[Bliss Stage] Résistance helvète

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[Bliss Stage] Résistance helvète

Message par Fabien | L'Alcyon » 20 Oct 2011, 14:59

Samedi et dimanche dernier, Sylvie, Christoph et moi avons joué à Bliss Stage de Ben Lehman (sorti en 2007), pendant à peu près 8 à 10 heures, ce qui vous donne une mesure de notre enthousiasme. Avec ce rapport de partie, j'espère vous communiquer l'envie de l'essayer !

On interprète dans Bliss Stage des adolescents devant faire face à une invasion extra-terrestre. Les adultes ont été endormis dans un état immuable (le "bliss stage" ou "état de grâce") et des robots géants dévastent la Terre pour massacrer les derniers survivants. Un petit groupe de résistants est parvenus à survivre, à s'organiser et à riposter en se plongeant dans le monde du rêve, qui est celui des aliens, pour les y combattre à bord d'autres robots géants, des ANIMa. Toute la subtilité du jeu réside en ce que les ANIMa sont "constituées" des relations du pilote avec d'autres personnes (notamment son ancre qui le guide depuis la réalité) : plus ces relations seront intimes et solides, plus l'ANIMa sera puissante et endurante. Mais les combats endommagent l'ANIMa et la santé mentale du pilote, qui, revenu à la réalité, doit recoller les morceaux avec ceux qu'il aime et prendre soin de lui-même. Le "bliss stage" a débuté il y a sept ans et les adolescents qui ont passé les 18 ans depuis se sont également endormis.

On crée un groupe d'une dizaine de personnages. Le meneur en joue et contrôle quelques uns (dont la figure d'autorité, le seul adulte ayant survécu au "bliss stage" et qui dirige ce petit groupe) et chaque joueur en joue et contrôle quelques uns (dont au moins un pilote et une ancre). Les pilotes sont plus ou moins les personnages centraux. On détermine les relations entre les personnages selon deux échelles: l'Intimité qui indique à quel point les personnages se connaissent bien (de cinq niveaux allant de simple connaissance à partenaire sexuel, en passant par ami très proche) et la Confiance, qui indique la solidité de la relation (il existe une troisième valeur, le Stress, qui indique les premières fêlures dans une relation). Les pilotes ont trois caractéristiques: le "Bliss"/Grâce, qui représente l'emprise du monde du rêve sur le pilote, le Traumatisme qui représente les blessures profondes et durables de sa santé mentale et la Terreur qui représente la vulnérabilité durant une mission.

Le jeu se divise grosso-modo en deux grands types de scènes (appelées ici des "Actions").
1) Les scènes durant une mission (ou pour préparer la mission) où les pilotes tentent d'atteindre des buts définis, afin de progresser vers l'accomplissement des espoirs des personnages. Un joueur joue le pilote et un autre son ancre. Celui qui joue l'ancre décrit ce que voit le pilote, l'autre joueur joue le pilote (les joueurs ne doivent que dire ce que disent leurs personnages, ce qui rend très bien la relation radioguidée).
Lorsque le pilote est en grand danger ou sur le point d'atteindre ses objectifs, son joueur lance des dés d'autant plus nombreux que le pilote a investi des relations fortes (chaque relation est représentée dans le rêve comme une partie de l'ANIMa: arme, objet... ; la relation avec l'ancre fait la structure principale), puis en répartit les résultats entre différentes catégories: atteindre le but, protéger le pilote des Traumatismes et protéger les relations aux autres personnages. Le personnage accumule également des points de "Bliss"/Grâce. Ainsi un joueur a toujours le choix de réussir, mais à quel prix ?

2) Les scènes dans la réalité ou scènes "d'interlude", toujours entre deux personnages, où on se concentre sur l'aspect humain des personnages et où les joueurs tentent de renforcer la solidité de leurs relations (et donc de leur ANIMa) et soigner les traumatismes de leurs personnages. Il y a toujours deux joueurs (ou un joueur et le meneur), interprétant chacun un personnage durant une scène entre eux deux. La troisième personne est le "juge" de la scène et décide quand elle s'arrête et choisit (forcément) si la scène a
  • soit renforcé la Confiance entre les deux personnages
  • a diminué le Stress entre eux
  • soit augmenté leur Intimité (il faut pour cela que certains actes aient été commis, par exemple pour le niveau trois d'Intimité, il faut au moins que les personnages se soient fait un câlin, aient eu une conversation personnelle, aient fait la cuisine ensemble, se soient soûlés ensemble ou se soient affrontés)
  • soit a permis de diminuer les Traumatismes d'un des deux personnages (s'il a surtout parlé de lui)
A la suite d'une scène dans la réalité, un des joueurs peut déclarer que son personnage a perdu sa Confiance envers un autre personnage, selon les circonstances, ce qui diminue la Confiance de leur relation.
Les joueurs choisissent des Espoirs pour leurs personnages du genre "J'espère qu'on parviendra à réveiller ceux qui sont tombés dans le "bliss stage"", "J'espère que l'on parviendra à vaincre les aliens", "J'espère qu'on parviendra à reconstruire l'humanité". Il y a un Espoir de moins que de joueurs.
Un Espoir ne peut se résoudre réellement que lorsqu'un pilote atteint 6 Traumatismes (il meurt) ou lorsqu'un pilote atteint 108 points de "Bliss" (il s'enfuit, il s'endort, il y a beaucoup de possibilités). Son joueur raconte alors comment l'Espoir est rempli ou perdu à jamais.
S'il ne reste qu'un seul pilote (et que donc, tous les Espoirs ont été soit accomplis soit écartés à jamais), c'est la fin du jeu ; le joueur de ce dernier pilote explique comment il vit désormais dans ce nouveau monde.

Bon, je me permets de vous passer quelques règles particulières (comme le fait que le meneur peut menacer un personnage durant une mission en utilisant ses Traumatismes), pour rester aussi clair que possible. Vous découvrirez ce qui manque en lisant le jeu ! Mais vous aurez compris que la structure générale du jeu est la suivante:
  1. pour délivrer l'humanité, les pilotes doivent réaliser des missions dans le monde du rêve
  2. or, ces missions endommagent leurs relations aux autres et leur santé mentale
  3. donc, les pilotes ont besoin de scène d'interlude pour réparer ces relations ou prend soin d'eux-mêmes, ce qui met au coeur du jeu les interactions humaines
Bliss Stage, tout en abordant le thème des mecha combattant des géants aliens à la manière d'Evangelion, parvient donc à inclure profondément les relations humaines dans son jeu. On en reparlera, mais ce type a vraiment un don extraordinaire pour la conception de jeux !

