Cette partie a été jouée avec les règles 0.21 (pas online, quelques précisions en plus par rapport à la version 0.2, ce sera intégré dans la 0.3).
L'idée était de faire jouer un gang à l'époque d'Al Capone qui devait éliminer une bande qui avait fait un coup de pute à la famiglia (en gros, ils se sont barrés avec le butin d'un hold-up sans partager). Là où ça part dans le mythe c'est que la bande ennemie a recours à des rituels étranges pour réussir leurs coups.
Autant vous le dire tout de suite: pour l'instant, les règles sont abstraites et ne correspondent pas toujours à ce qui se passe en réalité. Ce que ça veut dire en français, c'est qu'il n'y a que moi qui suis en mesure de maîtriser ce jeu pour l'instant, parce que je n'ai pas été foutu de décrire ce que je fais quand je maîtrise. Il faut aussi deux-trois réglages pour les quantités de dés.
Mon but est de trouver un système pour guider la "folie" des personnages, en partie voulue par le joueur, en partie par les événements lancés par le MJ.
Les points principaux que je recherche sont:
- Une part active des joueurs dans la narration
- Une confusion réalité-imagination (dans le cadre de la fiction! ce jeu n'a pas l'ambition de Sens) progressivement plus forte
- Une contagion des idées amenées: idéalement le MJ plante une situation suffisamment évocatrice pour que les joueurs développent et reprennent les idées entre eux
Voici une série de scènes où cela a assez bien fonctionné:
L'idée principale de la situation mystérieuse c'était donc une bande de mafieux dissidents qui s'implantaient des insectes de Shaggaï dans le cerveaux (j'ai enlevé leur faculté à entrer à volonté dans la tête des gens, pas assez gore) afin de décupler leurs aptitudes et donc réussir plus de casses, devenir maîtres des marchés noirs, etc.
On arrive gentiment à la fin et les PJ ont déjà vu qq effets secondaires de ces tentatives d'implantation: têtes qui explosent, cadavres "suspects", etc. Ils savent qu'un certain nombre de gens de la bande ont une cicatrice plutôt récente au scalp, qui trahit l'insertion d'un insecte.
Jérôme décide de faire faire un rêve à son personnage: il se voit dormir sur une table, puis est saisi de convulsions, il se prend la tête entre les mains hurle... et sa tête explose, laissant s'échapper un insecte. Alberto se réveille en sueurs, mais ne raconte pas le rêve le lendemain.
Fabien a trois fois le nom de son perso écrit sur la liste du sort alors que la bande entre dans l'entrepôt où se tapissent les derniers dissidents. Je les trace et lui annonce qu'il doit faire un jet de dé pour repérer le tireur embusqué. Echec. Les règles (du moins comme je me les imagine) permettent de faire baisser la santé mentale pour espérer réussir une action après le lancer de dé. Fabien enchaîne donc avec une Hallucination-Monologue: Vito voit une cicatrice rouge sous les cheveux d'Alberto et commence à paniquer. Il regarde ses autres camarades, constate que eux aussi ont une marque et commence à les braquer les uns après les autres, les accuse d'être des traîtres, la tension monte dans l'équipe, et il faut un moment avant que tout le monde se calme.
Julien a donné quelques dés à Fabien pour sa prestation, il réussit à rattraper son échec et le transforme en réussite. Personne ne tire sur Vito.
Cet enchaînement de l'idée des marques au scalp que j'ai introduite via des PNJ, qui a été repris en rêve par Jérôme et puis en hallucination par Fabien est tout à fait représentatif de ce que j'essaie de stimuler avec ces règles.
Ceci dit, tout cela est encore un peu abstrait et il est très difficile d'exprimer dans la fiction ce que signifie la perte de la santé mentale à part via des cauchemars et des hallucinations parfois un peu loufoques.
Julien a raconté un épilogue très puissant dans cette optique avec son personnage féminin qui était mère d'une petite autiste virtuose du violon. On a eu une ou deux scènes très simples entre mère et fille en cours de partie. Cela a suffi pour donner une touche d'humanité à Tania. La fin en était que plus monstrueuse: les deux sont retrouvées quelques jours après l'éradication des mafieux-cultistes sur les rives du lac Michigan, la petite fille avec une cicatrice au scalp et les deux avec une balle dans la tête, le flingue encore dans la main crispée de la mère.
Ça risque d'inspirer une nouvelle règle ça, parce que ça rend la folie lovecraftienne beaucoup plus horrible et concrète. C'est bien beau de hurler comme des forcenés et de décrire des décors non-euclidéens un moment, mais c'est un peu creux.
Je vais encore réfléchir un peu à cela, mais vraisemblablement chaque personnage aura un élément qui l'ancre à la réalité (par exemple la fille de Tania, mais pourquoi pas aussi une passion pour la peinture, un bibelot avec une grande valeur sentimentale, etc.)
Au fur et à mesure que la santé mentale baisse, le joueur devra raconter comment la relation à cet ancrage est pervertie.
Ça devrait permettre des synergies intéressantes avec les monologues et les incursions du surnaturel: on va ancrer une crise de folie dans un personnage précis et humain. Pas juste illustrer une crise de folie via un pantin. Je ne sais pas si ça reste très lovecraftien (souvent l'ancrage à la réalité n'est rien d'autre qu'une foi aveugle en la Raison), mais ça peut permettre de mettre au goût du jour la structure des histoire de Lovecraft avec nos peurs actuelles. A l'époque de Lovecraft, ce n'était pas encore tant la mode que cela de remettre en question l'objectivité de la raison, alors que pour nous, c'est monnaie courante avec ces post-modernistes et autre illuminés! Ce qui nous travaille nous, n'est pas ce qui angoissait Lovecraft. Plutôt que de faire du pastiche creux, j'aimerais donc m'inspirer de la démarche de Lovecraft pour que chaque joueur puisse se l'approprier un peu plus personnellement.
Toute suggestion pour renforcer la dynamique que j'ai essayé de décrire ici est la bienvenue. N'hésitez pas à me poser des questions si ce n'est pas clair, ça me forcera à faire de l'ordre dans mon cerveaux.
Je posterai la version 0.3 des règles dans quelques temps dans ce sujet.