[Dogs in the Vineyards] Première partie décevante

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[Dogs in the Vineyards] Première partie décevante

Message par Fabien | L'Alcyon » 16 Juil 2010, 16:47

Avant-hier, j’ai eu l’occasion de tester pour la première fois Dogs in the Vineyards. J’ai été déçu par le système que je trouve buggé et coupé de la narration. J’en ai tellement entendu dire du bien que je voudrais discuter avec vous de ce qui pourrait avoir coincé ou ce que j’aurai mal compris du système.
Je vais d’abord exposer le village que j’ai créé, puis les personnages, la partie et enfin mes réflexions.

***
Voici le village comme je l’ai décris :
Le village des rocs fendus
Le village des rocs fendus est une petite communauté située en haut d’un plateau. Il est traversé par une rivière qui se jette en cascade du haut de la falaise. Il est entouré de quelques champs et quelques pâturages. L’Intendant est frère Isaiah.
ORGUEIL : Frère Joshua (27 ans, petit frère de l’Intendant) vit avec sœur Elsa (35 ans) de qui il a déjà un enfant, Tobie (6 mois). Ils s’aiment. Elsa est veuve, originellement sans enfants. Mais Frère Joshua est marié avec sœur Anaëlle (25 ans). Il l’a quittée parce qu’elle ne voulait pas coucher avec lui. Il pense qu’il sera plus heureux avec sœur Elsa. Il pense qu’il pourrait avoir le droit d’avoir plusieurs femmes malgré son jeune âge.
INJUSTICE : Sœur Anaëlle vit très pauvrement parce que frère Joshua a emporté ses têtes de bétail.
PECHE : Sœur Anaëlle est forcée de se prostituer avec plusieurs hommes du village pour arriver à survivre. Ces hommes sont frère Isaiah (l’Intendant), frère Gédéon le forgeron et frère Naham le charpentier.
ATTAQUE DEMONIAQUE : Les démons attaquent tous ceux qui ont péché et leurs familles. Un démon rend les gens malades, un démon les rend colérique. Frère Naham et ses trois enfants (Caiphas, Baruch et Suzanne) sont malades, sans qu’on ne puisse rien y faire. Sœur Judith est la femme de frère Gédéon, elle est au courant et est folle de rage.
FAUSSE DOCTRINE : Frère Isaiah professe que la relation sexuelle peut se passer de mariage. Le mariage doit surtout assurer la subsistance et la protection réciproque. La relation sexuelle doit être libre. D’autres membres du village le suivent : frères Thaddeus, Rubel et Abram, ainsi que sœur Joëlle (femme de frère Isaiah). Frère Rubel est tombé malade. Frère Thaddeus bat ses enfants.
PRATIQUES CORROMPUES : L’Intendant frère Isaiah a consacré un mariage qu’il sait être de pur intérêt : celui entre sœur Martha (22 ans, sœur de sœur Joëlle) et frère Yaël (33 ans, riche fermier, gentil mais alcoolique ; c’est aussi l’oncle de sœur Anaëlle).

Frère Isaiah, l’Intendant, veut que les Dogs reconnaissent le mariage de sœur Martha et frère Yaël et qu’ils marient frère Joshua et sœur Elsa et bénissent leur enfant. Il veut ensuite qu’ils quittent le village ; si ce n’est pas le cas, il veut que les personnages valident sa croyance.
Sœur Anaëlle veut que les Dogs forcent frère Joshua à revenir vers elle et à participer à nouveau au ménage ; elle ne veut pas partager son mari.
Sœur Elsa veut que son union avec frère Joshua soit reconnue, ainsi que leur enfant.
Sœur Judith veut que les Dogs empêchent son mari d’aller voir sœur Anaëlle, mais elle ne veut pas faire de scandale. S’ils ne l’en empêchent pas, elle ira la battre.
Certains personnages seront certainement des membres de la famille des Dogs.
Les démons veulent que les relations sexuelles hors mariage se répandent dans le village. Ils veulent que les Dogs rejoignent le culte en les corrompant. Ils pourraient posséder sœur Joëlle ou tout autre personnage pour séduire un des Dogs.
Si les Dogs n’étaient jamais venus, les relations hors mariages se seraient multipliées, sœur Judith aurait tué sœur Anaëlle avant d’être tuée par frère Yaël.

***
Les joueurs étaient Guillaume, Julien et Ferdinand. Je suis meneur de jeu.

Guillaume jouait frère Tobias, qui a vécu à New York pour s’endurcir face au péché :
Acuité 4
Cœur 3
Corps 2
Volonté 4

Traits :
Je suis un Dog 1d10
Je sais séparer le bon grain de l’ivraie 3d10
Je peux survivre aux conditions les plus difficiles 2d6
Devant moi le mal prend peur 3d8 (décrit comme la capacité à faire peur au pécheur)
Je sais me servir de mon arme 1d8
J’ai su résister à la luxure 1d6 (obtenu suite à l’initiation)

Relations :
Le Révérend Andrew 1d4
Sœur Mary Gwendolyne 2d8

Possessions :
Pistolet
Corde
Couteau
Crucifix « arbre de vie » 2d6
Manteau 2d6

Julien jouait frère Joram, un habitant des montagnes converti
Acuité 4
Cœur 4
Corps 2
Volonté 5

Traits :
Je suis le dernier indien de ma tribu 2d10
Je suis un bon Dog 2d6
Je suis un piètre tireur 2d4
Je ne supporte pas l’ivresse et la débauche 1d4
J’ai eu la turberculose et j’ai survécu 1d4
J’ai apaisé l’âme d’un enfant malade 1d6 (obtenu suite à l’initiation)

Relations :
Père Steve 1d6
Frère Malachi 2d6
Frère Tobias 2d6

Possessions :
Livre de la vie 1d6
Manteau de Dog 2d6
Pistolet merdique 1d6
Chien de chasse 22d6
Cheval des hautes plaines 1d8
Machette 2d6
Carte 1d6
Très belle couverture indienne 1d8

Ferdinand jouait frère Malachi, un Dogs classique :
Acuité 5
Cœur 3
Corps 2
Volonté 6

Traits :
« I’m a Dog » 1d8
Je résiste mal à la douleur physique 1d4
J’ai une excellente vue 1d8
Je suis assez bon tireur 2d6
J’inspire confiance 2d6
J’ai prouvé que l’orgueil n’était pas toujours un péché 1d6 (obtenu suite à l’initiation)

Relations
Frère Joran (autre PJ) 1d6
Père Virgil, mon instructeur : 1d8
Prudence, fille des voisins : 1d6

Possessions
Livre de la vie 1d6
Terre consacrée 1d6
Pistolet 1d6 + 1d4
Manteau 2d6
Fusil 2d6 + 1d4
Couteau 1d6
Longue vue 1d8

***
Après la création de personnage, on a commencé par les épreuves d’initiation.
Ferdinand, Julien et Guillaume, n’hésitez pas à me reprendre ou à me compléter.

Guillaume voulait que frère Tobias gagne confiance en lui en servant la Foi. C’était un peu vague, mais j’ai improvisé un peu.
Frère Tobias est donc convoqué par son supérieur qui lui demande d’aller à la rencontre d’une caravane d’incroyants qui campe à proximité. Il y a là des pécheurs (prosituées, joueurs professionnels, escrocs…) et des égarés honnêtes. Il veut que frère Tobias convertisse un de ces incroyants.
Frère Tobias s’y rend, est invité à partager un repas par les gens du camp, un peu gênés. Une jeune femme l’aborde, ils lient connaissance, il commence à la prêcher, elle lui fait comprendre qu’elle voudrait aller plus loin, moyennant rémunération.
On se met d’accord sur un conflit : s’il gagne, la prostitué se convertira, s’il perd il passe la nuit avec elle. Durant le conflit, ils s’éloignent progressivement du camp. J’aurais pu gagner très facilement, mais c’était mon premier conflit, j’ai préféré laisser de la marge à Guillaume. Finalement il a escaladé en commençant à secouer physiquement la jeune femme et il a remporté le conflit.