Bliss Stage dispose également d'un modèle commercial intéressant, puisque l'acheteur décide lui-même du prix qu'il payera pour le pdf (il n'y a pas de version imprimée) et peut donc l'avoir gratuitement en envoyant un mail à Ben Lehman (lequel a recommencé avec son dernier jeu, Clover, dont on peut même avoir une version imprimée pour le prix que l'on souhaite).

***
Mise en place
La mise en place d'une partie de Bliss Stage prend entre 20 et 40 minutes. Ici, ça nous a pris approximativement 25 minutes. Elle permet aux participants de répondre ensemble à quelques questions importantes sur l'univers et sur leur cellule de résistance.
Nous déterminons donc ensemble que le groupe de résistance se trouve dans les Alpes Suisses (ça doit se passer près de l'endroit où on joue), dans une ancienne base militaire dans des cavernes sous les montagnes avec deux lacs à proximité. C'est très isolé des autres êtres humains.
En dehors du pilotage et de l'ancrage, il y a d'autres tâches importantes pour la communauté: chercher de l'eau, jardiner, élever les vaches, chèvres et poules, surveiller les environs, s'occuper des enfants en bas âge et entretenir la roue à aube qui fournit l'électricité au camp. Nous décidons également que, pour ne pas devenir fous d'ennui, les adolescents ont monté un orchestre.
Les aliens dans le monde du rêve sont des statues géantes à tête humaine (façon statuaire grecque, chrétienne ou bouddhiste). Le monde du rêve lui-même est un musée moderne infini, à l'architecture absurde et sans issue. Dans le monde réel, les robots qui nous attaquent sont des musées qui poussent et se déplacent anarchiquement pour absorber les êtres humains.

Création de personnages
On doit créer entre 10 et 13 personnages qui composent le groupe, avec une figure d'autorité (le seul adulte ne s'étant pas endormi et organisant le tout), un pilote par joueur et au moins une ancre par pilote. Petit truc: les ancres doivent être nommées d'après des "flirts déçus" ("unrequited crushes") du collège ou du lycée des participants (un vieux truc que de mêler des éléments personnels aux personnages pour renforcer la puissance de l'expérience de jeu). Nous avons donc donné des noms, des âges, réparti des tâches dans le groupe et donné des instruments pour l'orchestre (ce qui était assez amusant parce que ça donnait une profondeur inattendu à certains personnages).
Enfin, nous avons réparti les personnages entre nous trois, les règles précisant que la figure d'autorité doit être jouée par le meneur, un pilote et une ancre doivent être joués par chaque joueur. En cas d'inégalité, le meneur récupère les personnages "excédentaires". J'indique S quand c'est Sylvie qui possède le personnage, C quand c'est Christoph et F quand c'est moi (Fabien).
Notre groupe était donc composé de :
  • F Bernard, figure d'autorité et guide de montagne, 40 ans
  • S Fiona, pilote, 14 ans, triangle dans l'orchestre (donc elle se moque éperduement)
  • C Ethan, pilote, 17 ans, guitare
  • S Hélène, ancre d'Ethan, 15 ans, violon
  • S Jeannette, ancre (de personne en particulier, sa relation à Ethan était déjà brisée dès le début), 16 ans, accordéon
  • C Benjamin, ancre de Fiona, 12 ans, clarinette
  • C Félix, puériculteur (il s'occupe des enfants en bas âge), guitare
  • S Jonas, intendance (jardinage, élevage, cuisine...), 5 ans, triangle (contrairement à Fiona, il est enthousiaste!)
  • F Agathe s'occupe des installations électriques et de l'eau, 17 ans, chanteuse
  • F Lucie, intendance, 9 ans, flûte à bec
  • F Amélie, intendance (c'est elle qui organise les deux autres), 14 ans, batteuse
  • C Bertie, 3 ans
  • F Marguerithe, 2 ans
Chaque pilote est construit sur la base d'un "modèle" parmi les 6 disponibles: Innocent au Grand Coeur, Jeune Soldat qui veut en découdre, Amoureux Dévoué, Héros Naissant, Hédoniste Insouciant et Vétéran Endurci. Ces modèles permettent de déterminer les relations de départ entre les pilotes et les autres personnages et donnent une certaine saveur au personnage dès le départ.
Fiona (le pilote de Sylvie) était un Jeune Soldat qui veut en découdre et Ethan (le pilote de Christoph) était un Vétéran Endurci.
Suite à ces relations nous avons établi quelques éléments biographiques, notamment que Bertie est le fils d'Agathe et d'Ethan (dont la relation bat de l'aile) et que Ethan est en froid avec Bernard et Jeannette (pour des raisons encore non déterminées, leurs relations sont brisées, c'est-à-dire que la Confiance est tombée à 0).
Chaque ancre a le droit à une petite règle spéciale qui lui permet d'aider un pilote en combat et qui rend les choix pour les pilotes plus complexes et plus intéressants.

Enfin, Christoph et Sylvie choisissent comme Espoir "J'espère que nous parviendrons à gagner une bataille décisive contre les aliens".

***
Partie
Comme d'habitude pour la partie, je ne vais pas m'attarder sur les évolutions chiffrées (j'en serais bien incapable et ça n'est pas très intéressant) et me concentrer sur les choix et les attitudes des participants par rapport à la fiction.

Mission
Comme me le demandent les règles, je commence la première scène comme un briefing durant lequel Bernard annonce aux deux pilotes que des musées aliens s'approchent de la base et la menace. Il faut donc aller dans le monde du rêve pour abattre les pilotes. Les deux buts de la mission sont donc 1) vaincre les pilotes 2) les empêcher d'atteindre la base. Les buts peuvent être liés les uns aux autres, mais ici ils sont indépendants (on peut repousser les aliens sans parvenir à les vaincre et les vaincre mais alors qu'ils ont déjà ravagé la base).
On décrit comment Fiona et Ethan se précipitent vers leurs fauteuils pour plonger dans le monde du rêve (on a décidé que les appareils pour plonger dans le monde du rêve étaient des fauteuils et d'électrodes reliés à la tête d'une statue abattue). Christoph décrit l'ANIMa d'Ethan: un guerrier médiéval entièrement écorché (pour marquer l'image inconsciente de l'âge) ; sa relation avec Agathe est symbolisée par un grand marteau. Sylvie décrit l'ANIMa de Fiona: une flaque de boue (plus tard de mercure devant l'indignation de son ancre Benjamin), capable de se transformer en GI Joe.
On alterne les tours où Christoph joue son pilote Ethan et Sylvie son ancre Hélène, et les tours où Sylvie joue son pilote Fiona et Christoph son ancre Benjamin. Comme je l'ai dit, le fait que les joueurs ne puissent utiliser que la voix de leurs personnages pour décrire ce qui se passe rend très bien la relation radioguidée et pousse à s'intéresser aux échanges entre les personnages.
Fiona parvient à emporter sans problème les deux buts de la mission, mais Ethan n'y parvient pas, Christoph joue de malchance et son personnage en souffre.

