De la Scénarisation

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De la Scénarisation

Message par Frédéric » 18 Avr 2007, 18:01

Je cherche par ce nouveau thread à développer une forme d’écriture scénaristique et de maîtrise qui évite les deux méthodes nommées « l’illusionnisme » et le « participationnisme » décrites par M. Jopseph Young dans sa théorie 101 http://ptgptb.free.fr/0027/th101-2.htm. Certes vous me direz il reste « l’esprit pionnier » et le « jeu de basse ». En effet. Disons que ce que je tente de faire, c’est défricher ce que je connais afin d’en tirer ce qui m’apparaît comme étant le plus intéressant.

Ce thread aurait pu pour le moment se trouver dans la rubrique théorie, mais mon but n'est pas d'établir quelque chose d'exaustif ni d'universel, mais "le truc qui déchire tout et qui me convient". S'il vous convient également, alors tant mieux ! Ensuite, il n'y aura plus qu'à play-tester ! (je deviens vraiment un toxico des tartines et du play-test).

Dans mon thread http://www.silentdrift.net/forum/viewtopic.php?t=570 concernant un compte rendu de partie du JDR Harry Potter favorisant le narrativisme, j’ai expérimenté un petit mélange (qui n’était sans doute nouveau que pour moi ^^) afin de coller au plus près aux livres de Rowling : créer un mélange de scènes banales saupoudrées d’une intrigue sous-jacente plus héroïque.

Il faut dire que cela me conviendrait parfaitement, car même si d’un point de vue de ma petite philosophie personnelle le narrativisme m’attire et me convient plus que tout, ma passion pour l’écriture scénaristique tend à en prendre un coup. Mais je reconnais volontiers que le JDR se prête très mal à toute forme de dirigisme. Pour contrer cela, le participationnisme propose aux joueurs une certaine liberté dans un champ donné, sachant que l’on œuvre dans l’ensemble pour faire avancer le scénario. L’esprit pionnier propose des « clefs » placées en des endroits précis, si les joueurs passent à côté, à priori, c’est qu’ils n’ont pas été assez curieux.
Ces deux formes de maîtrise sont parfaites pour galvaniser un esprit de compétition car elles impliquent une notion relative de réussite ou d’échec.
Ces valeurs ne m’intéressent pas. Pour cela, le jeu de basse me convient beaucoup plus. J’essaierai donc de voir comment il pourrait s’adapter aux différents genres d’histoires.

Je ne saurais être exhaustif, je vous serai donc gré de me corriger et de m’éclairer sans hésitation au sujet de boulots qui auraient pu être fait à ce sujet. D’autant que mon expérience étant balbutiante, cette recherche vise à élaborer d’éventuels schémas pour, si ce n’est élargir, préciser des façons de préparer et de jouer des histoires sur ce mode.


Tout d’abord parlons de but. En dramaturgie, il est acquis que ce qui rend une histoire efficace, c’est :
1- que le protagoniste ait un but
2- qu’il rencontre des obstacles sur son chemin

Pour que le récit se construise il faut :
1- une amorce (genèse du but) plus efficace si l’on la place dès le début du récit
2- un développement (rencontre et conflit avec les obstacles)
3- un dénouement (atteint-il son but ou non ?)

Eléments facultatifs :
- pas de hasard dans l’histoire sauf éventuellement à l’amorce (sinon, risque de deus ou diabolicus ex machina = perte de crédibilité)
- possibilité de créer un double dénouement (oui puis non ou non puis oui en guise de dénouement
- l’ironie dramatique (quand le joueur sait un danger que le personnage ignore)
- la surenchère dramatique (compte à rebours, pressions diverses…)
- le coup de théâtre (nécessite de planter à l’avance discrètement un justificatif)
- l’exploitation du décor (si un fusil est accroché au mur, il doit servir le récit)

Ces listes sont les schémas de dramaturgie classique, utilisée dans l’écriture romanesque et filmique (en BD aussi). Certaines choses seront peut être à adapter…

Les personnages se définissent plus facilement par leur but, qu’ils soient principaux ou secondaires (PJ ou PNJ). Ainsi, celui dont le but est opposé à celui du protagoniste devient antagoniste.

Les obstacles peuvent être internes ou externes. Pour cela, plongez dans les traits ou le background du PJ. Il n’y a rien de plus fastidieux qu’une histoire où le personnage n’est pas lié à ce qui lui arrive (sauf peut être dans le burlesque ou le survival). Pour qu’un but soit justifié, il faut qu’il vienne du personnage. (Vous pouvez d’ailleurs créer un obstacle en mélangeant les causes internes et externes, ce qui est souvent le plus intéressant, ex : ce mec me rappelle mon prof de math, si il continue à me parler comme ça, je vais m’énerver et lui en coller une…).
En psycho, une théorie très intéressante que l’on doit aux messieurs Beauvois et Joules se nomme « escalade d’engagement ». Elle explique qu’un homme tend à persister dans une voie, d’autant plus que le premier pas qui l’y a engagé est gratuit. Si vous payez cher quelqu’un pour faire un job, il aura une bonne raison de le faire mais peu d’engagement personnel. En effet, il prétextera qu’il le fait pour l’argent. Alors que s’il ne sait pas vraiment pourquoi il fait un travail en s’étant engagé dedans de lui-même (ou du moins qu’il en ait l’impression), il cherchera toujours à justifier son acte. C’est pareil en dramaturgie, laissez donc vos joueurs choisir leur kicker.

http://www.silentdrift.net/forum/viewtopic.php?t=250&highlight=kicker.

Je propose même d’écrire des scénarios en laissant les amorces libres et en les remplissant une fois que les joueurs ont créé leurs personnages. Vous pourriez même proposer aux joueurs eux-mêmes de choisir ce que leur personnage veut accomplir. A vous de tisser quelque chose autour de ça.


Bientôt, les obstacles (ou portes)
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Les portes

Message par Frédéric » 18 Avr 2007, 19:26

Les obstacles (ou portes)

En dramaturgie on considère que pour qu’un protagoniste soit attachant, il doit souffrir. Il est même avéré que dans une histoire où le personnage principal est mal défini, c’est celui qui souffre le plus que les lecteurs ou spectateurs reconnaissent comme protagoniste principal. C'est dû à la compassion dont sait faire preuve l'être humain (compatir = souffrir avec).

