Synesthésie paradoxale

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Synesthésie paradoxale

Message par Frédéric » 23 Mars 2009, 12:04

Pour tenter de développer le principe de synesthésie, voici un petit rapport de partie :

Le jeu : Delta Green
Scénario : l'héritage Greenberg

Nos personnages menaient l'enquête autour de divers évènements qui ne semblaient pas avoir de lien entre eux, disparition de fourgon qui transportait du sang pour une clinique privée, une explosion dans un immeuble désaffecté...

Nos personnages ont suivi une piste qui les a menés jusqu'à la maison en pleins bayous, d'une famille de paysans connue pour sa dangerosité.
Nos personnages découvrent un souterrain suintant de pétrole dans lequel ils s'engagent, là, ils se font tirer dessus par ces dégénérés consanguins, ça part en vrille, puis les PJ croisent un gars bizarre avec des tatouages et des membres dans des angles pas naturels, jets de SAN, échecs, pris de panique, nos PJ s'enfuient, ce qui leur sauvera la vie face à l'explosion qui anéantira l'instant d'après la maison et ses sous-sols.

Le MJ nous a dit à la fin de la partie que nos personnages avaient oublié la scène du gars avec les tatouages à cause du choc psychologique. Et que c'était heureux, parce que sinon, les dégâts psychologiques auraient été plus importants.

Qu'avons-nous donc fait la partie suivante ?

Une séance d'hypnose pour se rappeler la-dite scène !

En effet, nos personnages avaient un trou de mémoire, ça nous semblait logique qu'ils dussent chercher à se rappeler les évènements manquants.

Mon personnage était le cobaye : j'ai, en tant que joueur, fermé les yeux, les autres me posaient les questions que leurs personnages posaient au mien, et avec le soutien du MJ, j'ai rejoué les émotions qu'aurait du ressentir mon personnage et j'ai décrit ce qu'on me demandait de décrire...
résultat, le PJ hypnotiseur s'est mangé une perte de SAN supplémentaire dans les dents, ça a permis à nos PJ de faire des recherches qui n'ont pas abouti.

Nous (joueurs) avons vécu une scène d'une rare intensité, nous étions très motivés à la jouer, le MJ lui-même s'est régalé, bref, un grand moment.

Pendant un roleplay entre PJ, l'idée a été lancée de tenter l'hypnose pour se rappeler l'évènement manquant. Suite à l'approbation du groupe, on a lancé la scène, joueurs et MJ. (L'idée est celle des joueurs, elle a été véhiculée par les personnages, via l'interprétation en roleplay de cette scène qui précédait la scène d'hypnose).
Je vais tenter d'analyser les deux niveaux synesthésiques de l'initiation et de la mise en œuvre de la scène (niveau utilitaire et niveau sympathique) :

- Utilitaire : ce qui nous a motivés à jouer cette scène, c'était de nous mettre à la place de nos personnages et de chercher ce qui était le plus cohérent pour eux. La motivation des joueurs était donc de créer une scène qui a pour but d'enrichir la cohérence et la crédibilité de la fiction et cela passait par "que feraient logiquement nos personnages ?". Et une certaine excitation nous a pris quant aux conséquences que cela allait engendrer. Pendant la scène, c'était du même acabit.

- Sympathique : là c'est plus complexe, nous jouions nos personnages avec la motivation de trouver quelque chose d'intéressant, alors que nous possédions, nous, joueurs, déjà ces informations et ce n'était pas un indice capital, juste un peu de bizarrerie qui ne s'est pas avéré capital pour l'enquête. Encore une fois, ce qui a amené la scène me paraît assez proche de ce qui s'est produit pendant la scène.

Il s'agit ici d'une synesthésie de motivation, mais je pense que la synesthésie peut se jouer sur d'autres plans.

Qu'en pensez-vous ?

P.S. : Je dis souvent "nous", alors que la plupart des motivations que je décris, bien que je les ressentais, je ne peux être sûr que les autres les partageaient. J'interprète par rapport à ce que j'ai perçu pendant la partie et par rapport aux discussions hors jeu que l'on en a eu ensuite.
Si cela pose problème, imaginez simplement que je décris uniquement mes motivations et mes justifications, plutôt que celles du groupe.
Frédéric
 
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Message par Christoph » 23 Mars 2009, 23:48

Hello Fréd

Je pense que je suis d'accord avec ton analyse!