Scènes d'interlude
Un élément de règle supplémentaire pour les règles d'interlude: seul le meneur peut demander autant de scènes qu'il souhaite. Les joueurs n'ont le droit de demander une scène que chaque fois que leur pilote revient de mission ou lorsque la Confiance a baissé entre un pilote et une de ses relations. Il y a des scènes d'interlude obligatoires pour illustrer une relation qui vient de se briser (comme ça se passe concrètement?). Je ne sais plus exactement qui a appelé quelle scène, mais c'est d'une importance secondaire.
La première scène d'interlude se déroule juste au moment où les pilotes se réveillent, entre Ethan et Fiona. Celui-ci la félicite et elle lui dit qu'il aura de meilleurs jours. Je décide qu'il s'agit d'une scène pour renforcer la Confiance entre eux.
La deuxième scène d'interlude se déroule dans la chambre de Benjamin, entre lui et Fiona. Il lui dit son admiration et elle le charrie. Ca se finit en guilis amicaux. Je décide qu'il s'agit d'une scène pour renforcer la Confiance entre eux.
La troisième scène d'interlude se déroule à la cantine, entre Ethan et Bernard. Ce dernier vient le voir pour renouer le contact, pour qu'ils puissent à nouveau travailler ensemble. La rencontre est houleuse, mais Ethan finit par accepter. C'est une scène de reconstruction de la relation, qui était jusque-là brisée et qui reste encore fragile (comme on va le voir).

Mission
Nouvelle mission. Pour marquer sa confiance, Bernard décide d'envoyer Ethan seul en mission (et parce que je trouve ça intéressant de mettre Ethan en danger). Trois buts: cartographier le Nord, trouver la base ennemie la plus proche, trouver un lieu pour une embuscade (afin de préparer la bataille décisive).
Fiona part en claquant la porte. Nous jouons une scène d'interlude avant le début de la mission (les règles le permettent explicitement) entre elle et Bernard. Elle pense qu'Ethan n'est pas assez compétent, qu'elle devrait pouvoir venir. Bernard lui répond qu'il s'agit de sa décision, qu'elle n'a pas à la contester. Christoph a décidé qu'il s'agissait d'une scène de diminution du Stress de leur relation (une bonne engueulade), mais Sylvie et moi étions d'accord pour dire qu'en même temps, la Confiance entre eux en souffrait.
Pour résumer, Ethan parvient à accomplir les trois buts : il trouve des souterrains au musée absurde, il parvient à un atelier de sculpteur (la base ennemie) d'où semble venir toutes les statues et trouve un lieu d'embuscade (des escaliers doubles surplombés par une balustrade). Cependant, le bilan est très lourd: les relations avec Agathe et avec Bernard sont brisées, Ethan prend trois Traumatismes et une quantité phénoménal de "Bliss" (la moitié de ce qui est nécessaire pour faire disparaître son pilote) et sombre dans le cauchemar total où l'ancre ne peut plus rien dire et le meneur, forcément sadique, raconte ce que voit le pilote perdu (en l'occurence, j'ai raconté un jardin cauchemardesque avec notamment un arbre auquel pendaient comme fruits les têtes de ceux qu'aime Ethan).

Scènes d'interlude
La première scène d'interlude au retour de la mission marque la nouvelle rupture entre Bernard et Ethan, lequel met son poing dans la figure de l'autre.
Puis, Fiona surprend Benjamin en train de pleurer seul dans sa chambre, parce qu'il est désolé du fait qu'Ethan pète les plombs. Hélène le réconforte et il finit par l'embrasser, ce qu'elle accepte volontiers (renforcement de la Confiance, leur Intimité n'augmente pas parce qu'ils se sont déjà embrassés).
On joue ensuite la scène de rupture entre Agathe et Ethan, qui essaient de faire l'amour mais ça se passe mal. Finalement, Ethan parle de ses peurs et ses angoisses. Agathe se lève, se rhabille et prend Bertie qui dort à proximité. Au moment de quitter la chambre, elle explique à Ethan qu'elle ne peut plus l'aider. Il ne la retient pas.
Je demande une scène entre Hélène et Ethan (en espérant que ça dérape entre eux !). Ils discutent sur un lit et Ethan parle de ses difficultés et finit par pleurer sur l'épaule d'Hélène. Je décide qu'il s'agit d'une scène pour diminuer le Traumatisme d'Ethan.
Je demande ensuite une scène entre Benjamin et Jeannette, partis pêcher à la ligne dans un moment de creux. Benjamin parle de sa relation naissante avec Fiona. Comme il s'agit d'une scène entre deux personnages dont aucun n'est un pilote, le résultat est l'"humanisation": on note une nouvelle relation entre eux.

Mission
Je lance ensuite une nouvelle mission. Le briefing est simple: Agathe est tombée dans un état proche du Bliss, mais Bernard pense pouvoir encore la sauver en partant dans le monde du rêve. Trois buts: atteindre l'atelier du sculpteur discrètement, vaincre le Sculpteur (sorte de super-alien) qui y réside et libérer Agathe. Fiona questionne à nouveau le choix de Bernard d'envoyer Ethan en mission, sans que ça mène à une scène d'engueulade, à cause de la relation difficile entre Agathe et Ethan.
Résumons: tous les objectifs sont atteints sans trop de casse. Agathe se réveille.

Scènes d'interlude
Sylvie demande une scène d'interlude entre Fiona et Benjamin, ce dernier arrivant avec une bouteille de vin à sa chambre pour fêter le succès de la mission. De fil en aiguille, ils finissent par faire l'amour pour la première fois ensemble. C'est une scène où l'Intimité de leur relation augmente (avoir une relation sexuelle est l'action nécessaire pour accéder au cinquième et dernier niveau de l'échelle d'Intimité). Comme les règles le permettent, je suggère à Sylvie que Fiona peut tomber enceinte, ce qui lui plaît. Nous créons donc un nouveau personnage, temporairement baptisé "Bébé", dont les relations vont se créer à mesure que son existence sera découverte.
Je lance ensuite une scène d'interlude entre Hélène et Agathe: Bernard a demandé à la première d'emmener la seconde faire du sport en forêt pour la garder éveillée. Elles parlent d'Ethan et Agathe finit par pleurer sur l'épaule d'Hélène en lui demandant de réussir là où elle a échoué: prendre soin d'Ethan et l'empêcher de sombrer dans la folie. C'est donc une scène d'humanisation.
Enfin, une scène de renforcement de la Confiance entre Hélène et Ethan, au restaurant.