Je vous propose donc de construire des obstacles à votre guise, en proposant une difficulté progressive. En effet, des enjeux de difficulté égale rendent une histoire plate (ou du moins, plus plate que ce qu’elle ne serait avec cette escalade de difficulté). Vous me direz : « mais il nous parle de difficulté alors qu’il n’aime pas la compétition ni les échecs ». Mais la difficulté en JDR, grâce à des systèmes comme celui de DitV ou autres ne dit pas si l’on réussit ou si l’on échoue, mais bien souvent « qu’a-t-on du sacrifier ? ». Et c’est bien plus croustillant. Ainsi, on rejoint le concept de souffrance du personnage.

Concernant mon JDR Démiurges, je tente d’établir des séries de problématiques potentielles, liées aux enjeux qui peuvent découler de la prémisse et des personnages. Par exemple, un personnage versé dans l’héroïsme pourra être confronté à des problématiques du genre :
- puis-je rendre la justice si cela met en péril la vie d’innocents ?
- où se situe la frontière entre la justice légitime et la justice légale ?
- Quelle choix ferais-je entre sauver une personne qui m’est chère et sauver 10 innocents ?
Etc.

Je rend à César ce qui lui appartient, cette idée est à l’origine celle d’Artanis. Elle fait partie d’un de ses projets : Le monde fuyant.

Avec cela, je crée des situations initiales qui posent ces problématiques. Mais je me dis que si je veux que les joueurs restent accrochés, il peut être intéressant que ces situations problématiques aient des liens, conduisent vers un point culminant. Pour cela, on peut utiliser un but générique pour tous les PJ (par exemple, la quête de la pierre philosophale pour Démiurges, ou traquer les pécheurs dans DitV…). On peut également utiliser les buts personnels des PJ, mais pour cela, les PJ doivent être créés avant de pouvoir écrire le scénario. Quoi qu’il en soit, je pense que la création d’obstacles doit être adaptée aux PJ, du moins à leur background.

Pour Harry Potter JDR, je pense que la plupart des obstacles seront des PNJ antagonistes ou des situations X ou Y liées principalement à la scolarité des PJ et à leurs traits. En arrière plan, j’imagine une intrigue en filigrane et sans doute initiée par un antagoniste dangereux, genre un mage noir qui voudrait obtenir un truc pas possible dans le château de Poudlard.

J’imagine que les portes que l’on peut créer sont infinies de par leur diversité et dépendent fortement du type de jeu créé.
Je nomme les obstacles portes, car ils ont un lien intime avec les indices que je nomme clefs.

Bon, je ne sais pas si j’ai fini pour les portes, mais prochainement, je vous exposerai ma réflexion sur les clefs. ;)
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Message par baron samedi » 19 Avr 2007, 22:21

Salut Démiurge!

Tu as d'excellentes idées... En fait elles correspondent très justement à un auteur bien connu, Aristote, qui a écrit à ce sujet le classique de la tragédie structurée dans ses "Poétiques". Spécifiquement, la notion de héros tragique qui doit faire des choix déchirants de par ses responsabitiés, prend racine dans la notion d'harmatia: http://en.wikipedia.org/wiki/Hamartia

Sa vision de la tragédie comporte en gros 4 éléments:

1. Harmatia : une erreur tragique du héros qui l'amène à sa perte (ex. le deuil maladif de Hamlet, les doutes de Brutus envers César et son patriotisme déplacé, l'orgueil d'Othello);
2. Peripeteia: des revers de fortune qui l'accablent de plus en plus;
3. Anagorisis: la réalisation, par le héros, de l'événement dramatique qu'il a provoqué (ex. Hamlet voit sa mère mourir empoisonnée, Othello a tué Desdémone qui lui était fidèle, Brutus réalise qu'en tuant César il abandonne la république aux vauriens, Oedipe réalise qu'il a tué son père et se crève les yeux)
4. Une fin par la mort du héros ou d'un personnage central lié à son histoire*

* Ce dernier élément distingue la Tragédie du simple Drame. Ainsi, l'histoire d'Oedipe en trois pièces ne devient tradégie qu'à la toute fin.

Le système de conséquences des "Last Chronicles of Erdor" (v3) se base sur les travaux d'Aristote. Ce modèle, j'en construis un système formel de création de scénarios dans mon projet de JDR justement. Autant partager ces idées!

Je crois que cette théorie te serait très utile pour comprendre les périmètres du modèle de ce que constitue une tragédie, et à tous ceux qui s'intéressent à la structure de la tragédie en général. Et de même, pourquoi elle cadre si mal avec le JDR en général et sa prémisse "gnostique" de progrès personnel continu... comme l'explique éloquemment cet auteur théologien, Johanathan: http://jonathanscorner.com/tms/general/printer.html

Quelques liens utiles sur Aristote:

Un blog qui vulgarise le modèle des Poétiques
http://tartofrez.canalblog.com/archives ... index.html

Les Poétiques d'Aristote elles-mêmes
http://agora.qc.ca/reftext.nsf/Document ... r_Aristote

Le modèle d'Aristote adapté au jeu vidéo (anglais)
http://www.electronicbookreview.com/thr ... son/mateas

Des concepts clef en narratologie
http://en.wikipedia.org/wiki/Narratology
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http://www.silenceindigo.org
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Message par Frédéric » 20 Avr 2007, 01:13

Yeah, génial !
Merci pour cette intervention, Erick. Je tâcherai de lire tous ces liens qui m'intéressent au plus haut point !