Julien voulait que frère Joram chasse l’influence indienne de la communauté (je ne suis pas sûr de la formulation, Julien corrige-moi si je me trompe). Il sait qu’en ville il y a une famille de gens de la montagnes qui ont fait venir un chaman indien pour soigner leur enfant malade (apport du joueur).
On joue la rencontre avec la mère sur le pas de la porte. Le conflit se résout rapidement, l’enjeu est que la mère donne à frère Joram l’accès à son enfant, même si frère Joram est un converti. Il y parvient sans difficulté, là j’ai eu beaucoup plus de mal à m’y opposer.

Ferdinand voulait que frère Malachi apprenne l’humilité.
Frère Malachi est convoqué par son supérieur dans une salle de la communauté. Elle est pleine d’érudits et de sages. Son supérieur explique à frère Malachi qu’on a besoin de son aide pour trancher une querelle théologique : l’orgueil est-il toujours un péché. Un jeune homme soutient le contraire. L’enjeu est clair. Ferdinand remporte le conflit, son personnage est loué pour son intelligence et sa connaissance des textes.

Démarre ensuite le scénario proprement dit.
Les personnages arrivent au village des rocs fendus. Ils sont accueillis par la foule en liesse et logé (pour une part de tourte aux cailles) par frère Isaiah qui leur demande rapidement deux choses : bénir le mariage de sœur Martha et de frère Yaël, et de célébrer le mariage de frère Joshua et sœur Elsa. Ils rencontrent rapidement sœur Martha (effacée) et frère Yaël (un peu gris).
Les PJs se rendent d’abord chez frère Joshua et sœur Elsa. Ils discutent un peu avec eux et butent sur le fait qu’ils ont beaucoup trop attendu pour célébrer leur mariage (ce qu’aurait pu faire l’Intendant).
Conflit entre frère Joshua et frère Tobias pour que Joshua avoue. Joshua gagne. J’avoue que c’était très maladroit de faire un conflit là-dessus, surtout que Vincent Baker insiste sur l’idée que les informations doivent venir vite aux personnages. Bon, j’ai fini par donner l’info selon laquelle Joshua était déjà marié et qu’il avait quitté sa première femme parce qu’elle refusait d’accomplir son devoir conjugal.

Les PJs se rendent ensuite chez sœur Martha et frère Yaël. Ils trouvent ce dernier en train de cuver doucement sa bière devant son ranch. Frère Tobias commence à sermonner frère Yaël sur le fait qu’il doit arrêter de boire ; conflit, escalade jusqu’à ce que frère Yaël repousse au loin frère Tobias. Pendant ce temps, frère Malachi et frère Joram rendent visite à sœur Martha en train de traire les vaches avec les domestiques. Ils s’éloignent pour aller discuter avec elle. Discussion (pas de conflit) sur la question de savoir si ce mariage est un mariage d’amour, sœur Martha refuse de l’avouer. Les personnages sont attirés par les cris venant de devant le ranch, ils rentrent dans la maison. Nouveau conflit avec frère Malachi, frère Joram et frère Yaël à nouveau sur le fait qu’il doit arrêter de boire. Escalade, escalde (je voulais rien lâcher) jusqu’à ce qu’on sorte les fusils. Finalement frère Joram pointe son pistolet sur frère Yaël et lui ordonne de lâcher sa carabine ; il gagne le conflit.

Les PJs se rendent ensuite chez sœur Anaëlle pour connaître son point de vue sur sa situation. Pas de conflit. Discussion sur le fait qu’il faut remplir son devoir conjugal. Sœur Anaëlle veut faire promettre à frère Joram de faire revenir son mari, il promet de faire ce qui est juste. Les personnages repartent à la rencontre de frère Joshua. Conflit Joshua contre les trois personnages. Escalade (de ma part à nouveau) jusqu’à ce que les personnages blessent frère Joshua.

On transporte frère Joshua jusqu’à la maison de l’Intendant, frère Isaiah, pour être soigné. Les PJs convoquent le village et annoncent leur sentence : le mariage de frère Yaël et de sœur Martha ne sera béni que quand frère Yaël aura arrêté de boire. Frère Joshua et sœur Anaëlle doivent d’abord vivre bien ensemble avant que l’on n’envisage un deuxième mariage. Je joue sœur Anaëlle triomphante, même si ce n’était pas comme ça que je la voyais en créant le personnage, ça m’a semblé juste sur le moment.

La partie aurait pu s’arrêter là (on avait traité Orgueil et Injustice), mais j’ai voulu profiter de mon scénario jusqu’au bout. Il y a donc des rumeurs dans la foule traitant sœur Anaëlle de « catin ». A la fin du jugement, alors que tout le monde se disperse, sœur Judith, une femme dans la force de l’âge, se précipite vers les PJs en leur demandant de ne pas donner la victoire à une femme de mauvaise vie. Frère Isaiah proteste que cette femme est folle, qu’il ne faut pas l’écouter. Les PJs l’escortent chez elle et l’interrogent. Sa colère empire de ne pas être crue. Les PJs se convainquent qu’elle est possédée et entament un exorcisme (pour moi ça n’était pas le cas). L’enjeu du conflit est pour sœur Judith d’être crue, pour les PJs d’exorciser le démon en elle. Les PJs gagnent le conflit, sœur Judith va s’asseoir, bouillante de rage et de frustration.

Les personnages se rendent ensuite chez sœur Anaëlle pour tirer ça au clair. Ils discutent avec elle et apprennent qu’effectivement elle se prostitue pour survivre et que frère Isaiah a affirmé que c’était juste, tout ça.
Les personnages reviennent en arrière pour en discuter avec frère Isaiah. Là je ne suis plus certain du déroulé des événements, mais ils apprennent finalement que sœur Anaëlle a été assassinée par sœur Judith. [Je me suis demandé s’il fallait que je permette aux PJs de pouvoir empêcher ce meurtre, mais je me suis dit que le sort était scellé à partir du moment où sœur Judith avait le sentiment d’être prise pour une folle]

Finalement les PJs reviennent voir frère Isaiah et choisissent de le confronter face à l’ensemble du village. Le conflit s’engage, l’enjeu étant d’avoir l’approbation du village, en particulier la question du sexe hors mariage. Echange d’arguments assez long jusqu’à ce que j’arrive à cours de dés ; j’escalade et ça se finit assez vite, bien que frères Tobias et Joram soient obligés de se retirer du combat (j’ai pu tenir très longtemps parce que je n’ai pas hésité à prendre des retombées pour frère Isaiah). Fusillade, frère Isaiah appelle ses alliés et fini agonisant. Les PJs le pendent, ainsi que les cadavres de ceux qui l’avaient accompagnés et se barrent.

La partie aura duré approximativement 5/6 heures.

***
Comme je l’ai dit, je suis assez déçu par ce système, que je trouve buggé et coupé de la narration.

Buggé
Les Stats
Clairement, Acuité et Cœur sont beaucoup plus importantes que Volonté et Corps, puisqu’elles servent pour les conflits verbaux et que donc, elles seront utilisés presque systématiquement. C’est embêtant parce que ça veut dire que les joueurs qui ont construit leur personnage différemment ne pourront pas l’utiliser autant que les autres : dommage.

Les Relations, ça fait tout… et rien
S’il y a bien un truc qui est mal pensé, c’est les Relations. Soit elles ne servent jamais (« Tante Hélène » une Relation que je verrai au mieux une seule et unique fois SI le MJ nous fait jouer dans le village où elle habite), soit elles servent tous le temps (deux PJs avaient des Relations avec deux autres PJs : dès qu’ils étaient ensemble, c’était la mégasynergie de la mort…).
Les règles précisent qu’on peut utiliser une Relation quand la personne (ou l’institution, ou…) qui est là a) est l’enjeu du conflit b) aide c) est l’adversaire. Il faudrait absolument enlever le b)

Les retombées infimes
Le système de retombées est presque bénin. On peut enlever un dé de retombées en se retirant du conflit, on ne retient que les deux plus hauts dés, les retombées sont souvent temporaires, même si elles sont définitives elles sont assez faibles… Bon quand est-ce qu’on se fait mal ?
Alors peut-être est-ce parce que les joueurs sont restés assez timides sur les retombées et n’ont pas voulu prendre le risque, mais ils s’en sont quand même sortis.