A quel niveau vois-tu l'utilité de cette approche? Est-ce qu'on est en train de faire de la "recherche fondamentale" juste pour savoir de quoi est fait l'expérience rôliste et éventuellement en tirer quelque chose de pratique dans 50 ans, ou est-ce qu'il y a quelque chose d'immédiat à en tirer pour l'application pratique?

Les deux m'intéressent, mais j'ai encore du mal à voir où cela peut mener, donc comme c'est toi qui a lancé le concept, ton avis sur la question m'intéresse et orientera probablement mes prochaines participations.
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Message par Frédéric » 24 Mars 2009, 00:23

Hmmmm, question intéressante !

Ce qui m'a poussé à écrire le premier thread sur la synesthésie, c'est que j'ai l'impression qu'une bonne partie de ce que j'aime et de ce qui bloque dans mes parties de JDR est lié à cela.

Par exemple, le thread : Désaccords au sein d'une même démarche créative ?
Par le filtre "synesthésie", je pense qu'en tant que joueur, les phases de roleplay pur, en roue libre et sans "enjeux narratifs" manquent cruellement de synesthésie à mon goût.

De la même façon, lorsque les joueurs spéculent sans produire de "fiction active" (là j'emploie des termes hasardeux pour ne pas risquer trop de contre-sens avec des termes existants et que je ne maîtrise pas trop dans ce contexte. Je veux dire par là : des évènements dans la fiction et non pas de l'anticipation collective d'évènements), comme on commence à en parler dans le thread : Sens Renaissance : Bluesky - Mais avancez, merde !

J'imagine que certaines techniques ou principes (notamment les démarches créatives GNS) doivent pouvoir permettre d'augmenter la puissance synesthésique d'une partie (woah, comment ça pète !).
Mais après, si on bloque sur l'application, ça peut être intéressant à développer quand même (mais j'avoue que je serais un peu moins motivé).
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Message par Frédéric » 24 Mars 2009, 00:36

Ah, je viens de penser à un truc : dans mon game design de Démiurges, j'ai mis en place un grand nombre de techniques qui valent parce qu'elles apportent de la synesthésie. Je développerais bien là-dessus, mais le problème, c'est que c'est plus théorique qu'autre chose, puisque je ne les ai jamais expérimentées en tant que joueur, puisque je suis le seul MJ existant à mon jeu... (normal tant qu'il n'est pas publié).

A titre d'exemple :
Si mon score d'action est inférieur au niveau de difficulté à atteindre pour réussir une action, en tant que joueur, j'ai plusieurs possibilités pour transformer l'échec en succès :
- utiliser des traits en dépensant des points pour gagner des bonus
- tenter d'ajouter de la narration pour gagner des points bonus distribués par le MJ
- Lancer un dé.

Le fait d'avoir toujours ces 3 possibilités, met le joueur en situation de choix, ce qui l'implique davantage dans l'action de son personnage.
Par exemple, le joueur, s'il choisit de lancer le dé, sait que si en ajoutant le score du dé à son score d'action, il n'atteint toujours pas le niveau de difficulté, il provoque un désastre. (Il subit un échec critique). Le choix de lancer un dé signifie donc une prise de risque qui justifie le fait que ce lancer soit occasionnel, ce qui ajoute un intérêt aux autres possibilités : elles sont plus sûres, mais elles sont limitées quantitativement et ne répondent pas à toutes les situations, etc.

J'aimerai développer un exemple de synesthésie à partir de mon système, mais ce serait un peu spéculatif, à moins que quelqu'un me fasse jouer... ^^
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Message par Christoph » 24 Mars 2009, 16:29

Salut

Je décèle dans ta façon d'utiliser le terme synesthésie une grande divergence avec ce que j'en ai compris.

Je résume: pour moi, la synesthésie c'est le rapport entre les niveaux sympathique et utilitaire.