Pour ma part, une bonne partie des références liées à la dramaturgie sont tirées de mémoire du livre « La Dramaturgie » d’Yves Lavandier. Excellent bouquin pour ceux qui s’intéressent à l’écriture scénaristique.
Frédéric
 
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Message par Frédéric » 21 Avr 2007, 01:00

Avant de poursuivre, je veux préciser une chose. Généralement, lorsqu’on crée une histoire, la fin est réellement importante. Mais j’ai souvent eu des scrupules à déterminer la fin exacte que devaient vivre les personnages, c’est pourquoi, j’ai rapidement proposé plusieurs fins possibles dans mes scénarios. Mais je crois aujourd’hui qu’il est plus intéressant de laisser les joueurs mener leur barque à partir d’un certain moment, lâcher la bride, quand les enjeux sont clairs. Que chacun prenne position, jouez vos PNJ, et laissez l’issue arriver d’elle-même. De la façon dont je l’ai timidement expérimenté à Harry Potter, j’ai bien senti que la « scène finale » du scénario était chargée de potentiel. Tant que l’issue ne convient pas à l’un des joueurs, on peut relancer les enjeux en prenant bien soin de compliquer l’affaire à chaque fois. Quoi qu’il en soit, il est important de ne pas prévoir la façon dont les PJ vont franchir une porte, ni s’ils vont la franchir. L’intérêt est le conflit et non la récompense. Vous remarquerez d’ailleurs que si un jeu comme DitV est peu versé dans les malus, il n’est pas fréquent d’obtenir des retombées d’expérience qui font « progresser » le personnage. On s’intéresse plus à ce qui ressort du conflit et comment ça a marqué ou influencé le personnage…



Les clefs

Prenons le cadre d’une enquête. Mis à part mettre des panneaux indicateurs de la marche à suivre, il est difficile de faire jouer des scénarios d’investigation aussi fun que les romans ou films du même genre, car si l’on respecte la liberté de choix du joueur, on ne peut pas préparer méticuleusement une découverte d’indices bouleversante à chaque étape. Dans un film, ou un roman, l’auteur a le temps de préparer bien méticuleusement son intrigue et surtout la façon dont le héro découvre les indices. Il peut ainsi simuler l’intelligence d’un personnage car il aura bien le temps de peser chaque possibilité, se documenter etc. Les pauvres joueurs, à moins d’être d’une perspicacité et d’une culture extraordinaire, auraient bien du mal à résoudre des enquêtes de fou furieux ou en plus généralement, le MJ décide de quand chaque indice peut être découvert.
Que fait-on si les PJ ne trouvent pas un indice ? Doit-on rester bloqués comme dans un jeu vidéo ? Doit-on s’occuper d’autre chose en attendant de revenir à la charge ? L’échec est-il possible ? Le modèle de l’enquête me semble particulièrement intéressant à résoudre, car il créerait une porte ouverte pour tous les styles d’intrigues.

On peut établir deux grandes catégories d’indices : les indices avantageux et les indices capitaux.
- Les indices avantageux permettraient aux joueurs de gagner un avantage sur un éventuel antagoniste, ou de se rapprocher plus rapidement du but. Ces indices peuvent être manqués sans problème, puisqu’ils constituent une sorte de bonus. Vous pouvez donc stimuler l’esprit ludique de vos joueurs avec ce type d’indices sans problèmes, à condition que ça fasse partie de vos orientations de jeu.
- Les indices capitaux sont sensés faire avancer l’enquête. Si on en rate un, il est fort probable que l’enquête tombe à l’eau ou piétine. Mais encore une fois, une des règles d’or d’une bonne histoire est la suivante : si un personnage s’ennuie, faites en sorte que le spectateur non. Les films contemplatifs utilisent un langage visuel très riche. Si l’histoire n’avance pas vite, les images et le son disent énormément de choses. Considérez donc que vos joueurs ne doivent pas être confrontés à des échecs quand leurs personnages le sont. Eventuellement, il pourrait être intéressant de considérer que si un personnage n’obtient pas un indice, il sera rapidement amené à éprouver un conflit d’une plus grande intensité dramatique. Si par exemple en interrogeant un indic, le PJ n’a pas obtenu l’indice qu’il désirait, il peut tenter de le revoir pour lui soutirer l’indice, mais cette fois, l’indic n’est pas tout seul…

---Petite parenthèse---
Il me semble que dans Afraid, de D. Vincent Baker, les joueurs prennent part à la création d’indices (ou les créent eux-mêmes). De même dans Aux frontières de R’lyeh ;)
Je tiens à dire que je trouve cela remarquable, même si cela me paraît tout à fait profitable aux jeux d’enquête, surtout sans MJ, je veux creuser davantage du côté où le MJ prend un plaisir machiavélique à pondre une super intrigue. Ne l’ayant encore jamais expérimenté, le peu de rapports de partie que j’ai eu le loisir de lire m’a étonné par sa fertilité scénaristique (dans le sens d’idées d’articulations pour faire avancer le récit), bien loin des lieux communs poncés et reponcés jusqu’à la moelle par les MJ. Bon, en même temps, nous les MJ ne sommes pas toujours aussi brillants que ce que l’on voudrait et surtout, on ne peut pas exiger des joueurs qu’ils le soient autant que Sherlock Holmes. Donc, cette méthode est sans doute excellente, mais ce n’est pas ce que je cherche ici ^^.

Pour moi un JDR n’a pas nécessairement besoin de MJ, d’ailleurs dans le jeu Psychodrame que je suis en train de créer avec Magali, il n’y a point de MJ. Donc, que les joueurs puissent prendre part à la création « live » du scénario me plaît beaucoup, mais me semble pour le moment difficilement partageable avec l’idée d’un scénario écrit à l’avance par le MJ.