La gestion des PNJs
La création au début où il faut lancer des milliards de dés et les répartir… est longue et chiante.
L’utilisation en cours de jeu n’est pas très élégante. Comme j’ai envie que mon PNJ soit puissant (pour donner du challenge aux joueurs et les amener à faire des choix intéressants), je suis insidieusement amené à répartir mes Traits et mes Relations de manière à ce qu’ils correspondent au conflit en cours. Donc ça rend les PNJs très forts, mais ça les dénature aussi.
Pourquoi ne pas plutôt avoir des PNJs définis uniquement par une série de dés (un peu comme l’épreuve d’initiation où le MJ lance toujours 4d6+4d10), en fonction de leur importance dans l’histoire ? Plus rapide, plus facile à gérer… et aucune différence du point de vue des joueurs.

L’expérience
Bon ça c’est un peu bizarre, mais le fait de gagner de l’expérience quand on obtient un 1 sur un dé de retombée, ça invite les joueurs à prendre beaucoup de retombées tant que le conflit est un conflit de parole et à laisser tomber vite après. Comme ça les dés sont uniquement des d4,les personnages prennent des conséquences de court terme uniquement (ou presque) et ont beaucoup plus de chance d’obtenir un 1 que si c’était des d6, d8 ou d10.

Coupé de la narration
Les Traits
Décidément, l’utilisation des Traits dans un système de conflit est vraiment dangereuse… Ca pousse à vouloir utiliser n’importe quel Trait pourvu que ça ait un lien vague avec la situation actuelle. A sortir à tout bout de champs des crucifix pour appuyer ses propos (parce qu’un bon crucifix c’est quand même 2d6 supplémentaires !). J’avais déjà vu ça à Poitiers avec l’ancien système de Démiurges.
Dans le même ordre d’idée, « I’m a Dog » est un Trait utilisable quasiment TOUT LE TEMPS, forcément puisque les PJs utilisent leur statut pour rendre la justice et intervenir…
Et pourtant, je suis fan des Traits ! Mais si ce n’est pas encadré, ça donne des choses pas très crédibles.
Il faut limiter l’utilisation des Traits, par exemple limitant le nombre d’utilisations (Gloria & Monostatos) ou en forçant à les inclure dans la narration (Gloria) ou en demandant un sacrifice à leur utilisation (Sens et les points d’immersion).

Les arguments n’ont pas de valeur
Autre problème de ce système, que j’avais aussi vu avec l’ancien système de Démiurges à Poitiers, c’était le fait que ce système ne donnait aucune importance à ce qui est narré. Dans un débat d’idée, on peut très bien narrer la confrontation d’idées n’ayant aucun rapport, ou avancer des idées n’ayant aucun lien avec ce qui est discuté là. Le système n’encourage ni ne donne de vraies structures pour être un peu créatif, un combat peut se résumer à « je tape / j’esquive, je tape/ je prends le coup, je tape/je retourne le coup contre toi… ». Le système joue tout seul, sans avoir besoin de l’univers fictif (sauf au moment de placer le conflit, pour déterminer les Traits utilisables). C’est uniquement la bonne volonté des joueurs qui assure une certaine cohérence et une certaine richesse.
Un des joueurs, poussé par la fatigue et la mauvaise foi, a bien résumé ce problème en avançant dans le dernier échange « t’es moche » comme argument contre l’idée du sexe hors mariage. Tous les autres joueurs ont râlé à commencer par moi, mais il avait raison : le système ne pousse en rien à inventer et à rester cohérent…

L’immobilisme du conflit
Autre problème, plus grave encore me semble-t-il, les conflits ne peuvent pas évoluer. Une fois que l’enjeu a été fixé au début, il ne peut plus changer. Or la dynamique même d’un débat ou d’un combat est que l’enjeu change graduellement et qu’à la fin, on ne se bat plus pour les mêmes choses que ce pour quoi on a commencé. Par exemple, le conflit avec le frère Yaël sur le fait qu’il devait arrêter de boire a dégénéré vers le fait qu’il n’y avait pas d’amour dans leur couple et donc que leur mariage ne pouvait être béni : c’est plus la même chose !
Il n’y a pas de demi-victoire, pas de victoire à la Pyrrhus, pas de pat, pas de situation gagnants-gagnants… qui sont des éléments essentiels pour tout conflit !
Il vaudrait mieux que celui qui emporte le conflit puisse raconter son issue et avoir le droit de raconter ce qui arrive à l’autre. Comme ça, ça prend en compte le fait que le conflit ait pu déraper et changer de forme.

Où sont les choix moraux ?
Ca m’a aussi posé problème. A aucun moment je n’ai eu l’impression que les joueurs rencontraient de vrais problèmes moraux. Pourtant, j’ai suivi à la lettre la création de scénario et j’ai essayé de donner tort à tous les personnages.
C’est peut-être dû au fait que les personnages ne risquaient pas grand-chose (voir ce que je disais sur les retombées inoffensives) et qu’en plus ils risquaient au pire d’être blessés. A aucun moment, ils n’ont pu mettre en jeu leur croyance ou ce qui était important pour eux.
C’était peut-être parce que les joueurs ne prenaient pas l’affaire assez au sérieux ? Pourtant, dans l’ensemble, j’ai eu l’impression qu’ils étaient assez dedans, malgré quelques dérapages de la part d'un joueur qui a admis avoir pris plaisir à "jouer l'emmerdeur", ce qui au fond n'est pas si éloigné du rôle des Dogs.

Impossible de désescalader
Pour terminer un bug un peu stupide, il est impossible de diminuer la tension. Dès que quelqu’un sort un fusil, les autres sont obligés de faire pareil. Impossible de chercher à calmer quelqu’un (ce qui serait quand même logique dans ce contexte

Enfin, pour terminer sur ce que j’ai aimé, je reconnais que le système de DitV permet vraiment de bien rendre la confrontation, qu’on a vraiment envie de se battre avec les autres en face, que ça oblige à se poser de vraies questions de stratégies…
Par ailleurs, le scénario était effectivement très souple et je n’ai aucunement prévu ce que les joueurs allaient faire, ils ont fait comme ils l’entendaient.

Donc, si qui avez aimé DitV, dites-moi là où je me suis planté, ce que j’ai mal fait, ce que j’ai mal compris … J’ai pourtant lu et relu en détail les règles. Ce jeu est effectivement une avancée, mais j’ai l’impression qu’il n’est pas abouti, que ses règles n’ont pas été testées jusqu’au bout.
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Re: [Dogs in the Vineyards] Première partie décevante

Message par Frédéric » 16 Juil 2010, 18:25

Hahaha, Fabien, j'ai deux remarques :
- L'histoire (brute) me semble être de toutes évidence une vraie bonne histoire de Ditv.
- J'ai une parade pour chacune de tes objections ^^

Ta préparation "scénaristique" est bonne si ce n'est qu'il y a peut être trop de PNJ engagés.

Je laisse Christoph me corriger si je fais des approximations ou des erreurs :

Les stats
Tu ne peux utiliser chaque stat qu'une seule fois par conflit. Donc comme on les utilise par deux pour chaque type d'action, ça équilibre leurs intérêts.

Les relations
Il me semble que le MJ doit plus ou moins intégrer chaque relation des PJ au village (chuis pas très sûr, mais c'est ce que je fais), sinon, les joueurs peuvent très bien dire : "je vais voir tante Pauline qui vit dans cette branche".
Tu ne peux utiliser tes traits de relation que quand la relation est à l'enjeu : si tu luttes contre elle ou pour elle (pour la défendre par exemple)

Les retombées
Si tu te retires du conflit, tu perds l'enjeu. Si les PNJ escaladent, les retombées passent en d6 si c'est physique, d8 si c'est armes de contact et d10 si c'est à l'arme à feu. Et là, les retombées deviennent vite salées, j'ai eu pas mal de morts de mon côté. C'est important pour pousser les PJ dans leurs retranchements de beaucoup utiliser les traits et l'escalade en tant que MJ, le but est de leur mener la vie dure, aux PJ, mais s'ils veulent vraiment gagner, ils ont les moyens de gérer (sauf si le sort s'acharne spectaculairement contre eux), les conflits deviendront un choix entre s'en prendre plein la gueule et gagner l'enjeu ou limiter les dégâts et laisser la victoire aux adversaires.

