Pour celles et ceux qui prennent le train en marche, quelques rappels sur le jeu et ses règles (dont vous trouverez sur cette page la version la plus récente).
Monostatos vous propose de jouer des héros rebelles et libérateurs, réveillant le désir et la grandeur dans un univers de déserts, tombé sous la coupe d'un dieu, Monostatos, imposant ordre, confort et sécurité.
Les règles peuvent se résumer ainsi:
Le meneur de jeu décrit le contexte dans lequel sont plongés les personnages (contexte créé à l'avance). Il amène dans l'histoire les enjeux (c'est-à-dire les sources de pouvoir pouvant intéresser autant les personnages des joueurs que les prêtres du Culte de Monostatos). Il décrit les actions du Culte de Monostatos pour s'emparer des enjeux et contrer les personnages.
Les joueurs racontent comment leurs personnages tentent de s'emparer des enjeux pour libérer le contexte. Ils sont poussés par les règles à faire preuve de créativité et disposent d'une bonne marge de manœuvre pour s'emparer de ces enjeux.
On fait appel aux dés dans deux cas:
- lorsqu'un participant cherche à Changer le monde, soit que le meneur de jeu raconte comment les personnages sont menacés, soit que les joueurs racontent comment leurs personnages préparent leur coup ; cela permet de gagner des bonus pour la suite des événements
- lorsqu'un participant cherche à S'emparer d'un enjeu, soit que le meneur de jeu raconte comment le Culte cherche à y parvenir, soit que les joueurs racontent comment leurs personnages cherchent à y parvenir
Les dés indiquent deux choses:
- qui du meneur ou du joueur raconte l'issue d'une tentative de changer le monde ou de s'emparer d'un enjeu, et donc si l'action échoue ou réussit
- qui peut raconter une conséquence secondaire mais importante de cette action (ce qui permet de moduler la victoire de quelqu'un et de relancer le rythme de l'histoire
Les participants étaient:
Sylvain (non, pas Bichette) jouait Amerolqis, artiste fabuleux et orgueilleux
Olivier jouait Kheper, momie sans mémoire
Didier jouait Ankh, princesse impériale survivante
Julien jouait Edipios grand prêtre renégat de Monostatos
J'étais meneur de jeu.
Sylvain et Olivier jouaient leur première partie de jeu de rôle.
J'ai utilisé le contexte "Le quartier des plaisirs de Porphyre" :
Ce contexte se déroule dans Porphyre, la capitale du Royaume Fauve.
1. Les maisons de terre cuite du quartier des plaisirs sont peintes de couleurs pastel et ses rues sont protégées du soleil par de lourds voiles colorés. S’y mélangent des odeurs de drogue, de nourriture, d’alcool et de sueur humaine. Des halètements sourds sont couverts par les musiques d’ambiance et les invitations des patrons de tavernes et de bordel. La réputation des plaisirs de ce quartier traverse tout le Royaume Fauve et n’est surpassée que par celle des fêtes de Port-aux-Dieux.
2. En bon sujets du roi Hyène, les tenanciers, marchands et professionnels du corps en tous genres sont très heureux de pouvoir participer à la grande œuvre de bonheur universel de l’humanité. Ils accueillent volontiers les prêtres de Monostatos.
3. Le quartier est dominé par la Caverne, un établissement de drogues et d’alcools en tous genres, dédié à l’apaisement de l’esprit. Il est dirigé par une femme secrète, accompagnée en permanence d’encenseurs à drogue. Léthé est en fait une Etincelante heureuse de servir Monostatos si cela lui permet d’apaiser des consciences.
4. L’immense majorité des habitants de ce quartier sont heureux de pouvoir gagner leur vie en procurant du plaisir, surtout dans un lieu aussi réputé. Ils travaillent dur pour satisfaire leurs clients, quoi qu’ils demandent. L’argent coule à flot et la misère ne frappe que ceux qui ont encore une fierté.
5. La Secte de l’Ether est très présente, intéressée cette industrie du divertissement et par ses possibilités pour le contrôle des fidèles.