Dans les métiers de la création narrative, il est généralement impossible de ressentir soi-même ce que l’on fait ressentir au public. Certaines activités comme le théâtre sont déjà moins avares de relation au public. Mais j’ai toujours considéré cela comme la malédiction des auteurs. Or, ce qui m’a fait revenir au JDR il y a quelques années, c’était le plaisir de pouvoir faire vivre mes propres histoires à mes joueurs, lire la surprise dans leurs yeux, le plaisir ou la peur. Bien sur, il s’agit d’émotions par compassion, les mêmes qui nous assaillent quand on plonge dans un bon film. Mais enfin, j’ai trouvé ce rapport à un public qui me manquait tant ailleurs. C’est en cela que même si ça ne fait pas tout, j’ai envie de développer une forme d’écriture scénaristique qui permet au MJ d’écrire des histoires dans lesquelles il déverse ses tripes, tout en respectant ce qui me semble aujourd’hui primordial dans le JDR : la liberté du joueur.
---Fin de la parenthèse---


Revenons à nos moutons
A mon sens, l’échec doit être une option pour les personnages, mais pas pour les joueurs. Car pour moi le plaisir du JDR est ailleurs que dans la simple résolution d’une enquête. De la même manière que je ne suis pas du tout friand des sanctions du type : « un personnage est ko, le joueur ne joue pas pendant ce temps », je n’apprécie guère les parties où en attendant de pouvoir trouver un indice qu’on a raté, on s’occupe d’autre chose (bon, encore, il y a des MJ qui meublent plutôt bien le hors scénar) ou on reste tout simplement bloqués. A quoi ça rime d’être mis hors jeu dans un JDR ? On n’est pas au ballon prisonnier ! Et même dans le ballon prisonnier, les joueurs hors-jeu continuent de jouer ! Dans un jeu comme les loups-garous de Thiercelieux, l’élimination progressive des joueurs fait que l’on fait tout pour ne pas perdre, mais rend le jeu particulièrement chiant quand à 20 participants, on est le premier à quitter la partie…
Bon, par contre, selon le type de jeu, la mort d’un PJ peut être tout à fait bienvenue, car d’un point de vue dramatique, ça peut être terrible ! Mais cette mort sera d’autant plus intéressante qu’elle aura un sens. Le PJ qui meurt en sauvant quelqu’un, classique, mais terriblement émouvant. Celui qui meurt d’une overdose, alors qu’il avait décidé de décrocher… sympa, aussi, non ? Finalement, j’ai l’impression que ce genre de choses arrivent plus souvent quand on ne les prévoit pas, mais que le moteur du jeu et de la partie s’oriente dans ce sens.

Je reviens aux clefs
On pourrait imaginer un contrat simple en MJ et joueur : à chaque fois que vous choisissez de suivre la voie de l’enquête, je vous propose un indice, ou plus précisément une « clef ». La différence est que l’indice sous entend que le joueur devra se décarcasser intellectuellement pour pouvoir faire avancer l’enquête, alors qu’une clef peut simplement permettre d’ouvrir une porte.
On peut même imaginer proposer un mélange aux joueurs : celui qui remporte le conflit choisit l’indice, ou même : une fois c’est le MJ qui donne un indice, une fois c’est un joueur (notons qu’il faudra au MJ une super capacité d’improvisation pour pouvoir lier son intrigue aux élucubrations des joueurs, sauf s’il n’a que des scènes et que les indices sont créés de toute pièce pendant la partie, comme de simples pivots au récit…)
Je ne sais pas encore si la clef doit être donnée automatiquement à la fin du conflit, quelle que soit l’issue, ou si l’on peut jouer sur l’idée de victoire ou de défaite… Seulement, avec un système comme celui de DitV, la notion de victoire ou de défaite est extrêmement floue. Gagner un conflit peut être vécu comme une défaite (genre le coup de mon personnage qui veut redresser une prostituée et qui finit par la tuer…). Donc, cela paraît possible et même plus intéressant de jouer dans certains cas les clefs à l’enjeu. Ainsi, la notion de victoire ou de défaite est directement liée à l’issue du conflit et à l’obtention ou non d’un indice. Ainsi, un indice raté n’est pas perdu, il est simplement repoussé à plus tard et c’est là que vous en profiterez pour compliquer le prochain conflit…
D’autres indices peuvent être révélés pendant ou à la fin de conflits dont l’enjeu n’est pas lié à la quête de clefs. En outre, les clefs peuvent être données simplement dans les phases de recherche, d’après le conseil de D. Vincent Baker : « Reveal Actively », je vous renvoie pour cela au thread suivant : http://www.silentdrift.net/forum/viewtopic.php?t=733

La nature des clefs
Les clefs peuvent être mises en scène par le moyen de personnages ou par des éléments du décor. Elles peuvent se trouver dans un endroit précis vers lequel on orientera les PJ, c’est le cas dans les scénarios prônant une maîtrise de forme « esprit pionnier » on peut également les organiser dans un ordre précis d’apparition, tel que c’est souvent agencé dans les scénarios favorisant « l’illusionnisme » ou le « participationnisme ». Cela demande, à mon avis, une grande réflexion. Disposer des indices sur un plan relève davantage du jeu, leur attribuer un ordre précis relève davantage du récit. Ce qui constitue un frein considérable à la liberté du joueur dans ce deuxième cas, c’est que les personnes qui écrivent ces scénarios tendent à détailler la mise en scène au point de prévoir comment les PJ vont arriver à tel indice, qu’est-ce qu’ils devront faire, qu’est-ce qu’ils ne devront pas faire, comment les empêcher de faire quelque chose qui les détournerait du scénar et surtout comment ils doivent finir la scène.

Je propose d’alléger considérablement la mise en scène, voire, de la réduire au strict minimum. Eventuellement, dissocier le cadre, les personnages, le décor et les clefs, afin de pouvoir jongler en fonction des décisions des joueurs. Mais dans ce cas, il est important pour les joueurs de savoir que lorsqu’ils mettront les clefs en jeu, ils pourront progresser dans l’histoire, alors qu’au sein des rencontres prévues dans le scénario, la plupart des clefs seront dévoilées progressivement (mais pas toutes).

Qu'est-ce qui poussera un joueur à mettre une clef en enjeu : savoir qu'un PNJ détient des infos, par exemple. Il est sans aucun doute, beaucoup plus efficace d'être clair sur la présence d'une clef dans un endroit ou chez un PNJ. Et un indice raté quelque part pourra se trouver ailleurs pour compliquer son obtention après un premier échec : après l'effraction des PJ, le propriétaire des lieux a déménagé dans un autre endroit et y a installé un système de surveillance...

