Mon MJ n'est pas mauvais
Ce n'est pas la première fois qu'un MJ tombe dans ce travers.
Oui, autant pour moi, je ne fustige pas ton MJ, mais seulement la difficulté réelle qu'éprouvent grand nombre de MJ à laisser du libre arbitre quand ça va à l'encontre du scénario. Pour éviter cela, il faut être clair dès le départ, par exemple : mon scénar est linéaire, vous ne pourrez pas mourir bêtement, seulement dans un moment où ça se justifie du point de vue du récit...
Cependant ta reponse me boulverse
Je la trouve très engagée vers de nouvelles formes de JDR. N'est ce pas une fuite en avant ? Se diriger vers ce genre de jeu où ce type de problèmes ne se pausent pas est ce vraiment résoudre le problème pour le JDR classique ? C'est une question que je me pose de plus en plus en discutant avec toi...
Non, les jeux indie forgistes proposent des solutions, mais pas seulement par la forme narrativiste. Si tu joues à AD&D, le pitch est très clair et pour quelqu'un qui ne connaîtra le principe du med fan, ce sera facile à résumer. En général, les MJ se démerdent pour ne faire jouer que des groupes dont l'alignement est bon, ou que des mauvais, histoire qu'ils aient un minimum de raisons de ne pas se taper sur la gueule et de poursuivre une aventure côte à côte. Idem, pour Sens, les bugs forment la résistance, ils ont un but commun.
Par contre, si je parle beaucoup de narrativisme dans ce sujet, c'est bien parce que l'autorité du MJ y est moins grande que dans les formes habituelles.
Quand j'ai dit : "Un JDR dans lequel tu empêches de prendre parti, sauf si c'est convenu dès le départ, moi ça me saoule vaguement." Je voulais bien dire que si la contrainte était définie avant de jouer la partie ou au tout début, ça ne me gênait pas, et mon exemple "vous êtes un groupe destiné à devenir des héros, vous oeuvrez pour les gentils et vous devez punir les méchants" est très très fréquent, regarde les jeux de super héros, les Star wars, nombre de jeux med fan... C'est souvent une règle tacite, ou bien c'est mieux formulé, mais il est important pour les PJ de savoir afin de ne pas entrer en conflit contre le jeu lui-même.
Citation:
Un JDR dans lequel tu empêches de prendre parti, sauf si c'est convenu dès le départ, moi ça me saoule vaguement.
N'est pas ce qui est fait lorsque l'on pose des traits sur un personnage ? (je sais que tu aimes particulièrement cette idée de "traits" pour l'avoir lu sur toute tes fiches de personnage)
Il y a cette idée de Spinoza sur la définition : "définir c'est mettre des limites, borner un concept" Qu'est ce que définir un perso dans ce cas.
En fait je trouve que ton idée va à l'encontre même d'une fiche de personnage. Un trait t'empêche, par définition, de prendre parti.
Si j'ai le trait : "n'aime pas les alcooliques" cela m'empêche de faire des actes positifs envers les alcooliques. Cela m'empêche de prendre parti pour eux.
Ton idée est probablement de dire que tu voudrais qu'un joueur reste libre dans son personnage... mais est ce vraiment possible... il doit jouer son personnage et donc se plier aux contraintes.
Non, non, premièrement, c'est le joueur qui crée les traits de son personnage, c'est une première liberté et non des moindres, deuxièmement, tu n'es JAMAIS obligé d'utiliser un de tes traits, il est seulement un bonus. Et c'est ça qui est fort, tu peux très bien avoir un personnage possédant des traits qui vont se révéler en contradiction dans un conflit : par exemple : "Humaniste, cherche toujours à aider son prochain" + "déteste les alcooliques". Dans un conflit contre un alcoolique, le choix de traits à utiliser est d'autant plus important, et les retombées signeront ce choix : je vais augmenter davantage le trait que j'ai utilisé, ou diminuer l'autre, pour redessiner le relief de mon personnage.
Citation:
De plus, l'intérêt des PNJ controversés, c'est bien de nous mettre face à des situations ambigües et donc à des choix. De plus, le gars qui a écrit que l'empereur buttait des gosses a bien écrit ça dans le but de nous faire réagir nous, petits occidentaux et non pas les chinois du XVè siècle.
Mais réagir ainsi, c'est jouer mal !
Non, car il y a une différence entre crédibilité et réalisme. Pour moi, la réaction que tu as eue, face à cet empereur est tout à fait crédible, maintenant, qu'elle soit réaliste, nous serons toujours en défaut par rapport à cela et je ne me base jamais là-dessus pour une partie de JDR parce que c'est chiant pour tout le monde. Et pourquoi pas rayer tout le vocabulaire français qui n'a pas de traduction parfaite en chinois ; mieux ! Pourquoi ne pas jouer en chinois ?! Ca peut aller loin ! Tu vois la débilité du truc ? Alors certes, tu peux demander à tes joueurs de se renseigner sur la chine, moi je ne le ferai pas. Le joueur doit-être libre en venant jouer, de ne rien savoir du jeu avant que le MJ le lui explique, je sais que tout le monde ne pense pas comme moi, mais ça me paraît la meilleure façon de "faire jouer". Le JDR n'a pas besoin de contraintes supplémentaires pour restreindre le champ de ses utilisateurs !