Degré de soumission à Monostatos: 4, alliés loyaux
Enjeux
La Secte de l’Ether a mis au point une maladie vénérienne à partir du cervelet de saints monostatiques. La vérole grise affecte directement le cerveau et les nerfs pour provoquer une foi fervente en Monostatos. Une épidémie serait la bienvenue pour le Culte.
Léthé n’en parle pas publiquement, mais son doute grandit de jour en jour. Elle se rend bien compte qu’en marchandant ses services, elle n’offre du réconfort qu’au prix d’une plus grande souffrance par le travail et elle comprend de plus qu’elle ne fait qu’endormir ainsi toute alternative dans l’esprit de ses clients.
Des sirènes et des ondins venus du fond de l’Océan infiltrent le quartier. Les soins et plaisirs divers qu’ils proposent libèrent les corps et les esprits en leur enseignant à dompter leurs désirs. Ils manquent d’expérience et ils se font arrêter et enfermer progressivement par le Culte.
Sapros, un concurrent de Léthé, est parvenu à faire acheminer en secret un Ogre de faible puissance au septième sous-sol de sa maison de plaisir, réputée depuis pour accueillir les fêtes les plus violentes et les plus débridées. Plus les clients sont riches et téméraires, plus ils sont conduits loin dans les caves. Le Culte est suspicieux.
Matmon, un marchand revenu récemment d’un périple dans le désert, est parvenu à capturer une ancienne déesse, affaiblie par ses blessures et son isolement séculaire. Il a décidé de faire fructifier son investissement en la prostituant. Shausa reprend des forces doucement et échafaude une vengeance digne des dieux.
Je précise enfin que je n'ai pas pris de notes sur le moment. Certaines descriptions peuvent donc être incomplètes ou infidèles. Dans la description de l'utilisation des règles je ne décris pas l'utilisation de tous les bonus parce que je ne m'en souviens pas et que ça me semble être une information mineure.
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Je commence par décrire le contexte en racontant l'arrivée d'Edipios dans le quartier des plaisirs (avec l'accord de Julien). Comme l'exige la dernière version des règles, j'introduis directement un enjeu: alors qu'Edipios marche dans la rue, il remarque une estrade sur laquelle un proxénète vend sa marchandise ; une des femmes est terriblement belle. Le regard surnaturel d'Edipios lui permet de se rendre compte qu'elle n'est pas humaine ; son savoir formidable lui permet de se souvenir d'un visage sur une ruine, qui était celui d'une déesse, c'est le visage de la prostituée. J'écris l'enjeu "Déesse prostituée" sur la feuille du contexte. Edipios tente de lui parler, mais le proxénète intervient et lui propose 5 pentadrachmes pour une nuit avec elle. Je demande à Julien s'il veut tout de suite tenter un jet de dés pour s'emparer de l'enjeu, comme il n'est pas encore à l'aise avec les règles, on tombe d'accord sur le fait de développer encore un peu avant d'aller plus loin. Julien me demande si, selon moi, Edipios dispose de l'argent nécessaire. Je réponds que c'est à lui de me le dire. J'en profite pour présenter la règle selon laquelle il faut exprimer lorsque quelque chose n'est plus crédible et Julien déclare que, justement, ça ne lui semblerait pas crédible que son personnage dispose d'autant d'argent.
Amerolqis entre dans la scène avec fracas et repoussant Edipios (Sylvain était enthousiaste et Julien a accepté le mouvement de son personnage), se précipite vers le proxénète et achète la nuit avec la prostituée inhumainement belle.
Pendant ce temps, Ankh arrive au quartier des plaisirs. Didier me raconte comment son personnage explore l'endroit et trouve une auberge. Je déclare qu'on lui recommande la Caverne, la meilleure maison de drogues et d'alcools du quartier (je pensais amorcer un enjeu ainsi, mais c'est finalement resté lettre morte). Didier me dit que son personnage cherche des personnes au bord de la loi. Je raconte que son personnage aperçoit une porte qui s'ouvre dans une ruelle, une personne en sort et s'éloigne à grands pas. Une femme, à la peau claire aperçoit Ankh par l'entrebaillement de la porte et lui fait signe d'approcher. Ankh se retrouve dans une maison de plaisir petite et d'un genre particulier puisque ceux qui y passent non seulement ressortent plus puissants et plus énergiques, mais aucune contrepartie n'est exigée, chacun donne ce qu'il souhaite. Ankh souhaite en faire partie.