Lorsque les clefs se trouvent dans un lieu, et que les joueurs décident de les y chercher, le mieux est sans doute soit de les « révéler activement » soit de jouer un conflit contre le lieu, contre ce qui s’y trouve, contre d’autres personnages qui recherchent les indices, contre des forces obscures qui veulent nous empêcher de le trouver etc. Finalement, l’indice est une clef particulière, c’est souvent une clef dissimulée.
Si l’on compare à un film. L’investigateur peut entrer sur le lieu du crime, il prend quelques renseignement, questionne les policiers, entre dans la pièce du meurtre, voit directement les traces de pas sur le sol, en déduit le type de chaussures que porte le meurtrier, ce sont bien les mêmes que celles de la dernière fois… (Révéler activement), mais il décide d’observer plus précisément la pièce. La lumière faible du lieu le gène, il prend donc une torche et observe du côté de la bibliothèque, poussiéreuse mais tout est en ordre, il fouille dans les cendres de la cheminée et découvre des pages qui ont été mal consumées (conflit, dont l’enjeu est l’indice). On peut imaginer que chaque succès de l’investigateur lui donne une piste et s’il gagne le conflit, il découvre l’indice. S’il ne gagne pas, il ne découvre pas l’indice, mais pourra revenir à la charge, ou le découvrir autrement. Finalement, s’il choisit la bibliothèque à la fin, l’indice pourra s’y trouver. Le MJ pourrait même simplement indiquer le contenu de l’indice quand le joueur aura décrit la forme de l’indice et comment il le trouve… mais bon, je ne suis pas trop fixé à ce niveau, concernant le partage d’autorité…
Pour faire simple, le MJ pourrait déjà modifier la nature de l’indice (et éventuellement son contenu) en fonction de l’endroit où il le trouve.

L’important est plutôt ce vers quoi l’indice oriente, plus que la manière de le trouver, si l’on veut que le scénario soit intéressant en tout premier lieu. Et pour que le récit soit intéressant, un conflit ferait sans doute tout à fait l’affaire.

Cela reste à tester et je compte bien le tester sous peu.

Maintenant, en revenant au concept élargit de « clef », le principe est simplement d’orienter les joueurs vers les « portes » qui sont les obstacles (également, dans le cas d'indices dissimulés, une clef peut orienter vers une autre clef, précédée d'une porte que sera le conflit qui permettra d'y accéder), ainsi, le MJ peut prévoir des relations entre plusieurs clefs et plusieurs portes tout au long du scénario et dévoiler sa petite manigance scénaristique en coup de théâtre ou progressivement. Je pense que la relation entre les « indices » doit être évidente au moment où l’on a les éléments en main. Dans un film, le scénariste se débrouille toujours pour qu’on ait tous les éléments de l’intrigue à la fin. Une confusion dans l’ordre peut être utile pour créer un effet de surprise ou de doute, mais une histoire dont il manque des bouts est une histoire foirée. Si une chose est arrivée sans que les personnages ne soient au courant, soit vous vous démerdez pour qu’ils l’apprennent plus tard, ce qui peut faire l’objet d’un indice intéressant, soit vous jouez une scène en off, que les personnages ne sauront pas mais les joueurs oui.

Et puis à quoi bon écrire une intrigue machiavélique si les joueurs n’en ont que la moitié ?

Donc, je préconise
1- d’écrire une intrigue en grandes lignes par une imbrication de clefs sans se soucier de la mise en scène
2- de faire créer les PJ par les joueurs (ça pourrait se faire avant l’étape 1, même)
3- de créer des situations initiales problématiques liées aux traits des PJ
4- d’ajouter un peu de décor et éventuellement d’ajouter un peu de liant à tout ça
5- de finir par une scène ouverte et arrêter de renchérir par de nouveaux obstacles et conflits quand vous êtes rassasiés.


Next time, les antagonistes ;)

P.S. : N'hésitez pas à me donner votre avis sur les choses que j'aborde ici (on pourrait éventuellement créer un thread spécialement pour ça, pour plus de lisibilité, qu'en penses-tu Artanis ?)
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Message par baron samedi » 24 Avr 2007, 18:13

Décidemment, Démiurge, nous naviguons dans les mêmes ondes...

Ce que tu décris avec les Clefs dans ton dernier post, ça correspond beaucoup à la dernière version des règles de mon JDR "Enigmatika" (dont Christoph a vu l'avant-dernière version). Ramasser des clefs pour déverrouiller des scènes et progresser à l'étape suivante... Faudra que je te l'envoie quand je l'aurai fini, mais entretemps je suis sur d'autres projets quasi-finis...

En fait, ce modèle s'inspire des boardgames qui constituent à mon avis d'excellents modèles pour les JDR nouvelle vague.

Trois ressources à découvrir absolument selon moi sous l'angle de la création d'histoires:

= Horreur à Arkham, le jeu de plateau de l'Appel de Cthulhu dans lequel les joueurs travaillent ensemble contre "le jeu", qui consiste à trouver des indices, éviter les monstres, fermer des seuils et empêcher l'éveil d'un Grand Ancien;

= Shadows over Camelot, idem, mais dans lequel les joueurs complètent des quêtes pour sauver Camelot avant que les envahisseurs ne la submergent;

= Enfin le JDR BURNING EMPIRES (Luke Crane, 2006), nettement mieux que Burning Wheel, qui incorpore la plus fabuleuse structure de campagne de JDR jamais vue: 18 séances décomposées en 3 actes avec des manoeuvres à atteindre, le tout avec compétition joueurs-MJ... Il est cher, mais son impact est incroyable niveau design.

Bonne continuation! Les clefs sont le salut!

Erick
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Message par Frédéric » 24 Avr 2007, 22:23

Merci Baron Samedi ^^
Ces exemples sont intéressants, je me documenterai là dessus !
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Message par Frédéric » 24 Avr 2007, 23:44

Les antagonistes

Je suis généralement assez hostile aux concepts manichéens pour leur portée puérile et religieuse. Du coup, mettre un méchant dans une histoire, bon, ben ça arrive… Mais ce qui différencie le méchant de l’antagoniste, c’est que l’antagoniste n’est en principe ennemi que du ou des protagonistes. Du coup, on peut s’amuser avec un personnage plus moral que les PJ qui se retrouve contre eux, alors qu’ils pensent œuvrer du « bon côté ».
Les antagonistes peuvent bien sur être plusieurs, qu’ils soient ensemble ou pas, une organisation, une personne… L’antagoniste peut être simplement en concurrence avec le ou les protagonistes, il n’a pas d’antipathie à leur égard (au début), ou bien il peut être viscéralement antipathique envers le ou les protagonistes.