Mission
Nouveau briefing: Bernard anticipe la disparition d'Ethan en demandant à Benjamin de devenir pilote à son tour. Pour cela, il a choisit Jeannette comme ancre. Il y a 5 objectifs: créer une nouvelle ANIMa, tester des senseurs, tester des armes, apprendre à se dissimuler, tuer des statues aliens.
Benjamin (joué par Christoph) plonge donc pour la première fois dans le monde du rêve avec l'aide de son ancre (Jeannette). Il se crée une ANIMa en forme d'arbre géant, il réussit tous les objectis et, enthousiaste, continue sur sa lancée (un joueur a le droit de se rajouter des objectifs de mission), mais perd le contrôle avant de revenir vite fait dans la réalité.
On crée une nouvelle feuille pour Benjamin, en utilisant le modèle "Innocent au Grand Coeur" qui correspond bien à la fois à l'âge du personnage et à l'idée qu'on s'en fait. On intègre les relations qui existent déjà, comme celle avec Jeannette et celle avec Fiona, ainsi que celle qui va venir avec "Bébé".
[Durant les missions, je me mets à noter les idées de scènes d'interlude intéressantes qui me viennent à l'esprit et inversement durant les scènes d'interlude je commence à collecter des idées de buts de mission pour m'aider ensuite, en essayant de trouver des enjeux chers aux pilotes, comme Agathe.]

Scènes d'interlude
Première scène d'interlude au retour de la mission: Bernard/Fiona. Cette dernière lui fait la tête et est très fâchée contre lui. Par ailleurs, il faut dire que les joueurs n'ont pas arrêté d'entre mettre plein la gueule à leurs relations avec Bernard, donc je trouve que c'est le moment de rendre la figure d'autorité plus humaine. Au début Fiona ignore ostensiblement Bernard qui vient s'expliquer. Il finit par lui expliquer combien il lui est difficile de diriger le groupe d'adolescents: comme il faut délivrer l'humanité, il a besoin de les envoyer dans le monde du rêve, ce qui leur fait du mal et ils finissent par le détester pour cela, alors même qu'il a besoin de leur soutien. Il demande à Fiona de partager les responsabilités avec lui, de l'aider et elle accepte. Christoph juge qu'il s'agit d'une scène d'augmentation de l'Intimité (ils viennent d'avoir une conversation personnelle, ce qui correspond au troisième degré de l'échelle d'Intimité). Je crois avoir réussi à toucher Sylvie sur ce coup-là, pour que Bernard ne reste pas un personnage lointain et chiant.
La deuxième scène se déroule entre Fiona et Ethan, partis s'occuper des cultures de champignons dans les caves du fort. Fiona avoue à Ethan (bien avant tout le reste) qu'elle est enceinte, il la félicite, ils discutent. Je juge que c'est une scène de renforcement de la Confiance.

Mission
Nouveau briefing: pour déclencher la bataille décisive contre les aliens, Bernard envoie Ethan et Fiona dans le monde du rêve pour trouver une structure étrange qui semble attirer les statues. Je gonfle le nombre de buts dans la mission pour la rendre significativement plus difficile (j'ai trouvé que les pilotes s'en sortent vraiment facilement). Il y a donc 5 buts: arriver sur les lieux éloignés sans encombres, s'emparer du Fétiche (càd ladite structure), vaincre les statues assemblées sur place, étudier des phénomènes étranges pour être sûr qu'ils ne suivront pas le Fétiche quand on le déplacera, et stocker le Fétiche dans une crypte plus au Nord où ses pouvoirs seront endormis jusqu'à ce qu'on ait besoin de lui.
Globalement la mission se passe bien, même si Ethan souffre de ses relations et menace de tomber dans le cauchemar. Le Fétiche est une énorme statue en bois d'une déesse de la fertilité, accouchant perpétuellement de nouvelles statues. Les phénomènes étranges sont de longues files d'attente des statues qui veulent s'approcher du Fétiche (comme dans les musées). Fiona prend le relai sur la fin de la mission, et le Fétiche est mis dans la crypte.

Scènes d'interlude
Scène d'interlude demandée par Sylvie: Fiona annonce à Benjamin qu'elle est enceinte de lui et qu'elle veut que leur relation soit plus réussie que celle entre Ethan et Agathe. Je décide qu'il s'agit d'une scène de renforcement de la Confiance.
Ensuite il y a une scène entre Benjamin et Ethan. Comme les deux personnages sont possédés par Christoph, nous sommes un peu embêtés ; cela dit, c'est une situation prévisible lorsqu'on n'a que deux joueurs. Nous décidons donc que Christoph me transmets temporairement Benjamin. Je le joue assez agressif (il n'a pas apprécié que Fiona révèle sa grossesse à Ethan en premier), ce qui n'est pas très fair de ma part envers Sylvie (c'est le copain de son pilote après tout), ni envers Christoph (qui possède le personnage et je ne sais pas s'il le voyait comme ça), mais cela me semblait plus authentique et plus intéressant. J'ai écrit à Ben Lehman, entre autres pour lui demander ce qu'il pense d'une telle situation ; en attendant sa réponse, j'appliquerai la règle suivante: celui qui transmets temporairement la propriété de son personnage à un autre joueur, a le droit de lui donner des directives pour son comportement et son attitude. Benjamin et Ethan fument donc un joint dans le hangar à avions de la base. La conversation devient difficile, Benjamin accusant Ethan de devenir dingue et lui demandant de ne plus s'approcher de Fiona; sa relation avec Bernard est bien la preuve que quelque chose va mal. Ethan répond en sousentendant que Bernard l'aurait violé (ce dont on ne sait rien à ce moment, puisqu'il se pourrait tout à fait que ce soit un simple mensonge d'Ethan). Sylvie termine la scène en décidant qu'il s'agit d'une augmentation de l'Intimité (une conversation personnelle).
Scène suivante: Ethan croise Fiona qui va vomir aux toilettes. Ethan lui dit qu'il doit prendre ses distances avec elle parce que Benjamin est méfiant. Fiona s'interroge avec lui sur l'issue de la guerre. C'est une scène de relâchement du Stress entre eux.
Enfin, Ethan va voir son fils Bertie à la maternité (on a à nouveau le même problème, que l'on résoud de la même manière). Ils jouent ensemble et Ethan finit par se dire que son fils sera bien ici et qu'il n'a peut-être pas besoin de lui. C'est une scène pour diminuer le Traumatisme d'Ethan.