Toi tu dis que certaines parties manquaient cruellement de synesthésie. Est-ce que ça veut dire qu'il n'y avait juste pas de rapport entre les deux niveaux (comment est-ce possible)? Ou que le rapport tel qu'il existait n'était pas à ton goût, dans quel cas j'aurais plutôt tendance à dire qu'il y avait de la synesthésie, mais pas comme tu la voulais?

Quant tu dis que tu imagines que certaines techniques ou principes doivent permettre d'augmenter la puissance synesthésique d'une partie, j'ai du mal à voir en quoi tu dirais autre chose que le fameux "le système est important". L'exemple de Démiurges est pour moi essentiellement une expression du fait que le système est important.

Et visiblement tu ne crois pas à la synesthésie du côté du MJ, malgré mon exemple dans le fil où tout a commencé.


Je crois qu'il faut qu'on se synchronise là-dessus parce que sinon on ne communiquera rapidement plus du tout. Je propose d'en rester à l'exemple de Delta Green, que nous n'avons pas exploité autant que possible.
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Message par Frédéric » 24 Mars 2009, 17:49

Ok !

Quand je parle de puissance synesthésique, c'est uniquement qualitatif. D'une certaine façon, repérer l'absence de synesthésie voudrait sans doute dire qu'on ne pratique plus le JDR.

Donc quand je dis que certaines parties manquent cruellement de synesthésie, ça signifie : le plaisir de jeu est faible.

Maintenant, y a-t-il différents niveaux d'intensité synesthésiques ?
Je ne peux pas trop y répondre, car c'est sans doute très subjectif... Mais j'ai l'impression qu'on peut, de manière individuelle et subjective, lier le plaisir que l'on prend dans une partie à des niveaux d'intensité de cela.
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Message par Frédéric » 25 Mars 2009, 02:39

Ah, et j'oubliais : Si, je pense qu'il y a une synesthésie pour le MJ, seulement, je pense qu'elle est souvent très particulière.

J'essaye de réfléchir également à ce qui se produit pendant une partie de Prosopopée.

Je pense qu'en terme de game design, se poser la question des phénomènes synesthésiques, notamment dans la création du système peut permettre d'éviter les systèmes un peu mous comme BASIC et autres.

C'est ce que je cherche à produire depuis que je suis sur ce forum, mais je n'avais jamais mis le mot dessus. Qui sait, peut être qu'on trouvera des outils intéressants via ce concept...

Il me semble qu'il pourrait être intéressant de se demander pour d'autres threads, comment augmenter la qualité synesthésique d'une partie.
Par exemple, je pense que Dogs in the Vineyard produit une synesthésie plus intense que le système BASIC (bon, je ne me mouille pas trop, hein ? :D ), pendant les résolutions de conflits ou d'actions. Cependant, les techniques de maîtrise et de scénarisation (mise en scène, situations etc.) peuvent également influer sur la qualité de la synesthésie...
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Message par Christoph » 30 Mars 2009, 01:28

Hello

Question très théorique, mais essentielle pour ne pas réinventer la roue:
    Est-ce que le concept de Postures introduit pas Ron Edwards ne recouvre pas en grande partie ce que tu essayes d'exprimer, avec d'autres mots?
Finalement, les Postures décrivent la manière dont un joueur prend des décisions pour son personnage.

Dans ton rapport de partie, le fait que vous décidiez, en tant que joueurs, de jouer l'hypnose est un cas complexe, qui relève dans un premier temps de la posture d'auteur: vous pensez que ça fera une scène géniale et donc vous justifiez la séance d'hypnose par le désir de vos personnages de se souvenir (vous auriez pu justifier au contraire que vos personnages ne se rendent pas vraiment compte, qu'ils mettent ça sur le compte du stress et puis basta).
Dans un deuxième temps, ton personnage ne se souvient de rien de manière consciente, bien qu'il ait gardé les traces de l'événement. Essentiellement, vous avez déterminé que l'hypnose ouvre l'accès à ces connaissances et tu as joué le souvenir de ton personnage en te basant uniquement là-dessus. Donc posture d'acteur.