Donc, pour moi, ton MJ aurait du t'exposer le code moral des Qin avant le début de la partie. Mais si celui-ci est plus fort que tout et qu'il est prévu dans le livre des règles, alors, bien sur, ton choix n'est pas valide. Et je trouve cela dommage. Dans Dogs in the Vineyard, les PJ sont des juges-prêtres-mormons, proteurs de la foi. Ils traquent le péché pour donner un jugement sur le terrain. Mais rien ne les empêche de pécher eux-mêmes et ça donne beaucoup de saveur au jeu. Maintenant, un Qin qui va à l'encontre de son code d'honneur pour conspuer un empereur verreux contrairement à tous ces lèche-bottes asservis... moi je trouve ça beau. De tout temps, il y a eu des gens opposés au pouvoir, et même des traitres. Ce qu'il faut c'est mettre en scène les conséquences de ce choix, encore une fois, si on veut centrer le récit sur les personnages et non sur le scénar écrit à l'avance.
Citation:
A moins que tu lises un résumé de tout ce que tu dois penser à tout moment en tant que PJ de Qin, ce qui serait extrêmement limitatif et... naze.
Mais c'est exactement ce que l'on doit faire. Bien jouer : c'est respecter les contraintes d'un univers et de la psychologie de son perso.
Si on perd cette idée alors on obtient un effet pervers :
- la notion de théatre disparait et avec elle l'idée de rôle.
Le problème reste entier.
Il faut vraiment qu'on discute de tout ça.
J'ai l'impression que ta récente adhesion au narrativisme va te faire perdre le jeu de rôle. La solution n'est pas forcément dans cette fuite en avant. (ne le prend surtout pas mal... en plus je dois faire erreur )
Alors premièrement, le rôle de JDR ce n'est pas le role play. Tu peux parfaitement jouer un personnage en parlant de lui à la troisième personne : "il fait ça", "il dit ça" etc. Tu déplaces ton perso comme un pion, certes, mais tu continues à déplacer un personnage selon des choix inhérents au fait que tu joues un personnage dans un univers fictif. Pour moi ça reste du JDR.
Mieux encore. Dans les postures décrites par Joseph Young, les postures d'auteur et de metteur en scène font que le joueur peut prendre des décision et faire des descriptions qui vont au delà de la simple interprétation théâtrale de son personnage : par exemple : "Jude se sent extrêmement triste devant la nouvelle qu'on lui a annoncé, il va chercher son père à l'étage et lui annonce avec fracas la terrible nouvelle qui l'abassourdit. Il ne dit pas mot pendant un moment, puis lève un regard triste et dit à Jude : "sauve-la... je t'en prie!""
Imagine que cette phase narrative soit faite par un joueur. Ne sommes-nous plus dans du JDR ? Est-ce du role play ?
Le terme role play est utile uniquement dans une forme immersive du JDR où bien souvent le joueur voit par les yeux du personnage, et devrait même penser ce qu'il pense. Mais un JDR peut être tout aussi intéressant avec peu ou prou d'immersion. Car les turpitudes du récit n'ont pas besoin d'être à la première personne pour être intéressants.
Souvent, même la dramaturgie est plus forte à la troisième personne ! Dans un roman, dans un film ou dans une peinture, le personnage n'est pas je (on n'est pas en caméra subjective durant tout un film) et c'est par compassion que l'on s'identifie et que l'on s'attache (et qu'on s'illusionne woh woh...) et que l'on pâtit avec le personnage. On est souvent plus triste pour un proche qui souffre que pour notre propre souffrance.
L'immersion est formidable pour les jeux d'angoisse et d'horreur, mais on peut prendre son pied autrement ! Et surtout, le JDR n'est pas que le role play.
Maintenant, mes joueurs qui sont des vieux de la vieille ont trouvé que notre récente partie de Démiurges narrativiste faisait vraiment la part belle au role play et ça leur a plu (ils n'avaient jamais joué à des jeux narrativistes avant). Mais on aurait pu jouer sans roleplay, ç'aurait pu être intéressant aussi. Ce que je cherche à te dire là, c'est que le role play n'est pas indissociable de la proposition créative narrativiste et surtout n'est pas ce qui fait le JDR.
A mon sens, le rôle doit être fixé en partie par le pitch du jeu, et en grande partie par le joueur. Et comme précisé plus haut, plus tu donnes de responsabilités à tes joueurs, plus ils seront garants de la cohérence de leurs actions et de leur rôle, car n'est pas garant de tout cela seulement le MJ, mais toutes les personnes autour de la table, y compris celle qui est concernée.
Tu peux pousser plus loin tes interrogations, je ne suis pas rassasié ;)
Et Artanis, bien sur, n'hésite pas à recadrer mes abus de langage ;)