Mission
Dernière mission de la partie. Cette fois-ci, le briefing est fait par Agathe, car Bernard a été capturé par un musée anarchique dans la réalité, et il faut aller l'en délivrer dans le monde du rêve. J'ai choisi ce thème de mission parce que, justement, les pilotes ont des relations conflictuelles avec Bernard. Quatre objectifs: libérer Bernard, tuer les statues qui ont manigancé sa capture dans le monde du rêve, tuer le Sculpteur qui les dirige et comprendre comment elles sont parvenues à entrer dans le monde réel.
Il y a beaucoup d'hésitation, Fiona puis Ethan successivement ne veulent pas y aller. Agathe décide alors de former une ancre à la va-vite (Amélie), mais est finalement retenue: Ethan et Fiona iront.
Fiona tue les statues et Ethan tue le Sculpteur. Fiona libère Bernard mais commence à être agressée par le cauchemar du monde du rêve (elle voit Bernard sous la forme d'un satyre et se sent agressée par des petits fétiches). Ethan est en plein cauchemar, il entre dans un jardin organique où pousse des poils pubiens et des arbres de chairs palpitantes munis de feuilles-langues (je m'en suis donné à coeur-joie) ; finalement il parvient à mettre le feu à l'arbre et à faire se refermer l'ouverture vers le monde réel qu'il tenait en son sein.

Nous avons dû arrêter bien à contre-coeur: il fallait se lever tôt pour se dire au revoir le lendemain.

***
Commentaires
Bliss Stage est sans équivoque un des jeux les plus incroyables auxquels j'ai joué récemment. La structure qui est au coeur du jeu (décrite au début: enjeux -> mission -> scènes d'interlude) justifie bien les interactions humaines entre les personnages, sans les rendre frivoles puisque la menace de la mort et de l'endormissement éternel planent au-dessus de la tête des personnages. Bliss Stage est un jeu très impressionant parce qu'il est en apparence relativement simple, mais ses règles sont parcourues de liens subtils qui donnent une grande force à l'ensemble ; par exemple, le fait que les personnages ne peuvent atteindre leurs buts que lorsqu'un pilote meurt ou disparaît donne aux joueurs une bonne explication mécanique de l'acharnement de leurs pilotes à vouloir se battre, de plus, ça ajoute à la dimension désespérée du jeu, ce qui ne gâche rien. De même, le fait que les missions se passent dans le monde du rêve est très pratique, parce que ça évite d'avoir à justifier rationnellement en quoi les relations permettent de mieux l'emporter, dans le monde du rêve et de l'inconscient, cela semble beaucoup plus évident.
Les règles sont relativement complexes, mais le livre est vraiment bien fait et on y retrouve rapidement ce que l'on souhaite à chaque fois.
Une partie du plaisir de jeu est venu de ce que Christoph et Sylvie sont en couple, ce qui chargeait d'autant plus d'intensité leurs échanges, en particulier durant les scènes dans la réalité, entre deux personnages.
Enfin, Bliss Stage est clairement un jeu qui permet de faire de vrais choix stratégiques dans l'histoire sans pour autant polluer la proposition de départ. Par exemple, j'ai compris graduellement qu'en tant que meneur, si je veux que l'histoire se passe plus mal, il fallait que je donne plus d'objectifs durant les missions tout en laissant moins de scènes d'interludes ; au contraire si je veux pouvoir peser sur les relations, il faut que je multiplie les scènes d'interlude. Mon conseil serait donc de faire des missions avec beaucoup de buts (ce qui n'est pas évident à improviser, malgré l'aide précieuse du livre), tout en multipliant les scènes d'interlude. De la même manière, les mécaniques de résolution des actions de la mission (répartition des dés, menaces du meneur, aide de l'ancre) permettent de nombreux choix, qui ont une vraie incidence sur l'action.

Il me faudra encore quelques tests pour me convaincre entièrement de la qualité du jeu, mais cette première impression est vraiment très, très bonne. Si ces impressions positives se confirment, il n'est pas impossible que je propose à Ben Lehman d'en faire la traduction en français (d'autant que, comme le jeu n'est disponible qu'en PDF, ça facilitera pas mal de choses du point de vue de la publication).
Entre Les Cordes Sensibles, Breaking the Ice et cette partie de Bliss Stage, ça me fait une belle brochette de jeux de rôle forgiens émotionnellement puissants et engageants.
J'ai écrit à Ben Lehman sur quelques questions de règles que nous nous sommes posé (notamment le transfert de propriété), je les posterai ici dès qu'il m'aura répondu.
Avec Polaris: CTatUN également à son actif, cela fait pour moi de Ben Lehman un sacré créateur de jeu !

J'invite Christoph et Sylvie à donner leurs points de vue et leurs ressentis.

Jouez à Bliss Stage, (presque) aucun jeu ne vous touchera autant !
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Re: [Bliss Stage] Résistance helvète

Message par paragon » 20 Oct 2011, 16:20

À la lecture de ce rapport en effet le système de jeu à l'air solide et l'idée de base bien pensée. Mais, et je le dit sur la simple base de ce rapport (je devrai tester pour l'affirmer) ça me semble plutôt complexe. En cour de lecture de rapport j'ai de la peine à m'émouvoir car justement je suis occupé à réfléchir sur les règles et comment la scène doit se construire.

Je sais pas comment les joueurs l'ont vécu ? Dans quelle mesure les règles peuvent freiner les sentiments ?

Autre remarque; la longueur du jeu, sur le site la durée annoncée est de 20 à 50 heures. Perso je trouve un jeu aussi long comme devenant ennuyeux à la longue (je suis légèrement hyperactif et ça m'arrive de jouer avec un vrai hyperactif donc je suis mal placé pour apprécier ça). Est-ce vraiment une nécessité (selon ce que vous avez perçu du jeu) ou est-il possible de faire des parties moins longues ?