Je dois dire que je ne suis qu'à moitié satisfait du concept de posture, car je le trouve trop peu puissant. Ron écrit: « Les gens changent fréquemment de Posture, sans même délibération ou réflexion. »
Que peut-on dire alors? Est-ce que ça vaut la peine d'en parler? Est-ce un symptôme? Mais alors, que se passe-t-il dans le fond? Quel est le fil rouge? Est-ce que si on connaît le fil rouge, la posture en découle-t-elle de manière évidente ou reste-t-il toujours un choix?
La synesthésie peut peut-être aller plus loin.


Je soupçonne qu'on doit réfléchir à la manière dont on prend nos choix dans cette discussion de la synesthésie pour être vraiment pertinents. En effet, il y a peut-être un niveau sympathique et un niveau utilitaire, mais le joueur doit bien prendre une décision quant à leur interaction pour s'exprimer en jeu.

Je trouve troublant que la synesthésie "harmonieuse" (deux niveaux très similaires) ressemble fortement à la posture d'acteur, et que les positions plus ambiguës aillent chercher du côté de la posture d'auteur, voire metteur en scène (la différence entre ces deux postures me semble être essentiellement une question de droits de contrôler autre chose que juste son PJ).


Cette idée m'est venue en essayant de classer tes actes dans cette partie de Delta Green entre les niveaux sympathique et utilitaire. Peut-être que tu devrais toi aussi faire l'exercice pour voir si tu arrives aux mêmes conclusions.
Christoph
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Message par Frédéric » 02 Avr 2009, 15:35

Concernant les postures, de ce que j'en ai compris, il s'agit de catégorisations fonctionnelles :
- j'ai autorité sur mon personnage, je ne sais rien de plus que lui
- j'ai autorité sur mon personnage, mais j'en sais plus que lui
- j'ai autorité sur mon personnage, j'en sais plus que lui, mais j'ai aussi l'autorité sur des éléments du monde

J'utilise beaucoup les différentes autorités (résultat, contenu, intrigue, révélation) dans mes game design et en tant que MJ pour ajouter des espaces de créativité ou pour augmenter l'appropriation du personnage par le joueur, mais les postures, je ne les ai jamais trop utilisées.

Je dirai que la synesthésie apporte une idée qualitative de cette relation entre le joueur, son personnage et l'exploration.
Ce qui m'a poussé à écrire mon premier thread à ce sujet, c'est l'impression que je m'éclate en JDR quand il y a une forte synesthésie. Et que parfois, je m'ennuie et j'ai l'impression que la synesthésie est très faible.

Je ne suis absolument pas fixé sur l'emploi de terme "fort" ou "faible" car je pense qu'il y a quelque chose de plus subtil à trouver.

L'un de mes doutes, c'est : puisque les théories forgiennes ne s'attachent qu'à décrire ce qui est analysable pendant les parties de JDR, qu'en est-il pour la synesthésie ?
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Message par Meta » 02 Avr 2009, 17:06

Frédéric (Démiurge) a écrit :Concernant les postures, de ce que j'en ai compris, il s'agit de catégorisations fonctionnelles :
- j'ai autorité sur mon personnage, je ne sais rien de plus que lui
- j'ai autorité sur mon personnage, mais j'en sais plus que lui
- j'ai autorité sur mon personnage, j'en sais plus que lui, mais j'ai aussi l'autorité sur des éléments du monde


Quid du cas récurrent où j'en sais moins que mon personnage (ce qui arrive tout le temps, en fait) ?
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Message par Frédéric » 02 Avr 2009, 19:15

Je ne suis pas très au fait concernant les postures, mais je crois que ce que le PJ sait et que le joueur ne sait pas ne concerne pas cette branche de la théorie. Enfin, Christoph me corrigera si je me trompe...

Autrement, ça me semble rejoindre l'article de Romaric sur le roleplay. (Il l'avait écrit comme un article sur le JDR, mais je pense qu'en réalité il se concentre uniquement sur l'incarnation et l'interprétation du PJ par le joueur).