J'ai essayé de répartir équitablement la parole entre les joueurs, en particulier au début de la partie où nous étions encore dans une dynamique très traditionnelle avec un meneur-parent-nourricier, d'où le passage rapide d'une scène à l'autre. C'est d'autant plus nécessaire qu'il y avait quatre joueurs, le nombre maximum pour Monostatos.
Edipios et Kheper se rencontrent, s'allient et commencent à mettre sur pied un plan d'évasion pour la prostituée. Olivier (le joueur de Kheper) veut que son personnage repère le quartier. Comme il s'agit typiquement là d'une action pour être mieux préparé, on utilise les règles de "Changer le monde". Pour donner un bonus au jet de dés, Julien explique comment Edipios utilise son regard implacable pour glanner des informations même en pleine nuit. Olivier lance les dés: il raconte l'action (réussite), mais j'ai le droit d'ajouter une conséquence supplémentaire. Olivier a donc le droit d'ajouter sur la feuille de Kheper la phrase (=le "caractère", faute d'un meilleur mot) "Je connais bien le quartier des plaisirs" ; s'il peut l'utiliser dans un jet de dé ultérieur, il gagnera un bonus. Je raconte qu'en observant ainsi le quartier, Edipios repère des personnes louches et que, connaissant les rouages du Culte, il comprend qu'il s'agit de prêtres de la Secte de la Poussière, la police secrète de Monostatos traquant les héros comme eux. J'inscris sur la feuille du contexte le caractère "Présence de la Secte de la Poussière".
Amerolqis passe la nuit en discussion avec la prostituée. Sylvain veut qu'Amerolqis gagne la confiance de Shausa. Comme il me semble que ça affecte directement l'enjeu majeur de la "Déesse prostituée", je lui propose d'utiliser les règles de "S'emparer d'un enjeu". Sylvain lance les dés: c'est lui qui raconte (réussite, donc), mais je peux raconter une conséquence. La réussite, c'est donc que la prostituée lui révèle qu'elle se nomme Shausa et qu'elle est bien une ancienne déesse de la fertilité prise au piège. On trace une croix du côté des joueurs sur la feuille du contexte à côté de l'enjeu (au bout de trois croix, l'enjeu est emporté définitivement). Je raconte la conséquence: la déesse est retenue ici par un collier de marbre, parcouru de symboles monostatiques, qui maintiennent son pouvoir prisonnier. J'écris sur la feuille du contexte "Collier de marbre au cou de la déesse"
Alors que Ankh discute avec la sirène qui lui expose leur projet, les portes sont enfoncées par une dizaine de prêtres de la Secte du Fer qui investissent les lieux. Il s'agit là pour moi d'une tentative de S'emparer d'un enjeu pour le Culte, je dépense donc un point de Conservation et je demande à Didier (le joueur d'Ankh) d'expliquer comment son personnage cherche à empêcher cela (il n'est pas obligé de le faire, auquel cas je l'emporte automatiquement, et c'est a priori le seul personnage qui puisse s'y opposer). Didier raconte comment il ordonne aux six sirènes et ondins de quitter le lieu par l'arrière et comment il retient les gardes. Il lance les dés qui donnent ce résultat très positif pour lui : non seulement il raconte l'issue de l'action, mais je ne peux pas raconter de conséquence supplémentaire. Didier raconte comment Ankh parvient à abattre cinq prêtres, qu'elle marque de son épée leurs visages et qu'elle met en fuite les cinq autres. Puis, accompagnée des ondins, elle s'enfuit dans la nuit.