Il n'en reste pas moins que le jeu est très intéressant et que je trouve que ça vaudrai la peine, à défaut d'essayer d'y jouer, ou à défaut de s'en inspirer pour certain Jeu/scénario/RP. Merci pour le rapport.
paragon
 
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Re: [Bliss Stage] Résistance helvète

Message par Nocker (Guillaume) » 20 Oct 2011, 17:15

Très beau rapport. Ca me confirme qu'on retrouve bien l'ambiance Evangélion, c'est très satisfaisant.

Bon, maintenant, c'est à nous !!! ^^
Le meilleur conseil aux rolistes, par John Wick.
Nocker (Guillaume)
 
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Re: [Bliss Stage] Résistance helvète

Message par Fabien | L'Alcyon » 21 Oct 2011, 10:19

Salut paragon !

Effectivement, les règles sont relativement complexes (même si c'est pas non plus D&D ou un jeu de Vincent Baker), mais d'une part elles sont facilement accessibles, le bouquin est très bien fait, et d'autre part, durant les scènes d'interlude qui sont les plus émotionnellement intenses, ceux qui les jouent n'ont pas à se poser de questions sur les règles: ils n'ont qu'à jouer leurs personnages et c'est au Juge (extérieur à la scène) qui décide quand elle se termine et quelle est son issue (baisse de Stress, augmentation de la Confiance, baisse du Traumatisme, augmentation de l'Intimité). Donc je ne crois pas que les joueurs en aient souffert ou aient été distraits, ils avaient tout loisir de se concentrer sur la relation de leurs personnages et être en pleine synesthésie. Sylvie et Christoph confirmeront / me corrigeront.

En ce qui concerne la longueur du jeu, je ne crois pas que ce soit un problème. J'ai joué le dimanche précédent une partie avec Frédéric avec seulement une mission et une scène d'interlude qui était très satisfaisante. Dans la partie décrite ci-dessus non plus nous n'avons pas terminé le jeu, aucun Espoir n'a été abordé (c'est ce que Ben Lehman veut sans doute dire lorsqu'il parle de ces 20 à 50 heures, comme pour Polaris: CTatUN il s'agit d'un jeu qui se déploie très bien sur plusieurs parties). Donc on peut tout à fait faire des parties relativement courtes !
En revanche, la longueur permet de vraiment creuser les personnages et le jeu donne l'occasion de créer des histoires et des relations humaines qui varient beaucoup: atteindre un objectif en en sacrifiant un autre, remporter une grande victoire, en apprendre plus sur les aliens, rencontrer d'autres pilotes... ; rupture, retrouvailles, sauter le pas de la sexualité... En quelques heures de jeu, les relations entre les personnages étaient devenues vraiment réelles et fortes pour nous, on a dû s'arracher au jeu sinon on y serait encore !

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Re: [Bliss Stage] Résistance helvète

Message par paragon » 21 Oct 2011, 14:59

Fabien (Monostatos) a écrit :Salut paragon !

Effectivement, les règles sont relativement complexes (même si c'est pas non plus D&D ou un jeu de Vincent Baker)


Les règles de D&D sont relativement simple: tu réussis tu jet ton action aboutit, sinon elle rate. En fait, s'il y a trois bouquins c'est de 1 car les règles sont, ,à mon goût, pas bien synthétisées, de 2 car les défaut du système oblige à ajouter de nombreux avertissement et de 3 car le jeu a besoin de nombreuses infos.

En fait D&D fonctionne comme un programme informatique (la ressemblance est flagrante pour les programmeurs) et se limite à une logique implacable. Les tables (classe, compétences, armes) représentes une gigantesque base de données dans lesquels les fonctions vont puiser.

Les jeux modernes sont devenus une activité s'approchant plus de la littérature, tentant de s'extraire de cette logique chiffrée. Les règles sont devenues par conséquents plus abstraites et dans la manière de construire le récits plus contraignante. Je donne un exemple; la disparition. Si l'écriture de ce roman était une partie de JDR alors je dirai que les règles sont compliquées car on ne doit pas utiliser la lettre "e" en cour de partie donc on arrive pas à profiter du récit en écrivant. À l'inverse un JDR sans règles (j'ai déjà fait ça sur forum, ça fonctionne uniquement avec des "on dit que" et c'est pas forcément désagréable mais) serait un roman sans la moindre contraintes. Les deux ont leur points forts et leurs points faibles.
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Re: [Bliss Stage] Résistance helvète

Message par Christoph » 21 Oct 2011, 20:33

Salut Laurent

Tu n'as pas à défendre D&D, car personne dans ce fil ne l'a attaqué. Ce n'est pas non plus le sujet de discussion (Fabien a été clair sur les buts de ce fil). Si tu veux nous expliquer en quoi D&D est simple il faut ouvrir un nouveau rapport de partie. Merci pour ta compréhension.
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Re: [Bliss Stage] Résistance helvète

Message par Fabien | L'Alcyon » 22 Oct 2011, 10:06

Je viens d'avoir la réponse de Ben Lehman concernant quelques points de règles, je vous la retranscris ici pour celles et ceux qui voudraient s'essayer à Bliss Stage.
  • Effectivement, lors de la création des relations entre les pilotes, chacun choisit une relation et on ne considère que celle qui la plus haute valeur d'Intimité (avant de la diminuer d'un point de Confiance), l'autre relation est ignorée.
  • Ben est OK avec l'idée de transférer temporairement un de ses personnages à un autre joueur en lui donnant des indications sur la manière de jouer.
  • Pour faciliter la tâche du Juge, Ben suggère de rappeler les issues possibles avant de le début de la scène d'interlude pour permettre aux joueurs de la guider vers une issue.
  • Ben propose d'ignorer une règle mineure et qui nous gêne comme celle de diminuer la Confiance des relations entre les pilotes et un personnage qui vient de devenir pilote (j'avais décidé d'ignorer cette règle, qui me semblait absurde, quand Benjamin est devenu pilote, et on se demandait si c'était juste).
  • Enfin, une relation brisée donne au pilote un nombre de points de Bliss/Grâce égal à trois fois la valeur de leur Intimité, comme indiqué p.70 et non deux fois comme indiqué p.162.
Ben a l'air d'être assez souple sur l'utilisation des règles de son jeu ; moi j'ai l'habitude de les respecter à la lettre en considérant qu'il s'agit qu'il faut respecter le travail de l'auteur et la dynamique sociale, en tant qu’œuvre d'auteur, créée par le jeu et ses règles.
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Re: [Bliss Stage] Résistance helvète

Message par Frédéric » 25 Oct 2011, 13:25

Joli !
Je suis content de voir ce que ça donne sur une partie longue, ça a vraiment l'air fort.

