Le jeu
Le 14 octobre j'avais l'occasion de jouer à Zombis devant ma porte! à une convention de jeu à Neuchâtel.
C'est un jeu de rôle publié en Finlande par Eero Tuovinen d'Arkkikivi qui permet à 3-6 joueurs de participer à la création d'une histoire à la manière des films d'horreurs avec zombis, tels que La nuit des morts-vivants de George Romero ou 28 semaines plus tard de Juan Carlos Fresnadillo.
Sa particularité, c'est qu'il se joue avec du matériel comme pour un jeu de société.
Voyez ce que j'ai fabriqué selon les recommandations d'Eero: un plateau et des bâtonnets pour la création de perso.
La partie
Nous étions 6 mecs, âgés de 12 à 24 ans. J'ai pris une demi heure pour expliquer les règles et le fonctionnement du plateau. Ils avaient tous relativement peu d'expérience en JdR, mais semblaient bien connaître les wargames.
Ca a démarré assez gentiment, car en l'absence de MJ, chaque joueur est "caméra-man" à tour de rôle et lance une idée de scène (avec son perso ou non). On a eu pas mal de scènes qui visaient à dépeindre à quel point le personnage était fort et puissant. Très peu de cadrage avec plusieurs personnages.
Donc, une des règles, c'est qu'à chaque fois qu'on a fait un tour complet, le marquer zombi avance d'une case, en direction des pions des joueurs, qui se trouvent à 5 cases de lui en début de partie.
Je rappelle l'importance des conflits entre PJ pour avoir l'occasion d'avancer sur le plateau, dans la plus pure tradition du film d'horreur:
"N'y vas pas c'est trop dangereux!"
"Si je n'y vais pas, il sera perdu, et je ne pourrai plus me regarder dans un miroir!"
"Non! S'il te plaît!"
"Si je le dois!"
"Je t'aime"
[S'ensuit une scène bien gore après que, dans le jeu, le vainqueur avance d'une case et le vaincu recule. Ca se résout par comparaison d'un d6 lancé par chacun, avec l'avancement du zombi en cas d'égalité, les pions restants immobiles.]
Pourtant, les joueurs se mettent généralement vite d'accord et évitent donc le conflit. Nous continuons à décrire nos personnages, parfois on croise un indice paranormal, mais ça reste soft (le zombi avance tranquillement).
Plus le zombi avance, plus on peut mettre en évidence la menace zombie dans la fiction. Au début on se contente de rumeurs, tout à la fin il y a destruction de l'humanité.
Bref, on fait deux-trois tours comme cela, c'est la bonne ambiance, les joueurs s'amusent comme des petits fous avec leurs droits de narrations.
Quand le marqueur zombi rattrape le pion d'un joueur, son perso meurt.
Les joueurs commencent à se rendre compte que tout bientôt, leurs persos vont mourir s'ils ne font rien. Et s'ils font quelque chose, pas tout le monde ne va s'en sortir.
La tension monte d'un cran et on s'intéresse de plus près à comment faire avancer son perso.
Des tensions entre PJ apparaissent, il y a des déchirements familiaux, des engueulades sur les meilleures tactiques de survie, des courses-poursuites à travers une ville de plus en plus submergée par les zombis, ça commence à chauffer.
Les premiers pions avancent et les premiers reculent.
La situation dans la ville est de plus en plus désespérée, les personnages se regroupent plus ou moins pour se replier dans des gorges faciles à défendre.
Et là c'est le drame. Plutôt que de mourir bêtement, un des plus jeunes joueurs décide de sacrifier son vieillard de perso pour faire gagner du temps au mien qui avait tenté de sauver (sans succès) sa vieille épouse que lui avait laissé pour morte.
Il raconte comment il court à toute allure en bas de la pente en direction du groupe de zombis, recule son pion d'une case et rejoint le marqueur zombi, avance le mien d'un pour le mettre hors de danger.
Son perso disparaît dans la marée zombie qui retarde son avance et mon jeune père de famille peut se mettre à l'abri avec sa femme et son enfant.
Désormais, le joueur sans persos peut jouer des personnages secondaires quand ce n'est pas son tour, et cadrer des scènes avec zombis quand c'est son tour! (Ainsi, le dé que chaque joueur a peut toujours servir, même si on a perdu son perso).
Un autre perso meurt, les zombis deviennent extrêmement violents et nous acculent.
S'ensuit une énorme scène de baston, un joueur fait une attaque suicide sur les zombis (il recule son pion dans le marqueur zombi et raconte une scène glorieuse), mon personnage s'échappe blessé emporté par le courant d'une rivière.
Un autre joueur dont le personnage est devenu zombi lui barre la route (je suis encore à quelques cases du marqueur zombi, je ne peux pas encore perdre mon perso).
Un combat très "manga", une branche d'arbre à travers le zombi, je recule d'une case mais mon perso continue sa fuite.
Les joueurs-zombis me soutiennent ou m'agressent, c'est selon leur affinité, mais la chance, après m'avoir donné de faux espoirs, se retourne complètement contre moi et une troupe de policiers zombis s'emparent de mon perso pour lui bouffer le cerveau (là j'ai passé ma narration de mort à un joueur dont j'aimais bien l'idée), sur fond de ville ruinée.
<div align="center">Fin</div>
Réflexions
Le plateau fut d'un grand secours pour la cadence de la partie. Régulièrement, les zombis devenaient plus fort, ce qui induisait un crescendo de tension à la tablée.
Ensuite, les mécanismes de conflits et de sacrifice permettaient de lier des scènes désespérées et grandioses à la progression sur le tableau, pour la plus grande satisfaction de tous les joueurs présents.
Je suis de plus en plus séduit par les composantes habituellement associées aux jeux de plateau. Ca permet de gérer un tas de facteurs de manière très simple tout en donnant un aspect "concret" à nos affabulations.
Tout cela en 4 heures, y compris explication des règles. Ca crève, mais c'est dense et très satisfaisant.