Les PNJ
Gérer les PNJ comme écrit dans le bouquin permet de limiter le temps de préparation (si tu te contentes de 4 à 6 PNJ, c'est rapide) et ça permet au MJ de se retrouver dans une situation de conflit similaire aux joueurs en terme de capacité de choix et d'actions (escalade etc.).
Les 4d6+4d10 en intro de chaque PJ ne sont viables que si tu n'escalades jamais en tant que MJ. Mais ça fait des PNJ trop faibles pour la partie entière.

L'expérience
Le fait de gagner l'expérience si on prend des coups sert à faire prendre des risques. Si le joueur abandonne il perd le conflit, donc la tactique que tu décris n'est valable que si les PJ ne veulent pas avancer. C'est un réflexe de roro qui n'est pas adapté à Dogs, puisque pour mourir, il faut le vouloir, vu le fonctionnement des retombées. Les PJ qui meurent généralement s'en doutent avant le calcul des retombées.

Les traits
Dans Dogs tu ne peux utiliser chaque trait et chaque élément de cérémonie qu'une fois par conflit (ça limite les dérives que tu décris). ^^
Un joueur ne peut utiliser un trait que s'il l'inclut dans sa narration.
Les traits représentent ce qui a du poids pour chaque personnage. Ça évolue vite et ça représente assez bien l'évolution des parties.

Les arguments
Les arguments ont un poids : si tu décides d'abandonner, ça peut être parce que tu donnes raison à l'autre.
Le coup de "t'es moche" montre une mauvaise volonté : la crédibilité est plus importante que le reste, quel que soit le JDR. Si un joueur dit un truc déplaisant, il faut le lui faire remarquer et lui interdire. Tu le ferais à Monostatos ou à Cthulhu, pourquoi pas à Ditv ?

L'immobilisme
Tu peux faire partir le conflit dans toutes les directions que tu veux. L'enjeu ne sert qu'à limiter le contenu du monologue de victoire.
Celui qui remporte le conflit en raconte l'issue et a le droit de narrer les actions des autres personnages s'il le veut.
Les victoires et échecs ont plein de demi teintes : en fonction de ce qui est sacrifié pour gagner : si je butte quelqu'un pour le faire arrêter de boire, est-ce une victoire ?

Coupé de la narration
Dans Ditv, il faut inclure un trait dans sa narration pour pouvoir l'utiliser (je me demande même s'il n'y a pas une règle ou un conseil par rapport à la crédibilité)
Comme les traits sont limités, on ne les utilise pas à chaque "raise", ce qui fait qu'on peut se concentrer sur la crédibilité et la continuité des actions.
C'est celui qui "see" qui narre le résultat de l'action, donc il est indispensable que celui qui "raise" narre les choses de manière précise et imaginative. Si tu dis : "j'attaque", celui qui "see" aura trop de latitude pour faire de ton attaque quelque chose de bénin. Si tu dis : "je saisis la hache et je t'en envoie un coup dans la figure", celui qui "see" devra narrer le résultat en conséquence. Ça crée une vraie tension entre les échanges. Et contrairement à ce que tu crois, Ditv a justement un système extrêmement impliqué dans la narration.

Désescalader
Ben si on peut désescalader, il suffit de repasser en conflit non physique ou physique non-violent, les coups reçus repasseront en d4.

Choix moraux
Si tu recommences une partie en prenant en compte ces choses là, tu devrais voir de vrais dilemmes poindre pendant les conflits (enfin, moi ça marche, le nombre de fois où j'ai vu des dogs baisser leur arme jugeant que ça ne valait pas le coup d'aller si loin pour ce qu'il cherche...
Il faut dire aussi que dans Ditv, chaque joueur peut modeler sa foi comme il le sent et ce sont les dissensions ou les nuances entre PJ qui créent aussi de bonnes situations.

Aussi, il faudra que tu vérifies, je pense, le rôle du MJ quand on établit un enjeu, c'est important que les enjeux ne soient pas trop gourmands ni trop futiles. Il ne s'agit pas de dire non plus ce qu'il se passe si on gagne ou si on perd, mais bien d'établir pourquoi on s'affronte.

;)
Frédéric
 
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Re: [Dogs in the Vineyards] Première partie décevante

Message par Fabien | L'Alcyon » 20 Juil 2010, 11:45

J'ai l'impression que tu as l'impression que je n'ai pas compris/utilisé correctement les règles de base. Je les ai suivies à la lettre, à l'exception du fait que je n'ai pas inclus de relation des PJs dans le village.

Les traits, relations, possessions et stats n'ont été utilisés qu'une seule fois par conflit.

Tous ceci n'était utilisable que si c'était raconté (voilà pourquoi on sortait un crucifix à 2d6 à tout conflit).
Dire qu'un trait n'est utilisable que si il est inclu dans la narration n'est pas suffisamment limitant ; je peux inclure quasiment tout dans ma narration, si je cherche bien. Un seul trait/possession/relation par round ce serait plus clair et cohérent.

C'est peut-être une question de perception, mais je trouve les retombées vraiment faiblardes. A retester peut-être.

Je maintiens qu'un nombre fixe de dés pour chaque PNJ serait beaucoup plus pratique et donnerait moins envie au meneur d'abuser du système de jeu. Evidemment un peu plus de dés que 4d6+4d10 et avec des réserves de dés supplémentaires en cas d'escalade.

Je reste toujours dubitatif sur les conflits moraux. Je vais m'intéresser à SPIONE de Ron Edwards, pour chercher d'autres exemples.

Tout ça pour dire que je reste très peu convaincu par le système de DitV. Je suis certain qu'il y a possibilité de faire plus nuancé et plus intelligent.
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Re: [Dogs in the Vineyards] Première partie décevante

Message par Christoph » 20 Juil 2010, 12:42

Hello Fabien

Je trouve gratuites ou même arrogantes certaines critiques que tu as envers ce jeu (pas playtesté, buggué, peut faire mieux, etc.) C'est probablement le jeu dont il y a le plus de rapports de partie sur la Forge, alors s'il y a bien un jeu qui est testé et affiné dans la scène indie, c'est celui-ci. Il faut apprendre à jouer à DitV et être prêt à se laisser surprendre par la subtilité du système. À toi de voir si tu veux t'investir ou non évidemment, mais je pense que tu as tort de balayer le jeu d'un revers de la main après une partie frustrante. La suite de mon message est donc une tentative de te faire reconsidérer certains aspects.

Je trouve que Fréd a bien répondu aux points techniques et je suis d'accord avec lui que le village semble très bon: il ne me semble aucunement en faute pour la frustration que tu as vécue (je ne sais pas si les PNJ sont trop ou pas assez engagés, faudrait que je joue pour m'en rendre compte).

Les conflits dans DitV
Il y a quelque chose qui m'a frappé
Fabien a écrit :On se met d’accord sur un conflit : s’il gagne, la prostitué se convertira, s’il perd il passe la nuit avec elle.
(...)
L’enjeu du conflit est pour sœur Judith d’être crue, pour les PJs d’exorciser le démon en elle.