J'avais néanmoins une réserve dans notre brève partie qui ne comprenait que Fabien et moi :
les points de confiance qui sont diminués durant les scènes de mission, après les jets de dés, n'ont aucun lien de cause à effet avec la relation elle-même, puisque c'est en combattant des aliens qu'on perd de la confiance avec à peu près n'importe quelle relation. Quand bien même une arme se ferait abîmer par un alien, il me semble que ça ne justifierait pas une perte de confiance avec une relation, à moins que l'on doive considérer ces effets comme des "évènements déclencheurs" pour les scènes suivantes...

Ca me fait un peu penser à la discussion que l'on avait eue avec Christoph au sujet de Psychodrame et des "risques".
Qu'en pensez-vous ? Voit-on le même problème ? Ou Ben Lehman a-t-il trouvé un moyen élégant de rompre la causalité entre le moment de la perte de confiance (durant les combats) et les scènes de transition ?

J'aimerais avoir l'avis de Fabien et Christoph qui étaient au cœur du débat au sujet des risques dans Psychodrame et qui ont joué cette bonne-longue partie de Bliss Stage.
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Re: [Bliss Stage] Résistance helvète

Message par Fabien | L'Alcyon » 25 Oct 2011, 14:32

Christoph a fait cette proposition bien pratique durant la partie en disant que les effets des combats sur les relations sont inconscients. Là encore, expliquer ce phénomène par le rêve me semble à la fois pratique et satisfaisant: le combat dans le rêve rend les personnages peu à peu de plus en plus fous et froids, sans qu'ils n'y puissent rien. D'ailleurs dans la scène que Sylvie a joué avec moi, c'est bien comme cela qu'on s'est instinctivement représenté le danger d'entrer dans le monde du rêve, également incarné par le comportement d'Ethan, le pilote de Christoph.
Pour être plus précis dans mon propos et me rapprocher de la question du fil de Psychodrame, je crois qu'une partie de la réponse se trouve dans le fait que l'acte qui compte est le fait d'accepter les missions: les personnages savent qu'entrer dans le monde du rêve les rend dingues et exerce un risque sur leurs relations. Les combats ne sont qu'un sous-ensemble de cette décision.
D'ailleurs, les règles incluent la possibilité (dont je comprends maintenant mieux l'utilité) de refuser une mission, ce qui entraîne le gain d'un point de Traumatisme (le pilote souffre) et la perte d'un point de Confiance avec la figure d'autorité, mais pas de dommages avec les autres relations.

Ceci étant dit, j'ai bien le sentiment que ce choix (aller en mission / refuser la mission) est illusoire dans ce jeu. Un personnage peut résister, mais les effets détruisent rapidement le personnage car il accumule trop de points de Traumatismes (d'autant qu'ils s'accélèrent avec des refus successifs de partir en mission). Le joueur, s'il veut qu'il y ait vraiment une histoire développée, doit y mener son personnage. Ou alors, si le joueur refuse totalement de mettre en danger les relations de son personnage, il le laisse mourir, mais à ce moment-là il n'y a rapidement plus de jeu et le joueur aurait aussi bien pu ne pas s'y mettre (le Contrat Social est vicié: ce joueur ne veut pas jouer à ce jeu-là, en fait).
Amis théoriciens, qu'en pensez-vous ? Est-ce que ça nuit à la démarche créative ? J'ai le sentiment que ce n'est pas le cas, ce qui va permettre vraiment de juger les actes du personnage sera sa justification pour aller en mission. Arrivera-t-il à faire accepter à ses relations qu'il faut qu'il devienne fou et qu'il s'éloigne d'elles pour sauver le monde ? Pour l'Amoureux Dévoué, un des modèles de personnage, la justification peut même justement être de protéger celui ou celle qu'il aime, ce qui rend cette question de la justification de soi encore plus puissante.

Ou alors, et ça devient encore plus bizarre, ce qu'on juge ne sont pas les choix conscients du personnage, mais bien ses choix inconscients matérialisé par la répartition des dés (plus ou moins bons) entre les différentes catégories: au fond de lui-même, préfère-t-il sacrifier sa relation avec sa soeur à sa sécurité personnelle ? Préfère-t-il son frère ou sa copine ?
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Re: [Bliss Stage] Résistance helvète

Message par Romaric Briand » 26 Oct 2011, 09:56

Moi ça me fait mal au cœur de lire ce rapport de partie en entier. Ça me rappelle que tu as eu la chance de voir Christoph et Sylvie ces temps-ci et pas mouuaaaah aah aaaaah aaah mmmmm snif snif...

ô cruauté du rapport de partie !
Celui qui rappelle l'éloignement d'un ami.
Heureux celui qui par la SNCF à bas prix,
peut aller de Paris, à la lointaine Helvétie.
Un personnage de fiction souhaitant s'incarner dans la réalité... Les rolistes sont mes proies...
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Re: [Bliss Stage] Résistance helvète

Message par Christoph » 24 Nov 2011, 10:51

Salut Fabien, merci infiniment pour ce rapport de partie complet et bien décrit ! Désolé pour le temps de réponse !

Nous avons beaucoup parlé avec Sylvie ces derniers temps concernant l'effet du système quant à la finesse des histoires des personnages et voici un condensé de ce qui en ressort. Sylvie est récalcitrante aux résolutions de conflits d'un certain type, qui contraignent trop les issues au niveau des choix des personnages. Par exemple, il serait tout à fait possible de faire un conflit dans The Pool qui aurait pour objectif de « Faire changer d'avis [Personnage B] ». Ainsi, je pourrais raconter que mon personnage envoie un argument bien senti à personnage B et qu'ensuite B s'y conforme. Bien sûr, on peut toujours justifier ça de manière adéquate, en posant que en son for intérieur, B n'a aucun désir de se conformer aux ordres de mon personnage, mais qu'il le fait parce qu'il le faut bien, ou encore que, en effet, il voit le bienfondé de mon avis et s'y rallie. Le problème que Sylvie soulevait et qui m'interroge passablement depuis n'est donc pas tant une question de plausibilité qu'une question philosophique. Peut-on vraiment avoir le même traitement pour un conflit physique qu'un conflit psychologique/social ? Est-ce qu'on admet qu'on peut briser la volonté de quelqu'un comme on peut lui briser sa jambe ?
Il ne s'agit pas ici d'une plaidoirie pour du « pur roleplay », comprenons-nous bien, les règles ont leur raison d'être et sont désirables. Je développe.