Edipios et Kheper les repèrent et les aident à se réfugier dans une planque appartenant à Edipios (inventée sur le moment, sans problème). Olivier souhaiterait effacer le caractère "Présence de la Secte de la Poussière" de la feuille du contexte, et raconte donc comment Kheper repère un de leurs poursuivants dans la nuit et lui tombe dessus depuis les toits. Il utilise la règle Changer le monde, lance les dés dont le résultat indique que je raconte l'action mais qu'il n'y a pas de conséquence supplémentaire. Je raconte donc comment Kheper tombe sur le prêtre de la Secte de la Poussière, mais que ce dernier esquive a tout dernier moment et repousse violemment Kheper en arrière ; j'ajoute que cela permet tout de même aux fugitifs d'échapper à leur poursuivant (ce qui n'a pas d'incidence directe sur les règles, c'est uniquement une avancée fictionnelle). J'ai choisi de raconter l'issue de l'action de manière à ce qu'elle échoue non pas parce que Kheper est mauvais, mais parce que le prêtre de la Secte de la Poussière est meilleur, en référence à une remarque de Christoph sur le précédent rapport de partie où il me disait que je respectais beaucoup les personnages. C'est ma compréhension des règles que de respecter les personnages en tant que héros. Notez aussi que j'ai raconté une conséquence positive pour les personnages: les règles ne me force pas à leur mettre la misère.
Les personnages passent la nuit dans la planque et Amerolqis les y rejoint par un concours de circonstances. J'attaque Edipios avec les règles de Changer le monde (je raconte, pas de conséquences) en racontant comment il est empoisonné par de la liqueur de marbre versée dans un repas (Julien rajoute "Empoisonné par l'ordre" sur la feuille de son personnage). Ankh tente de le soigner à l'aide de ses insectes mais échoue.
Kheper se rend chez Shausa pour prendre de l'information. Je fais ma deuxième attaque d'enjeu en dépensant un point de Conservation: je raconte comment il voit une délégation de prêtres de Monostatos se rend chez la déesse prostituée pour négocier son soutien inconditionnel au Culte en échange de sa libération et de l'assouvissement de sa vengeance. Olivier raconte comment il souhaite que Kheper interrompe les négociations en enlevant Shausa sur un coup de force. Il lance les dés : je raconte l'issue de l'action (échec) mais il n'y a pas de conséquence. Je raconte comment Kheper entre par la fenêtre, repousse les prêtres et prend Shausa par le bras. Néanmoins, elle est retenue à l'intérieur par le collier de marbre et Kheper est obligé de fuir. Je trace une croix du côté du meneur pour cet enjeu.
Olivier a épuisé la plupart des ressources de son personnage et décide donc de raconter une scène de ressourcement. Ces dernières permettent d'utiliser à nouveau les Singularités d'un personnage et de regagner un point de Désir (qui fournissent des bonus pour les jets de dés); le joueur doit alors raconter comment son personnage fait preuve de son individualité la plus pure et de sa force vitale. Une scène de ressourcement provoque toujours du désordre et tend à attirer les prêtres de Monostatos. Olivier raconte donc comment son personnage s'enfuit dans le désert puis s'enfonce dans le sable pour revivre intensément toute sa vie et y retrouver des forces; les fantômes du désert s'approchent et projettent ses souvenirs et son inconscient dans la réalité, attirant des prêtres de la Secte du Fer inquiets et inquisiteurs.
Les autres personnages restés à la planque vont à la recherche de Kheper, ne le voyant pas revenir et ayant eu vent des troubles récents. Kheper émerge du sable et tombe nez à nez avec les prêtres-soldats de la Secte du Fer et, tout juste régénéré, engage le combat. Les autres personnages arrivent et lui prètent main-forte. Olivier lance les dés: il raconte l'issue de l'action, sans conséquence. Les personnages abattent tous les prêtres et en gardent deux: un qu'ils emportent pour l'interroger, l'autre vaincu en duel par Ankh et dévoré vivant par elle, se délectant de son ennemi vaincu (nouvelle scène de ressourcement: ses cris attirent d'autres prêtres).