L’important, c’est de définir son but. Ca peut aller de « veut découvrir la pierre philosophale (avant les PJ) » à « veut tuer tel PJ pour se venger ». Ensuite, on se demande pourquoi et ça suffit généralement à établir quelques traits pour ce PNJ. Note : les PJ peuvent être ou devenir antagonistes les uns envers les autres. Dans ce cas, c’est souvent très intéressants de les laisser se crêper le chignon, me semble-t-il. Vous n’aurez peut être même plus besoin de scénario…

Un antagoniste peut se révéler par un conflit ou peut être fabriqué pour l’être. Il suffit pour cela d’utiliser les traits des PJ et d’utiliser des traits en conflit ou des antipathies. Nous ne nous attarderons pas sur ceux qui se révèlent antagonistes, s’ils n’apparaissent que peu de fois, afin de nous concentrer sur le concept de « grand méchant » revu et corrigé. =D

L’antagoniste doit-il être un pivot parmi les autres ou peut-il être « l’ennemi récurrent » ?

A priori, si vous créez un antagoniste relativement puissant, les PJ auront beaucoup de mal à obtenir ce qu’ils veulent de lui. Un antagoniste faible prend le risque de se faire miter la tronche allègrement et de servir davantage de souffre douleur s’il est récurrent, plutôt qu’autre chose. L’un des problèmes relatif au PNJ récurrent, c’est qu’il ne doit en aucun cas devenir protagoniste à la place des PJ. En effet, à priori chaque PJ est le protagoniste de son joueur, même s’il peut être l’antagoniste d’un autre PJ.

Un PNJ peut donc apparaître à plusieurs reprises, il peut même évoluer pour rester concurrentiel face aux PJ, mais il ne doit pas leur damer le pion quant à l’importance qu’il prend dans le récit. Si un tueur sanguinaire cherche à massacrer tout le monde et que les PJ ne parviennent jamais à l’arrêter, il sera fatalement un antagoniste récurrent. Mais il faut permettre dès le départ aux PJ de lui régler son compte, pour cela, évitez les longues intrigues avec plusieurs confrontations de prévues avec ce PNJ, sinon, vous empêcherez toujours les PJ de lui régler son compte, simplement parce qu’il revêt le costume du super méchant et que s’ils le marravent à la première rencontre, votre intrigue est foutue en l’air. S’il est suffisamment puissant et que vous menez ses conflits avec poigne, il devrait s’en sortir au départ, mais il ne faut pas compter là-dessus et ne pas envisager la façon dont doit se terminer une rencontre avec ce PNJ. Vous pouvez lui attribuer des traits de sauvetage, éventuellement avec par exemple des collègues, amis ou bras droit qui ne manqueront pas d’utiliser l’hélico de leur boss ou leurs pouvoirs pour venir le secourir… ^^

Donc, la première chose importante pour un antagoniste principal et récurrent, c’est de déterminer son but et ne pas prévoir d’issues à chaque scène, mais simplement des situations initiales problématiques dont il pourrait être l’instigateur.

Par exemple, vous avez décidé que c’est ce PNJ qui a tué le père de tel PJ, qui a détruit telle forêt, demeure de tel autre PJ et qui veut réinstaurer un état religieux alors qu’un dernier PJ est un grand défenseur de la laïcité…

Maintenant la grande question est comment faire en sorte que les PJ découvrent qu’il est le coupable ? Je tenterai d’y répondre à la fin de ce post…


Les antagonistes sont souvent le moteur dans bon nombre d’histoires. En effet, ils luttent contre les protagonistes et c’est cela qui les fait réagir. Souvent, en JDR, les PJ n’ont pas de buts tant qu’on ne menace pas leur propre vie ou qu’on ne leur donne pas une mission… A part sauver les chats dans les arbres ou aider les mamies à traverser la route, les super héros n’ont généralement pas grand-chose à glandouiller. Les super méchants, incarnations de Satan (étymologiquement l’adversaire) sont là pour leur donner du super boulot. Dans ces mondes là, s’il n’y avait pas de méchants, il n’y aurait ni accidents, ni famines, ni crimes, ni délits…

Dans certains cas ça peut être pratique. Dans Harry Potter ou dans le Seigneur des anneaux, pour ne citer qu’eux, sans Voldemort, Saroumane, Sauron etc. les personnages apprendraient gentiment leurs sorts, couperaient des arbres et partiraient à la chasse entre amis…
Donc dans Harry Potter JDR, on peut imaginer qu’un mage noir voudrait pénétrer dans Poudlard pour y récupérer un objet rare et puissant (bon, je sais, je ne fais pas dans l’innovant).

Bon, jexagère un peu, car le principal dans les bouquins de J.K.Rowling, ce sont les mésaventures scolaires de Harry, comment sa célébrité lui joue des tours, comment les injustices que lui inflige son prof de potions lui donnent la rage, comment il viole le règlement pour pouvoir bénéficier d'une sortie scolaire etc.

Généralement l’antagoniste met un plan en œuvre. En effet, rares sont les histoires où le protagoniste ne subit pas et ne fait pas que réagir. Mais ça existe, les histoires dans lesquelles un protagoniste va tout faire pour obtenir quelque chose et va se heurter à des petits problèmes !
Vous pouvez donc définir ce plan. Puis vous avez deux options : soit préparer la façon dont les PJ vont découvrir ce plan (du coup, vous pouvez utiliser le principe des clefs et des portes), soit vous improvisez à partir du but du PNJ et des occasions données par les situations initiales et les PJ. (à vous de me dire ce qui fonctionne le mieux, vu que pour ma part, j’ai presque tout le temps préparé les indices de façon précise, jusqu’à maintenant). Dans le premier cas, les pistes permettant aux PJ de savoir ce qu’il se trame peuvent être considérées comme des clefs. Dans le deuxième, il faut exploiter les situations initiales problématiques pour permettre aux PJ de savoir ce qu’il se trame et leur permettre des affrontements.