Bliss Stage propose des règles très claires pour résoudre le conflit de l'ANIMA contre un alien (si ça fait partie de la résolution de la mission, il faut y consacrer un dé « + », sinon ça peut éventuellement juste être de la description). À noter que personne ne joue vraiment les aliens, ils apparaissent suite à une série de suggestions alimentées d'abord par la mission et ensuite par le dialogue Pilote-Ancre.
Pour ce qui est des relations interpersonnelles pendant les scènes d'interlude, il n'y a pas de règles de résolution de conflit. Pourtant, ce n'est pas rare que les personnages s'engueulent. Chaque joueur reste entièrement libre de jouer son personnage, peu importe ce que l'autre dit. Il y a simplement une évaluation en termes de modifications des scores de confiance, d'intimité ou de stress effectuée par un joueur qui n'est pas en train de jouer un de ses personnages, qui est aussi le joueur qui décide de quand survient la fin de la scène. D'une part, ces évolutions n'apportent que peu de contraintes en terme d'interprétation des personnages, ce sont plutôt des mécanismes qui rythment la relation, et la « minuterie » peut parfois déclencher une alarme (entraînant alors une scène de rupture, qui peut néanmoins être jouée sans contrainte en termes de qui quitte qui, le type d'émotions mis en scènes, etc.) D'autre part, ces évolutions de scores ont une qualité étonnamment « objective ». Nous avons toujours été d'accord que telle scène pouvait représenter un relâchement de la tension, une augmentation de confiance, etc. alors même que nous n'aurions pas été d'accord sur la manière d'interpréter un même personnage (l'exemple où Fabien reprend un de mes personnages est parlant).
Si un personnage demande au mien de faire quelque chose, il n'y a pas de jet de dé qui puisse l'y obliger. S'il ne le fait pas, je parie simplement qu'un point de Confiance sera perdu dans les prochains scènes ! Ce système diminue donc véritablement la nature assez « militaire » ou dominatrice de certains systèmes de résolution (je pense aussi à Zombie Cinema), pour mettre en avant la question de la confiance que se portent les gens et de l'intimité de leurs relations (dans ZC on peut bien sûr aussi capitaliser sur la confiance que se témoignent les personnages, mais je parle vraiment de l'issue de la résolution).
Le fait que l'issue dépende d'un jugement sur les événements joués plutôt que sur un résultat de dé est aussi crucial et peut-être celui qui est au fond de la problématique soulevée par Sylvie. Les scores n'évoluent pas en fonction d'un lancer de dé, mais bien des décisions d'interprétation de chaque joueur ainsi que du jugement (très cadré par les règles cependant) d'un autre joueur. Ceci est même vrai dans une certaine mesure pour les scènes de mission. On ne choisit certainement pas combien de « + », de « - » et de « 0 » on obtient au lancer, mais on choisit encore comment on les répartit, on prend donc la responsabilité de mettre en danger la mission, son pilote ou ses relations.
Ce parti-pris idéologique dans la résolution des conflits interpersonnels n'est pas tout à fait nouveau : dans Sorcerer si je reçois un ordre, je peux toujours agir contre, je ne suis que pénalisé dans le prochain jet contre celui qui m'a donné l'ordre par la marge de succès du jet d'ordre, dans In a wicked Age et Poison'd on ne lance jamais de dés pour les conflits autres que physiques (Poison'd propose un système de promesses très intéressant, qui lie les personnages par leur parole et leur honneur à plus long terme), dans My Life with Master il y a aussi cette notion puisque les scènes de rapprochements entre sbires et PNJ ne demandent un lancer de dé non pas pour savoir si le rapprochement entre les personnages se fait (c'est toujours le cas ! c'est donc aussi une certaine contrainte imposée par le système), mais juste pour savoir si ça se passe bien (en terme d'estime de soi) pour celui qui prend le risque (émotionnel).
Bref, beaucoup de matière à réflexion au sujet de ce que peut être la résolution de conflit, sujet ravivé à chaque partie que je joue avec Sylvie, donc vous en entendrez probablement encore parler ces prochains mois.

Un autre aspect, que je trouve très libérateur et que j'évoquais déjà plus haut mais que je veux mettre en avant, est que les scores ne sont pas des guides sur comment interpréter un personnage ou sa relation avec quelqu'un d'autre. Je peux avoir un Traumatisme très élevé et décider de jouer mon personnage comme s'il se savait condamné, très sombre et négatif, ou encore le jouer dans le déni du danger, etc. Bien sûr, quand on prend un point de Traumatisme, le MJ décrit quelque chose de déplaisant dans le monde du rêve, et donc il y a de fortes chances que le pilote réagisse à cela dans le monde tangible, mais chacun est libre de l'interpréter comme il le sent. Je peux avoir beaucoup de stress envers quelqu'un et toujours jouer une relation très amicale. Même le débordement de stress (menant à une perte de confiance) peut être joué sans être obligé de piquer une crise ou de déborder d'angoisse. À contraster avec les pertes de SAN dans L'Appel de Cthulhu où l'on va tirer de quelle folie temporaire/permanente on écope. (Quand j'y jouais il y a plusieurs années de cela, cela donnait des occasions de faire des petites séquences d'interprétation de la folie très drôles et caricaturales, mais qui ne s'inséraient que rarement de manière satisfaisante dans le cours des événements.)

Ces deux aspects de Bliss Stage donnent un très grand contrôle sur l'interprétation de nos personnages et nous mettent donc en confiance. Pourtant, il y a beaucoup de structure. Le jeu nous dit quand il est temps de faire une scène de mission (tout en laissant au MJ le choix de temporiser avec des scènes d'Interludes supplémentaires s'il le veut), il nous dit quand une relation traverse des crises et quand elle se rompt, il nous dit quand un pilote doit disparaître. Simplement, il ne nous dit pas comment jouer ses personnages et de plus on peut en partie manœuvrer pour retarder ou avancer les scènes imposées via l'accumulation des différents scores.

En bref, ce jeu est un très grand jeu !
Innommable: hurlez.
Zombie Cinema, en français dans le texte.
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Re: [Bliss Stage] Résistance helvète

Message par Frédéric » 24 Nov 2011, 17:41

Fascinant !
Je suis tout à fait séduit par ces réflexions. Je me rends compte que c'est quelque chose qui pèche encore dans Démiurges et les Cordes sensibles, j'ouvrirai un sujet un de ces quatre, car du coup, j'ai de bonnes idées pour rectifier ça. ^^

Merci pour ces réflexions à Toi et Sylvie !
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