée sur une chose important de l'espace imaginaire vu que c'est toujours lié à un déséquilibre. Bref en effet comme tu dit c'est particulièrement lié au contexte et j'ai l'intuition que beaucoup des mots que nous employons sur le sujet sont synonymes ou possèdent plusieurs sens (mais je peut me tromper).


Je pense que le problème que tu rencontre vient surtout d'une volonté d'avoir une réponse mécanique à tout potentiel désaccord narratif (comme tu le dit toi même, c'est une vielle habitude), pour de tel cas dans chronique j'utilise des mécaniques sociales : s'il y a désaccord et que personne n'a autorité dessus on se décide si on garde ou pas, si quelqu'un a autorité on peut en discuter mais c'est lui qui prend la décision (sauf droit de véto du maître de jeu) l'avantage de ces mécaniques est qu'elles sont "légères" et ne donnent pas l'impression d'être présentes (ont pourrait alors croire qu'il n'y a pas de mécanique de résolution de désaccord). Au final le problème ne vient peut être pas du "tout conflit" dans le sens dramatique du terme mais du "tout régit" plutôt ? (arrête moi si je me trompe une fois encore ^^).
Kco Quidam (Julien Gobin)
 
Message(s) : 235
Inscription : 09 Août 2008, 22:05

Re: Création : le syndrome orphelin du "tout conflit"

Message par Frédéric » 01 Avr 2010, 15:39

Julien : oui, tu cernes bien ce que je cherche à soulever.
Tout d'abord, je tiens à m'excuser, j'emploie le terme conflit à la place de "résolution de conflit" qui est le terme du Provisional Glossary auquel je faisais référence.

L'exemple que tu donnes de trouver de la nourriture ressemble davantage à une résolution de tâche qu'à une résolution de conflit il me semble...

Et comme le dit Christoph en parlant de "quand il faut lancer les dés" au lieu de "quand il y a conflit", je parle de l'utilisation omniprésente des mécanismes de résolution.

Les principes que tu mets en œuvre pour résoudre les "désaccords narratifs" m'échappent un peu, si tu voulais ouvrir un nouveau rapport de partie pour qu'on puisse voir de quoi il retourne...

Actuellement, j'ai une vision sans doute encore un peu naïve de la manière dont s'articulent (ou devraient s'articuler) ces différentes phases, elle s'apparente à ceci :
  1. Phase de positionnement : ce que j'appelle de façon galvaudée narration libre. Il s'agit pour les joueurs d'explorer avec quelques contraintes (le cadre du jeu, les choix de comportement pour le personnage éventuellement...) avec une grande liberté narrative. Cette phase sert à positionner son personnage face aux situations développées en groupe par réaction ou rebond sur les propositions de chacun.
  2. Phase de résolution : on invoque des règles "aveugles" (par exemple lancer un dé) pour statuer du devenir d'une tâche ou d'un enjeu. Cette phase vient générer de l'incertitude et offre la possibilité ludique d'éprouver la résistance de la fiction au max.
  3. Phase d'exploration des conséquences : il peut s'agir de moyens mécaniques comme à Dogs où on imagine les conséquences du conflit sur le personnage. Il peut s'agir d'une phase de positionnement où l'on se contente de prendre en compte les actes passés et d'introduire leurs répercussions dans les nouvelles situations.

Pour chaque jeu, il est important de posséder les trois phases et de créer un équilibre. Ces trois phases individuellement ne sont rien sans les autres.

Dans les exemples de mon premier post, il s'agit de parties dans lesquelles on était en permanence en phase de résolution (avec des phases de conséquences) et une absence totale de phases de positionnement. Le résultat à chaque fois : les joueurs foncent dans le tas sans chercher à développer le "pourquoi" ni même le "comment" à leurs actes. C'est en cela que la phase de positionnement est indispensable.
Pour chaque jeu, il est important de se demander quand la phase de résolution intervient, comment et pourquoi.

Dans Psychodrame (version actuelle), les phases de résolution servent à créer des pics de tension dramatique et amènent les joueurs à faire des choix (parfois difficiles) qui les font sortir de leur zone de confort, créant une dynamique dramatique. En plus, ces phases évitent que les "conflits" (au sens fictionnel) s'éternisent parce que personne n'est jamais tenu de céder en narration libre.

Dans Prosopopée, la phase de résolution intervient pour résoudre les problèmes générés au fil de l'histoire, pour boucler la boucle. Pour tenter d'amener un troisième acte (après le dénouement), pour que les médiums puissent remplir leur rôle.

Je n'ai pas une vision aussi claire de ce qui se produit dans mes autres jeux.
Si vous avez des pistes pour poursuivre ces questionnements, je suis preneur.
Frédéric
 
Message(s) : 3842
Inscription : 14 Juil 2006, 17:45
Localisation : Poitiers


Retour vers Banc d'essai

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 19 invité(s)

cron