C'est une erreur de jouer les conflits ainsi. On désigne un seul et unique enjeu, et on joue le conflit. Dans le premier cas que je cite, l'enjeu devait être "convertir la prostituée" (je pars du principe que ceci est effectivement source de conflit, si le PNJ est d'accord d'emblée, on ne joue pas de conflit). Le fait que frère Tobias couche avec la prostituée ou non est « orthogonal » au fait qu'il la convertisse! Rien n'empêche qu'il sombre lui-même dans le péché en croyant faire quelque chose de juste! Ou qu'il abuse de son autorité religieuse pour se la taper. Ou que ce soit une des retombées du conflit. Ce genre de répercussions liées sont justement le fait de la narration (voir suite du message pour plus d'exemples et d'explications).
Avec sœur Judith aussi. Le conflit doit commencer dès que Judith veut convaincre les Dogs « de ne pas donner la victoire à une femme de mauvaise vie » et que ceux-ci rechignent. Comme tu décris la scène, leurs soupçons de possession démoniaque sont intervenus en cours de confrontation, ce n'est pas ça qui a déclenché le conflit. Ce que j'aurais fait à ta place, c'est que voyant que les Dogs allaient écraser Judith dans le premier conflit (aucune envie de la croire) et la considéraient comme possédée, tu te couches (give, en anglais) alors que c'est à toi de faire une relance (raise), ce qui te permet de garder les deux plus hauts dés de ta réserve pour lancer un « follow-up conflict » sur l'enjeu « les Dogs se rendent compte de leur erreur de jugement: cette femme n'est pas possédée » et tu leur colles un raise de malade à la gueule. (En effet, si toi en tant que MJ tu as décidé qu'elle n'était pas possédée, elle ne l'est pas, même si les Dogs la déclarent comme telle et la font brûler par les villageois ou que sais-je.)
En faisant ça, tu mets en évidence (au niveau des joueurs) l'attitude des Dogs et si les joueurs prennent le jeu la moindre au sérieux, ils vont forcément réfléchir à deux fois avant d'écraser la femme à nouveau en conflit (parce que ici, s'ils gagnent, les joueurs savent qu'en fait ils ont tort, et qu'ils ont abusé de leur autorité, ça changera leur attitude envers leurs personnages).

S'investir dans le jeu
J'ai l'impression que le soucis le plus important que vous ayez rencontré, dit crûment, c'est que parce qu'il était possible de raconter n'importe quoi, vous l'avez fait. Si vous n'êtes pas intéressé à faire une histoire vraisemblable, alors c'est foutu d'avance, peu importe le jeu, même si je suis d'accord que DitV ne fait rien pour empêcher cela.
Exemple: le crucifix. D'abord, qu'est-ce que vient faire cet objet catholique dans la religion du Roi de la Vie? Ensuite, tout ce qui a trait au sacré s'utilise selon les règles de Cérémonie. Quand tu es en duel avec quelqu'un, tu peux certes brandir un arbre de vie, mais les 2d6 ne te seront utiles que si tu perfores le crâne de ton adversaire, ou qu'il est effectivement possédé. Ne pas oublier la règle qui dit qu'il faut toujours écouter le joueur le plus exigeant au niveau de la crédibilité et que si quelqu'un utilise un trait et que le scepticisme descend comme un voile de ténèbres sur la tablée, il faut reconsidérer cette narration.
Autre point, tu dis qu'on peut raconter n'importe quoi dans un conflit. De deux choses l'une: soit vous en avez rien à faire de la vraisemblance, soit vous n'avez pas compris les règles de conflit sur ce détail.
Quand je fais une relance (raise), je décris effectivement une action et son effet. Mon adversaire peut:
  • Retourner le coup avec un dé: il doit décrire en quoi l'effet de mon action se retourne contre moi ou du moins offre une occasion en or pour ton personnage.
  • Bloquer/défendre avec deux dés: il doit décrire comment il bloque l'effet.
  • Accuser le coup avec plus de deux dés: il doit décrire comment le coup l'atteint sans complètement lui faire perdre les chances d'atteindre l'enjeu.
  • Se coucher (give): mon adversaire renonce à l'enjeu du conflit et annule l'effet de ma relance (c'est à moi de prendre cela en compte dans la narration. Aucune raison de faire cela si l'effet de mon raise est faiblard, sauf manque de dés.
Si ma relance ne décrit pas d'effet, mon adversaire ne peut pas y répondre (voir ce billet aussi). Je ne connais pas de système qui repose plus sur la narration et ses détails que celui-ci!
Pour que ceci fonctionne, il faut que les enjeux soient (la majorité du temps) suffisamment élevés pour qu'on veuille se battre, mais pas trop élevés pour qu'on ne veuille à aucun prix se coucher. Le MJ en particulier doit décrire des relances vicieuses qui font que le joueur doit considérer si l'enjeu en vaut la chandelle.
Exemple joué: Rémi menaçait une femme de son fusil, l'accusant d'avoir pêché. Je la décris se jetant sur le Dog pour implorer son pardon et ce faisant déclenchant malencontreusement un coup. Rémi a dû choisir entre la voir (probablement) mourir et obtenir les aveux (il se trouve que ses accusations étaient objectives), répondre (et comment faire cela autre qu'en la poussant, vu la situation?) ou abandonner le conflit (ça annule le coup qui part!) et ne pas la faire avouer. Rémi a préféré la voir crever. Je crois ne pas trop m'avancer en disant qu'on était tous choqué de la scène, étant donné les possibilités offertes par le système et la vraisemblance des actions.

Relations
Tu as raison qu'il est écrit qu'on peut aussi invoquer une relation quand le personnage désigné vient en aide au sien. J'ai demandé à Vincent ce qu'il en était exactement. Quand on utilise ces dès d'aide, alors on n'inclut pas le personnage aidant comme acteur à part entière dans le conflit (ce qui a, je crois, automatiquement lieu s'il n'est pas impliqué dans le conflit quand on le démarre, ou si on estime que ça ne vaut pas la peine de compliquer la résolution et qu'un raise suffira pour décrire ses actions). On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.
Pur conseil: ne pas assigner de relations avant de commencer le jeu, ou alors le MJ doit inclure au moins un de ces personnages par joueur dans le premier village. Sinon effectivement ils sont perdus. Les seuls dés de relations qui me semblent viables à la création de personnage ce sont celles avec l'institution des Dogs et éventuellement un péché ou un démon (si on veut jouer un perso dark).

Initiation
Je ne suis pas sûr, mais je crois déceler une petite faute. Le MJ ne lance que 4d6 + 4d10 pour toute l'initiation. Si le joueur escalade, il lance les dés qui vont avec, le MJ peut décider que l'adversaire suit l'escalade ou non (ce qui va changer les retombées écopées), mais en aucun cas ne lance des dés supplémentaires.

Expérience
C'est à mon avis voulu que l'idéal soit de se prendre un tas de dés de retombées quand l'adversaire parle. Mais prendre des retombées signifie accuser le coup, ce qui signifie accepter ou du moins être affecté par l'argument de l'adversaire. Encore une fois, si on ne joue pas sur ces détails de la narration et leurs conséquences, c'est sûr que le jeu devient navrant.
Et en tant que MJ (ou joueur selon les cas), il y a toujours moyen de dire des choses suffisamment agaçantes pour que son adversaire sorte les grands moyens...

Le fin mot de l'histoire
Si avec tout cela vous n'aimez pas Dogs in the Vineyard alors okay, vous n'aimez pas.
Innommable: hurlez.
Zombie Cinema, en français dans le texte.
Christoph
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Re: [Dogs in the Vineyards] Première partie décevante

Message par Fabien | L'Alcyon » 25 Juil 2010, 13:21

Salut Christoph et merci de ta réponse,

Tu as raison, je m'emporte. Je vais modérer mon propos.

Merci pour l'intervention auprès de Vincent Baker, je comprends ainsi mieux l'utilisation des relations.

OK aussi pour le fait d'établir un seul enjeu par conflit. Je me suis posé la question en cours de partie, et j'ai préféré établir un enjeu pour chaque personne en présence, pour justifier sa présence dans le conflit, mais je comprends mieux le mécanisme comme tu l'expliques. Je trouve que c'est un peu long pour gérer les conflits, mais je le retesterai.

Je précise que quand j'écrivais "à retester", ce n'était pas à propos du système et d'un supposé manque de playtest, mais à propos de ma perception des retombées et du fait qu'il faudrait que je multiplie mes expériences pour me faire un jugement définitif.