- L’antagoniste met un plan en œuvre :
1- Le protagoniste ne le sait pas et doit réagir pour ne pas laisser l’antagoniste réussir et subir ses desseins.
2- Le protagoniste le découvre et peut tenter de le prendre à son propre piège. Certaines histoires fonctionnent sur ce mode (Innocence, de Mamoru Oshii, par exemple)

- L’antagoniste agit en fonction de son but (sans d’indices préconçus) :
1- Le protagoniste découvrira des indices rapidement (reveal actively), et un conflit avec l’antagoniste devra ensuite favoriser l’un ou l’autre des deux partis en guise de développement principal.

Les parties « illusionnistes » ou « participationnistes » permettent rarement d’offrir la liberté aux joueurs d’élaborer un plan, sauf si on prévoit à l’avance ce qu’ils devraient faire... Les parties « esprit pionnier » peuvent le permettre mais comptent sur la vivacité d’esprit des joueurs pour deviner au plus vite ce qu’il se passe et être plus malins que le PNJ.


Je pense qu’une formule qui conviendrait relativement bien au « Jeu de basse », ce serait de lier les situations problématiques à un antagoniste, ou à une société secrète ou ce que vous voulez. Les embûches que vont rencontrer les PJ seront causées par des PNJ qui sont liés à cet « antagoniste final » ou « boss » ^^. Les clefs données (reveal actively) ou gagnées (par conflit) pourraient également converger vers cet antagoniste.
Enfin, le but de l’antagoniste doit s’insérer dans le but des PJ. Si les PJ veulent sauver le monde, l’antagoniste veut le soumettre ou le détruire, si les PJ veulent arrêter la guerre, l’antagoniste voudra semer le chaos et mettre le monde à feu et à sang… bon, ce sont des exemples limite caricaturaux, mais ils illustrent bien l’idée.

Pour la partie d’Harry Potter dont j’ai fait le compte-rendu, mon scénario se résumait à :
- Un élève lance un sortilège de contrôle sur un autre élève somnambule, afin de voler dans les dortoirs de nuit.
- Quelques victimes : 1 a perdu son furet, 1 son balais magique etc. jusqu’à ce qu’un PJ se fasse voler à son tour.
- Le somnambule possède un pyjama grenouillère nounours en peluche (comme Lain) il pourra laisser de traces sur les lieux du crime.

Et voilà, j’ai laissé les joueurs décider de ce qu’ils allaient faire, ils ont rencontré un PNJ qui cherchait son furet, puis j’ai mis en scène une dispute entre élèves, à la suite de quoi ils ont découvert un autre vol (sans rapport avec leur succès au conflit, simplement, j’ai décidé qu’à l’issue de chaque conflit, ils découvriraient un indice, quelle qu’en soit l’issue), puis l’un des PJ se fait voler un objet cher. Et là, ils ont tout pris en main, ils ont interrogé des élèves, ils ont guetté dans les couloirs, ils ont découvert le somnambule, puis celui qui le contrôlait et un grand conflit s’est engagé (assez palpitant). C’était très cool !


Bon, ceci reste une base, on doit pouvoir la détourner de maintes façons. Et surtout, ce dernier point est facultatif. Vous n’êtes pas tenus de mettre un antagoniste principal dans votre scénario et chaque situation problématique peut donner son lot de PNJ antagonistes. Néanmoins, l’avantage de l’antagoniste (qui peut aussi bien être une personne, qu’une maladie qui se propage, une divinité etc.) c’est qu’il fait office de liant sur l’ensemble d’un scénario.
La question que je me pose est la suivante : cette idée de placer un « ennemi » ne force-t-elle pas l’engagement du personnage et du joueur et ne déroge-t-elle pas à la théorie de l’engagement ? Si on poursuit une crapule, c’est comme si on était payé pour suivre un scénar (le personnage en tout cas), ça justifie tout sans effort. C’est pourquoi les meilleurs antagonistes sont les antagonistes controversés. Et enfin, je vous dirais qu’il est cohérent de mettre un antagoniste récurrent quand les PJ ou le jeu lui-même s’y prêtent.

Un personnage attaché à son chien peut avoir des problèmes avec la SPA parce que des voisins entendent le chien pleurer, croient qu’il est maltraité… Il y a plusieurs antagonistes temporaires, mais pas nécessairement de « grand méchant ». Les voisins croient bien faire et les membres de la SPA font leur boulot…

Autre exemple : un PNJ très cruel, aimant manipuler les gens et les faire souffrir, si l’on se rend compte que c’est à cause de l’un des PJ qu’il est comme ça, ça peut être cool. Si les PJ n’arrivent pas à contrer ses arguments liés à ses considérations sur l’humanité, il a beau être abominable, que fait-on contre quelqu’un d’abominable qui a raison ?

Plus un ennemi est controversé, plus il fait poser des situations avec des problématiques du genre de ce que j’ai décrit plus haut, plus il sera question de choix, de sacrifices, plutôt que de victoire et de défaite.


La prochaine fois, je voudrais parler de la mise en scène. Sur ce point, je ne suis pas très au point, car je n’ai pas encore suffisamment d’expérience dans ces nouvelles formes de jeu pour pouvoir vraiment établir des principes…
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Message par Christoph » 30 Avr 2007, 22:18

J'aurais du y penser plus tôt, mais je n'ai pas l'impression que la forme choisie pour présenter tes idées fonctionne aussi bien qu'elle ne le pourrait sur ce forum.

C'est tellement vaste et global que je suis en train de me perdre dans mes propres notes pour te répondre, je pense que c'est un signe.
En effet, j'ai un tas de choses à dire sur les protagonistes/antagonistes, mais j'ai beaucoup de peine à le formuler d'une manière où je peux être sûr que cela sera pertinent.
Et je ne parle pas des clés/portes! (On a même déjà bouturé une de mes tangentes.)