Et je n'ai pas spécialement d'idée sur comment cette différence entre les connaissances du PJ et du joueur peuvent apporter à la synesthésie (ce qui ne veut pas dire que ce n'est pas le cas), du moins dans le sens que tu décris.
Frédéric
 
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Message par Meta » 03 Avr 2009, 06:02

Frédéric (Démiurge) a écrit :
Et je n'ai pas spécialement d'idée sur comment cette différence entre les connaissances du PJ et du joueur peuvent apporter à la synesthésie (ce qui ne veut pas dire que ce n'est pas le cas), du moins dans le sens que tu décris.


En fait, c'est plutôt un problème : c'est à dire que le joueur aura du mal à devenir et éprouver le fait d'être physicien nucléaire s'il ignore tout des connaissances du personnages. Il va fantasmer ce que c'est, évidemment, et la synesthésie va exister, mais ce sera peut-être plus difficile.
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Message par Christoph » 03 Avr 2009, 23:53

Salut

Les postures (en tant que concept théorique) existent depuis plus longtemps que les autorités. Ce que tu décris, Frédéric, ne recouvre pas vraiment les postures. Je les reformule peut-être avec mes mots:
  • acteur: le joueur prend ses décisions en fonction des connaissances du personnage
  • auteur: le joueur prend ses décisions en fonction de ses propres connaissances et ajuste les motivations de son personnage pour rendre les choses crédibles (s'il n'y a pas cette étape de justification, on parle de marionnettiste)
  • metteur en scène: le joueur prend ses décisions en fonction de ses propres connaissances et ajuste l'environnement pour rendre les choses crédibles
On ne se pose donc pas la question de qui en sait plus que qui, ni quelles sont les formes d'autorité impliquées et le metteur en scène a des pouvoirs qui dépassent le personnage.

Je propose donc d'oublier le concept d'autorité pour l'instant. On garde la question de la relation entre personnage et joueur (plutôt que Univers et joueur par exemple), car ton rapport traite d'un tel cas. Je pense que dans l'absolu, la synesthésie peut très bien s'appliquer à la relation entre joueur et "ce par quoi il s'exprime dans l'espace imaginé et partagé".


Tu veux savoir si la synesthésie est analysable, je suis justement en train de te demander si mon analyse de la synesthésie est valable à tes yeux. Tu n'as pas vraiment dis ce que tu pensais de mon analyse, je ne peux donc pas continuer. Je reformule.

Le point important dans ma question c'est la manière dont un joueur prend ses décisions.

Je parle de posture parce qu'en essayant de comprendre ta vision de la synesthésie, j'ai repris ton rapport et j'ai commencé à diviser les différents moments selon les deux niveaux (sympathique et utilitaire). Je voulais atteindre une plus fine granularité que ton analyse, juste pour voir ce que ça valait.

Regardons ce que donne la séquence qui mènera à l'hypnose:

Niveau utilitaire (j'interprète et simplifie un peu, corrige-moi si nécessaire): tu avais envie de jouer une scène d'hypnose.
Niveau sympathique: les personnages sont soucieux de récupérer leur mémoire.

Le niveaux utilitaire est à mon sens clairement dominant dans ce cas: c'est parce que tu avais envie de jouer une scène d'hypnose que tu as décidé que ton personnage était soucieux de retrouver ses souvenirs. (C'est un point crucial de mon argument, j'aimerais que tu le confirmes ou le réfutes.)
En effet, si tu n'avais pas eu envie de jouer une scène d'hypnose, tu aurais pu décider que ton personnage mette le blanc sur le compte du stress ou qu'il ne s'en rende même pas véritablement compte.

La manière de prendre ta décision (je continue à mettre des mots dans ta bouche!) consistait donc à penser à ce qui serait sympa comme scène et tu ajustais les agissements du personnage en conséquence. C'est très clairement la définition de la posture d'auteur.
Que se passe-t-il chez nos deux niveaux? L'utilitaire dictait sa loi au sympathique. D'une certaine manière, ils sont donc antagonistes ou pourquoi pas paradoxaux (comment entends-tu ce terme? tu ne le précises pas dans le message).


Ensuite, il a été décidé (à quel niveau? je ne sais pas, j'ai envie de dire que cette décision ne fait pas partie de la synesthésie, mais je me trompe peut-être) que la mémoire de ton personnage était à nouveau accessible. Ceci constitue la deuxième séquence de l'hypnose à proprement parler.