J'avais bien compris le fait qu'à l'initiation le meneur ne lance que 4d6+4d10 pour toute l'épreuve, pareil pour les See et ce que ça suppose pour la narration (sur ce point, j'ai encore du mal à expliquer le malaise et le fameux "T'es moche" ; pour le moment, j'ai l'impression que c'est le fait que durant le conflit, le rapport entre le système et la narration est à sens unique : c'est le système qui détermine la narration, mais les créations des joueurs ne peuvent pas influer sur le système. Si en y réfléchissant je le comprends mieux, je reviendrai en parler).


Fondamentalement, ce qui m'intéresse n'est pas j'aime/j'aime pas Dogs in the Vineyards, mais est-ce que son système arrive à faire ce qu'il se propose de faire ? Et surtout comment y arrive-t-il (ou pas) ? De ce point de vue là, j'ai deux remarques critiques.

Sur la question de l'utilisation des traits/relations/possessions et de la recherche de la vraisemblance, je ne suis pas d'accord sur ton interprétation de cette partie.
Oui, chaque fois qu'un trait/relation/possession pouvait aider de près ou de loin dans le conflit, on l'a accepté, et cela en respectant la règle du plus sceptique (même s'il est vrai que je ne l'avais pas toujours à l'esprit). Ca me semble tout à fait légitime : dans un système de conflit, il est normal que chacun cherche à l'emporter et à mettre toutes les chances de son côté, sinon à quoi sert le système de conflit ?
Par exemple, je n'ai pas reculé sur l'utilisation de l'arbre de vie (j'ai écrit crucifix pour plus de clarté dans ce texte, en jeu on parlait toujours d'arbre de la vie) parce qu'il me semblait que c'était légitime : si j'essaie de convaincre quelqu'un qui partage la même croyance que moi que l'alcoolisme l'éloigne du chemin de la foi, brandir un symbole religieux commun peut aider en lui rappelant son appartenance à la foi.
Par ailleurs, on a essayé de jouer de manière engagée : l'histoire qu'on a créée était crédible et on n'a pas eu de situation invraisemblable. Les joueurs ont été fair et ont essayé d'entrer dans le jeu.
Je trouve donc qu'il y a un paradoxe, dans un système de conflit, à ce que le régulateur de la puissance (ici celui qui décide quels sont les traits/relations/possessions utilisables) soit également (souvent) pris dans le conflit. Chacun doit en même temps être sceptique et chercher à gagner le conflit. Poussé à l'extrême, on peut être extrêmement suspicieux envers tous les traits/relations/possessions qu'utilisent les autres, non pas pour rechercher la vraisemblance, mais pour augmenter ses chances de l'emporter : le système y incite. Avec des joueurs de bonne foi comme ici, on obtient une opposition intérieure entre l'attachement à l'histoire et la volonté de gagner le conflit : pas très confortable et surtout pas très efficace à la fois dans l'utilisation des règles et dans la satisfaction du rapport à l'histoire. D'où mon appel à des règles plus strictes pour encadrer l'utilisation des traits/relations/possessions.

Ma deuxième remarque est sur l'idée qu'il faudrait "apprendre" à jouer à DitV. Cette idée me pose un problème pour n'importe quel jdr, d'ailleurs, ça voudrait dire qu'il existe des règles qui ne sont pas expliquées dans le texte lui-même ou des éléments essentiels du jeu qui ne seraient présentes ni dans les règles ni dans de solides aides de jeu, et qui donc devraient venir des joueurs (le plus souvent du meneur).
Le fait que le meneur doive donner des enjeux assez forts pour qu'on y tienne mais pas assez pour qu'on ne puisse pas les abandonner est, à mon avis, un exemple typique de cela. C'est essentiel au jeu (puisque c'est là dessus que repose la possibilité de choix moraux forts) mais aucune règle ni aucune aide de jeu d'importance ne permettent à un débutant d'y arriver.
Dans tous les cas, cela veut dire que le texte de base n'est pas complet et que donc un groupe de joueurs avec un peu d'expérience et de bonne foi ne peut pas commencer le jeu sans qu'au moins l'un d'entre eux n'ait été "initié" par quelqu'un d'autre. Ca me pose problème qu'un jeu ne soit pas jouable en ayant uniquement lu ses règles.
Attention, je ne suis pas en train de dire qu'on ne peut pas perfectionner sa pratique d'un jeu ! Par exemple, ma première partie de Prosopopée et ma première partie d'Innommable (avec le scénario indicible) n'étaient pas parfaites et je pourrai encore apprendre à maîtriser ces jeux. Mais, en ayant uniquement lu de manière approfondies les règles et en ayant survolé des rapports de parties, ces premières parties ressemblaient déjà bien à ce que des parties de Prosopopée ou d'Innommable sont supposées être, et l'identité et la richesse du jeu étaient déjà là (c'est aussi une des raisons pour lesquelles je suis grand fan de ces deux jeux).
Dans cette première partie de DitV, la richesse du jeu... je ne l'ai pas vue et je n'ai pas vu comment on pouvait y accéder.


Mais encore une fois je retesterai ce jeu
* en conservant ce scénario puisque apparemment le problème ne vient pas de là,
* en s'attachant à exiger des joueurs qu'ils décrivent précisément leurs réactions
* et en essayant de leur proposer des choix difficiles (mais ça je sais pas comment l'inventer...).
Peut-être qu'il faudrait qu'on y joue ensemble pour que vous me montriez ce que vous y avez trouvé et que vous m'appreniez à utiliser pleinement DitV, mais je préfèrerais vraiment y arriver par moi-même.
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Re: [Dogs in the Vineyards] Première partie décevante

Message par Meta » 25 Juil 2010, 16:03

Christoph a écrit :Pour que ceci fonctionne, il faut que les enjeux soient (la majorité du temps) suffisamment élevés pour qu'on veuille se battre, mais pas trop élevés pour qu'on ne veuille à aucun prix se coucher. Le MJ en particulier doit décrire des relances vicieuses qui font que le joueur doit considérer si l'enjeu en vaut la chandelle.
Exemple joué: Rémi menaçait une femme de son fusil, l'accusant d'avoir pêché. Je la décris se jetant sur le Dog pour implorer son pardon et ce faisant déclenchant malencontreusement un coup. Rémi a dû choisir entre la voir (probablement) mourir et obtenir les aveux (il se trouve que ses accusations étaient objectives), répondre (et comment faire cela autre qu'en la poussant, vu la situation?) ou abandonner le conflit (ça annule le coup qui part!) et ne pas la faire avouer. Rémi a préféré la voir crever. Je crois ne pas trop m'avancer en disant qu'on était tous choqué de la scène, étant donné les possibilités offertes par le système et la vraisemblance des actions.



Je vais jeter un pavé dans la marre, mais je trouve cet exemple parlant. Qu'apporte le système ici ? Pourquoi avoir besoin de règles pour gérer ce conflit ? Je veux dire que dans nos parties, on a souvent des scènes difficiles de ce type, mais au final, on préfère jouer et ne pas utiliser de règles qui couperaient l'intensité dramatique, car je n'admets pas (ou peu) de faire des pauses dans la narration pour savoir vérifier des paramètres ou mettre en place de manière formelle des paramètres. Qu'apporte le système de règles ici ? J'ai aussi besoin que tu précises le "ça annule le coup", je n'ai pas compris ; tu veux dire que le système ici proposait donc de revenir en arrière ? Non, je dois avoir mal compris.
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Re: [Dogs in the Vineyards] Première partie décevante

Message par Frédéric » 25 Juil 2010, 16:49

Fabien :
Concernant le fait que le MJ doive réguler les enjeux constitue le début du chapitre "GMing Conflicts" pages 76 et 77.

Je suis en déssaccord avec Christoph quant à l'emploi du terme "apprendre" à jouer. Je pense qu'il ne s'agit d'une question de prendre l'habitude de mettre ensemble tout ce qui est dans le bouquin pour le MJ et de laisser de côté les vieilles habitudes pour joueur et MJ de façon à accepter pleinement la proposition créative du jeu.