Une fois revenus à la planque, Edipios prend leur prisonnier à part et, plutôt que de l'interroger, décide de lui révéler ce qu'il a vu en contemplant Monostatos et qui lui a fait perdre la foi. Julien fait donc un jet de Changer le monde : il raconte l'issue, pas de conséquence. Julien raconte donc que le prêtre est le premier converti par la bonne nouvelle d'Edipios (je précise que la description du personnage ne dit pas ce qu'il a vu et qui lui a fait perdre la foi, c'est au joueur d'inventer et Julien ne nous l'a pas encore révélé). Il écrit donc le caractère "Premier converti" sur sa feuille.
Il y a un moment de discussion et d'échanges entre nous tous, pour déterminer ce qui semble être intéressant pour la suite de l'histoire. Il en émerge que les deux prochains jets de dés pour emporter l'enjeu pourraient être 1) découvrir un moyen de rompre les symboles du collier de la déesse 2) parvenir effectivement à la débarrasser du collier
Les joueurs mettent leur plan en application. En se déguisant et en faisant appel au prêtre fidèle à Edipios, ils se rendent au temple de la Secte du Verre de Porphyre, une immense bâtisse remplie de scribes qui calculent au plus juste les impôts et les taxes dues au Culte par les princes marchands du Royaume Fauve, mais possédant malgré tout une bibliothèque. Julien emporte son lancer de dés de S'emparer d'un enjeu, avec une conséquence : ils trouvent la méthode pour se débarrasser des symboles monostatiques, mais la Secte du Verre parvient à identifier discrètement Edipios. On ajoute une croix du côté des joueurs pour l'enjeu de la Déesse.
Kheper en profite pour faire des recherches sur son passé: Olivier veut faire un jet de Changer le monde pour ajouter un caractère à une des Singularités de son personnage, ce qui est un moyen intéressant de faire progresser son personnage dans le temps. Il réussit son jet de dé, sans conséquence. On discute un peu des possibilités de l'identité de Kheper et je lui parle de la guerre contre l'Océan qui a aboutit à la création de la Terre Morte. Olivier n'est pas sûr et on décide qu'il pourra révéler qui est son personnage quand il le souhaitera, par exemple quand ça lui sera le plus utile (ce qui est tout à fait légitime).
Edipios tente de se débarrasser de la présence de la Secte de la Poussière en leur envoyant de faux messages codés, mais les dés lancés par Julien pour Changer le monde indiquent que je raconte (sans conséquence) : le code a changé depuis qu'Edipios était prêtre et sa tentative est démasquée.
Pour préparer l'attaque finale et le dernier jet de S'emparer d'un enjeu, Edipios envoie son fidèle répandre de fausses nouvelles pour attirer tous les prêtres de la Secte du Fer à l'autre bout de la ville. Julien emporte son jet de Changer le monde, mais il y a une conséquence: le fidèle d'Edipios est fait prisonnier. On inscrit donc un caractère supplémentaire sur la feuille du contexte ("Prêtres de la Secte du Fer éloignés") et on change le caractère de la feuille d'Edipios en "Prêtre fidèle emprisonné" (les jets de Changer le monde peuvent effectivement mener à inscrire ou changer deux caractères).
Les personnages se rendent au bordel. Ankh et Kheper restent en bas pour défendre l'endroit le temps qu'Edipios et Amerolqis rompent le collier de la déesse. J'attaque Edipios et Amerolqis grâce à deux jets de Changer le monde pour les faire poignarder par deux prêtres de la Secte de la Poussière déguisés en prostitués. Deux résultats identiques: les personnages sont blessés, mais ils parviennent tous les deux à maîtriser leurs agresseurs. Ils entrent dans la chambre de Shausa et Edipios entame les rituels (jet de S'emparer d'un enjeu) : échec, sans conséquence. Idem pour la tentative d'Amerolqis.
