En principe, une partie simulationniste peut se passer de motivations morales.
Mais il peut tout à fait en intégrer, mais on percevra une différence nette avec le mode narrativiste : ce n'est pas le moteur de plaisir du jeu.
Dans Démiurges, par exemple, les PJ ont découvert un homuncule. Ils ont décidé de le protéger, sachant que c'était s'opposer aux lois de l'Agora (instance Démiurgique dominante). Le jugement moral en place, ainsi que pour les parties qui ont suivi et où des PNJ faisaient pression pour récupérer l'homuncule, était toujours rivé sur le positionnement politique des personnages qui lui-même ne faisait que définir leur positionnement dans ce monde démiurgique.
A aucun moment, un jugement de valeur de la part d'un joueur n'a influencé le jeu, autour de ce positionnement moral et surtout ce n'est pas cette mécanique de jugement qui produit le plaisir du jeu et/ou une mécanique de récompense centrale.
Autrement dit, les joueurs n'ont pas vraiment fait leurs choix à partir de leur jugement personnel, mais plutôt à partir de ce que leur personnage devrait faire comme choix pour rester conforme au canon. Ils ont leurs traits et une boussole politique sur leur fiche de perso qui leur donne des pistes valables pour cela qu'ils décident de suivre ou de transgresser pour explorer leur personnage.
C'était donc en réalité une séquence de jeu basée (en terme de plaisir et de prises de décisions) sur l'exploration du personnage via sa confrontation au monde.
Non, il ne s'agit jamais de mélanger ou d'articuler les modes GNS. Simplement, il est vrai que la différence entre les trois n'est pas aisée à percevoir, car nous parlons toujours de JDR en fin de compte.
L'exploration est présente dans toute partie de JDR, le simulationnisme, c'est la célébration de cette exploration.
Quand je narre les actes de mon personnage, je fais de l'exploration de personnage. Quand je décris un élément du décor, je fais de l'exploration d'univers, la rencontre du personnage et de l'univers forme la situation...
L'exploration est la fiction telle qu'elle se construit pour tous les joueurs via le langage pendant la partie.
Il arrive qu'au beau milieu d'une partie très simulationniste, vlan, le MJ plante une énigme. Si cette énigme demande d'explorer la fiction pour être résolue (faire des recherches à la bibliothèque, découvrir des éléments de la vie du personnage qui pourraient lui apporter une réponse etc.) alors on reste dans un mode sim. Si résoudre cette énigme devient un défi pour les joueurs où celui qui parvient à tirer son épingle du jeu en se montrant plus perspicace que les autres sera félicité par les autres à la table, alors il y a un glissement vers du ludisme. Ce glissement n'est pas recommandé, car généralement il produit une transgression de l'orientation du jeu.
La démarche créative se situe en amont de tout ce qui compose la partie de JDR, elle prend naissance dans le contrat social entre joueurs et doit être soutenue par tout ce qui est mis en place dans le jeu pour pouvoir exister.
Dans un autre thread, tu disais que tu trouvais le système d'enquêtes du Trail of Cthulhu inutile car tu donnais toujours les indices nécessaires à l'avancée de l'histoire pendant les enquêtes sans épreuve. Cela est pour moi une technique tout à fait logique pour soutenir un mode S ou N (
cf. le thread que j'ai ouvert à ce sujet).
Si tu n'as jamais joué à un jeu Forgien, je te conseille de tester, ça te permettra sans doute de cerner ce qu'est le narrativisme. Car pour ma part, je ne l'ai compris qu'après expérience.
Sinon, Psychodrame est un jeu qui soutient clairement une démarche narrativiste, donc si tu as l'occasion... (autrement, si Psychodrame ne t'intéresse pas, malheureusement, il n'y a pas beaucoup de jeu francophone ou traduit en français qui soutienne cette démarche de manière efficace, mais on peut dire pareil pour le simulationnisme, quand le ludisme est clairement soutenu par les deux dernières éditions de D&D).
[Edit : j'ai rajouté une explication importante au 4ème paragraphe ("autrement dit..."]