Au long de mes parties, j'ai souvent oublié une règle ou deux du bouquin, parce que ça fait mine de rien pas mal de choses à retenir.
Mais je n'ai jamais eu besoin de plus que ce que le jeu donne pour faire des parties mémorables.

Concernant le système de conflit, il est courant qu'un joueur débutant cherche à tout prix à gagner un conflit, mais en réalité, le principe de Ditv, par le fait d'afficher la puissance de chacun et d'annoncer l'enjeu (et par la façon dont les ressources se renouvellent par l'escalade et l'utilisation de traits) n'ont pour fonction que de générer un positionnement par lequel on se retrouve face à des choix qui sont :
  1. "faire en sorte de dominer"i
  2. "accepter de subir",
  3. "s'entêter au risque de commettre des actes qu'on regretterait",
  4. "Abandonner"
Et au fil des conflits, les joueurs qui ne sont pas réfractaires vont s'accoutumer à ces différents choix et les accepter, pour finir par en tirer parti dans le sens de la démarche créative.

Ces positionnements amènent le joueur à reconsidérer l'utilité des traits comme un moyen potentiel de suivre les voies 1 ou 3.

Dans mon expérience du jeu, les joueurs misent plus qu'ils piochent de dés en utilisant leurs traits. Donc chaque narration n'a pas pour but de vérifier la puissance du personnage et de ses savoir-faire, mais de "monter l'enchère du conflit".
Par exemple, j'ai eu un conflit dans lequel la mère de deux PJ faisait un scandale, parce qu'elle n'acceptait pas la nouvelle femme de son mari (leur père). Pour restaurer l'ordre, les deux PJ tentent de lui faire entendre raison. Mais pendant le conflit, la mère montre une vraie hystérie grandissante à chacune de mes nouvelles narrations, à tel point qu'un joueur a abandonné le conflit parce que ses ressources se sont montrées insuffisantes pour la raisonner verbalement et qu'il ne voulait pas employer la violence contre sa propre mère.

Et tout ça restait très crédible.

Axel :
Dans l'exemple que je viens de décrire, sans les dés et les mises, rien n'aurait poussé le joueur à abandonner, sauf par consensus, c'est à dire, poser : "ok, je te laisse gagner, plutôt que de poursuivre la discussion, parce que ton argument est plus fort".

Dans un cas, le joueur abandonne parce que ça lui épargne une prise de risque et des retombées (conséquences mécaniques) supplémentaires, dans l'autre cas, c'est un abandon parce qu'il faut bien finir le conflit, ou bien parce qu'on en a marre du conflit, ou bien parce qu'on se force à juger la valeur des narrations de l'autre (ce qui donne d'ailleurs souvent lieu à des conflits verbaux dans la surenchère pure) tout en combattant verbalement. Ce qui donne justement la contradiction que décrit Fabien plus haut qui est justement absente de Dogs.
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Re: [Dogs in the Vineyards] Première partie décevante

Message par Frédéric » 25 Juil 2010, 16:53

AH j'oubliais : le système de résolution offre un moyen de résolution impartial moins frustrant que l'arbitraire pure d'un MJ.
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Re: [Dogs in the Vineyards] Première partie décevante

Message par Meta » 25 Juil 2010, 17:05

J'entends la réponse de Fred. Eviter les surenchères d'arguments qui n'avancent pas. Je comprends parfaitement, et c'est une très bonne idée que de proposer cela ; de ce point de vue, DitV est un bon jeu. Seulement voilà, un système ne prend pas en compte la "nature" de l'argument, de sorte qu'on se base sur des stats ou des résultats chiffrés qui ne rendent pas la réalité argumentative. En fait, le système me paraît dans ce que tu dis, un palliatif : gérer la mauvaise foi. Si l'argument de l'autre est convaincant, je plie ; s'il ne l'est pas, je ne plie pas. S'il est convaincant mais que je suis de mauvaise foi, je ne plie pas. Peut-être que je ne vais pas abandonner,peut-être que je me prive d'une issue dramatique possible, mais où est le problème ? Si cela me nuit : je change d'attitude et je considère d'autres options ; si cela me satisfait : je reste sur cette manière de faire. Je ne dis pas ici que ce système est dysfonctionnel, attention, je dis que relativement à la manière dont j'envisage les conflits psycho-sociaux, cela ne peut me satisfaire, et peut-être que Fabien est au fond gêné non pas par le système en soi, mais par le fait qu'il propose une manière de traiter les conflits que "je" juge lourde et fade corrélativement à mes attentes de parties dans lesquelles la tension émotionnelle n'admet aucune interruption par un jet de dés (ou si peu) lorsqu'elle est à son comble.

Christoph, ma question, relativement à "ton" exemple, demeure.

Au fait, Fred, pourrais-tu me citer un défaut de DitV ?
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Re: [Dogs in the Vineyards] Première partie décevante

Message par Frédéric » 25 Juil 2010, 17:44

Il ne s'agit pas de mauvaise foi, mais simplement du fait que la valeur d'un argument ou de ce qu'une attitude peut produire comme répercussions psychologique sur un autre individu n'est pas quantifiable et un silence pourra tout autant faire souffrir qu'une logorrhée assassine.
Laisser une seule personne juger de la pertinence d'un argument surtout quand cette personne est impliquée dans le conflit, c'est complètement contre productif et aberrant en terme de jugement, car étant donné que les enjeux du joueur n'ont rien à voir avec ceux de son personnage, son jugement sera biaisé et ne prendra pas en compte l'histoire intime et la part d'inconscient qui sous-tend l'impact des échanges.

Une défaut du jeu ? En terme de qualité de game design je n'en vois honnêtement pas. Il sert parfaitement sa proposition. Pour moi, ne pas être adaptable à d'autres types de parties est plus une qualité qu'un défaut.
En terme de goût, je n'aime pas le fait de devoir faire des calculs à chaque échange, même s'ils sont simples, tout simplement parce que l'effort que ça me demande de faire un calcul même simple me coupe vraiment de l'action. Ce qui n'est pas le cas des jets de dés ni des mises (peut-être parce que le calcul mental n'est pas ma plus grande qualité).

Ce que vous reprochez au jeu ne serait valable que si le-dit jeu soutenait une démarche créative simulationniste, car dans la majorité des cas (mais pas tous), on a besoin d'une logique causale pour renforcer au maximum la simulation. Mais ce n'est pas le cas pour un jeu comme Ditv qui stimule l'implication des joueurs par la synesthésie entre enjeux ludiques (au niveau du joueur) et enjeux fictifs (au niveau du personnage).

Donc Axel, tu as peut-être la plus belle et la plus intense expérience du JDR ici, mais non, le système de résolution de Ditv n'est pas fade, ou alors on est vraiment des mijaurées qui s'émeuvent d'un rien, Christoph et moi (et d'autres). Mais j'ai hâte de découvrir tes techniques si formidables.
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Re: [Dogs in the Vineyards] Première partie décevante

Message par Meta » 25 Juil 2010, 19:12

Frédéric (Démiurge) a écrit :Laisser une seule personne juger de la pertinence d'un argument surtout quand cette personne est impliquée dans le conflit, c'est complètement contre productif et aberrant en terme de jugement, car étant donné que les enjeux du joueur n'ont rien à voir avec ceux de son personnage, son jugement sera biaisé et ne prendra pas en compte l'histoire intime et la part d'inconscient qui sous-tend l'impact des échanges.