Niveau utilitaire: jouer ton personnage comme si tu étais lui.
Niveau sympathique: je me souviens! je déballe tout! au secours!

Quel était le niveau dominant à ce moment là? J'ai bien envie de dire que le niveau utilitaire a donné carte blanche au niveau sympathique.
D'où ma réflexion que la posture d'acteur ressemble furieusement à la synesthésie "harmonieuse".
Remarquons aussi qu'il n'y avait pas vraiment de décision à prendre, si ce n'est dans la manière exacte de formuler la narration de ton personnage. On pourrait argumenter que la première synesthésie a permis la seconde, qu'il y a donc une sorte d'imbrication ou de hiérarchie, mais je pense que c'est mieux de garder ça pour plus tard, quand on aura une définition commune du concept.


Est-ce qu'on parle encore de la même chose Frédéric, si j'applique l'analyse à ces séquences plutôt qu'à la scène entière?


Je montre que la correspondance entre les niveaux de la synesthésie se trouverait au moins en partie dans la manière dont le joueur prend ses décisions (la seule chose analysable, les deux niveaux étant a priori inaccessibles faute de lecture des pensées). Ou peut-être lequel des deux niveaux domine le processus de décision? Ou est-ce que d'un niveau découle l'autre?
Il y a donc un lien avec les postures qu'il me semble utile de clarifier. Je soupçonne que selon la relation exacte entre les deux niveaux de la synesthésie, on peut décrire les choses plus précisément qu'avec les trois postures.
Je n'essaie donc surtout pas de dire que nous n'avons pas besoin de synesthésie, mais plutôt je me demande si la synesthésie peut remplacer avantageusement les postures!

Est-ce que j'ai bien appliqué ta définition de la synesthésie? Est-ce que je l'ai déformé jusqu'à arriver à quelque chose que tu ne reconnais pas comme étant la synesthésie?
Est-ce que la manière dont le joueur prend ces décisions pour jouer son personnage est important ou est-ce un détail?
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Message par edophoenix » 04 Avr 2009, 16:32

Salut !

Le dernier post de Christoph m'inspire une question à propos de la synesthésie dans ta partie, au niveau des perceptions :
Est-ce que ton concept de synesthésie s'applique à ce niveau-là ?
( par exemple, dans la scène où tu as les yeux fermés pour répondre aux questions, tu percevais la même chose que ton personnage hypnotisé (qui avait les yeux fermés aussi ?) : donc cela donnait-il une plus forte synesthésie entre ton personnage et toi ? )
"Le Paradis, c'est un roman devant un bon feu ! " - Théophile GAUTHIER.
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La ludologie, c'est bon, mangez-en !
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Message par Frédéric » 07 Avr 2009, 02:48

Christoph : Je pourrai très légèrement pinailler quant à tes interprétations, mais dans l'ensemble tu vises juste.

L'idée qu'un niveau de la synesthésie puisse être dominant ou découler de l'autre me plait beaucoup. Je pense qu'il y a quelque chose d'important là dedans.

Pour le terme paradoxal, je ne pense pas qu'il soit le meilleur, je pense que "synesthésie divergente" et "convergente" serait plus approprié.

Edouard : En fait, je ne pense pas du tout que le rapport 1/1 (j'appelle ainsi le fait qu'on (en tant que joueur) ait le sentiment d'être au plus proche du ressenti, de l'état d'esprit, de la perception etc. qu'aurait hypothétiquement le personnage) soit plus fort synesthésiquement parlant que la synesthésie "divergente" ou "paradoxale".

Je pense que la synesthésie se rapporte, chez le joueur, à deux dimensions :
- la motivation des choix
- la stimulation du ressenti

Dans un jeu comme Psychodrame, il arrive qu'un choix du joueur qui conduit son PJ au drame provoque à la fois une forte motivation dramaturgique et un fort stimulus émotionnel, alors que le joueur est en synesthésie divergente, puisqu'il effectue un choix qui produit du sens narrativement, mais qui se fait par détachement de ce dont le PJ devrait avoir envie.
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