Pendant ce temps en bas, les prêtres de la Secte du Fer ont fini par se rendre compte de leur erreurs et attaquent les personnages. Deux jets de Changer le monde provoqués par moi, qui sont des échecs sans conséquences, me semble-t-il. Les joueurs répliquent par deux autres jets de Changer le monde: Ankh enfume la salle tandis que Kheper révèle qui il est: le premier Grand Prêtre de la Secte du Fer, le général originel de Monostatos, assassiné par son propre camp durant la guerre contre l'Océan parce qu'il avait osé également lever les yeux sur Monostatos. Le jet de Changer le monde donne l'issue de l'action (sans conséquence) à Olivier qui raconte comment les prêtres de la Secte du Fer reconnaissent la légende qu'il est et se rallient à lui.
Enfin, Edipios regarde Shausa dans les yeux et lui révèle qui est en réalité Monostatos : un vieillard cacochyme qui n'a pu dominer les anciens dieux que parce que ceux-ci l'ont insconsciemment accepté. Elle seule peut se libérer. Julien réussit son jet de S'emparer de l'enjeu (sans conséquence) : non seulement il peut raconter l'issue de l'action, mais il peut désormais raconter comment agit la déesse. On ajoute une trosième croix du côté des joueurs ce qui signifie qu'ils emportent l'enjeu. J'apporte alors l'information que les anciens dieux étaient en majorité des dingues sans considération pour les êtres humains, et les joueurs me le reprochent à juste titre, j'aurais dû le dire plus tôt; je précise néanmoins que comme Julien peut raconter les actions de la déesse, il peut raconter qu'elle est une exception, bonne et douce. Julien raconte comment la déesse se libère du collier par sa seule volonté, puis s'élève au-dessus du quartier et s'impose à tous, maudissant de sa voix formidable tous les fidèles de Monostatos présents et les condamnant à la stérilité.
Nous décidons d'arrêter ici, après avoir bien joué et être arrivés à une étape décisive de l'histoire.
Nous avons joué environ quatre heures, en retirant les pauses et en comptant une heure d'exposition de l'univers, des règles et de choix des personnages.
***
Commençons par l'autosatisfecit: cette partie s'est très bien déroulée, j'y ai pris du plaisir et il me semble que c'était également le cas des joueurs. Je me suis senti détendu et j'ai trouvé que la table avait une bonne dynamique. Cela tient à plusieurs choses.
D'abord, je crois que les personnages sont bien faits. Avec la dernière version des règles, il y a peu de contrainte sur leur interprétation par les joueurs et ils offrent un vrai espace de créativité. Par exemple, Olivier voyait beaucoup Kheper comme un personnage discret, un assassin, alors que je l'ai déjà vu interprété comme un arrangueur de foules. De même, Sylvain a proposé une interprétation d'Amerolqis très personnelle, avec un personnage riche et très expansif. Et pourtant, les personnages m'ont toujours semblé authentiques, ils cadraient avec l'idée que je me fais de personnages de Monostatos et leur interprétation avait du caractère.
Le rythme de la partie était bon. Ca a commencé doucement, à la fois parce que le jeu prend du temps à démarrer (les conséquences annexes permettent d'alimenter en permanence l'histoire), mais aussi parce que, comme souvent, le fonctionnement sans scénario déroute un peu. A la fin de la partie, nous avions trouvé le rythme de croisière où les joueurs prenaient leurs décisions et mettaient eux-mêmes en place les scènes ou les événements dont ils avaient besoin ; je n'intervenais que pour leur donner de l'antagonisme (j'ai même pu donner le biberon à un bébé juste avant la scène finale !).
Un autre bon sentiment que j'ai eu a été que le jeu répondait efficacement à mes besoins au cours de la partie. J'avais une règle claire pour chaque action qui méritait de lancer les dés, et je n'ai pas eu le sentiment de devoir demander de lancer les dés inutilement.
Cette partie est assez emblématique d'une bonne partie de Monostatos, pour moi. J'ai le sentiment que ma vision est claire, stable et bien réalisée. Je crois que je suis arrivé à créer le jeu comme que j'aurais aimé jouer lorsque j'ai commencé le jeu de rôle, il y a une dizaine d'années: un jeu de fantasy de caractère, avec un bon espace de liberté pour les joueurs et aux règles efficaces. C'est un sentiment très gratifiant après beaucoup de doutes, de recherches, de travail et de réflexions.