Si, si le joueur est " bon", ses enjeux peuvent être les mêmes que ceux de son personnage. Et tu dis toi-même que les répercussions ne sont pas quantifiables, de sorte que l'utilisation de chiffres pour gérer une tension psychologique est peut-être bien un non sens, ou peut au moins conduire à quelque chose d'autre à un contenu dramatique : une simple forme dramatique. Ton jugement est unilatéral, ici, dans ce que tu affirmes dans ce que je quote. Et si je te demande d'ailleurs si tu vois un défaut à Dogs, c'est pour vérifier précisément ce que je suspecte : un manque d'objectivité de ta part sur ce point. En tout cas, c'est ce que je lis dans tes affirmations qui m'apparaissent péremptoires, parce qu'elles semblent nier la possibilité de régler des conflits d'une autre manière avec autant, voire plus, d'intensité dramatique. Une démarche "narrativiste" (puisque tu tiens à ce terme), n'empêche pas que les participants exigent une immersion conséquente, qui ne saurait être limitée ou brisée ou abîme par des calculs ou des jets de dés. Etre immergé dans mon personnage, explorer ses sentiments, ne m'empêche pas, si je suis expérimenté, de faire des choix externes à l'intériorité du personnage ; je peux aussi au sein d'une même scène, devenir à la fois Acteur et Auteur (pour reprendre les termes Edwardiens que tu connais bien). Je comprends complètement que l'enjeu est de produire une histoire et pas de conduire le joueur à "vivre comme son Dog pendant trois heures" ; j'entends aussi ta remarque sur le fait que Dogs, de ce point de vue, remplit un contrat en toute honnêteté et avec efficacité car il sert une construction collective d'une fiction dont l'histoire est le point névralgique. Et c'est pour ça que je dis que c'est un bon jeu, et je n'ai pas dit stricto sensu qu'il était fade, mais que dans cette optique et avec cette pratique formelle, il y a avait de la fadeur, ce qui n'empêche pas qu'on puisse s'émouvoir. Après, il y a toujours ce problème de proposer un jeu pour une démarche NAR ou SIM ou LUD, sachant que ces termes sont "une" interprétation du jdr, et j'exècre cette récurrence dans les jeux indies à insister sur la volonté de proposer un jeu pour une de ces trois démarches créatives ; ce ne sont pas "les trois démarches créatives", c'est la ligne d'interprétation ternaire proposée par Edwards pour lire des pratiques du jdr ; elle est féconde, mais ne doit pas s'ériger en unique ligne d'interprétation. Heureusement, après des années et des années de Freud, on a fini par comprendre que Freud n'énonçait pas la vérité mais une ligne d'interprétation des faits psychologiques, et qu'il y en avait d'autres. Edwards propose une ligne d'interprétation qui n'a rien d'unique, ou du moins, ne peut l'être, ni dans les faits, ni en droit. De ce fait, je déplore cette réduction qu'opère DitV dans le domaine du Narrativisme. Je trouve par exemple Herowars plus fécond car plus ouvert, sur une telle démarche ; il me semble proposer des mécanismes plus souples, plus riches et moins fades. Encore une fois, je ne dis pas que le jeu n'est pas adéquat ou mal fait. Je dis que je n'ai pas envie de voir trop de jeux non seulement fermés sur une démarche créative edwardienne, mais surtout qui au sein de cette démarche créative resserrent le mode de création de la fiction. Je ne dis pas que je ne "veux" pas que cela existe ; c'est très bien que Dogs existe, et je ne "fais pas de reproche au jeu" en soi, je dis que Dogs circonscrit le champ de la pratique de manière conséquente, et de ce que je lis des soucis que pose Dogs, je diagnostique ce malaise, bien souvent, parmi ceux qui n'ont pas accroché, et je me dis que peut-être, c'est cela qui gène Fabien. Après, c'est à lui de formuler de manière globale et synthétique le souci que lui pose ce jeu dans sa pratique. Comme je le disais, avec explication, ce n'est pas un jeu qui correspond à ma pratique.

Frédéric (Démiurge) a écrit :Donc Axel, tu as peut-être la plus belle et la plus intense expérience du JDR ici, mais non, le système de résolution de Ditv n'est pas fade, ou alors on est vraiment des mijaurées qui s'émeuvent d'un rien, Christoph et moi (et d'autres). Mais j'ai hâte de découvrir tes techniques si formidables.


Ceci ne fera pas avancer le thread.
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Re: [Dogs in the Vineyards] Première partie décevante

Message par Frédéric » 25 Juil 2010, 19:36

As-tu joué à Dogs, Axel ?
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Re: [Dogs in the Vineyards] Première partie décevante

Message par Meta » 25 Juil 2010, 19:38

Frédéric (Démiurge) a écrit :As-tu joué à Dogs, Axel ?


Je n'ai pas utilisé l'univers de Dogs, mais on a tenté avec un meneur (je jouais) une partie adaptée pour Stars Wars. Cela dit, je ne vois pas ce que cela change ; l'argument du "tu y as pas joué, tu peux pas parler", c'est un peu dépassé, non ? Mais je constate que tu balayes tout un discours avec une question ayant pour dessein de rendre illégitime ma position. Je rends l'antenne.
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Re: [Dogs in the Vineyards] Première partie décevante

Message par Christoph » 26 Juil 2010, 14:47

Intervention du modérateur:

Axel et Frédéric: si ce que l'un dit énerve l'autre, ayez l'élégance d'en discuter en privé si vraiment vous pensez que cela peut mener quelque part, l'auteur original du fil vous en sera reconnaissant et les autres lecteurs aussi. Vous êtes en train de détourner le fil sans laisser le temps à Fabien de répondre. Son rythme de participation est plus lent que le vôtre, vous devez respecter cela (une bonne règle au pif c'est que l'auteur original devrait avoir l'occasion de placer un message après trois qui ne sont pas les siens).

Donc avant de répondre à ta question, Axel, je demande à Fabien de recadrer le fil et on verra bien si la question sera encore dans la ligne de ce que Fabien veut discuter. Sinon on en discutera par mail ou à une autre occasion (c'est typiquement le genre de questions que je "note" et auxquelles je fais attention pour chercher de la matière à un futur rapport de partie dédié).

Que personne ne poste avant l'intervention de recadrage de Fabien, s'il vous plaît.
Christoph
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Re: [Dogs in the Vineyards] Première partie décevante

Message par Fabien | L'Alcyon » 27 Juil 2010, 13:46

Au départ, ce fil avait pour but :
  • d'exposer cette partie,
  • de comprendre où ça a coincé précisément
  • que vous me disiez ce qui a fait que vous avez aimé DitV et comment me permettre d'en profiter aussi.
Bilan jusqu'à maintenant :
  • Je crois qu'on a bien défrichée la partie et qu'on en a une représentation partagée claire. J'insiste sur le fait qu'on a joué à DitV en prenant le jeu au sérieux et en essayant de tout faire pour y entrer, d'où ma déception (un peu vive, certes).
  • Là où ça a coincé, c'est un peut plus difficile à expliquer. En dehors des règles dont je n'ai pas compris l'utilité ou le fonctionnement, le plus dérangeant a été cette question des débats qui m'ont semblé être uniquement conduits par les dés, plus que par les arguments ; mais j'ai bien compris que les arguments doivent se situer au niveau des joueurs, alors que les règles ne font que déterminer les voies possibles face à ces arguments (mais tout ceci demandera encore clarification, une autre fois peut-être).
  • J'ai le sentiment que le troisième point n'a pas été assez développé.
Je voudrais donc maintenant que Fred et Christoph (et tous ceux qui ont joué et aimé DitV) me disent ce qu'ils ont fait pour profiter pleinement de DitV, qu'ils donnent leurs "trucs" gagnés par l'expérience. Non seulement ça rendra le jeu plus intéressant pour moi, mais ça me permettra aussi de mieux comprendre leur point de vue. Je voudrais surtout savoir comment utiliser les règles pour créer/développer/magnifier les conflits moraux. Non seulement ça me sera profitable, mais ça sera aussi profitable à tous ceux qui liront ce fil dans le futur et qui s'interrogent sur Dogs in the Vineyards.
A la différence de Meta, je crois que le système de jeu (pris au sens large) de DitV, doit permettre et encourager les conflits moraux. Sinon cela veut dire si est DitV intéressant pour Untel quand il y joue, ce n'est pas parce que DitV a un bon système, mais parce que Untel est un bon meneur de jeu, ce qui voudrait dire que le système et donc le jeu ne sont pas si importants que cela (j'espère que j'arrive à me faire comprendre).

J'invite également les joueurs de la partie à venir enrichir le débat de leurs points de vue.

Avant de répondre, n'hésitez pas à me demander des précisions si ce n'est pas assez clair.
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