Je salue ton effort de mettre des extraits de parties afin d'éclairer ton propos, mais je trouve que cela reste trop général.

Je pense de plus en plus que ce thread est une forme de thread de théorie: en effet, il ne concerne aucune partie en particulier, ni aucun développement de jeu précis.
Je reconnais qu'il a plus d'ancrages dans le concret que bon nombre de threads qui sont dans cette catégorie, mais je pense quand même qu'il soit exposé dans une grande mesure à la fragilité de ces threads.


Penses-tu pouvoir reprendre tes idées dans le cadre de développements de jeux et/ou d'exemples de parties, quitte à en faire un article (il me semble que ce que tu es en train de nous préparer passerait bien sous cette forme) une fois que tu es satisfait sur tous les points?

Sinon, contactes-moi par mail / message privé et on cherchera une autre voie pour me débloquer.
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Message par Frédéric » 30 Avr 2007, 23:41

Oui, je comprends tout à fait ce dont tu parles. Au départ, j'allais ouvrir un thread dans la rubrique "Théorie", mais étant donné que je tente de construire unace façon assez personnelle d'écrire des scénarios et de les faire jouer (genre, un truc dont je me servirai pour Démiurges et HP RPG), je préférais voir cela comme un développement de projet. Maintenant, c'est clair que j'essaie de faire le tour d'un certain nombre de choses qui me semblent importantes.

J'ai écrit un scénar pour Démiurges, dès que je l'aurai fait jouer, je le posterai, ce sera un bon support pour poursuivre la discussion ;)
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Message par Romaric Briand » 01 Mai 2007, 17:04

Je trouve tout cela tres interressant!
Je salue la clarté de ton discours (analytique ça! c'est du bon!).
Ce type d'article est à encourager.

Je ne connaissais pas du tout les règles dramaturgiques (voir du Aristote là dedans! c'est très interressant... en philosophie on ne lit pas ce livre là! ça semble être une belle référence).

Je suis sur de nombreux points d'accord avec tes techniques d'ecriture. Le passage sur l'antagonisme m'a particulièrement intérressé.
Un personnage de fiction souhaitant s'incarner dans la réalité... Les rolistes sont mes proies...
http://leblogdesens.blogspot.com/
http://sens.hexalogie.free.fr/
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Message par Frédéric » 01 Mai 2007, 20:54

Merciiii ! :oops:

Ca me va droit au coeur.

Concernant les antagonistes, je voudrais ajouter ceci : en relisant les scénars (bon, appelons cela scénar, même si ça ferait hurler certains puristes ^^) de DitV, je me suis rendu compte de D. Vincent Baker ne les construisait que par des suites d'actes ou d'intentions de PNJ (dont certains sont clairement des antagonistes) qui visent à faire éclater des conflits avec les PJ. Ca complète mon paragraphe sur les antagonistes ;)
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Message par Frédéric » 05 Mai 2007, 17:22

Bon, comme je n'ai pas le temps de vous faire un rapport de partie, je place ici un scénario que j'ai tenté d'écrire selon les principes évoqués dans le thread.

http://froudounich.free.fr/PDF/01-Telescopages03.pdf

Nous avons joué la partie hier soir et c'était assez fantastique.
Le seul problème, c'est que le système de résolution de conflits donnant lieu à des conflits pouvant s'avérer relativement longs, le fait que les joueurs n'aient quasiment jamais joué ensemble a rendu la partie partiellement fastidieuse par moments.
Sinon, mes joueurs ont été séduit par le système de résolution de conflits, deux d'entre eux avaient déjà joué à Démiurges version "classique". Le troisième a eu plus de mal à assimiler d'un coup le système de résolution de conflits + le système de magie imbriqué.

Par contre, les points forts ont été des scènes vraiment sympa de tentative de vérification qu'une culotte de Carrie Fisher soit authentique, une confrontation d'un PJ avec son double, une imbrication de plusieurs scènes qui démarrent séparément et finissent par se croiser, impliquant des PJ différents, une tentative de persuasion entre deux membres d'un même groupe (dont l'un est un des PJ)... Que du bonheur.
Une petite réserve de la part de mes joueurs sur le nombre de dés à lancer, mais à la fin de la partie, ceux qui se sont habitués étaient moins gênés.

Bon, finalement, ça reste un compte-rendu de partie, si tu veux le couper, Artanis... Néanmoins, il s'agit d'une mise en pratique de ce thread plut^^ot théorique... m'enfin, c'est toi le chef ;)
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Message par Christoph » 07 Mai 2007, 22:49

J'ai lu en vitesse ton document!

Veux-tu en parler en rapport avec la théorie exposée ici? Dans ce cas, ça pourrait faire un très bon sujet de développement, partie ou playtest, selon l'angle que tu désires mettre en avant.

Avec ce genre de discussions concrètes, je me verrais mieux participer de manière constructive à la discussion de ton article.

Dans ce thread-ci, je vois plus très clair, surtout avec ce document qui lancerait la discussion plus dans l'aspect application que le côté descriptif que tu as entamé avec l'article.

Comment est-ce que tu veux continuer? J'ai toujours mes notes sur les antagonistes si jamais.
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Message par Frédéric » 07 Mai 2007, 22:57

Moi-même je suis un peu embrouillé :P

Enfin, j'aurai sans doute un peu de mal à aborder moi-même sous un nouvel angle les points abordés ici, ce serait comme refaire une deuxième fois le développement.

Néanmoins, tout lien, toute critique, toute remarque concernant ce que j'ai bavé ici m'intéressent, qu'ils mêlent l'exemple de scénario à la partie théorique ou qu'ils ne traitent que de l'une des deux parties. Donc, j'accueille tes remarques sur les antagonistes avec grand plaisir.

On peut ouvrir un nouveau thread pour éclaircir un peu tout ça. Je pense que je parviendrais mieux à créer des liens entre théorie et pratique sur vos remarques, ça évitera un côté cours magistral que je ne veux pas donner à tout cela. ;)
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