Je perçois également les limites de cette vision, ce qui est une bonne chose: Monostatos ne sera jamais un jeu pour créer de la beauté ou pour parler de voyages, comme je l'aurais voulu au départ, c'est un jeu où l'univers laisse assez peu de créativité aux joueurs (contrairement à un jeu comme S/Lay w/Me par exemple). Je ne suis pas parvenu à une dynamique interpersonnelle aussi puissante que des jeux comme Prosopopée ou Innommable. Mon seul véritable regret est de ne pas être parvenu à faire de Monostatos un jeu dangereux, un jeu qui pousse les joueurs à prendre très au sérieux ce qu'il font, à le considérer comme un exercice de vie, comme ce que j'avais souhaité un moment, à la manière de Sens ou Psychodrame ; cependant, ma carrière d'auteur de jdr n'en est qu'à son début et j'ai d'autres jeux devant moi.
Concernant un point de règle mineur, cette partie m'a confirmé qu'il valait mieux que le meneur commence avec un seul point de Conservation, sans tenir compte du nombre de joueurs. J'ai commencé ici avec deux points (plutôt qu'avec 4, c'est-à-dire le nombre de joueurs) et j'en avais toujours au moins un de disponible, même en étant très agressif.
Quelques éléments méritent encore du travail et des tests plus poussés.
Premièrement, je ne sais pas si c'est vraiment pertinent de prévoir cinq enjeux pour chaque contexte.
Pour:
- un même contexte peut servir pour plusieurs parties
- le meneur de jeu peut plus facilement improviser "naturellement" l'introduction de l'un d'entre eux
- chaque personnage a le choix de poursuivre un enjeu cohérent avec sa personalité, en ayant plusieurs histoires différentes qui s'entrecroisent durant la partie
- dans la pratique jusque là, je n'arrive pas à introduire plus de deux enjeux et les joueurs finissent pas se concentrer sur un unique enjeu
- le deuxième enjeu distrait de l'histoire principale, dont l'enlever permet une plus grande cohérence de l'histoire
- une partie de durée "normale" (2 à 4 heures), que ce soit avec peu ou beaucoup de joueurs, ne permet pas de s'attaquer et d'emporter plus d'un enjeu; d'autant qu'une fois qu'un enjeu est pris, l'histoire arrive à un moment propice à s'arrêter
- un seul enjeu requis par contexte permet de créer des contextes plus facilement et plus rapidement
Deuxièmement, je n'ai pas vraiment de règle pour changer définitivement un personnage contre la volonté du joueur (par exemple en lui infligeant des cicatrices). Il faut toujours que j'y réfléchisse, peut-être dans la séquence finale entre deux partie avec une négociation possible entre la progression du personnage et ces changements définitifs.
Troisièmement, il me faut toujours tester ces règles en campagne, au moins une fois, entre autres parce que ces règles d'enjeu ont un impact directs sur la campagne. Il faut également que je détermine si le fait que les joueurs connaissent bien les règles (surtout maintenant qu'elles sont stables) influent sur une partie tout entière, et si plusieurs enjeux ne se justifieraient pas ainsi.
Je me fais de plus en plus la réflexion que pour convaincre de la qualité des théories forgiennes à la fois pour les créateurs et les rôlistes, rien ne vaut la démonstration de jeu; l'expérience ludique est infiniment plus puissante que tous les discours ou argumentaires. Il faut faire jouer, tout simplement.
Je vais bientôt pouvoir faire appel à des testeurs extérieurs. Je vais rédiger pour cela une version plus aboutie des règles et un guide de test et de rapport de partie. J'ai énormément besoin de regards extérieurs pour m'assurer que le jeu peut fonctionner sans moi.
Si vous avez des questions ou des réflexions, je les accueille avec plaisir. Si des joueurs de la partie passent par ici, j'aimerais beaucoup lire leur propre point de vue.